SOUTENANCE A CRETEIL UNIVERSITE PARIS EST CRETEIL FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ****************** ANNEE 2013 N° 1023 POUR LE DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale -----------Présenté(e) et soutenu(e) publiquement le : à : CRETEIL (PARIS EST CRETEIL) -----------Par Caroline Nitecki, épouse Touvet Né(e) le 20 octobre 1981 à Clamart ------------TITRE : La collaboration interprofessionnelle au sein du couple réseau de soins palliatifs-médecins généralistes DIRECTEUR DE THESE : M., MME, MELLE, Signature du Directeur de thèse LE CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE Cachet de la bibliothèque universitaire 2 Remerciements Tous mes sincères remerciements, Aux Pr Attali et Dr Nisenbaum sans qui se travail n’aurait pu se faire A Papa et Maman pour votre soutien, sans vous je ne serais pas là A François, mon meilleur ami, mon amour 3 Sommaire Remerciements………………………………………………………………………………………………………………….p.2 Sommaire…………………………………………………………………………………………………………………………..p.3 Abréviations……………………………………………………………………………………………………………………….p.5 1. Introduction…………………………………………………………………………………………………………………p.6 1.1. Revue de la collaboration interprofessionnelle dans la littérature………………………p.8 1.1.1. Définitions 1.1.1.1. La collaboration 1.1.1.2. La pratique en collaboration centrée sur le patient 1.1.1.3. La collaboration interprofessionnelle 1.1.2. Les différents niveaux de pratique de la collaboration 1.1.2.1. Vue d’ensemble 1.1.2.2. La pratique indépendante 1.1.2.3. Niveau 1 : Le travail en parallèle 1.1.2.4. Niveau 2 : Le travail par consultation/référence 1.1.2.5. Niveau 3 : La coordination des soins et des services 1.1.2.6. Niveau 4 : La pratique concertée 1.1.3. Le cadre de référence : le modèle de D’Amour 1.1.4. Les avantages à la collaboration interprofessionnelle 1.1.5. Les éléments influençant le développement et le maintien d’une collaboration entre professionnels (facteurs favorisants et obstacles) 1.1.5.1. Les facteurs interactionnels (micro) 1.1.5.2. Les facteurs organisationnels (méso) 1.2. Les médecins généralistes et les réseaux de soins palliatifs 1.3. La collaboration interprofessionnelle et les soins palliatifs 1.4. La collaboration interprofessionnelle et les médecins généralistes 2. Méthode 2.1. Stratégie et devis de recherche 2.2. Population à l’étude 2.3. Création du guide d’entretien 4 2.4. Analyse des données 3. Résultats 3.1. Population 3.2. Expériences antérieures à la création des réseaux 3.3. Les déterminants interactionnels 3.3.1. Le leadership 3.3.2. La confiance, le sentiment d’appartenance et la formulation d’objectifs communs 3.3.3. La reconnaissance de l’expertise 3.3.4. La compréhension claire des rôles 3.4. Les déterminants organisationnels 3.4.1. La communication : disponibilité ? 3.4.2. La coordination 3.4.3. La collaboration : frein et facteurs favorisants 3.5. Impact sur la qualité de la prise en charge du patient 4. Analyse et discussion 5. Conclusion 5 Abréviations CIP : Collaboration Inter Professionnelle FCRSS : Fondation Canadienne de la Recherche sur les Services de Santé RCPI : Réseau de Collaboration sur les Pratiques Interprofessionnelles en santé et services sociaux CPIS : Consortium Pancanadien pour l’Interprofessionnalisme en Santé OMS : Organisation Mondiale de la Santé 6 1. Introduction Un médecin généraliste tisse habituellement, au fils du temps, un réseau de contacts, composé de médecins spécialistes, paramédicaux etc. Pour un certain nombre de pathologies, il n’a pas besoin de côtoyer ces contacts, un courrier, un échange téléphonique peut suffire. Dans le domaine des soins palliatifs, non seulement les intervenants se multiplient, mais le niveau d’implication n’est pas de même nature. Chaque histoire est unique, chaque patient, chaque famille porte la maladie d’une façon qu’il leur est propre. La douleur, la perte d’autonomie, les mutilations du corps ici prennent une résonance particulière à chacun. En 2002, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) donne la définition suivante : « les soins palliatifs sont une démarche pluridisciplinaire dont le but est d’améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille confrontés à l’expérience de la maladie grave mettant en jeu le pronostic vital au moyen d’une prévention et du soulagement de la souffrance par une reconnaissance précoce, une évaluation rigoureuse et le traitement de la douleur et des autres problèmes qu’ils soient physiques, psychosociaux ou spirituels. Les soins palliatifs […] s’appliquent tôt dans le déroulement de la maladie en association avec les traitements curatifs […] » Pour appréhender la situation dans son ensemble, porter et supporter la charge émotionnelle, le médecin généraliste paraît bien isolé. De plus, les mentalités ont changé : dans ces situations une prise en charge uniquement de la maladie n’est ni appropriée ni envisageable. Le confort de vie, l’accompagnement sont passés au premier plan. A l’heure où on ne parle plus que de pratique centrée patient, de qualité de soin, le médecin généraliste peut-il faire face seul ? D’autant plus que les médecins généralistes manquent de temps et que la patientelle se multiplie de façon exponentielle au fil des départs à la retraite et du vieillissement de la population. Or le médecin généraliste hérite de sa propre histoire une pratique en complète autonomie. Il réalise avec le patient un binôme singulier. Travailler avec d’autres professionnels de santé et non plus en parallèle avec eux n’est pas inné. De nombreux paramètres entrent en jeux : 6 7 accepter un regard extérieur sur ses pratiques, accepter une perte de pouvoir, faire des compromis est parfois difficile pour le médecin généraliste. En 2006, l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) publiait un rapport évaluant les actions financées par les fonds publics alloués aux réseaux (Dotation Nationale de Développement des Réseaux). Il concluait que la mise en place de certains réseaux (cancer, diabète, gérontologie) avait a priori permis d’améliorer la prise en charge des patients sans cependant améliorer de façon tangible les relations interprofessionnelles (médecins généralistes, établissement de santé). Une des réponses à ce problème est proposée par les universités de santé canadiennes. Elles prônent et promeuvent le travail en collaboration entre tous les professionnels de santé. A l’étranger, la collaboration interprofessionnelle est un mouvement en plein essor. Les initiatives se multiplient notamment au Canada. En France, c’est une notion encore peu connue des acteurs de santé et totalement absente des cursus d’enseignement. Or, A l’heure où l’on souhaite sortir les patients des hôpitaux, où les réseaux se développent afin de prendre en charge des patients en des situations complexes, une pratique individuelle parait inadaptée, inappropriée, incohérente et inefficace. En soins palliatifs, il ne s’agit plus de traiter une maladie mais de prendre en charge un patient dans sa globalité et toute la complexité de sa situation. Ainsi les problématiques de santé très complexes posent un défi aux approches médicales traditionnelles. En plus d’une intervention auprès du patient dans le registre physique, ces problématiques de santé nécessitent souvent la mise en place d’un soutien psychologique et social, une valorisation accrue de l’éducation thérapeutique, des changements au niveau comportemental et des habitudes de vies (Engel et Gursky, 2003). La complexité des services à offrir et la satisfaction des besoins divers des patients ne peuvent être toutes « rencontrées » par une seule profession, d’où la nécessité d’une collaboration interprofessionnelle orientée vers le patient (Walsh, Gordon, Marshall, Wilson et Hunt, 2005). 7 8 1.1. Revue de la collaboration interprofessionnelle dans la littérature 1.1.1. Définitions 1.1.1.1. La collaboration Le terme « collaboration » vient du latin cum laborare signifiant travailler avec. La collaboration est l’une des différentes formes que les interactions entre individus sont susceptibles de prendre. Elle se réfère à l’idée de partage et suppose une action collective orientée vers un but commun (FIPCCP). Way et Jones (2000) définissent la collaboration comme « un processus interprofessionnel de communication et de prise de décisions qui permet aux connaissances et aux aptitudes distinctes et partagées des fournisseurs de soins de santé d’influencer de façon synergique les soins prodigués aux patients ». (Graham & Barter, 1999) indiquent qu’il serait nécessaire, afin de mieux comprendre le concept de la collaboration, de puiser dans une large panoplie de littérature liée à l’interdisciplinarité dans différents domaines tels que l’éducation, le management, la psychologie, la sociologie et le travail social. Ainsi la notion de collaboration est une notion complexe issue de théories organisationnelles et sociologiques. Canadian Interprofessional Health Collaborative (CIHC) présente la collaboration comme une pratique où les prestataires de santé œuvrent de concert avec d’autres membres de leur profession ou d’autres professions, avec leurs patients/clients ainsi qu’avec leur famille. La pratique en collaboration exige un climat de confiance et d’appréciation mutuelle de manière à ce que les prestataires de la santé puissent sentir qu’ils peuvent recourir les uns aux autres et poser des questions sans craindre qu’on porte sur eux un jugement négatif. 9 Lorsque les prestataires de la santé travaillent en collaboration, ils poursuivent des buts communs et peuvent analyser tout problème qui survient et y chercher des solutions. 1.1.1.2. La pratique en collaboration centrée sur le patient Les soins centrés sur le patient signifient que le patient (et le cas échéant, sa famille) est au centre des soins qui lui sont destinés. Ils incluent l’écoute du patient et de sa famille ainsi que leur participation comme membres de l’équipe soignante au niveau de la prise de décision. Lorsque le patient est au centre des soins, le système de santé sert ses besoins plutôt que ceux des fournisseurs de soins, de considérations fiscales ou de questions d’intendance. Ces soins exigent un équilibre entre le savoir et l’expertise du soignant au sein d’une équipe et le savoir personnel du patient ; ils assurent au patient d’être écouté, apprécié et invité à participer aux échanges et à la prise de décision concernant ses besoins (CIHC). 1.1.1.3. La collaboration interprofessionnelle Selon (MacIntosh et McCormaack 2001), le préfixe « inter » associé au terme « disciplinaire » et « professionnel » se réfère à un partenariat où les membres de différents domaines travaillent en collaboration vers l’atteinte d’un objectif commun, en synergie et non de manière parallèle et indépendante. Selon (D’Amour, Sicotte, & Lévy 1999), les membres d’une équipe interdisciplinaire « ouvrent les frontières de leur territoire » pour permettre une plus grande flexibilité dans le partage des responsabilités. Les termes « multidisciplinaire » et « interdisciplinaire » et « interprofessionnel » sont souvent utilisés de façon interchangeable. Cependant, selon la FIPCCP, leur signification diffère : La multidisciplinarité fait référence à des individus provenant de différents champs d’étude qui travaillent de façon indépendante vers l’atteinte d’un but commun (Oandasan et Reeves, 2005 ; Lindsay, Dumont, Bouchard et Auger, 1999). La 10 multidisciplinarité sous-tend une juxtaposition de professions variées et de compétences (D’Amour, Ferrada-Videla, Rodrigez et Beaulieu, 2005). L’interdisciplinarité implique également des individus issus de différents domaines, mais on observe un meilleur degré de collaboration entre les membres de l’équipe dans l’atteinte d’un objectif commun (Oandasan et Reeves, 2005 ; Lindsay et al, 1999). Elle est basée sur l’intégration des connaissances et de l’expertise de chaque professionnel, où des solutions à des problèmes complexes peuvent être proposées de façon flexible et ouverte (D’Amour et al. 2005). Le terme profession faisant référence à des connaissances spécialisées acquises pour la pratique dans le cadre d’une préparation académique (Oandasan et Reeves, 2005), la notion d’interprofessionnalité émerge comme la solution à un problème requérant une plus grande cohésion entre les différentes professions. Il ne s’agit pas de faire naître une nouvelle profession, mais plutôt que chaque profession puisse travailler en collaboration et de façon intégrée avec les autres (D’Amour et Oandasan, 2005). D’Amour (1997) définit la collaboration interprofessionnelle comme « faite d’un ensemble de relations et d’interactions qui permettent ou non à des professionnels de mettre en commun, de partager leurs connaissances, leur expertise, leur expérience, leurs habiletés, pour les mettre de façon concomitante au service des clients et pour le plus grand bien des clients ». Elle consiste aussi en «la structuration d’une action collective à travers le partage de l’information et de la prise de décision dans les processus cliniques. Elle résulte d’un processus d’interaction entre les acteurs, des acteurs avec la structure organisationnelle et ces deux éléments avec des structures englobantes. Cette définition, tout en mettant l’accent sur la collaboration comme processus, insiste aussi sur les acteurs, la formalisation des relations et les influences externes à l’aire du travail.» De façon concrète, dans le Référentiel national de compétences en matière d’interprofessionnalisme, le CIHC définit la collaboration interprofessionnelle comme « le processus de développement et de maintien de relations de travail interprofessionnelles avec des apprenants et des professionnels, des personnes/patients ou des clients, la famille 11 ou les proches et la communauté qui permettent l’atteinte de résultats optimaux en matière de santé et de service sociaux ». 1.1.2. Les différents niveaux de pratique de la collaboration 1.1.2.1. Vue d’ensemble La collaboration peut être perçue comme « un continuum sur lequel l’interaction varierait de la simple communication d’idées jusqu’à l’intégration mutuelle des concepts directeurs, de l’épistémologie, de la terminologie, de la méthodologie des procédures, des données et de l’organisation de la recherche et de l’enseignement s’y rapportant » (Fourez 2001). Cette notion de continuum se retrouve dans l’ensemble des définitions de la collaboration. Il existe plusieurs niveaux de collaboration dans le domaine de la santé se fondant sur cinq axes : le contexte, les objectifs de collaboration, l’interaction entre les individus, l’intégration des savoirs et les outils. Le Réseau de Collaboration sur les Pratiques Interprofessionnelles en Santé et Services Sociaux (RCPI) propose un schéma des pratiques de collaboration en santé et services sociaux (cf. Figure 1) comme outil de conceptualisation dans le domaine de la collaboration interprofessionnelle. 12 Figure 1 : schéma des pratiques de collaboration en santé et services sociaux Ce schéma se base entre autres sur un schéma du continuum des pratiques de collaboration de Careau, Brière et Houel (2009). Le niveau de collaboration va s’échelonner d’une pratique indépendante à la collaboration interprofessionnelle. Il sera influencé par trois considérations : la complexité des besoins de la personne : du simple au complexe, les aspects contextuels (situations cliniques) et la volonté d’amélioration de la qualité des soins. La collaboration interprofessionnelle varie selon la complexité des besoins de santé, le nombre et l’expertise des professionnels de santé qui travaillent pour répondre à ces besoins. De plus certaines considérations individuelles, organisationnelles et environnementales peuvent contraindre ou faciliter la collaboration. Le contexte d’une situation vécue interpelle une nécessité de collaboration plus ou moins intense entre les intervenants (Reeves et aL. 2010 ; Oandasan et al. 2005) : une situation simple ne nécessite pas systématiquement l’intervention de plusieurs interlocuteurs. Bien souvent, cependant, la prise en charge du patient dans sa globalité relève d’une situation psycho-socio-médicale et multiplie les interlocuteurs. Leur adaptabilité aux circonstances, au patient, à sa famille et aux autres intervenants gravitant autour du patient fera la base de la 13 collaboration. Les intervenants doivent être en mesure de « voyager » tout le long du continuum de la collaboration pour ajuster leurs pratiques de collaboration à la complexité de la situation vécue par la personne et ses proches (RCPI 2011). Les objectifs de collaboration influent sur la nécessité de collaboration. En effet lorsque l’objectif pour l’intervenant est une prise en charge simple de la personne, une pratique individuelle et indépendante sera suffisante. A contrario, lorsque plusieurs champs devront être articulés avec la participation de multiples intervenants (assistante sociale, kinésithérapeute, psychologue, médecin, infirmière, etc.), l’objectif sera une collaboration beaucoup plus intense. L’interaction entre les individus schématise l’interaction entre les champs d’expertise de chacun des intervenants. Les champs d’expertise se trouvent plus ou moins près et plus ou moins intégrés. Plus l’interaction est grande et plus les champs d’expertise sont rapprochés et intégrés, plus on constate d’interdépendance entre les individus (Oandasan et al. 2005, D’Amour et al. 2005). Cette interdépendance est alors observée à la fois dans les processus de prise de décision et dans le partage de la responsabilité (Petri, 2010) Les outils sont ici des exemples, non exhaustifs, illustrant le fait que plus la pratique de collaboration est intense, plus il est utile de mettre en place différents outils pour formaliser et structurer celle-ci. Le Consortium Pancanadien pour l’Interprofessionnalisme en Santé (CPIS) a proposé en 2010 un référentiel composé de six domaines de compétences dont l’application est interdépendante l’un de l’autre : les soins centrés sur la personne, ses proches et la communauté, la communication interpersonnelle, la clarification des rôles, le leadership collaboratif, le travail d’équipe et la résolution des conflits. 1.1.2.2. La pratique indépendante Lorsque la situation est très peu complexe on peut imaginer la présence d’un unique intervenant auprès de la personne et ses proches. La prise en charge est centrée sur le duo médecin-malade et le champ de compétences s’inscrit dans l’unidisciplinarité. 1.1.2.3. Niveau 1 de collaboration : le travail parallèle 14 Ce niveau peut être défini par une pratique indépendante, parallèle entre professionnels autonomes et travaillant ensemble. A ce niveau plusieurs intervenants entrent en interrelation dans le seul but de se renseigner sur ce que chacun met en œuvre pour intervenir auprès d’une même personne. Il n’y a pas ou peu d’interaction entre les individus. L’interdépendance est quasi-absente dans ce type de travail en parallèle et donc les savoir disciplinaires sont organisés en silo (FCRSS 2006). Il s’agit là de la situation fréquemment rencontrée en pratique courante entre médecins généralistes et spécialistes, entre la ville et l’hôpital. 1.1.2.4. Niveau 2 de collaboration : le travail par consultation/référence Ce niveau repose sur la connaissance et le recours à l’expertise des intervenants de disciplines différentes lorsque les limites de son propre champ de connaissances sont atteintes. Le but est d’améliorer les soins prodigués au patient, d’orienter sa démarche clinique, de clarifier une situation. Les interactions entre les individus demeurent faibles et épisodiques du fait qu’aucun engagement formel n’existe entre les intervenants. En effet, l’intervenant qui consulte décide lui-même de prendre en compte l’avis donné. A ce niveau, on considère que les savoirs disciplinaires demeurent parallèles mais qu’ils se juxtaposent de façon cohérente afin de répondre aux besoins de la personne (Choi, 2006). 1.1.2.5. Niveau 3 de collaboration : la coordination des soins et des services Cette pratique de collaboration est liée à un objectif de coordination afin d’organiser l’offre de soins et services tout en assurant la cohérence et la complémentarité des différentes interventions prévues. L’interaction entre les individus y est modérée et bidirectionnelle. Les champs d’expertise de chacun sont rapprochés et complémentaires, mais ils demeurent indépendants (les cercles se touchent, mais ne se chevauchent pas). Une certaine interdépendance est tout de même présente entre les individus puisque ceux-ci ont un engagement moral envers les décisions prises concernant l’offre de soins et services. Cette interdépendance reste cependant limitée puisque la coordination demeure une juxtaposition d’objectifs disciplinaires. 1.1.2.6. Niveau 4 de collaboration : la pratique concertée 15 Enfin, ce dernier niveau de collaboration implique une prise de décision partagée entre les différents intervenants. On se situe ici dans un contexte hautement complexe où pour répondre aux besoins du patient de façon optimale, les professionnels de soins doivent harmoniser leurs points de vue afin de développer une vision commune de la situation pour ensuite élaborer un plan d’action commun. Les interactions entre les intervenants sont de fait plus intenses et l’on constate un réel partage entre les champs disciplinaires de chacun. Cette situation amène une interdépendance élevée entre les individus puisque ceux-ci s’engagent de façon formelle dans l’établissement du plan d’action commun et, par conséquent, partagent de façon solidaire les responsabilités liées aux décisions d’équipe. 1.1.3. Le cadre de référence : le modèle de D’Amour Plusieurs approches théoriques ont été utilisées pour étudier la collaboration interprofessionnelle. Chacune de ses approches présente des avantages et des inconvénients et aucune ne peut, à elle seule, permettre une compréhension complète du concept. Les théories de D’Amour ont été validées par plusieurs auteurs. Le modèle de structuration de la collaboration interprofessionnelle décrit par D’Amour et al. (2004) est issu de la sociologie des organisations : les recherches effectuées par (D’Amour, 1997), (D’Amour et al., 1999) et (D’Amour, Goulet, Pineuault, Labadie, & Remondin, 2003) découlent de l’analyse stratégique de Crozier et Friedberg (1977) et de l’analyse organisationnelle de Friedberg (1993). Ce dernier conçoit l’organisation comme un système local d’actions résultant du jeu d’interstructuration d’un ensemble de règles (formalisation) et du monde des relations humaines (stratégie des intervenants). Dans ce modèle, D’Amour (1997) divise le processus de collaboration en quatre dimensions dont deux ont traits aux relations entre les individus et deux au contexte organisationnel qui influence l’action collective. Les quatre dimensions s’influencent mutuellement. Les dimensions relationnelles sont : 16 d’une part, « la finalisation » qui est l’existence d’objectifs communs et leur appropriation par les membres de l’équipe : la reconnaissance de l’existence de motifs divergents, d’allégeances multiples ; la diversité des définitions et des attentes liées à la collaboration, d’autre part, « l’intériorisation » qui est la prise de conscience des professionnels de leur interdépendance et de l’importance de gérer cette dernière. Ce qui se traduit par une connaissance mutuelle des valeurs et des cadres disciplinaires, par des rapports de confiance et par un consensus autour du partage de responsabilités. Les dimensions organisationnelles sont : d’une part, « la formalisation » qui présente l’ensemble des règles nécessaires pour réguler l’action par un renforcement des structures, d’autre part, « la gouvernance » et plus précisément la centralité, le leadership, l’expertise et la connectivité. Par ailleurs, il existe un modèle plus large intégrant la formation. Il s’agit du modèle de formation interprofessionnelle pour une pratique en collaboration centrée sur le patient proposé par le Comité national d’experts pour la formation interprofessionnelle (abréviation ?). Ce modèle a été élaboré suite à une recension extensive d’études spécialisées et d’analyses environnementales (Santé Canada, 2004 ; D’Amour et al., 2004). Ce cadre met en évidence l’interdépendance entre la formation interprofessionnelle reçue par les étudiants et la pratique en collaboration. Il met en évidence les facteurs micro (d’interaction), méso (organisationnel) et macro (systémiques). Ceux-ci affectent d’une part, les opportunités d’apprentissage des professionnels de santé à devenir des praticiens collaborateurs compétents et d’autre part, qui affectent les résultats de santé découlant de la pratique en collaboration. L’apprenant et le patient sont au cœur de ce modèle. En ce qui concerne la pratique en collaboration, la complexité des tâches à accomplir a une incidence sur la composition de l’équipe interprofessionnelle. Les résultats qui découlent de la collaboration sont l’amélioration des résultats de santé du patient, la satisfaction et le bienêtre des patients, et les avantages pour l’organisation et le système de santé en général (D'Amour & Oandasan, 2004b) ; (Jones et al., 2004). 17 Figure 2 : La formation interprofessionnelle pour une pratique en collaboration centrée sur le patient ; D’Amour et Oandasan, 2004 Le modèle de formation interprofessionnelle pour une pratique en collaboration centrée sur le patient (D’Amour & Oandasan (2004) est à rapprocher du modèle proposé par l’OMS dans son rapport de 2010, « Framework for Action on interprofessional Education and collaborative practice » (« apprendre avec les autres, à propos des autres et les uns des autres ») : 18 Figure 3 : Système d'éducation et de santé proposé par l'OMS L’Organisation Mondiale de la Santé et ses partenaires reconnaissent qu’il y a suffisamment de données scientifiques pour affirmer que la formation interprofessionnelle permet une pratique en collaboration efficace qui renforce le système de santé et améliore les résultats en matière de santé. 1.1.4. Les avantages de la collaboration interprofessionnelle Il a été montré qu’améliorer le travail en équipe et en collaboration permettait une meilleure efficacité dans divers aspects du système de santé ainsi qu’une meilleure qualité des soins prodigués et une meilleure sécurité du patient. Il permet de solutionner les problèmes liés au manque du personnel, au stress et au surmenage chez les professionnels de santé. Des études démontrent que le travail en équipe peut significativement réduire la charge de travail, procurer une grande satisfaction au travail, favoriser la loyauté, augmenter la satisfaction chez les patients et réduire leur morbidité. Selon le rapport de l’OMS « Framework for Action on interprofessional Education and collaborative practice », que ce soit en soins aigus ou primaires, les patients rapportent un plus haut niveau de satisfaction, de meilleures acceptabilité et amélioration des soins lorsqu’ils sont pris en charge par des équipes collaboratives. Les avantages de la pratique en collaboration interprofessionnelle se situent tant au niveau des patients que des pourvoyeurs de soins (Makarem, 1995). 19 On peut ainsi citer que la pratique en collaboration peut améliorer : L’accession et la coordination des services de santé L’utilisation appropriée des ressources des spécialistes Les résultats médicaux de patients avec des maladies chroniques Les soins aux patients et sa sécurité Elle permet aussi de diminuer : Les complications du patient La durée de séjour à l’hôpital Les tensions et les conflits entre les soignants Les admissions à l’hôpital Le taux d’erreurs cliniques Le taux de mortalité Dans le domaine de la santé mentale, la pratique en collaboration peut : Augmenter la satisfaction des patients et des travailleurs sociaux Promouvoir une meilleure acceptabilité du traitement Réduire la durée du traitement Réduire les coûts des soins Réduire l’incidence des suicides des patients Malgré le flou qui réside autour de la définition et les difficultés de la réalisation de la collaboration, ce concept est recherché comme un moyen d’amélioration des relations au travail et des résultats de santé des patients. Il est postulé que les équipes qui collaborent seront plus aptes entre autres « à composer avec la complexité des soins et à coordonner et répondre aux besoins de la population » (IOM, 2001) . « On attend des résultats positifs pour les patients, les professionnels, les organisations et les systèmes de santé » (Sullivan, 1998). 20 L’impact d’une collaboration plus étroite entre les professionnels de la santé se situe à quatre niveaux : les patients, les professionnels, l’organisation et le système (D’Amour et Oandasan, 2005). Les résultats escomptés de la collaboration interprofessionnelle se situent le plus souvent au niveau clinique et sont énoncés en termes de qualité des soins et d’efficacité du traitement. Ainsi plusieurs auteurs indiquent que la collaboration a permis de modifier les attitudes négatives et les perceptions, de remédier à des problèmes de confiance et de communication entre professionnels, de renforcer les compétences collaboratives, de faire face aux problèmes qui dépassent les capacités d’une seule profession, de promouvoir la satisfaction au travail et de diminuer le stress des intervenants. Elle permet par ailleurs d’encourager l’esprit d’équipe, d’identifier et de valoriser les rôles respectifs tout en favorisant le changement dans la pratique et les professions et de créer un environnement de travail plus flexible. Les professionnels profitent donc, eux aussi, de la pratique en collaboration interprofessionnelle. Leur satisfaction et bien-être personnels semblent être affectés positivement tout comme le taux de turn-over (D'Amour et al., 2005). Les organisations de santé bénéficient aussi de la collaboration interprofessionnelle puisque les professionnels de santé travaillent de manière plus efficiente en raison d’une réduction de la duplication dans la dispensation des services et une plus grande latitude de créativité (F. Wacheux, 2007). Pour le système de santé, il est rapporté une augmentation de la capacité à répondre aux besoins et une diminution des coûts. 1.1.5. Les éléments influençant le développement et le maintien d’une collaboration entre professionnels (facteurs favorisants et obstacles) La pratique en collaboration interprofessionnelle est influencée par des éléments externes à l’organisation (facteurs macrostructurels), des éléments propres à l’organisation (facteurs mésostructurels) et des éléments propres aux relations interpersonnelles entre les membres de l’équipe (facteurs microstructurels). Ceci en fait un concept complexe. Ces déterminants peuvent être définis comme des éléments clés du développement et du renforcement de la collaboration au sein des équipes. Ils peuvent aussi expliquer, en partie, la difficulté à promouvoir la pratique en collaboration interprofessionnelle (F. Wachaux, 2007). 21 La collaboration reste difficile à réaliser parce qu’elle représente des changements radicaux et implique des coût de transaction et des risques très élevés ainsi qu’un investissement en temps, énergie et attention en raison des différentes perspectives mises en avant par les disciplines (Lindeke & Block, 1998) 1.1.5.1. Les facteurs interactionnels (micro) Les patients, au centre de la collaboration, constituent la principale raison à la base de l’interdépendance des professionnels. Les patients sont à la fois des membres actifs de l’équipe et les bénéficiaires des soins de l’équipe. La position privilégiée au sein de l’équipe dépend de leur volonté et habilité à participer dans la planification et la dispensation des soins (F. Wacheux , 2007). Mais cela ne suffit pas. Les déterminants interactionnels, ou micro-facteurs, sont liés aux relations interpersonnelles entre les membres de l’équipe. Plusieurs facteurs affectent le niveau de collaboration au sein d’une équipe tels que le sens de l’engagement envers les autres et la volonté d’œuvrer ensemble. La prise de conscience de l’existence de ces éléments contribue à créer une confiance mutuelle parmi les professionnels de la santé. Les recherches montrent l’existence d’éléments interdépendants essentiels qui favorisent le processus de collaboration parmi lesquels la coopération et l’attitude face à la résolution de conflits, la communication, la confiance en soi, la confiance envers les collègues, l’autonomie, le respect mutuel et le sentiment d’une responsabilité partagée. Le Consortium Pancanadien pour l’Interprofessionnalisme en Santé (CIPS) dans son référentiel national de compétences en matière d’interprofessionnalisme propose une approche pour décrire les compétentes nécessaires à une collaboration interprofessionnelle efficace. Six domaines de compétences font ressortir le savoir, les habiletés, les attitudes et les valeurs qui contribuent à forger l’esprit critique indispensable à la pratique dans un contexte de collaboration interprofessionnelle : 22 Communication interprofessionnelle : les intervenants de professions différentes communiquent entre eux de manière responsable et dans un esprit de collaboration et d’ouverture. Les habiletés de communication d’un professionnel jouent un rôle important dans le développement d’une collaboration entre les membres de l’équipe (Martin-Rodrigez et al. 2005 ; Santé Canada, 2004) Soins centrés sur la personne, ses proches et la communauté : lorsqu’ils planifient et dispensent des soins et services requis, les intervenants recherchent, intègrent et valorisent la contribution et la participation de la personne, de ses proches et de la communauté en tant que partenaire Clarification des rôles : les intervenants comprennent leur propre rôle et celui des autres professionnels et mettent ce savoir à profit pour définir et atteindre les objectifs du patient, de ses proches et de la communauté Travail d’équipe : pour une collaboration interprofessionnelle efficace, les intervenants comprennent les principes régissant la dynamique d’une équipe de travail et les processus de groupe Leadership collaboratif : les intervenants collaborent avec tous les participants (y compris les patients et leurs proches) à la formulation, la mise en œuvre et l’évaluation des soins et des services visant à améliorer la santé Résolution de conflits interprofessionnels : les intervenants s’engagent activement dans la gestion efficace des conflits interprofessionnels et y font participer les patients et leurs proches 23 Figure 4 : Référentiel de compétence de CPIS Dans d’autres travaux, des notions supplémentaires interviennent : Intérêt pour la collaboration : Manque de temps Eloignement géographique Multiplicité des intervenants Notion d’autonomie des médecins généralistes, le leadership Ouverture : la collaboration est un acte volontaire. Les professionnels se doivent donc d’être ouverts à ce type de pratique. La volonté à collaborer dépend de l’éducation professionnelle, des expériences antécédentes similaires et de la maturité de l’individu (Henneman et al., 1995) Confiance (la confiance en soi, la confiance envers les collègues) : la confiance dépend des compétences (habiletés et connaissances) et de l’expérience des professionnels en place. Les intervenants doivent se connaître personnellement et professionnellement. Respect mutuel : le respect mutuel implique la reconnaissance de la complémentarité des contributions des autres professionnels dans l’équipe et leur interdépendance (Martin-Rodrigez et al. 2005 ; Santé Canada, 2004) 24 Sentiment d’une responsabilité partagé 1.1.5.2. Les facteurs organisationnels (méso) Les déterminants organisationnels sont liés à l’organisation proprement dite. La collaboration nécessite un cadre organisationnel favorable à ce type de pratique (MartinRodrigez et al. 2005 ; Santé Canada, 2004) qui dépend du milieu de travail : Structure organisationnelle : la structure organisationnelle influence le développement de la pratique collaborative au sein d’une équipe. Le succès de la collaboration dépend du passage d’une structure pyramidale à une structure plus horizontale. Selon (Henneman et al., 1995), la structure organisationnelle devrait privilégier davantage une structure plate, décentralisée, par opposition à une structure plus traditionnelle et hiérarchique qui ne facilite pas la mise en place d’une prise de décision partagée et d’une communication ouverte Philosophie de l’organisation : la philosophie doit soutenir la pratique collaborative entre les professionnels, et promouvoir des valeurs comme la participation, la loyauté, la liberté d’expression et l’interdépendance (Martin-Rodrigez et al. 2005 ; Santé Canada, 2004 ; Berg-Weger et Schneider, 1998) Soutien administratif : les gestionnaires des établissements doivent transmettre une vision de la pratique interprofessionnelle, motiver les professionnels à adhérer à une telle pratique et être en mesure de créer un cadre de travail propice Ressources de l’équipe : (Mariono, 1989) présente comme l’une des conditions d’une collaboration réussie et solide, la disponibilité d’un temps suffisant pour partager l’information, développer des relations interprofessionnelles et adresser des éléments liés au concept d’équipe. Le fait de partager un espace et travailler à proximité de ses collègues favorise la collaboration et la gestion de conflits tout en réduisant la territorialité entre les professions Coordination et mécanismes de communication : la pratique collaborative est facilitée par l’accès à des normes, des politiques d’établissement, un protocole de travail interdisciplinaire et une documentation standardisée et unique, et par la mise 25 en place de rencontres formelles entre tous les professionnels de l’équipe (MartinRodrigez et al. 2005 ; Santé Canada, 2004). Figure 5 : exemple de mécanismes qui influencent la collaboration 1.1.5.3. Les déterminants systémiques (facteurs macrostructuraux) Figure 6 : Exemple des influences macro qui affectent la collaboration et la formation interprofessionnelle 26 Les déterminants macrostructuraux ou systémiques sont des facteurs externes à l’organisation, comme les composantes du système social, culturel, éducationnel et professionnel. Composantes du système social : certains facteurs sociaux sont la source des différences de pouvoir entre les professionnels d’une équipe, et ces facteurs auraient un impact sur la façon dont la pratique de collaboration se développe. L’égalité entre les professionnels est un des éléments de base de la pratique collaborative. Cette dernière peut être entravée par des différences de pouvoir basée sur les stéréotypes de genre et les disparités de statuts sociaux entre les professionnels (Martin-Rodrigez et al. 2005 ; Santé Canada, 2004) Composantes du système culturel : certaines valeurs culturelles peuvent nuire à la collaboration. Par exemple, une forte culture axée sur l’autonomie tendra vers l’individualisme et la spécialisation plutôt que vers la pratique de collaboration (Martin-Rodrigez et al. 2005; Santé Canada, 2004) Composantes du système professionnel : le système professionnel exerce une grande influence sur le développement des pratiques collaboratives. La professionnalisation tend vers la différenciation entre les professionnels et l’établissement de frontières entre les professions. À l’opposé, la pratique collaborative, tout en respectant la contribution propre à chacun, dépend de la reconnaissance des professionnels, de leur interdépendance les uns envers les autres et l’acceptation d’une zone grise entre les professions (Martin-Rodrigez et al. 2005 ; Santé Canada, 2004) Composantes du système éducationnel : le système éducationnel est le principal déterminant d’une pratique axée sur la collaboration interprofessionnelle. Une éducation interdisciplinaire s’avère nécessaire afin de favoriser la reconnaissance, par les étudiants, des valeurs et responsabilités des autres professions (MartinRodrigez et al. 2005 ; Santé Canada, 2004). Ainsi on comprend que les obstacles vont de la dilution de l’identité professionnelle aux différences d’horaires et de routines professionnelles. A cela s’ajoute les différences historiques et culturelles, les rivalités interprofessionnelles et intraprofessionnelles, les 27 différences de langages et de jargon et des niveaux variés de préparation, qualification et statuts (Baldwin, 1996). Dans les écrits, la collaboration interprofessionnelle qui couvre les concepts de partenariat/équipe et autres notions, est un concept difficile à instaurer. Il se réfère outre les changements structurels et organisationnels, à la construction durable de valeurs que sous-tend cette notion. Les valeurs requises permettent de favoriser l'implantation d'une politique de santé répondant aux critères de qualité, de globalité, de continuité, d'efficience, d'accessibilité, etc. (D’Amour, 2002; Gagnon et Grenier, 2004; Lamarche et al, 2003). Les soins basés sur l’interprofessionnalisme nécessitent un réajustement des traditionnels jeux de pouvoir au sein du système de santé (Opie, 1998). La collaboration est beaucoup plus « une façon de travailler, de s’organiser et de fonctionner de manière à mettre les ressources soignantes au service de la prestation des services de santé en toute efficience et efficacité et au mieux des intérêts des patients ou des clients servis » (Jones & Way, 2004). 1.2. La collaboration interprofessionnelle et les soins palliatifs Malgré le développement des réseaux de soins palliatifs, il a peu été porté attention à la nature et au fonctionnement du travail d’équipe au sein de ces réseaux. Leur regroupement de professionnels y est vertical, c’est-à-dire : comprenant médecins, personnel paramédicaux, sociaux et administratifs. Les études montrent que dans le domaine des soins palliatifs, le travail en équipe interdisciplinaire améliore le temps passé à domicile par le patient, la satisfaction du patient et de son entourage, le contrôle des symptômes, la réduction des durées d’hospitalisation, la diminution des coûts, le respect de la décision du patient quant à sa fin de vie (Hearn and Higginson, 1998). De plus, l’approche pluridisciplinaire des soins permet une meilleure compréhension du patient et permet aux membres de l’équipe d’améliorer leurs compétences et leurs connaissances au travers des interactions avec d’autres disciplines (Abramson & Mizrahi, 1996). Des études sur la collaboration montrent que partager l’histoire psychosociale du patient aide à renforcer les liens entre membres de l’équipe (Wittenberg-Lyles, 2005). Discuter de la situation des patients en fin de vie, ensemble, en détail et en personne, améliore non seulement la compréhension de leur condition de vie 28 mais renforce aussi les relations entre membres d’une équipe (Mahmood-Yousuf, 2008). L’utilisation d’outils de communication au cours de réunions de concertation influence des facteurs tels que l’identité de l’équipe, l’identité professionnelle et la prise de décisions collégiales (Aber, 2008). 1.3. Les médecins généralistes et les réseaux de soins palliatifs Les soins palliatifs modernes sont issus de l’héritage des hospices, un mouvement initié en Angleterre. La première équipe de soins palliatifs a été créée en 1974 à Londres au sein d’un hôpital de médecine aigue. En France et en Belgique, les premières équipes mobiles intrahospitalières sont créées en 1989 et en 1991 apparaissent les premiers réseaux ville-hôpital pour la prise en charge des patients atteints du SIDA. Depuis, le système de soin français évolue vers un développement des réseaux de santé, institutionnalisés, financés et encadrés juridiquement par L’Etat dont les champs d’action se sont fortement diversifiés : toxicomanie, santé-précarité, alcool, hépatite C, soins palliatifs, diabète, périnatalité, cancérologie etc. En 1999, l’ANAES définie ainsi les réseaux de santé : « une forme organisée d’action collective apportée par des professionnels en réponse à un besoin de santé des individus et/ou de la population, à un moment donné, sur un territoire donné… La coopération des acteurs dans un réseau est volontaire et se fonde sur la définition commune d’objectifs… L’activité d’un réseau de santé comprend non seulement la prise en charge de personnes malades ou susceptibles de l’être mais aussi des activités de prévention collective et d’éducation pour la santé ». Notre système de santé est confronté en matière d’organisation de l’offre de soins à diverses difficultés : comportements individualistes ou hégémoniques, cloisonnements entres professionnels de santé, entre ville et hôpital, entre prise en charge médicale et médico-sociale, entre soins et prévention… (IGAS, 2006). D’autres paramètres entrent dans l’équation telle que le changement démographique à venir, le développement de maladies chroniques et des progrès technologiques. Depuis les Ordonnances du 24 juillet 1996, les professionnels de santé sont encouragés à constituer des réseaux de santé afin « d’assurer une meilleur organisation du système de santé et d’améliorer l’orientation du patient ». 29 Les réseaux institutionnels, véritable spécificité française, ont été mis en place avec des objectifs précis : décloisonner le système de santé, replacer le patient au cœur du système, améliorer la coordination du travail des acteurs de santé, uniformiser les savoirs, contrôler les pratiques, revaloriser les professionnels. L’objectif affiché des réseaux de soins palliatifs est l’accompagnement des patients en fin de vie, comprenant deux enjeux majeurs : la capacité à délivrer des soins antidouleur au bon moment et l’organisation optimale des allers retours entre le domicile et l’hôpital. Il existe encore une très grande diversité d’organisation et d’objectifs des réseaux allant de la formation à la coordination, ou encore l’élaboration de protocoles. Un partenariat ou une approche par équipe de soins palliatifs est en routine accepté comme la norme. C'est une caractéristique inhérente de la définition de l'OMS. Dans le rapport de 2006 de l’Inspection Générale des affaires Sociales (IGAS), les auteurs s’interrogent sur l’efficacité réelle des réseaux de soins palliatifs du fait de leurs difficultés à coordonner l’intervention d’acteurs libéraux et pose comme prérequis au succès des réseaux un engagement individuel des professionnels. Alors qu’actuellement le nombre de professionnels impliqués reste très faible, c’est pourtant à eux d’êtres les plus convaincus de l’intérêt des réseaux car ils en sont les principaux artisans. Les auteurs préconisent d’inciter les professionnels à s’engager par la rémunération des réunions de coordination ou d’autres actions mises en œuvre au sein du réseau, par une aide à l’installation des professionnels dans le cadre des actions de regroupement, par la mise en place d’un intéressement aux résultats du réseau et en prenant en compte la participation à un réseau dans le cadre des obligations de formation et d’évaluation des pratiques professionnelles. Selon médecins généralistes, dans les différentes études sur ce sujet, les réseaux restent cependant encore nébuleux, de conceptualisation floue ; ils ont des difficultés à en percevoir l’apport réel pour leur pratique. Les arguments avancés par les médecins généralistes pour ne pas adhérer à un réseau de soins formels : - La lourdeur administrative, la dérive bureaucratique - Le manque de souplesse - Le manque de temps - Le risque de dérive financière et les accusations de concurrence déloyale 30 - Le détournement de patients vers l’hôpital, le réseau se transformant en filière, les problèmes de reconnaissance généralistes/hospitaliers - Les enjeux de « gloire personnelle » et de lutte de pouvoir - L’inutilité de formaliser une pratique qui correspond déjà au mode de fonctionnement des médecins - Le risque d’un contrôle et d’une perte d’autonomie avec la peur de devoir rendre des comptes et de perdre le statut de libéral, de ne plus être maître de ses décisions Cela d’autant que les réseaux de santé entrent en concurrence avec les réseaux informels qui se sont édifiés progressivement et qui fonctionnent avec un faible investissement personnel. Par ailleurs la multitude d’offres et le défaut d’harmonisation entre réseaux contribuent à un sentiment d’opacité. Dans une thèse sur l’implication des médecins généralistes dans les réseaux de soins , bien que ceux-ci exprimait une opinion majoritairement favorable, les trois-quarts d’entre-deux n’envisageaient pas d’adhésion future à un réseau (Corvaisier, 2008). En pratique, dans les réseaux formels, le mode de relation professionnelle dominant est la collaboration basée sur des échanges, des réunions, des protocoles communs. Cette forme de travail collectif n’est pas selon les médecins généralistes adaptée car trop chronophage, représentant un investissement de temps et personnel considérable ; et cela serait à répéter avec chaque réseau, pour chaque pathologie. Cependant lorsqu’il s’agit de pathologies transversales, bien précises, nécessitant une prise en charge complexe, tels que le sida, la toxicomanie ou les soins palliatifs alors les réseaux de soins formels paraissent adaptés. Dans le cas des soins palliatifs, d’autres difficultés plus spécifiques viennent s’ajouter à celles précédemment citées. Une étude canadienne menée en 1999 met en avant le manque de connaissances cliniques, l'organisation de la pratique pour les suivis à domicile et le support émotionnel à fournir au patient et à sa famille. Des travaux français ont montré entre autres : un retard à la signalisation des patients en fin de vie aux réseaux, un manque de formation dans ce domaine précis ou le refus de prendre en charge ses patients à domicile. Une étude a montré que si les médecins généralistes sont favorables au concept de services spécialisés dans les soins palliatifs, ils ne semblent pas à l'aise quand il s'agit d'y adresser des 31 patients. Ils expriment une répugnance à référer les patients aux services spécialisés de soins palliatifs parce qu'ils ont l'impression de délivrer de bon soins eux-mêmes (Walshe, 2008). 1.4. La collaboration interprofessionnelle et les médecins généralistes Alors que le modèle hospitalier repose sur un travail de groupe, des décisions concertées, une hiérarchie encore très pyramidale, le modèle libéral est basé traditionnellement sur un fonctionnement en autonomie. Cependant, on note que les jeunes médecins présentent un attrait croissant pour un exercice plus collectif et pluri-professionnel. En France, depuis plus d’une vingtaine d’année, on observe une augmentation constante du nombre de médecins exerçant en groupe passant d’un peu moins de 30% au début des années 80 à un peu plus de 40% en 2003 (Audric S., 2004). Cela reste en deçà de la proportion retrouvée dans la plupart des pays européens. En 2003, un rapport de l’inspection générale des finances recommandait la mise en place de dispositifs incitatifs à l’installation en groupe afin de développer un exercice médical multidisciplinaire. Une spécificité française est l’intégration horizontale (regroupement de médecins de même spécialité) et faiblement verticale des cabinets de groupes : ils se composent principalement de médecins et n’intègrent qu’exceptionnellement des professionnels paramédicaux. Le principal attrait de ces regroupements semble être actuellement d’avoir des conditions de travail plus confortables pour les médecins. L’on a pu observer dans une étude comparative européenne, que la France et l’Angleterre préférait un mode de communication par écrit (courrier, compte rendu d’hospitalisation) à la différence de de l’Italie et la Belgique qui optaient d’avantage pour le contact direct (Letourmi, et al. 1999). Le rapport de l’IGAS, de 2006, déjà précédemment cité préconise lui aussi un regroupement des professionnels de santé de plusieurs disciplines et/ou de professions médicales et paramédicales, associé à « des actions de formation, de coordination de prise en charge, de suivi du parcours des patients, d’éducation sanitaire et thérapeutiques des malades, de diffusion et d’application de protocoles sur des pathologies chroniques, d’évaluation des pratiques,… ». Cela serait une possible réponse « à la multiplication des réseaux par pathologie en créant une structure intermédiaire qui faciliterait l’adhésion des professionnels à des réseaux divers ». 32 Les travaux réalisés sur les équipes pluridisciplinaires montrent qu’il existe un manque de compréhension des rôles professionnels des membres de l’équipe spécialement chez les médecins (généralistes) (Martins et al., 2008) et beaucoup de médecins pensent qu’ils peuvent modifier les plans de soins développés par l’équipe (Leipzig et al., 2002). 1.5. Le réseau Arc-En-Ciel et les médecins généralistes travaillant avec lui Le Réseau Arc-En-Ciel existe depuis janvier 2002 en Seine-Saint-Denis, département d’environ 800 000 habitants. Ses membres interviennent dans un territoire couvrant le nordouest du département de la Seine Saint Denis. Figure 7 : zone d'intervention du réseau Arc-En-Ciel Il a pour objectif principal d’améliorer la prise en charge médico-psychosociale des patients ayant une maladie grave, dans une perspective de maintien à domicile s’il est possible, et d’optimisation du parcours et de la qualité des soins. Pour atteindre cet objectif, le réseau développe, entre autre, les actions suivantes : - Apporter aux professionnels de santé, aux familles et aux patients l’expertise médicopsychosociale et le soutien de l’équipe salariée du réseau - Participer à la coordination des soins pour favoriser la continuité de la prise en charge du patient - Favoriser la mise en place de règles de bonnes pratiques 33 - Former les professionnels de santé à la pratique des soins de support et des soins palliatifs - Décloisonner la ville et l’hôpital en développant les relations entre les différents professionnels de santé hospitaliers et libéraux - Favoriser la transversalité entre les différentes disciplines (soins palliatifs, gérontologie et cancérologie) en développant le partenariat entre praticiens, établissements et réseaux - Participer au sein des instances à la réflexion sur l’offre de soins palliatifs au niveau local et régional Le principe de non substitution est appliqué, c’est-à-dire que chaque patient garde son médecin généraliste et celui-ci reste le médecin référent et prescripteur. Tous les patients inclus dans le réseau bénéficient d’une permanence téléphonique des soins 24h/24 et 7j/7. Le réseau travaille avec 42% des médecins généralistes et avec 72% des infirmiers libéraux du secteur. Ces professionnels ont pu être impliqués dans plusieurs suivis de patients. Une étude rétrospective réalisée par le réseau a montré les différentes modalités d’implication des médecins généralistes : - Prise en charge d’un patient : 84%, et un tiers de ces médecins s’est chargé d’au moins deux patients inclus - Signature de la charte du réseau : 51%. Les médecins signataires sont ceux qui ont eu le plus de patients inclus, qui participent le plus aux réunions de concertation, qui participent le plus aux formations, qui reçoivent le plus de conseils médicaux et qui signalent le plus de patients. - Conseil médical : 34% - Signalement d’un nouveau patient : 15% - Réunion de concertation : 10% - Rémunérations spécifiques : 12% - Adhésion à l’association : 6% - Formation : 2,5% 34 Le travail présenté dans ce manuscrit est né de la rencontre avec la directrice du réseau de soins palliatifs Arc-En-Ciel et du souhait initial de connaître la satisfaction des médecins généralistes travaillant avec ce réseau. Au-delà du simple constat des difficultés rencontrées au cours de la prise en charge des patients, ce projet s’est centré sur l’étude du travail en collaboration de ce couple singulier que forment les réseaux de soins palliatifs et les médecins généralistes. Du fait de la situation originale des réseaux français, qui n’existent pas au Canada, peu de travaux sur le sujet de la collaboration interprofessionnelle ont jusqu’à présent été extrapolés au système de santé français. On peut ainsi s’interroger sur l’existence d’écarts entre le modèle théorique sur la collaboration interprofessionnelle proposé par D’Amour et la réalité du terrain. 35 2. Méthode 2.1. Stratégie et devis de recherche Ce travail vise à décrire le degré de collaboration au sein du couple réseau soins palliatifs et médecins généralistes. Il s’agit d’une étude de cas que l’on peut définir comme « une enquête empirique qui étudie un phénomène contemporain dans son contexte de vie réelle, où les limites entre le phénomène et le contexte ne sont pas nettement évidentes, et dans laquelle des sources d’informations multiples sont utilisées » (Yin, 1984). Elle est qualitative et rétrospective. 2.2. Population à l’étude La population étudiée comprend les médecins généralistes travaillant avec le réseau Arc En Ciel en 2012. Ils travaillent essentiellement dans la zone nord du département de SeineSaint-Denis, dans différentes villes telles que Stains, Saint-Denis. L’échantillon est de type non probabiliste, il n’a pas été fait de tirage au sort. Des entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès de médecins généralistes travaillant avec le Réseau Arc En Ciel. Le critère de choix parmi les médecins a été le plus grand nombre possible de patients inclus dans le réseau, dans la mesure du possible. Une vingtaine de médecins a été sélectionnée dans la base de données du réseau et dix ont été rencontrés en fonction de leur disponibilité à répondre aux entretiens. Cela a été fait sur la base du volontariat et les médecins n'ont pas été rémunérés. 2.3. Création du guide d’entretien Le guide d’entretien a été créé sur la base de critères validés comme étant à la base de la collaboration interprofessionnelle telle que l’a définie D’Amour dans ces travaux et le CIHC. Selon D’Amour (1997), les deux principaux déterminants interactionnels de la collaboration interprofessionnelle seraient la cohésion du groupe et la confiance entre les membres du 36 groupe. D’Amour et al. (1999) notent que la communication interpersonnelle au sein d’un groupe est vue par certains comme la base de toute forme de coopération et de fonctionnement en équipe. Par ailleurs, les fonctions de leadership semblent également jouer un rôle-clé pour faciliter le travail en équipe (Garner, 1994; Outhwaite, 2003). Ainsi, les indicateurs théoriques retenus sont : le leadership, la confiance, la reconnaissance de l’expertise, la compréhension claire des rôles, la communication, la coordination, la formulation d’objectifs communs et la collaboration. Ils seront maintenus ou modifiés en fonction de l’analyse des entretiens. Ce guide comportait des questions principales, ouvertes, axées sur les principes mentionnés ci-dessus : Pourriez-vous vous présenter ? Comment faisiez- vous pour vous occuper de vos patients en fin de vie avant la création des réseaux ? Travailliez-vous avec plusieurs réseaux thématiques ou non thématiques ? Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler avec les réseaux en général ? Avec le réseau Arc En Ciel en particulier ? La prise en charge des patients en fin de vie à t'elle était modifiée par votre travail avec le réseau Quelle est votre vision des soins palliatifs ? Comment se passe en pratique votre travail avec le réseau ? Pouvez-vous me donner des exemples du travail que vous faites avec les membres réseau à partir de situations concrètes ? Quels sont vos relations avec le réseau ? Quels sont vos moyens de communications avec le réseau ? Quels sont les éléments, facteurs, aspects qui à votre avis favorisent le travail avec le réseau? Quels sont les éléments, facteurs, aspects qui à votre avis et à contrario ce qui nuisent à votre prise en charge des patients en fin de vie ? Avez-vous des problèmes avec le réseau ? Quelles sont à votre avis les sources des problèmes avec le réseau ? Pourriez-vous dire que parfois il pourrait s’agir de conflits 37 Que vous apporte le travail avec d’autres professionnels de santé (infirmière, assistante sociale,…)? Quelle est votre conception de la collaboration interprofessionnelle ? Avez-vous des propositions concrètes pour améliorer ce travail et cette collaboration Si vous le pouviez quelles modifications importantes souhaiteriez-vous changer dans le travail entre vous et réseau de soins palliatif ? Pensez-vous qu’il faille être formé au travail en collaboration et si oui, à quelle stade de vos études ? Voulez-vous ajouter autre chose ? Ces questions principales étaient soutenues pas des questions de relance, le guide d’entretien complet est présenté en annexe 2. Les entretiens ont été réalisés durant les mois de janvier à mars 2012. Ils ont duré entre vingt minutes et une heure. Le choix de questionnaires ouvert a permis aux personnes interrogées de s’exprimer librement tout en s’assurant d’avoir des informations sur les catégories identifiées. Les entretiens ont tous été enregistrés et retranscrits par l’enquêteur lui-même. Une vérification systématique a été faite sur l’ensemble des retranscriptions. Des données factuelles concernant le réseau et les MG ont été obtenues au travers du bilan d’activité 2011 du réseau. Le choix de réaliser des entretiens semi-directif est justifié par la littérature. Les entretiens permettent, en effet, d’obtenir de l’information sur des questions complexes exigeant des réponses élaborées (Contandriopoulos et al. 2005). Selon (Sharf & Vanderford, 2003), les récits des membres d’une équipe interdisciplinaire révèlent des histoires de leur expérience de travail avec et sans les autres membres de l’équipe et qui éclairent notre compréhension de ce processus de soins. Les histoires d’équipes interdisciplinaires demandent un changement de l’approche biomédicale pour un modèle biospychosocial qui inclut une compréhension culturelle, politique et historique du travail en équipe (Geist et Gates, 1996). Une autre façon d’arriver à une modification des pratiques est d’examiner les discours, les histoires des professionnels de santé et la façon dont ils construisent leur identité professionnelle au sein d’une équipe interprofessionnelle (Aber, 2007 ; Li, 2004, 2005). 38 La revue de la littérature a été faite à l’aide des moteurs de recherche Pub Med et Google Scholar. Les termes de recherche étaient : interprofession*, collaboration*, patient-centred collaborative care, palliative care teams, general practioners, primary care. Les références bibliographiques des articles retenus ont été passées en revue afin de sélectionner d’autres articles reliés. 2.4. Recueil et analyse des données Les entretiens ont été enregistrés et retranscrits par écrit dans leur intégralité. Les documents ont été classés et identifiés afin de pouvoir les retrouver facilement tout en préservant l’anonymat des participants. Il a été utilisé une grille d’analyse constituée à partir des catégories identifiées dans la littérature ne fermant pas la porte à de nouvelles catégories émergentes et permettant une reproductibilité à distance dans le temps. 39 3. Résultats Afin de comprendre les facteurs facilitant et freinant le développement de la collaboration interprofessionnelle au sein du couple médecins généralistes/réseaux de soins palliatifs, cette étude compare les données recueillies au cours des entretiens au cadre d’analyse théorique. Elle a pour objectif de montrer les mécanismes qui influencent le travail en collaboration et la façon dont il se traduit dans les pratiques. Dix médecins généralistes ont été rencontrés en entretien pour la collecte de données. Il s’agit dans ce chapitre de présenter les résultats obtenus. Après avoir brièvement présenté les médecins interviewés, sans reprendre la présentation du réseau de soins palliatifs Arc En Ciel réalisée précédemment, les éléments nécessaires au développement de la collaboration interprofessionnelles servant de référant seront repris un à un. 3.1. Population Les dix médecins généralistes rencontrés exercent dans le département de la Seine-SaintDenis (93), à Aubervilliers, Saint Denis, Drancy et Stains. Il s’agit d’un département où le nombre de médecins, omnipraticiens et spécialistes confondus, est en recul depuis 2002. 79% des médecins généralistes y ont plus de 50 ans et les moins de 45 ans ne représentent que 12% de l’ensemble. Leur type d’exercice est presque exclusivement libéral, un médecin interviewé travaillant en complément de son cabinet dans une maison de retraite et un autre étant aussi membre du réseau Arc En Ciel en tant que médecin coordinateur à mi-temps. Un des médecins travaille avec le réseau Ville-Hôpital 93 Centre et deux avec le réseau Equip’âge. Le service d’accompagnement pour les maladies chroniques de l’assurance maladie (Sophia) est régulièrement cité mais unanimement décrié. Certain ont fait une ou deux formations auprès du réseau mais cela reste marginal, la raison avancée étant toujours le manque de temps : 40 « J’aurais dû faire des formations mais ce n’était pas possible, je n’avais pas le moindre temps pour le faire, avec ma clientèle à côté, la maison de retraite, les visites à domicile » « Non, je n’ai pas fait de formation, c’est pour ça que l’aide du réseau m’est, en ce qui me concerne, extrêmement précieuse » Quantifier le nombre de patients en fin de vie pris en charge par an est impossible, cela étant très variable dans le temps. Par rapport à l’ensemble de leur clientèle, il s’agit d’une part infime. Les médecins interviewés avaient en moyenne eu 6,9 (de 5 à 13) patients pris en charge en commun avec le réseau. Selon les données du réseau, en 2007, pour 395 patients inclus, 237 médecins généralistes étaient impliqués ; un tiers de ces médecins a eu au moins deux patients inclus dans le réseau, allant jusqu’à huit dans l’année pour certain. 3.2. Expériences antérieures à la création des réseaux Chaque expérience personnelle de travail des médecins généralistes avec d’autres professionnels de santé influence leur approche du travail en collaboration. Les médecins interviewés avaient tous travaillés avec des infirmières et des kinésithérapeutes. Le travail en ambulatoire avec d’autres professions telles que les psychologues, les ergothérapeutes ou les nutritionnistes étaient plus exceptionnelles. Chacun avait un réseau informel plus ou moins développé d’infirmières. Les médecins interviewés estiment de façon unanime que la prise en charge des patients en fin de vie était plus difficile, plus compliquée pour eux avant la création des réseaux. De ce fait la prise en charge en fin de ces patients s’est moins faite à domicile. Ces malades étaient généralement perdus de vue, pris en charge par les spécialistes et le plus souvent hospitalisés. « Je ne le faisais pas avant, pas du tout, j’ai commencé avec le réseau Arc-EnCiel » « Je pense qu’ils étaient plus vite hospitalisés » 41 Lorsque le patient restait malgré tout à domicile, l’investissement en temps et en énergie était très important pour le médecin et les conditions de prise en charge du patient, du soulagement de ses symptômes n’était pas toujours satisfaisante. « J’avais un réseau informel mais ça n’était pas suffisant et c’était beaucoup moins structuré que le réseau de type Arc En Ciel, moins efficace » « Je me déplaçais la nuit, le week-end, le dimanche et ma femme en souffrait beaucoup. Je travaillais avec un réseau qui m’était propre, d’amis et de relations professionnelles, des choses comme ça » Ainsi, avant la création des réseaux, les sentiments prédominants des médecins généralistes face aux patients en fin de vie étaient ceux de solitude et d’insatisfaction quant à leur prise en charge de leurs patients. L’arrivée des réseaux leur a permis de ne plus être isolés face à des situations psychologiquement difficiles : la souffrance, la peur des patients, l’angoisse et la détresse de leur famille. Et leur propre souffrance liée à la perte de patients qu’ils suivent depuis de nombreuses années. « Ca m’apporte de ne pas être seul » « Je m’occupais pour une part tout seul [des patient en fin de vie] pour l’autre part avec des confrères anesthésistes ou d’autres confrères en leur demandant des conseils. Enfin c’était plutôt médiocre comme rendement, je parle du confort du patient, du soulagement de la douleur. Et je n’étais pas satisfait» « Sur le plan psychologie, […], l’accompagnement s’est moins bien fait, la personne est décédée de façon moins, comment dire, moins sereine… et moins calme » « Il y a eu cette femme qui a souffert, souffert, souffert, qu’on a jamais pu calmer même avec de la morphine. Alors est-ce que le réseau aurait permis de faire mieux ? Je pense que oui. » Ils expriment aussi les difficultés à affronter seuls des demandes de patients ou de familles, à se confronter à des décisions ou des prescriptions délicates à faire car pouvant être à la frontière avec la question de l’euthanasie. 42 « J’ai été appelé chez un patient en fin de vie, rempli d’œdèmes, chez qui on avait prescrit de l’Hypnovel. Son fils, présent à ses côtés voulait, que je lui fasse, en pleine nuit, cette injection potentiellement létale ; ça semblait être une situation « à la Zola ». » « Une femme jeune qui avait un cancer du sein. J’avais appelé l’hôpital car elle souffrait. Ils m’avaient dit : mettez une perfusion avec tel et tel produits. Au bout de quelques jours elle allait mieux mais je me suis rendu compte de ce que j’avais prescrit ; ça m’a marqué… C’était vraiment très, très lourd» « J’avais augmenté son traitement par Rivotril et la patiente est décédée 48h après. Ça m’a un peu turlupiné, mon copain anesthésiste me dit que non, avec des posologies pareil c’est complètement improbable. Mais je reste convaincu que cette famille-là pense que c’est moi qui est accéléré les choses, j’en mettrais ma tête à couper. » Le premier contact avec le réseau Arc-En-Ciel semble se faire de façon fortuite, via l’hôpital. « Par hasard avec une de mes patientes qui s’est trouvée intégrée dans le réseau Arc En Ciel par le biais du pôle gérontologique d’Aubervilliers » « C’est un patient qui avait une tumeur ORL, je ne savais pas quoi faire… donc je les ai appelés et on s’était retrouvé chez le patient pour la prise en charge. » « C’est souvent l’hôpital » « Très honnêtement, par hasard, c’est l’hôpital. Son médecin ne voulait pas se déplacer ; ils m’ont demandé si je voulais bien y aller et j’ai accepté » 3.3. Les déterminants interactionnels 3.3.1. Le leadership 43 La notion de leadership n’apparait pas directement dans les entretiens. Il n’y a pas de hiérarchie directe entre les médecins ou infirmières du réseau et les médecins généralistes, ni dans un sens ni dans l’autre. L’autonomie et l’indépendance sont des valeurs auxquelles les médecins généralistes restent attachés. Cependant au fil des témoignages, transparait une « valeur » s’approchant très près de la notion du leadership. Il en ressort que les médecins du réseau et notamment la directrice du réseau ont su imprimer leur marque sur le travail en collaboration au travers du premier contact avec les médecins généralistes. Chaque fois, il semble que l’impression est fortement positive, incitant à la poursuite de la collaboration et influençant toute la suite des prises en charge. « Un premier très bon contact avec le Dr N., ça a peut être facilité les choses » « Et puis il y avait aussi le Dr N. que j’ai rencontré un jour chez un patient et j’avais trouvé la personne très bien ; j’aime bien Arc En Ciel, voilà. » « J’ai pris contact avec le Dr N., le contact est immédiatement passé, vraiment sympathique, très intelligente et maintenant je travaille beaucoup avec elle. » Par la suite, lors de la prise en charge des patients, le leadership médical se veut partagé entre les médecins du réseau et les médecins traitants. 3.3.2. La confiance, le sentiment d’appartenance et la formulation d’objectifs communs Les professionnels doivent développer des facteurs interactionnels : le partage des objectifs, d’une vision ainsi que le développement du sentiment d’appartenance entre eux (D’Amour et Oandasan, 2005). Force est de constater que les médecins généralistes n’ont pas développé de sentiment d’appartenance au réseau, ils en restent des éléments extérieurs, indépendants. La confiance se crée au fils du temps, fondée sur l’expérience commune, des prises en charges considérées comme bénéfiques pour les patients et le retour positif que ceux-ci en font. Les médecins interviewés font tous confiance au réseau, si ce n’était pas le cas ils ne travailleraient pas avec ses membres. 44 Ils n’expriment pas l’existence d’objectifs communs. En dehors du suivi des patients, il n’y a pas de projet commun, d’enjeux d’équipe tels que la rédaction de protocole. Il n’y a donc pas de vision partagée formalisée. « Oui, j’ai une vision commune dans la mesure où si j’appelle lorsque je suis un peu dépassé sur une situation et qu’ils me disent : il faut que tu fasses ça, alors je le fais. J’adhère à leur vision après, une fois que j’ai vu que ça fonctionnait » « La confiance c’est le secret de travailler avec le généraliste, lui dire que c’est un mec bien » « Il faut se voir, se faire confiance » 3.3.3. La reconnaissance de l’expertise Les médecins généralistes reconnaissent parfaitement les médecins du réseau en tant qu’experts dans leurs domaines. Ils ont confiance dans leurs connaissances, dans leurs compétences et dans les conseils qu’ils prodiguent. « Ça m’a aidé à me positionner : il y a des gestes techniques que je ne maitrisais pas. Les collègues d’Arc En Ciel m’ont aidé sur des plans très simples, enfin très compliqués pour moi : jusqu’où perfuser, jusqu’où alimenter, des ajustements par rapport à la douleur, l’oxygène. » « On a notre mot à dire, néanmoins je dis aux gens qui ont dix fois plus l’habitude ou dix fois plus de compétences que c’est vous qui avez le dernier mot » « On peut avoir une question médicale, moi je n’hésite pas, j’appelle et j’ai toujours une réponse, et des fois ne pas rester bloqué dans l’incertitude avec un problème permet de débloquer une situation et d’arranger les choses. » « J’ai fait intervenir Arc En Ciel pour des histoires de douleurs, que je n’arrivais pas à maitriser. Et c’est un médecin qui est venu me voir à plusieurs reprises. C’était très bien » Les médecins généralistes se sentent écoutés et soutenus dans leur prise en charge. Les décisions sont partagées. 45 « Nous [les médecins généralistes], on fait tout absolument tout mais on le fait mal et pas à fond. On a besoin de quelqu’un qui nous dise en face : là où tu t’es engagé c’est bien, là il faut que tu fasse plus et mieux et je vais t’aider à le faire » « [Mon expertise est] complètement [reconnue], c’est toujours un dialogue. Ils n’imposent pas leurs décisions et je me sens libre de ne pas suivre leurs directives » Les médecins généralistes reconnaissent la compétence des infirmières et leur relation semble être basée sur l’égalité des champs de compétence. Ils sont conscients du rôle qui leur est propre, et qui leur est indispensable. Ils constatent que si le diagnostic et le traitement reviennent aux médecins, les rôles d’accompagnement des patients au quotidien et de détection précoce de l’aggravation du patient reviennent à l’infirmière. Ce chevauchement des rôles n’est pas source de tension. « L’infirmière dans un domaine bien particulier a dix ou vingt fois plus d’expérience ; il faut écouter, faut pas avoir d’a priori ni se dire que ce n’est pas une infirmière qui va m’apprendre mon métier » « J’ai souvenir d’une infirmière qui m’a appris à me servir de l’oromorph, c’était très bien » « C’est une autre expertise, c’est vraiment un regard autre. Je pense que les infirmières sont vraiment au lit du patient, dans une intimité qu’elles peuvent nous renvoyer, nous réadresser et qu’on n’a pas toujours. C’est vraiment très complémentaire». « Ce sont les infirmières qui sont en première ligne : il a maigri, il a été agité, il mange plus, l’escarre va mieux, il va moins bien. » Il reste encore cependant certains a priori à franchir concernant les frontières entre professionnels de santés. Certains médecins préfèrent échanger avec d’autres médecins. « Les choses ne se passent pas aussi bien quand ça n’est pas un médecin qui me reçoit ou qui vient chez moi » « Je préfère avoir un médecin comme interlocuteur » 46 3.3.4. La compréhension claire des rôles La reconnaissance de l’expertise de chacun découle d’une reconnaissance claire des rôles de chacun. Le travail en collaboration avec un réseau se heurte parfois à la difficulté de connaitre la place de chacun dans la prise en charge du patient, aux bornes moins marquées qu’habituellement entre les professionnels de santé. Les intervenants peuvent être nombreux : médecin traitant, médecin coordonnateur et infirmière référente du réseau, aides-soignants et infirmières prodiguant les soins aux patients, kinésithérapeute, psychologue, diététicienne, spécialiste, etc. Il est donc important que chacun connaisse son rôle et celui des autres intervenants. « Le réseau dit bien qu’il ne se substitue pas au médecin, que le médecin prescripteur et référent, c’est le médecin traitant. » « La diététicienne qui a été très utile dans un cas et l’ergothérapeute aussi. Ça me fait des connaissances, ça m’a donné des idées. J’ai même utilisé l’ergothérapeute pour une autre patiente qui n’a pas du tout de problème de cancer mais qui est très handicapée » « Les infirmières sont vachement bien formées à ça, elles ont souvent des idées que je n’ai pas, très complémentaires, et moi je ne suis pas dans la position du médecin qui sait tout et c’est souvent un dialogue. Je ne pars pas du principe que j’ai la science infuse, je ne l’ai pas. » « C’est une équipe d’infirmières qui sont excellentes… On s’écoute : elles voient le patient plus souvent que moi. Des fois c’est plus dur d’obtenir cette complémentarité avec les médecins qu’avec les paramédicaux » Les médecins généralistes ne semblent pas avoir de sentiment de perte de pouvoir lors de l’intervention du réseau à domicile. Le plus souvent ils restent entièrement impliqués dans la prise en charge du patient. Quand ce n’est pas le cas, c’est plus de leur fait, trouvant un avantage à être moins présents, à « passer la main ». « Je ne délègue pas, je reste très impliqué » 47 « Les patients sont très content d’être pris en charge par le réseau. Ce n’est pas quelque chose qui me manque ce genre de responsabilité, surtout quand on travaille sans filet au domicile du patient ». « En toute honnêteté, j’ai plus l’impression de me dégager du suivi et de la responsabilité du suivi de ces patient. Mais ça ne me gêne absolument pas et mes patients me paraissent très satisfaits au contraire » 3.4. Les déterminants organisationnels 3.4.1. La communication : disponibilité ? Le réseau a mis en place, comme outils de communication, un site internet et une lettre trimestrielle, ainsi qu’une permanence téléphonique. De plus depuis 2007, une série de protocoles organisationnels autour de la prise en charge du patient a été finalisée. Contrairement à ce qu’on retrouve dans les équipes interprofessionnelles hospitalières, il n’y a pas de lieux planifiés d’échanges, les rencontres formelles sont rares. Les problèmes sont réglés au jour le jour, selon le patient, le médecin, l’infirmière et les conditions du jour. Les communications au sujet des patients se font par téléphone et parfois par le dossier commun. Ce dernier reste encore méconnu et sous utilisé. Les technologies de l’information (mails, site internet) sont très peu utilisées, les intervenants interrogés préfèrent les contacts directs. Les ressources informatiques, à ce jour, n’ont pas atteint le potentiel attendu. En effet, lorsqu’une infirmière voit un patient qui présente un problème, ou si des ajustements doivent être faits dans la médication, au mieux les intervenants se téléphonent, sinon l’information peut être notée dans le cahier commun lorsqu’il est utilisé. Il ressort que les rencontres personnelles sont difficiles. Les médecins généralistes ont peu de temps pour se déplacer au réseau, pour participer à des réunions ou des formations. Ils vont prendre le temps d’introduire les membres du réseau auprès des patients, participant à la première rencontre, mais c’est, pour ainsi dire, le seul contact direct. Les échanges lors de la suite de la prise en charge se font par téléphone. 48 Malgré tout, du fait d’une grande disponibilité des membres du réseau, les médecins interviewés sont satisfaits du partage d’information et la communication et l’impact sur le travail en collaboration est globalement positif. « Relation excellentes. Communication téléphonique et je les rencontre lors des réunions de mise en place chez le patient. Il y a aussi la lettre trimestrielle » « J’aime toujours faire cette visite d’évaluation en étant présent, parce que je rentre chez la personne avec le réseau. » « Ils me contactent quand y a un problème, c’est souvent eux qui m’appellent ou laissent un mot dans le dossier » « Il y a trois jours par semaine ou je fais des visites à domiciles. Si on me dit à ce moment-là, on se retrouve à telle heure chez tel patient, alors oui je fais l’effort » Les médecins généralistes insistent sur la nécessité d’une bonne disponibilité des membres du réseau à répondre à leur demande. Ils ont besoin de réponses rapides lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés avec un patient. « Depuis peu j’ai un peu de mal parce que je téléphone et on me dit : ah ben on n’a pas le temps, faudrait qu’on voit comment on pourrait faire… Y a des soins palliatifs que je ne peux pas programmer huit jours à l’avance ! » « Ce que je regrette, ils ont surement beaucoup de demande, beaucoup de travail mais je constate une disponibilité qui est en train de s’effilocher » « Soit le médecin, soit l’infirmière qui est d’astreinte, je ne sais pas trop comment ça fonctionne. S’ils ne sont pas disponibles, ils rappellent. » Le dossier commun est un des rares éléments formalisés mais il peine à trouver sa place entre les différents intervenants, certains médecins ne connaissant même pas son existence. Il n’existe que peu de documents écrits relatifs à la promotion de la collaboration entre professionnels de santé ; la lettre trimestrielle tout comme le dossier commun ne semble pas connu par tous. 49 3.4.2. La coordination Dans sa charte, le réseau s’engage à assurer la coordination des différents intervenants nécessaires au maintien à domicile du patient. Il a pour autres tâches de vérifier la disponibilité à domicile des traitements, des soins et des matériels médicaux prescrits à l’hôpital. Le réseau délivre au patient un cahier de liaison utilisé par tous les intervenants. Les membres du réseau assurent une permanence et une continuité des soins, y compris dans les situations d’urgence en lien avec les structures hospitalières adhérentes au réseau. Le réseau a aussi pour rôle de proposer des formations aux professionnels de santé et d’assurer le soutien psychologique des soignants dans le cadre de la prévention de l’épuisement professionnel. Le réseau, selon les médecins interviewés, remplit son rôle de lien entre la ville et l’hôpital. Il permet de simplifier les démarches pour faire hospitaliser les patients lorsque leur état le nécessite. Pour les médecins généralistes c’est un gain de temps et pour le patient une optimisation de sa prise en charge, évitant des passages pénibles par les services des urgences et soulageant les familles lorsque la situation devient trop difficile. « J’en attend une complémentarité, notamment avec les spécialistes. Le réseau va beaucoup plus facilement faire le lien, car on ne connait pas toujours les spécialistes » « A plusieurs reprises, ils m’ont aidé à trouver un point de chute pour des fins de vie, lorsque le patient souffre trop, lorsque la famille ne peux plus gérer la situation. » « Une visite chez un patient, c’est pour moi jamais moins d’une heure. Quand en plus, il y a des démarches administratives, qu’il faut contacter l’hôpital, essayer de récupérer les comptes rendus d’hospitalisation… Quand le réseau s’occupe de ça, c’est énorme. On peut se concentrer sur le plan médical ou pas complétement médical, c’est d’autant de temps gagné pour nous. » « Quand les infirmières, même deux passages par jours ça ne devient pas assez… c’est là que je les appelle, pour des passages plus fréquents pour le patient et l’entourage » 50 3.4.3. La collaboration : frein et facteurs favorisants La collaboration des médecins généralistes avec le réseau se fait en pratique au travers de diverses valeurs, indépendantes les unes des autres et variables d’un médecin généraliste à l’autre telles que la prise en charge d’un patient en commun, les conseils médicaux ainsi que l’aide à la prescription mais aussi le signalement d’un nouveau patient, la participation aux réunions de concertation, la signature de la charte du réseau, la participation aux formations organisées par le réseau ou encore l’adhésion à l’association. Selon une étude réalisée par le réseau en 2008, 41% des médecins prenant en charge un patient en commun ont bénéficiés de conseils médicaux. La charte du réseau est adressée systématiquement à tous les médecins et est signée par 41% d’entre eux. Il est à noter que les médecins signataires collaborent de façon plus intense avec le réseau : ils ont plus de patients inclus, participent plus aux réunions de concertation et aux formations, reçoivent plus de conseils médicaux et signalent plus de patients. Sur les dix médecins interviewés, un est membre du conseil d’administration du réseau, un est médecin coordonnateur à mi-temps au sein du réseau et un autre l’a été pendant quelques années mais n’exerce plus cette activité. Neuf médecins sur les dix restent impliqués dans la prise en charge commune du patient. Les neuf médecins sur dix ont signé la charte du réseau, ce qui nettement plus que la moyenne, comme nous l’avons précisé précédemment. « Je sais qu’il y a des médecins qui ne participent pas du tout, qui avaient du mal à prescrire. Je ne suis pas comme ça : mes patients, c’est mes patients. Quand vous êtes impliqués pendant vingt ans avec quelqu’un ça n’est pas à la fin de vie que j’ai envie d’être mise de côté » « C’est de pouvoir échanger… de pouvoir se réunir après une prise en charge pour savoir ce qui s’est bien passé, comment on aurait pu optimiser la prise en charge ». « La collaboration des infirmiers du réseau avec les médecins généralistes est vraiment quelque chose de très enrichissant » Les médecins interviewés sont de ceux qui travaillent le plus souvent avec le réseau. Ils expriment peu de malentendus ou de problèmes. Pour eux, il n’y a pas de sources de 51 conflits, seule une mauvaise connaissance du fonctionnement du réseau peut freiner le travail en collaboration : « Parfois il y a des médecins qui travaillent avec le réseau qu’on entend dire : il y a beaucoup de paperasserie à faire, ce qui est faux, il n’y a rien à faire. Ou alors : pourquoi ne prescrivez-vous pas ? Vous allez au domicile vous n’avez qu’à prescrire. Non, non, c’est vous le médecin traitant, le réseau vient en tant qu’expertise. » Quand on les interroge sur les facteurs favorisant le travail en collaboration avec les membres du réseau se font les facteurs interpersonnels qui prédominent : « Ce qui favorise [le travail en collaboration]ce sont les atomes crochus qu’on peut avoir, que j’ai ou je n’ai pas avec la personne que j’ai en face de moi » « Bon il faut évidemment que ça soit compétent en face de moi, moi je ne suis pas compétent en tout. Quand j’envoie à une certain diabétologue c’est parce que j’aime bien ce gars-là, qu’il travaille bien et qu’il a une expertise, le cardio c’est pareil, le neuro aussi…» « En ce qui me concerne : l’accueil courtois, la disponibilité, la réactivité, la gentillesse, la délicatesse de ces gens » 3.5. Impact sur la qualité de la prise en charge du patient Une pratique de collaboration doit être centrée sur le patient. Elle a pour objectif d’accroître les résultats de soins en particulier pour le patient et sa famille en améliorant la qualité des soins prodigués et en augmentant leur satisfaction vis-à-vis de ces soins. Cela permet aux professionnels de « travailler en équipe » avec le patient. Un modèle centré sur le patient identifie sept dimensions afin d’orienter l’action des professionnels : respecter les valeurs, les préférences et les besoins du patient, assurer la continuité, coordonner et intégrer les soins, combler les besoins d’information, de communication et d’éducation, assurer un soutien émotif et impliquer la famille (Lambert et al. 1997). Les médecins généralistes interviewés sont tous convaincu de l’apport bénéfique qu’est l’intervention du réseau pour les patients : 52 « [L’intervention du réseau est] Très bien perçue. Je leur explique quel est leur rôle, je leur explique que ça ne fait pas doublon ni avec moi ni avec l’hôpital, que c’est une structure d’aide et qu’évidement c’est gratuit » « Le patient se sent bien entouré, la famille en général est très satisfaite » « J’ai eu une patiente âgée vivant avec sa fille très proche d’elle. J’étais embarrassée par rapport à des troubles du transit. Ils [le réseau] sont venus, ils ont dédramatisé. La fille avait beaucoup de questions, c’était très dur pour elle. Je ne sais plus qui est venu mais ils ont parlé à sa fille de tel sorte que ça c’est bien passé et tout le monde était content. Et la vieille femme a pu mourir dans les bras de sa fille, à domicile. Moi j’étais très présent, j’ai fait le certificat de décès et tout s’est passé de façon idéale » « Cette famille-là a gueulé : il [le médecin généraliste] va encore faire intervenir d’autres gens ! Et puis le talent de quelqu’un qui arrive de novo sur une situation, qui a une expertise, comme le Dr N. peut avoir, c’est d’arriver à cadrer tout le monde sans dénigrer personne ». « C’est tout bénef pour le patient, c’est ça que j’essaye de lui faire comprendre : vous rentrez dans un réseau mais vous n’avez rien à signer, vous pouvez en sortir quand vous voulez mais il n’y a que des avantages à y entrer… Un accompagnement je crois que ça ne peut pas se faire tout seul dans son coin, c’est trop ; quand on veut être global en tout cas. » « Le patient était soulagé, il était mieux. Il a senti que des gens se mobilisaient autour de lui et je pense que ça lui a fait du bien » « Ca leur apporte un soutien, le fait qu’on est toujours dans une écoute, que des structures peuvent être mises en place au moment où c’est nécessaire. J’essaye de les faire entrer le plus en amont possible, quand c’est possible ». 53 4. Analyse et discussion Dans la section suivante, les résultats sont comparés à la littérature afin d’évaluer la place de la collaboration au sein du couple médecin généraliste / réseau de soins palliatifs. Cette étude s’appuie essentiellement sur le cadre d’analyse proposé par D’Amour, qui évalue différents indicateurs, regroupés dans quatre dimensions. Ces quatre dimensions du modèle de structuration de la collaboration professionnelle, présentés plus en détail précédemment, sont : La formalisation : les règles et procédures explicites dont se sont dotés les professionnels en termes d’organisation du travail La finalisation : les objectifs et finalités des différents professionnels impliqués dans la prise en charge des patients en fin de vie L’intériorisation ou le sentiment de former une équipe, donc le fait que les professionnels se connaissent et se fassent confiance La gouverne de la collaboration, incluant le leadership et les lieux de concertation. Figure 8 : Modèle de structuration de la collaboration (D'Amour, 1997) Les études sur la collaboration interprofessionnelle montrent trois stades dans son développement : La collaboration « en latence », c'est-à-dire à toutes fins utiles, inexistante ou marquée par des relations conflictuelles, qui se caractérise par une quasi-absence de 54 relation, de négociation ou par la présence importante de forces en opposition; ce type de collaboration peut neutraliser la capacité d’un système à développer une collaboration satisfaisante. La collaboration « en construction », c'est-à-dire récente ou peu ancrée, voire mise à l’épreuve, qui se caractérise par un fragile partage des responsabilités, mais où le processus de négociation est bien vivant. La collaboration « en action », c'est-à-dire stable, non fragilisée par les aléas et soubresauts du contexte, qui se caractérise par le partage consensuel des responsabilités (D’Amour, 1999) La notion de confiance, un des piliers de la collaboration interprofessionnelle centrée sur le patient, est présente dans tous les entretiens réalisés. Les médecins généralistes collaborent avec le réseau car ils ont confiance en les compétences de ses membres et ils sont convaincus de l’intérêt que cette prise en charge a pour leurs patients. Un réseau de soins palliatifs est un endroit propice à la confiance. Les patients sont en fin de vie, leurs familles sont dans une anxiété importante, ces situations intenses obligent les professionnels à se remettre en question et à s’investir émotionnellement. Dans leurs travaux Sitzia et Wood ont également retrouvé dans quelques études la compétence des professionnels comme élément important pour la satisfaction des patients et leur famille (Sitzia et Wood, 1997). Ainsi cette confiance découle d’une reconnaissance de l’expertise de chacun. Elle est basée sur la perception de la compétence de l’autre et est en lien avec les connaissances de son champ de pratique. Il a été montré que la collaboration entre les médecins et les infirmières est favorisée quand les médecins partagent une vision commune du rôle des infirmières, qu'ils les voient comme collaboratrices plutôt qu'assistantes et que les infirmières ont l'occasion de démontrer leurs compétences spécifiques et la plus-value qu'elles apportent. Quand cette collaboration est réelle, on constate un enrichissement réciproque des pratiques des deux professions. Le Leadership s’appuie sur un professionnel identifié comme le « porteur » de la collaboration professionnelle. Or, du fait de l’organisation de la médecine ambulatoire, les médecins généralistes ne sont pas soumis à une hiérarchie directe : la notion de leadership est diffuse. Il ressort cependant des entretiens qu’une personnalité forte est un élément porteur du développement d’une bonne collaboration. 55 Les structures d’organisation respectives des réseaux et de la médecine libérale ne facilitent pas de par leur nature la mise en place d’une collaboration professionnelle. Les réseaux se partagent des zones géographiques délimitées, couvrant un tiers ou la moitié d’un département. Il n’existe pas d’espace de travail partagé par tous, il est rare que les médecins généralistes se déplacent aux locaux du réseau. La création de ressources d’équipe est freinée pas l’absence d’un temps suffisant pour partager l’information, développer des relations interpersonnelles. Il est connu que les difficultés pour coordonner les activités d’un groupe croissent avec la taille de celui-ci. Or le réseau Arc-En-Ciel travaille en théorie avec plus de 580 médecins généralistes. Par ailleurs, la médecine primaire repose sur une organisation plus autonome que les services hospitaliers, sociaux ou infirmiers. Les médecins généralistes sont formés pour pratiquer de façon indépendante. Or le processus d’instauration d’un travail en collaboration s'appuie théoriquement sur des orientations claires, centrées sur les besoins des patients, qui favorisent le renforcement du sentiment d'appartenance à l’équipe. La rédaction de protocoles est l’occasion de rencontres formelles et informelles, favorables au partage des finalités, à la création de consensus quant à la mission du réseau. Les médecins généralistes ne participent pas « à la vie du réseau ». Les rencontres formelles fournissent aux professionnels l’occasion de mieux se connaître et de négocier le partage des responsabilités. Mais en pratique, les rencontres physiques sont rares, se limitant souvent aux seules visites communes chez le patient. Les médecins généralistes ne participent pas à la rédaction des protocoles ; il n’y a pas de consensus formalisés partagés. La « finalisation » ne se fait pas : les médecins généralistes n’ont pas de sentiment d’appartenance aux réseaux. Cette étude comporte de nombreuses limites et certains éléments en brident la généralisation. Le choix du devis de l’étude du cas unique d’un réseau et en particulier un réseau de soins palliatifs réduit la capacité de généralisation des résultats aux autres réseaux, qu'ils soient dédiés aux soins palliatifs ou non. Par ailleurs, rencontrer dix médecins généralistes sur les 500 travaillant avec le réseau ne peut être représentatif, et ce d’autant qu’un biais de sélection très important s’est imposé : rencontrer prioritairement les médecins qui avaient le plus de patients inclus dans le réseau. Les médecins ayant participé aux entrevues sont tous particulièrement sensibles au travail avec le réseau et cela a 56 influencé l’évaluation de la collaboration. De nombreux médecins généralistes n’adhèrent pas au principe des réseaux ou leur implication y reste faible. D’autres encore acceptent une prise en charge conjointe mais ne s’impliquent pas dans la relation et ne suivent pas les propositions du réseau. Il aurait été intéressant d’augmenter le nombre de participants pour pouvoir obtenir l’opinion de médecins ayant eu des expériences négatives avec les réseaux ou refusant de travailler avec eux mais, dans un premier temps, il nous paraissait important de parler de collaboration avec ceux qui en avaient l’expérience et non pas avec ceux qui la refusaient. De plus il ne s’agit que de la vision des médecins généralistes et il aurait été intéressant d’interviewer les membres du réseau ainsi que d’étudier les processus du travail en collaboration au sein même du réseau. La décision des médecins interviewés à travailler avec un réseau de soins palliatifs découle selon nos observations de deux principaux motifs : travailler en équipe du fait d’une prise en charge complexe et améliorer la prise en charge des patients et leur confort. Il ressort de cette étude le constat que la collaboration entre les médecins généralistes et les membres du réseau en est au stade de la collaboration « en construction », c'est-à-dire récente ou peu ancrée, voire mise à l’épreuve, qui se caractérise par un fragile partage des responsabilités, mais où le processus de négociation est bien vivant. Ou, selon le schéma du Réseau de Collaboration sur les Principes Interprofessionnelles en Santé et Services Sociaux (RCPI), on peut parler ici de collaboration de niveau 3 : une interdépendance entre individus est présente puisque ceux-ci ont un engagement moral et l’objectif de se coordonner mais cette interdépendance reste limitée par l’absence de vision commune. On ne peut pas parler de collaboration interprofessionnelle selon la définition de D’Amour. Or la complexité de la médecine palliative nécessite une interdépendance plus intense des intervenants afin d’optimiser la réponse donnée aux besoins du patient et de sa famille. 57 5. Conclusions Les théories sur la collaboration interprofessionnelle se sont développées ces dernières année, venant du Canada. Elles constituent un moyen efficient, reconnu par l’OMS, de répondre aux défis de la pratique médicale actuelle, en ayant des bénéfices pour la personne, les intervenants et les organisations. D’Amour a depuis plus d’une quinzaine d’année formalisé ces notions afin de définir les facteurs qui déterminent le succès du travail en équipe et d’élaborer de nouveaux modèles de pratiques collaboratives. Le système de santé canadien s’est axé sur une refonte des soins primaires avec la création de maisons de santé regroupant médecins et infirmières. Un certain nombre d’études sont en cours afin d’améliorer la communication entre les différents acteurs notamment dans le domaine des soins palliatifs. Mais les réseaux de santé tels qu’ils ont été développés en France, n’existent pas au Canada. Les études déjà réalisées ne peuvent se projeter parfaitement sur notre système de santé et le champ de recherche dans ce domaine reste très vaste. Le travail présenté ici a pour objectif d’étudier le travail en collaboration entre un réseau de soins palliatifs et ses médecins généralistes au travers du spectre de la collaboration interprofessionnelle. Afin de pouvoir de parler de collaboration, notion qui sous-entend l’idée de partage et suppose une action collective, le parti a été pris de rencontrer des médecins généralistes dont le travail avec le réseau avait une certaine intensité et qui s’inscrivait dans le temps. On ne peut en effet de parler de collaboration lorsqu’il y a refus de prise en charge commune ou qu’une première action auprès d’un patient ait été un échec, quel qu’en soit la raison. A bien des niveaux, le couple médecin généraliste et réseau de soins palliatifs reste singulier et asymétrique. Cette étude nous permet d’avoir une meilleure compréhension du degré de collaboration entre les médecins généralistes et les membres d’un réseau de soins palliatifs. Au terme de cette recherche, force est de constater qu’on ne peut parler de collaboration interprofessionnelle au sens strict de sa définition. La confiance, reposant sur la reconnaissance de l’expertise et de la compétence des autres intervenants, ne suffit pas à donner un sentiment d’appartenance des médecins généralistes au réseau. Le travail en équipe n’existe que centré sur le patient et sa famille. Par manque de temps, les médecins 58 généralistes ne peuvent participer à l’élaboration d’objectifs commun à tous les intervenants. Ainsi on peut dire que le manque de temps, l’éloignement géographique et la multiplicité des intervenants freinent l’épanouissement d’un travail en collaboration. Pourtant les médecins interviewés restent convaincus de la plus-value qu’apporte leur collaboration au réseau dans leur prise en charge. Il ressort donc que la volonté individuelle à collaborer et la conviction de son bénéfice pour les patients permet de surmonter les différents obstacles cités précédemment. L’objectif n’est pas de créer le même degré de collaboration que des professionnels partageant un même espace géographique, se rencontrant régulièrement mais de sensibiliser les jeunes médecins à ces notions afin d’améliorer leurs prises en charge. La transformation des pratiques va devoir passer par l’acquisition par les acteurs de santé de nouveaux modèles d’exercices, remettant en question la logique professionnelle traditionnelle. L’acquisition de ces attitudes (vision commune, confiance, respect mutuel des professionnels, etc.) passe par de longs apprentissages qui débutent avec la formation et se prolongent dans les milieux de pratiques. Il faut être convaincu que les bénéfices de la collaboration surpassent ses désavantages. Les pratiques ont commencé à se modifier, les médecins généralistes continuant à se former auprès des patients, déléguant la partie coordination ville-hôpital au réseau. Pour renforcer cette tendance, il faudra, dans les années à venir, que l’administration valorise la collaboration interprofessionnelle en lui accordant la visibilité et les ressources nécessaires à sa planification, à sa réalisation et à son évaluation. La formation actuelle des professionnels de santé constitue un obstacle à la collaboration interprofessionnelle du fait d’un enseignement cloisonné. En sociologie, on parle de « l’héritage du modèle professionnel » où le professionnel, de santé ou non, hérite d’une tradition qui valorise l’autonomie complète dans le travail alors que les équipes interprofessionnelles valorisent la collaboration et la complémentarité. Pour qu’il y ait collaboration il faut une interdépendance, un partage des connaissances et des compétences entre des professions normalement autonomes (Henneman et al., 1995). Précocement, et tout au long de leurs formations, les étudiants de tous les cursus de santé doivent être sensibilisés à ses notions. La formation doit intégrer la collaboration 59 interprofessionnelle aux compétences à acquérir. En effet, il a été établi que certaines des compétences spécifiques peuvent être apprises : la connaissance du rôle du professionnel de santé, la capacité à communiquer efficacement avec d’autres professionnels de santé, la volonté de collaborer. A nouveau, il existe la possibilité de s’inspirer des expériences canadiennes qui sont en avance dans ce domaine. En France, les internes en médecine générale sont préparés à l’entrée dans la vie professionnelle lors des séminaires proposés tout au long de leur internat. De la même manière on pourrait imaginer des rencontres entre les différents étudiants du domaine de la santé : infirmiers, kinésithérapeutes, aide soignants, médecins. Ces journées pourraient s’articuler autour d’ateliers d’échange sur la collaboration interprofessionnelle ou pourraient permettre de travailler sur la création d’outils de communication utilisables par tous. 60 6. 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L’acte fondateur du Réseau est la mobilisation des ressources des professionnels de terrain et des bénévoles pour conduire une action de santé publique : prodiguer des soins palliatifs de qualité en soulageant les souffrances physiques et psychiques en accompagnant les malades et leurs proches, promouvoir les soins palliatifs. Article premier : Principes éthiques Les acteurs et partenaires du réseau s’engagent à respecter les principes éthiques du préambule des statuts de la Société Française d’Accompagnement et des Soins Palliatifs : « Les soins palliatifs sont des soins actifs dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave évolutive ou terminale. Leur objectif est de soulager les douleurs physiques ainsi que les autres symptômes et de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. Les soins palliatifs et l’accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche. Les soins palliatifs et l’accompagnement considèrent le malade comme un être vivant et la mort comme un processus naturel. Ceux qui les dispensent cherchent à éviter les investigations et les traitements déraisonnables. Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort. Ils s’efforcent de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu’au décès et proposent un soutien aux proches en deuil ». Article 2 : Les engagements des acteurs du réseau envers la personne malade Les acteurs du réseau s’engagent envers la personne malade à : • Prodiguer des soins palliatifs de qualité tels qu’ils sont définis par la SFAP (article premier) 66 • Apporter une information claire et loyale sur les missions et le fonctionnement du réseau • Laisser le libre choix à la personne soignée d’intégrer ou de quitter à tout moment le réseau • Respecter le désir du malade ou, le cas échéant, de la personne référente qu’il aura désignée concernant le choix de son lieu de vie et des professionnels intervenant à son domicile • Renseigner à tout moment la personne soignée en lui apportant une information claire et honnête • Associer la personne aux décisions qui la concernent, notamment au sujet des orientations, des soins et des traitements • Partager les informations nécessaires à la prise en charge entre les professionnels du réseau (secret partagé) à la condition d’un accord préalable du malade. Article 3 : Les engagements du Réseau envers les acteurs et partenaires Le Réseau a pour but de favoriser le retour et le maintien à domicile des patients en phase palliative dans les meilleures conditions possibles tout en assurant la continuité des soins entre l’hôpital et la ville. A cet effet, le réseau s’engage à : • Répondre à toute demande de soutien ou de conseil provenant de professionnels et/ou de familles • Soumettre toute demande d’inclusion à une évaluation par l’équipe de coordination, avec l’accord du médecin traitant, • organiser en cas d’inclusion une prise en charge globale, coordonnée et pluridisciplinaire de la personne en soins palliatifs. L’équipe de coordination du réseau accompagne dans ce but la démarche de soins dans une dynamique de partenariat et de complémentarité avec les acteurs du domicile. 67 Composée de deux médecins, de trois infirmières, d’une assistante sociale, d’un psychologue, d’une chargée de projets et d’une secrétaire, cette équipe ne se substitue à aucun des autres partenaires. o L’infirmière organise au mieux le maintien à domicile en créant et en assurant la permanence d’un lien entre les différents intervenants au domicile. Elle évalue les besoins logistiques et s’occupe de la commande du matériel médicalisé nécessaire. Elle effectue des visites de réévaluation régulières, soutient le patient et sa famille et peut organiser au besoin des ré hospitalisations. Elle ne pratique aucun soin direct. o Le médecin a un rôle de conseil auprès des patients et des partenaires du réseau. Il ne fait aucune prescription. o L’assistante sociale aide la famille pour la recherche des prestations sociales ainsi que pour la constitution des dossiers. o La psychologue assure un soutien psychologique aux patients et aux familles. Elle peut organiser des entretiens à leur demande. o La chargée de projets assure la gestion administrative et le développement des projets de la structure o La permanence téléphonique est assurée pendant les heures ouvrables (de 9h à 18h30) par la secrétaire. L’équipe de coordination s’attachera, pour remplir ses missions, à : o s’assurer de la disponibilité et de la faisabilité à domicile des traitements, soins et matériels médicaux prescrits à l’hôpital o contacter tous les intervenants nécessaires au maintien à domicile o assurer la circulation des informations nécessaires à la qualité et à la continuité de la prise en charge o délivrer au patient un cahier de liaison utilisé par tous les intervenants 68 o assurer une permanence et une continuité des soins, y compris dans les situations d’urgence en lien avec les structures hospitalières adhérentes au réseau. La permanence des soins est assurée par une collaboration entre • Le médecin traitant disponible suivant ses possibilités • L’équipe du réseau joignable les jours ouvrables de 9h à 18h30 • L’astreinte téléphonique départementale assurée par des médecins exerçant en soins palliatifs du lundi au vendredi de 18h30 à 9h00, ainsi que les week-ends et jours fériés. o Promouvoir des pratiques thérapeutiques et des modes de prise en charge communs aux membres du réseau o Former les professionnels o Assurer le soutien psychologique des soignants dans le cadre de la prévention de l’épuisement professionnel o Proposer aux tutelles toutes les mesures de nature à améliorer la prise en charge de ces patients Article 4: Les engagements des acteurs et partenaires envers le réseau La signature de ce document formalise l’adhésion des professionnels au réseau. Ils peuvent à tout moment se retirer du réseau en le signifiant par un courrier adressé au siège du réseau. Ils s’engagent à : • assurer la permanence de soins et la continuité de la prise en charge du patient dans la mesure de leurs possibilités et par conséquent d’informer le Réseau en cas de congés au cours d’une prise en charge • appliquer les protocoles thérapeutiques du Réseau 69 • favoriser l’échange d’information avec les autres intervenants en utilisant le cahier de liaison et en communiquant à l’équipe de coordination tout changement notable, dans le respect des règles de déontologie et du secret professionnel propres à chacun des acteurs. • participer aux réunions de concertation et post prise en charge • Participer aux actions de formation qui les intéressent • participer à l’évaluation du fonctionnement du réseau et de la qualité des soins reçus par le malade Date, signature, cachet du professionnel 70 Annexe 2 : questionnaire Pourriez-vous vous présenter ? Age Sexe Type d’exercice Nombre de patient à fin de vie Formation (DU,ect…) Comment faisiez- vous pour vous occuper de vos patients en fin de vie avant la création des réseaux ? Aviez-vous de difficultés ou des problèmes ? De quel ordre ? Avec quels professionnels aviez-vous l’habitude de travailler ? Quels types de relations aviez-vous avec ces professionnels ? Détaillez Travailliez-vous avec plusieurs réseaux thématiques ou non thématiques ? Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler avec les réseaux en général ? Avec le réseau Arc En Ciel en particulier ? Qu’est-ce que cela a changé dans votre pratique ? Pourriez citer les points les plus importants ? Et pour les patients à votre avis ? Pensez-vous que le travail avec un réseau de SP soit différent qu’avec ’un autre type de réseau ? Pourriez-vous expliciter ces différences ? La prise en charge des patients en fin de vie a telle était modifié par votre travail avec le réseau ? Si oui en quoi ? Comment ? 71 Quelle est votre vision des soins palliatifs ? Pensez-vous avoir une vision commune avec le réseau ? Si oui, la quelle ? En avez-vous déjà discuté avec les professionnels du réseau ? Si oui lesquels ? Comment se passe en pratique votre travail avec le réseau ? Vous sentez vous plus ou moins impliqué qu’avant ? Pensez-vous avoir votre mot à dire lors qu’il y a une décision à prendre ? Si oui quel est de votre point de vue votre expertise en pratique ? Pensez-vous que votre expertise est reconnue ? Par le patient Par la famille Par les membres du réseau ? Avec qui travaille- vous en bonne entente ? plutôt le médecin/plutôt l’infirmière avec les deux ? Avez-vous confiance en leurs compétences ? Connaisse- vous le rôle de chacun des intervenants ? Pouvez-vous me donner des exemples du travail que vous faites avec les membres réseau à partir de situations concrètes ? Quels sont vos relations avec le réseau ? Quels sont vos moyens de communications avec le réseau ? Rencontrez-vous les intervenants qui s’occupent de votre patient ? Quand, Comment cela se passe t-il ? Lorsque vous avez un patient en commun, qui est votre interlocuteur privilégié, celui ou celle qui amène le plus ? Quels sont les éléments, facteurs, aspects qui à votre avis favorisent le travail avec le réseau ? Quels sont les éléments, facteurs, aspects qui à votre avis et à contrario ce qui nuisent à votre prise en charge des patients en fin de vie ? 72 Avez-vous des problèmes avec le réseau ? Pourriez-vous les préciser Quelles sont à votre avis les sources des problèmes avec le réseau ? Comment réglez-vous ces problèmes ? Pourriez-vous dire que parfois il pourrait s’agir de conflits Que vous apporte le travail avec d’autres professionnels de santé (infirmière, assistante sociale,…)? Quelle est votre conception de la collaboration interprofessionnelle ? Estimez-vous travailler vraiment en collaboration avec le réseau ? Avez-vous un sentiment d’appartenance au réseau ? Avez-vous des propositions concrètes pour améliorer ce travail et cette collaboration Si vous le pouviez quelles modifications importantes souhaiteriez-vous changer dans le travail entre vous et réseau de soins palliatif ? Pensez-vous qu’il faille être formé au travail en collaboration et si oui, à quelle stade de vos études ? Voulez-vous ajouter autre chose ? 73 SOUTENANCE A CRETEIL ANNEE : 2013 NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR : NITECKI Caroline DIRECTEUR DE THESE : Pr ATTALI Claude TITRE DE LA THESE : La collaboration interprofessionnelle au sein du couple médecin généraliste-réseau de soins palliatifs Le concept de collaboration interprofessionnelle dans le domaine de la santé, tel qu’il est décrit par D’Amour, consiste en la structuration d’une action collective autour de la prise en charge du patient, basée, entre autre, sur la reconnaissance de l’expertise de l’autre, la confiance, la communication, la formulation d’objectifs communs et la coordination. Améliorer le travail en équipe et en collaboration permettait une meilleure efficacité dans divers aspects du système de santé ainsi qu’une meilleure qualité des soins prodigués et une meilleure satisfaction du patient. En soins palliatifs, il ne s’agit plus de traiter une maladie, mais de prendre en charge un patient dans sa globalité et toute la complexité de sa situation. Ainsi les problématiques de santé très complexes posent un défi aux approches médicales traditionnelles. D’autres modèles doivent être étudiés. La collaboration interprofessionnelle telle que la décrit D’Amour rencontre dans le cas spécifique de la France un certain nombre d’obstacles relatifs à la pratique des soins palliatifs (manque de temps, de formation, de rémunération) mais aussi à la singularité du couple réseau-praticien libéral. Ce travail consiste en une analyse qualitative des données recueillies au cours d’entretiens semi-dirigés auprès de dix médecins généralistes travaillant avec le réseau de soins palliatifs Arc-En-Ciel. Au terme de cette recherche, force est de constater qu’on ne peut parler de collaboration interprofessionnelle au sens strict de sa définition. La confiance, reposant sur la reconnaissance de l’expertise et de la compétence des autres intervenants, ne suffit pas à donner un sentiment d’appartenance des médecins généralistes au réseau. Ainsi on peut dire que le manque de temps, l’éloignement géographique et la multiplicité des intervenants freinent l’épanouissement d’un travail en collaboration. Pourtant les médecins interviewés restent convaincus de la plus-value qu’apporte leur collaboration au réseau dans la prise en charge de leurs patients. MOTS-CLES : Relations interprofessionnelles / Interprofessional relations Comportement coopératif / Cooperative behavior Soins palliatifs -- Organisation et administration / Palliative care -- Organization & administration Soins de santé primaires / Primary health care ADRESSE DE L’U.F.R. : 8, Rue du Général SARRAIL 94010 CRETEIL CEDEX