L'Occident en face de l'Islam contemporain
Autor(en): Mende, Tibor
Objekttyp: Article
Zeitschrift: Revue économique et sociale : bulletin de la Société d'Etudes
Economiques et Sociales
Band (Jahr): 15 (1957)
Heft 1
Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-134832
PDF erstellt am: 25.05.2017
Nutzungsbedingungen
Die ETH-Bibliothek ist Anbieterin der digitalisierten Zeitschriften. Sie besitzt keine Urheberrechte an
den Inhalten der Zeitschriften. Die Rechte liegen in der Regel bei den Herausgebern.
Die auf der Plattform e-periodica veröffentlichten Dokumente stehen für nicht-kommerzielle Zwecke in
Lehre und Forschung sowie für die private Nutzung frei zur Verfügung. Einzelne Dateien oder
Ausdrucke aus diesem Angebot können zusammen mit diesen Nutzungsbedingungen und den
korrekten Herkunftsbezeichnungen weitergegeben werden.
Das Veröffentlichen von Bildern in Print- und Online-Publikationen ist nur mit vorheriger Genehmigung
der Rechteinhaber erlaubt. Die systematische Speicherung von Teilen des elektronischen Angebots
auf anderen Servern bedarf ebenfalls des schriftlichen Einverständnisses der Rechteinhaber.
Haftungsausschluss
Alle Angaben erfolgen ohne Gewähr für Vollständigkeit oder Richtigkeit. Es wird keine Haftung
übernommen für Schäden durch die Verwendung von Informationen aus diesem Online-Angebot oder
durch das Fehlen von Informationen. Dies gilt auch für Inhalte Dritter, die über dieses Angebot
zugänglich sind.
Ein Dienst der ETH-Bibliothek
ETH Zürich, Rämistrasse 101, 8092 Zürich, Schweiz, www.library.ethz.ch
http://www.e-periodica.ch
L'Occident en face de l'Islam contemporain
par Tibor Mende
Professeur àl'Ecole nationale d'administration de Paris
Faisons tout d'abord un survol rapide du monde de l'Islam.
C'est un monde extraordinaire, dans l'espace comme dans le
temps. Au début du viie siècle, surgis du cœur du désert arabe.
issus de petites tribus nomades querelleuses, les Bédouins connais¬
sent un bref moment de splendeur, telle une aveuglante comète. En
moins d'un siècle, ils propagent leur foi, leur culture et leur langage
de l'Espagne aux frontières de la Chine. Leur domination apporte
une culture nouvelle, une intelligence fertilisante et la promesse
d'une libération sociale àplus de trois continents. Puis, àpeine un
siècle plus tard, le feu d'artifice s'éteint. L'unité des Arabes ne
survit guère aux premiers califes. Ils deviennent partie d'un
empire aux populations multiples ;ils en sont d'abord la caste diri¬
geante, puis tombent sous la coupe de dirigeants étrangers et, dans
les siècles suivants, s'éparpillent en dynasties et en califats rivaux,
sous la domination de petites principautés turques, arabes et
kurdes. L'influence corrosive de l'instabilité, de l'orthodoxie rigou¬
reuse et de l'immobilisme social les conduit àl'absorption dans
l'empire ottoman. La torpeur d'une société incapable de rassem¬
bler les forces de son propre rajeunissement enveloppe lentement
l'empire ottoman lui-même, et cette immobilité paralysante gagne
du terrain pendant des dizaines et des dizaines d'années, jusqu'à la
fin de la première guerre mondiale.
Cependant, bien que sa puissance politique fût déjà en rapide
déclin, la foi de l'Islam continuait de repousser toujours plus loin
ses frontières. Elle atteint l'Inde, la Malaisie, Sumatra et Java, les
Philippines et même l'intérieur de la Chine, àl'est ;les frontières
de la Sibérie, au nord ;la côte atlantique et le coeur de l'Afrique, à
l'ouest et au sud. Mais, depuis le xve siècle, comme par une ombre
REVUE ECONOMIQUE ET SOCIALE
menaçante, l'Islam est suivi dans sa marche en avant :suivi par
l'Occident àla technique supérieure.
Sur les mêmes routes maritimes qu'avaient parcourues les mar¬
chands et les missionnaires musulmans, apparaissent les navires
occidentaux dotés d'une puissante artillerie. Ce n'est pas l'effet du
hasard. L'Islam tirait sa prospérité de sa position intermédiaire
entre l'Orient et l'Occident, et cette prospérité était largement
fondée sur le commerce des épices. S'adressant àses soldats à
Malacca, Alburquerque leur explique que pour saper la puissance
des Mores, il est essentiel de leur enlever le lucratif commerce des
épices. Il faut les couper de leurs sources, et la puissance navale
portugaise doit encercler la puissance des infidèles. La suprématie
navale de l'Occident, qui préfigure sa supériorité technique, prête
la main àsa ferveur religieuse. Le coup mortel est porté àla pros¬
périté more, et l'entreprise coloniale de l'Occident commence. Une
nouvelle phase de l'histoire s'ouvre :elle devait catapulter le blanc
vers une position de domination mondiale, et ravaler la plupart des
régions islamisées dans une servitude coloniale.
En 1914, l'Islam était presque entièrement absorbé dans les
empires coloniaux occidentaux. La seule exception notable,
l'empire Ottoman, était en pleine agonie. Lorsqu'il se désintégra
définitivement, la plupart des territoires situés hors de Turquie
obtinrent une indépendance qu'il était assez difficile de distinguer
du destin d'un protectorat.
Dans une perspective historique, nous nous trouvons actuelle¬
ment au moment les quatre siècles et demi de domination occi¬
dentale sur le globe touchent àleur fin ;où, pour la première fois,
la suprématie occidentale se trouve réellement contestée ;
s'amorce un recul manifeste. Après 1945, ce mouvement prend de
l'ampleur. Les uns après les autres, les pays coloniaux obtiennent
leur indépendance. Des masses supérieures àla population de
l'Occident contraignent la minorité blanche jusqu'ici dominante à
réviser leurs relations. De même que, voici plusieurs siècles, l'expan¬
sion de l'Islam se trouva écrasée sous la conquête occidentale, de
même aujourd'hui depuis 1945 —¦ la libération politique des
musulmans suit le reflux de la domination occidentale.
En 1948, une centaine de millions de musulmans accèdent àla
souveraineté en Inde et au Pakistan. Deux ans plus tard, soixante-
dix autres millions font de même en Indonésie. L'Iran est évacué.
REVUE ECONOMIQUE ET SOCIALE
Ceux qu'on appelle les pays arabes du Moyen-Orient voient leur
indépendance politique prendre un peu plus de réalité. Dans les
cinq années qui suivent, l'Egypte est progressivement évacuée, et
en 1956, la zone du canal elle-même passe sous sa souveraineté. En
Afrique du Nord, la Tunisie et le Maroc relâchent leurs liens avec la
France, et plusieurs pays musulmans d'Afrique obtiennent les pre¬
mières concessions sur la voie de l'indépendance politique. En
Malaisie et en Algérie, des populations musulmanes encore sous la
domination occidentale directe sont en pleine révolte armée.
Considérés dans leur ensemble, les événements de ces dix der¬
nières années forment un tableau impressionnant. De Java àDakar
et du Cachemire au Soudan, près de 80 %des quelque 400 millions
de musulmans que compte le monde se sont libérés de la domina¬
tion étrangère directe. Ils possèdent plus d'une douzaine de voix
dans les conseils des Nations Unies et, en compagnie des nouveaux
pays indépendants d'Asie, peuvent former une partie de la majo¬
rité. Ils possèdent également d'importantes quantités de matières
premières, produisent le quart du pétrole mondial et gardent dans
leur sous-sol la moitié des réserves mondiales connues de ce précieux
liquide. Ils habitent les rivages de certaines des principales routes
et voies maritimes du monde, et exercent leur autorité sur des
régions qui sont indispensables aux calculs stratégiques des grandes
puissances. Et si le communisme constitue la frontière orientale de
l'Europe, les musulmans occupent toute la côte nord-africaine, for¬
mant la ligne de défense méridionale du monde occidental.
Si impressionnante que soit cette nouvelle forme de l'Islam, elle
aun envers également frappant.
Les masses de l'Islam, qui sortent àpeine de leur passé colonial,
sont parmi les plus pauvres du monde. Leur revenu annuel moyen
dépasse rarement une centaine de dollars et dans les statistiques
internationales sur la sous-alimentation, l'incidence des maladies ou
l'analphabétisme, elles arrivent en tête de liste. Ade très rares
exceptions près, ces masses musulmanes vivent dans des Etats
l'indifférence en matière de progrès social s'allie àune expansion
démographique rapide pour éliminer tout espoir d'améliorer les
conditions de vie héritées du passé colonial. Leurs relations sociales
et leurs institutions politiques sont placées sous le signe d'un immo¬
bilisme féodal et l'on ne fait que de rares tentatives sérieuses pour
remédier àla situation. On peut même aller plus loin et relever le
REVUE ECONOMIQUE ET SOCIALE
fait que du Pacifique àl'Atlantique, l'Islam n'a jamais construit
une seule usine. Ou encore, on peut se demander si c'est ou non un
simple accident de l'histoire qui avoulu que cette gigantesque cein¬
ture de l'Islam, qui s'étend au travers de trois continents, soit en
grande partie composée de déserts. En d'autres termes, compte
tenu de l'immobilisme social et de la stérilité politique qui acarac¬
térisé l'Islam pendant tant de siècles, est-ce le désert qui aattiré les
disciples du prophète, ou bien est-ce leur présence qui acontribué à
la propagation du sable infertile
Ce sont des questions auxquelles on ne saurait apporter une
réponse définitive. Cependant, si l'on veut aborder le problème des
relations de l'Islam et de notre monde occidental, il yaune série
de questions qu'il convient de se poser. Dans quelle mesure l'unité
du monde islamique est-elle une réalité politique et sociale Com¬
ment se fait-il que malgré leurs faiblesses, les pays habités par des
musulmans aient acquis une telle importance dans les affaires mon¬
diales De même, cette influence sera-t-elle durable Quels sont les
développements probables àl'intérieur de l'Islam Quels espoirs et
quels dangers comportent-ils Et enfin, quelles sont les chances de
coexistence pacifique entre notre monde occidental et les pays de
l'Islam, dans le cadre de relations mutuellement bénéfiques, au
cours des années àvenir
Pour tenter d'apporter àces questions les réponses hypothé¬
tiques qui sont les seules possibles dans la situation actuelle, qui
évolue rapidement, il est essentiel de voir jusqu'à quel point et dans
quelles conditions on est fondé àparler de l'unité de l'Islam.
Le terme d'unité, naturellement, est un terme élastique :cela
peut aller de la sympathie vague, ou de la communauté des institu¬
tions et des sentiments jusqu'à l'obligation de partager risques et
sacrifices. L'Islam extrême-oriental est composé de races diffé¬
rentes de celles du reste des pays musulmans. Leur fanatisme aété
radouci par un milieu tropical humide, et la rigueur doctrinale de
leur foi adepuis longtemps passé un compromis avec les religions
plus tolérantes de leurs voisins. Leur prospérité, en Malaisie et dans
une certaine mesure en Indonésie, dépend de l'échange de matières
premières contre de l'équipement industriel ou des biens de consom¬
mation, qu'il leur est impossible d'obtenir du reste du monde
musulman. Au Pakistan, la grande majorité du fonds racial se
compose d'Hindous convertis et une hostilité persistante oppose
1 / 17 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !