P H A R M A C O V I G I L A N C E Autorisation temporaire d’utilisation Comment s’exerce la pharmacovigilance J.P. Demarez*, O. Boudignat**, V. Lamarque**, A. Sainte-Croix Le Baleur** RAPPELS UTILES CONCERNANT L’ATU L’utilisation en thérapeutique humaine d’une spécialité pharmaceutique, que ce soit à titre onéreux ou gratuit, suppose que ce produit a préalablement fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) soumise aux conditions énoncées par l’article L. 5121-20 du Code de la santé publique (CSP). Cette règle comporte des exceptions, dont la dispensation des produits utilisés pour la réalisation d’essais cliniques destinés à permettre au fabricant de justifier de l’innocuité et de l’intérêt thérapeutique d’un médicament afin, précisément, d’obtenir l’autorisation de le commercialiser. La loi 92-1229 du 8 décembre 1992 (amendée le 28 mai 1996) organise une nouvelle exception à cette règle, l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) [article L. 5121-12 du CSP]. L’ATU n’est pas destinée à donner une coloration administrative à l’utilisation d’une spécialité pharmaceutique autorisée dans une autre indication que celle figurant au résumé des caractéristiques du produit (RCP) annexé à l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Elle concerne spécifiquement des médicaments n’ayant pas (ou plus) d’AMM, destinés à la prise en charge de maladies rares ou graves, pour le traitement desquelles aucune spécialité n’est disponible sur le marché. L’ATU vise à mettre fin à une pratique non dépourvue d’intentions louables, mais illicite au regard du droit français, dénommée “usage compassionnel” ou “usage humanitaire” [1]. Il s’agissait généralement pour un laboratoire pharmaceutique de répondre à la demande de médecins en leur fournissant, en dehors de la situation d’essai clinique, un produit ne faisant pas l’objet d’une autorisation de commercialisation, produit que ces médecins délivreraient ensuite à des patients [2]. * Tirés à part J.P. Demarez, cabinet Laurent Houdart, 75004 Paris. ** Travail réalisé dans le cadre du Groupe pharmacovigilance du SNIP. [1] L’éventuelle attitude compassionnelle peut s’inscrire : – dans une situation d’essai clinique pour un produit titulaire d’une AMM pour une autre indication que celle de l’AMM, – pour un produit non titulaire d’une AMM, soit dans la situation d’essai clinique, soit dans l’une de celles organisées par l’ATU. [2] Selon l’article 21 du Code de déontologie médicale, “il est interdit aux médecins de délivrer des médicaments non autorisés”. 16 L’ATU a pour but de remplacer cette pratique souvent mise en place dans des conditions aléatoires, en donnant un cadre réglementaire à l’accès d’un nombre limité de patients déterminés à une ressource thérapeutique présentant un caractère exceptionnel sans alternative disponible sur le marché. Le cadre organise les conditions d’utilisation du produit, la protection des malades concernés, mais également, de façon latérale, le recueil des informations susceptibles d’être tirées de cet usage, notamment du point de vue de la tolérance. L’ATU s’inscrit dans l’une ou l’autre des deux situations suivantes : Celle d’un médicament ayant fait l’objet d’essais thérapeutiques, en vue d’une demande d’AMM, permettant de présumer fortement de son efficacité, de sa bonne tolérance. Le titulaire des droits d’exploitation (ou son mandataire) adresse à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSaPS) une demande d’ATU, assortie d’un engagement concernant la prochaine demande d’AMM. L’autorisation peut être subordonnée par l’Agence à la mise en place d’un protocole d’utilisation thérapeutique et d’un recueil d’informations établis par le titulaire des droits d’exploitation. Parmi les renseignements fournis à l’appui de la demande d’ATU figure le texte provisoire du RCP concerné. Cette situation est usuellement dénommée “ATU de cohorte”. Celle d’un médicament prescrit à des malades nommément désignés et sous la responsabilité d’un médecin traitant, dès lors que l’efficacité et la bonne tolérance du produit sont présumées en l’état des connaissances scientifiques et qu’il est susceptible de présenter un bénéfice pour la santé du patient concerné. La demande du prescripteur est adressée à l’AFSSaPS par le pharmacien gérant la pharmacie d’un établissement de santé. La demande comporte le nom ou le code du médicament, sa forme pharmaceutique et son dosage, la justification de la prescription, ses modalités, et l’engagement du prescripteur à informer le patient sur le médicament et la portée de l’autorisation dont celui-ci fait l’objet. La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 1 - janvier-février 2002 P H A R M A C O V I G I L A N C E Cette situation est usuellement dénommée “ATU nominative”. Le passage d’une ATU nominative à une ATU de cohorte est une éventualité, qui n’est jamais implicite. Le décret 98-578 du 9 juillet 1998 organise les conditions réglementaires des autorisations d’importation et des autorisations temporaires d’utilisation de médicaments à usage humain, les produits concernés étant susceptibles d’être importés. Le décret 95-278 du 13 mars 1995 (article R 5144-3 CSP) dispose que “la pharmacovigilance s’exerce... pour les médicaments mentionnés à l’article L. 5121-12 (faisant l’objet d’une ATU) après la délivrance de l’autorisation temporaire d’utilisation”. ATU NOMINATIVE ET PHARMACOVIGILANCE EXERCÉE PAR LES FIRMES Situations rencontrées La demande peut affecter : Un produit en développement ne faisant pas encore l’objet d’une AMM. Un produit non encore enregistré en France, mais éventuellement enregistré dans un autre pays (notamment un État de l’Union européenne). Il convient de relever à cet égard que, dans le cadre d’une AMM envisagée en procédure européenne centralisée, l’ATU constitue un cadre particulier du droit administratif français. Quel que soit le pays vecteur de la demande d’enregistrement, les traitements dispensés dans le cadre de l’ATU ne concernant que des patients traités en France, les informations relatives à des effets indésirables présumés doivent être adressés à l’AFSSaPS, et non aux autorités administratives impliquées dans la démarche d’enregistrement. Le cadre réglementaire à observer est celui de la pharmacovigilance française, et non celui de la demande d’AMM. Un produit ne faisant plus l’objet d’une AMM en France, ce qui ne préjuge en rien de sa situation commerciale dans un autre pays (y compris de l’Union européenne). Ces situations diffèrent de celle d’une spécialité pourvue d’une AMM dans une indication donnée pour laquelle un usage thérapeutique serait envisagé dans une autre indication. Dans ce dernier cas, il appartient au médecin traitant de se déterminer en fonction des données dont il dispose. Demande d’ATU Le médecin intéressé adresse au pharmacien hospitalier qu’il va charger de sa démarche une demande d’ATU pour tel(s) ou tel(s) de ses patients. Le pharmacien hospitalier contacte l’AFSSaPS, qui manifeste son éventuel accord au médecin et au pharmacien. La firme pharmaceutique reçoit du pharmacien un bon de commande et la copie du document de l’AFSSaPS l’avisant de la La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 1 - janvier-février 2002 décision d’accorder l’ATU à la spécialité X sous la responsabilité du docteur Y (identifié également par son adresse professionnelle) pour une durée de traitement déterminée (dans la limite maximale d’un an), en vue de la prescription de ce médicament à un patient identifié de façon indirectement nominative. L’ATU comporte un numéro d’enregistrement, l’identification de la pharmacie concernée (pharmacie hospitalière) et celle de la firme détentrice du produit. Y figure la mention : “le demandeur s’engage à informer le patient, par un formulaire écrit, de la nature et du statut sans AMM du traitement qu’il va recevoir”. Il va de soi que cet engagement ne concerne en rien la firme. Celle-ci n’a pas à vérifier le respect de l’obligation ou y voir un préalable à la délivrance du produit. Le demandeur est le médecin prescripteur, généralement hospitalier, et seul chargé de l’information du patient destinataire. Cependant, il apparaît souhaitable que la firme ainsi requise par l’ATU : Organise une traçabilité interne couvrant la période comprise entre la réception de l’ATU et la délivrance du dernier conditionnement en fin de la période fixée pour la validité de l’ATU, et ce autant de fois qu’il est délivré d’ATU nominatives pour le produit. Dispose d’un traitement automatisé des données issues de l’ATU, données indirectement nominatives pour le(s) patient(s) impliqué(s), directement nominatives à l’égard du prescripteur demandeur. Cette banque de données est susceptible de recueillir notamment, mais pas exclusivement, d’éventuelles informations relevant de la pharmacovigilance du produit. Le traitement automatisé est soumis aux dispositions en vigueur relatives aux fichiers constitués de données relatives à la santé (avis du comité “théodule”, autorisation de la CNIL, information du patient sur son droit d’accès, etc.). Intègre, dans le cas où des essais cliniques sont conduits avec le produit parallèlement à son usage thérapeutique dans le cadre d’une ATU, les événements indésirables signalés par les investigateurs d’essais cliniques dans une catégorisation distincte des effets indésirables présumés notifiés par les prescripteurs utilisant l’ATU. Cela conduirait dans l’idéal à prévoir un code de saisie différent pour l’une et l’autre de ces deux catégories de données. Délivrance du produit sous ATU nominative Destinataires. Les dispositions relatives à l’ATU, législatives comme réglementaires, n’opposent aucun obstacle aux conditions de traitement et de suivi thérapeutique d’un patient dans le cadre d’une ATU nominative. Elles peuvent donc concerner un patient hospitalisé, un patient suivi en ambulatoire à partir d’un établissement hospitalier, un malade traité en exercice libéral. La dispensation s’effectue à partir d’une pharmacie hospitalière. Il est exclu qu’elle s’effectue du laboratoire pharmaceutique directement au médecin prescripteur du patient concerné, modalité que l’identification indirectement nominative de ce 17 P H A R M A C O V I G I L A N C E dernier ne favorise pas. En effet, le laboratoire pharmaceutique ne connaît pas, et n’a pas de motif de connaître l’identité des patients concernés par cette ATU. La traçabilité des unités thérapeutiques délivrées est donc assurée par le truchement de codes numériques et/ou des initiales du patient. Information. La réglementation dispose que le produit délivré sous ATU nominative fasse l’objet d’un étiquetage comportant : – la dénomination du produit et/ou son éventuel nom de code, – le numéro du lot de fabrication, – la date de péremption. La prescription par un médecin à un patient d’un produit sous le régime de l’ATU nominative, si elle comporte une obligation d‘information relative à ce statut, ne limite pas l’information à cette seule mention. La mise à disposition du produit sous le régime de l’ATU nominative au médecin par la firme oblige cette dernière à mettre également à disposition les informations en permettant un bon usage en matière d’efficacité et de sécurité. Ce, même si l’article L. 5121-12 (CSP) limite ces connaissances à une présomption[3]. Plusieurs cas de figure sont évoqués : Il existe un résumé des caractéristiques du produit (RCP) ancien, dans le cas d’un produit ne disposant plus d’une AMM, ou actuel, dans le cas d’un produit bénéficiant d’une AMM dans un autre pays. Il existe parallèlement une notice d’information des patients répondant aux mêmes particularités. La probabilité d’identité entre l’indication de l’ATU et celle de l’AMM est grande. Il est à retenir que le plan d’un RCP n’est pas identique d’un pays à l’autre. Le laboratoire est confronté, nonobstant l’existence du RCP et de la notice, à la question de la traduction et/ou de l’actualisation des documents ci-dessus évoqués, au besoin par une note technique complémentaire relative, en particulier dans le cas de la pharmacovigilance, à la tolérance du produit et aux précautions d’emploi. Il n’existe pas de RCP. La “présomption d’efficacité et de sécurité en l’état des connaissances scientifiques” doit être manifestée par un texte à l’initiative du laboratoire (voire la fourniture de la bibliographie disponible). Ce texte ne semble pas nécessiter une validation préalable par l’autorité administrative compétente ou la Commission d’AMM. Toutefois, en pratique, il paraît néanmoins utile d’adresser au préalable copie du texte à l’AFSSaPS, de même qu’il serait utile que l’AFSSaPS adresse à la firme copie des correspondances adressées par le service compétent au(x) médecin(s) demandeur(s). [3] “Dès lors que leur efficacité et leur sécurité sont présumées en l’état des connaissances scientifiques”. 18 À défaut d’une notice destinée au patient (disponible en cas d’AMM ancienne ou obtenue dans un autre pays), l’information relative au médicament à destination de celui-ci étant du devoir du médecin prescripteur (en retenant le fait qu’il y aura vraisemblablement plusieurs médecins impliqués dans l’utilisation de l’ATU nominative, donc plusieurs patients traités et plusieurs pharmacies dispensatrices), il est recommandé de rédiger un document destiné au(x) médecin(s) prescripteur(s) et adressé en copie au pharmacien dispensateur, en utilisant le plan standard du RCP : Ce document constituant une “notice d’information thérapeutique” contient une information validée “en interne” par les structures habilitées. Le document est régulièrement actualisé par l’adjonction de données substantiellement intéressantes ou significativement utiles au bon usage. Les références conduisant à la rédaction et à l’actualisation de ce document sont identifiées et conservées. De plus en plus, l’AFSSaPS insère dans la lettre d’octroi d’ATU les informations dont elle dispose concernant la tolérance du produit. À noter que la posologie est celle déterminée par le prescripteur dans la demande d’ATU, validée par l’octroi de l’ATU nominative sous l’autorité du directeur général de l’Agence. Conditions de délivrance. L’ATU nominative est, par définition, valide le temps prévu pour la durée du traitement mentionné à la posologie précisée, le délai maximal étant d’un an et le renouvellement possible. Ces indications sont susceptibles de varier, le traitement pouvant être interrompu et la posologie ajustée. La fourniture du produit par la firme aux pharmacies-relais peut s’effectuer selon au moins deux modalités : dotation complète, ou dotation fractionnée à renouveler. Le caractère nominatif de l’attribution exclut la rétrocession ou la récupération pour réutilisation à d’autres fins que le traitement du seul patient identifié. Il est recommandé : de tenir un dossier “bilan de fourniture” avec identification directe ou indirecte des intervenants (prescripteurs-pharmaciespatients) ; en fin d’opération, compte tenu du nombre limité de médecins demandeurs que suppose l’ATU nominative, un bilan global (nombre de prescripteurs, de patients, d’unités distribuées) sera effectué ; la récupération pour destruction des lots distribués, mais partiellement utilisés ou périmés, est à effectuer au niveau de la pharmacie dispensatrice. Pharmacovigilance des ATU nominatives Selon l’article R 5144-3 (CSP), “la pharmacovigilance s’exerce pour les médicaments mentionnés à l’article L. 5121-12 après délivrance de l’ATU”. Cette précision n’est pas sans créer des difficultés d’application et d’interprétation, dans ce cas précis. La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 1 - janvier-février 2002 P H A R M A C O V I G I L A N C E La situation d’ATU nominative implique un nombre déterminé de médecins demandeurs ayant soumis, dans les conditions de l’exercice médical hospitalier ou de ville, un nombre également déterminé (ou déterminable) de patients à une spécialité délivrée par une firme pharmaceutique dans un volume également déterminé (ou déterminable) correspondant au nombre de patients traités. L’acceptation par une firme pharmaceutique d’honorer les ATU nominatives constituant, pour les médecins demandeurs, un service rendu, il ne serait pas excessif d’attendre en échange, de la part de ces médecins, une vigilance particulière (dont les modalités de réalisation pourraient être précisées dans une note d’information) s’exerçant tant en direction de la firme que du CRPV identifié, au moyen d’un bordereau duplicable. La pharmacovigilance de la firme peut classiquement organiser le recueil des éventuels effets indésirables présumés (graves comme non graves), soit selon le mode de la notification spontanée, soit selon le mode du recueil systématique. Cette deuxième modalité peut être mise en place sous la forme d’un document de suivi destiné à chacun des patients traités, remis au prescripteur en même temps que les traitements, et retourné en fin de traitement au service de la pharmacovigilance de la firme, dûment complété par le prescripteur. En cas de survenue d’un effet indésirable présumé, le prescripteur peut ainsi conserver trace de l’observation et avertir le service de pharmacovigilance de la firme. La firme et le prescripteur faisant partie intégrante du système national de pharmacovigilance décrit à l’article R 5144-5 (CSP), un tel mode de fonctionnement est réglementairement conforme, qu’il fonctionne en notification spontanée ou en recueil systématisé. L’article 5144-18 (CSP) soumet au respect de bonnes pratiques de pharmacovigilance, définies par arrêté du ministre de la Santé, les Centres régionaux de pharmacovigilance et les pharmacovigilances des entreprises. Il serait utile, lors d’une future rédaction de ces bonnes pratiques, de standardiser la situation des médicaments en ATU et ses conséquences en termes de pharmacovigilance. En application de l’article R 5144-19 (CSP), le médecin pres- cripteur (comme tout médecin ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament) doit faire la déclaration des effets indésirables graves ou inattendus qu’il relie au médicament sous ATU nominative au Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de sa région d’exercice. Rappelons que l’effet inattendu est un effet indésirable non mentionné au RCP du produit, ce qui, en matière de produit en ATU, ne recouvre pas l’ensemble des cas de figure possibles. En application de l’article R 5144-20 (CSP), la firme doit déclarer immédiatement au directeur général de l’AFSSaPS les effets indésirables graves qui lui ont été signalés en rapport avec le médicament en ATU (déclaration susceptible d’inclure des observations issues de pays tiers rapportant des effets présumés inattendus). La disposition relative au rapport régulier présentant la synthèse de l’ensemble des effets indésirables déclarés par la firme ou signalés à la firme étant contingentée, soit à une demande immédiate du directeur général de l’Agence, soit à des périodes rythmées par la date de l’AMM, on peut considérer qu’en matière de médicament en ATU, la disposition souffre d’une rédaction inappropriée. Deux idées peuvent être dégagées pour résoudre les difficultés ainsi constituées : La firme et l’AFSSaPS pourraient, dès l’octroi de la première ATU nominative, en prévision des extensions, convenir de l’affectation des déclarations à un CRPV identifié, et définir la date d’origine et la périodicité des rapports. La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 1 - janvier-février 2002 Notons que l’AFSSaPS peut : adresser aux médecins demandeurs une injonction d’organiser “un suivi du patient et un recueil prospectif des informations portant notamment sur la tolérance de ce traitement (sous ATU)”, précisant que l’Unité ATU ou un CRPV est destinataire de ces informations au terme du traitement et en cas de renouvellement de l’ATU ; préciser aux médecins demandeurs leur devoir général de vigilance et ses modalités de réalisation, la procédure étant destinée à permettre le recueil des manifestations cliniquement ou biologiquement signifiantes ; adresser au laboratoire pharmaceutique des rappels concernant le contenu de l’information délivrée par celui-ci aux médecins demandeurs en matière de recueil d’effets indésirables. Recommandations pour la pratique : Concernant les notifications. S’il paraît intéressant d’organiser un système destiné à recueillir l’ensemble des effets indésirables graves, comme non graves, observés, selon la mise à disposition incitative des prescripteurs de fiches de notifications, les dispositions réglementaires sont respectées dès lors que les notifications spontanées sont prises en compte par la pharmacovigilance de la firme. Peuvent être saisis, au minimum, les effets notifiés présumés liés, les effets graves étant déclarés dans un délai maximum de 15 jours à l’administration compétente. Dans le cas où le produit ferait l’objet d’un développement clinique en France, ces événements ainsi notifiés peuvent prendre le caractère de “fait nouveau” soumis à déclaration. Le caractère “inattendu” sera apprécié au regard de la “notice d’information thérapeutique évoquée en II.3.2”. Concernant les rapports périodiques. En France, des rapports périodiques (semestriels, annuels) peuvent être organisés à partir de la date de délivrance de la première ATU nominative. La situation est à évaluer selon que la firme projette ou ne projette pas de conduire le produit faisant l’objet d’une ATU nominative vers une AMM (quelle que soit l’indication revendiquée). 19 P H A R M A C O V I G I L A N C E Du point de vue international, deux situations sont possibles : Le produit ne fait l’objet d’aucune AMM. Il peut être choisi, à partir de la date de première ATU nominative, d’effectuer des rapports réguliers, éventuellement semestriels, le temps de l’existence d’ATU nominatives valides. Le produit fait l’objet d’une AMM dans d’autres États. Les rapports concernant l’utilisation thérapeutique sur le territoire français, dans le cadre de l’ATU nominative, trouvent également place dans les PSUR réglementairement prévus par les procédures internationales. ATU DE COHORTE ET PHARMACOVIGILANCE EXERCÉE PAR LES FIRMES Situations rencontrées La demande peut affecter : – Un produit en développement, non encore autorisé. – Un produit non encore enregistré en France, mais éventuellement enregistré dans un autre pays. – Un produit ne faisant plus l’objet d’une AMM en France, mais susceptible d’être encore exploité dans un autre pays. Cette deuxième hypothèse nécessite le rappel de l’énoncé de l’article L. 5 121-a disposant que l’octroi d’une ATU dite “de cohorte” est prononcé dans le cas “de maladies graves ou rares lorsqu’il n’existe pas de traitement approprié (et) que l’efficacité et la sécurité de ces médicaments sont fortement présumées, au vu des résultats d’essais thérapeutiques auxquels il a été procédé en vue d’une demande d’AMM, que cette demande a été déposée, ou que le demandeur s’engage à la déposer dans un délai déterminé”. Une demande d’ATU de cohorte, pour un produit ne faisant plus l’objet d’une AMM, ne répond à la disposition légale que si le demandeur envisage une nouvelle AMM à terme dans l’indication évoquée. Demande d’ATU de cohorte Si, stricto sensu, elle émane de la firme, elle peut également, dans le cas de transformation d’une ATU nominative en ATU de cohorte, procéder d’une incitation de l’Agence ou de notoriétés médicales. Elle comporte le dépôt d’un dossier par le “titulaire des droits d’exploitation”. La cohorte constituée pourra évoluer parallèlement à des essais cliniques, certains investigateurs participant à ces essais pouvant participer à la cohorte. Elle s’adresse à des médecins non nécessairement encore tous identifiés, au moment de la demande pour des patients identifiables en cours de cohorte. L’ATU sera valable un an (éventuellement renouvelable), accompagnée des annexes également prévues pour l’AMM (RCP, étiquetage, notice). Notons, du fait d’essais cliniques, l’existence d’une brochure pour les investigateurs. L’utilisation s’effectue généralement dans le cadre d’un protocole d’utilisation thérapeutique défini consensuellement par la 20 firme et l’AFSSaPS, à la demande de cette dernière, comportant notamment les modalités de recueil des informations relatives aux patients traités, à l’utilisation effective du produit, aux effets indésirables observés (en particulier graves et inattendus) impliquant de facto le service de pharmacovigilance de la firme. La cohorte ainsi mise en place n’est pas un essai clinique, et le médecin prescripteur n’est pas un investigateur lorsqu’il intervient dans le cadre de l’ATU de cohorte. Rien ne s’oppose à ce que les fichiers de suivi de cette cohorte s’intègrent dans le fichier pharmacovigilance de la firme, en matière d’obligation de déclaration à la CNIL (conformément aux dispositions de la loi informatique et libertés – loi 78-17 du 6 janvier 1978 – et de son amendement relatif aux données de santé – loi 94-548 du 1er juillet 1994). Les fichiers constitués pour permettre une gestion particulière d’une cohorte résultant d’une ATU (fichier de prescripteurs associé au fichier de patients traités) peuvent également, du point de vue des obligations légales, être individualisés et soumis à chaque création, aux dispositions de la loi relative au traitement automatisé des données de santé (avis du comité consultatif pour le traitement automatisé des données de santé, autorisation de la CNIL). Ces fichiers ne peuvent faire l’objet d’une procédure simplifiée. Rappelons que les résultats du suivi issus du protocole d’utilisation thérapeutique devront être joints au dossier de demande d’AMM ou de renouvellement de l’ATU. Bien que, contrairement aux dispositions relatives à l’ATU nominative, celles relatives à l’ATU de cohorte ne fassent pas mention de “responsabilité du médecin”, l’obligation relative à l’information du patient sur la nature et le statut sans AMM du traitement est identique. Les règles de responsabilités (de la firme demanderesse, du médecin prescripteur) mériteraient d’être mieux précisées. Elles ne sont, par définition, pas celles de l’essai clinique. La mise en place systématique, par la firme, d’un protocole d’utilisation thérapeutique a le mérite de clarifier certains aspects sous la condition d’être validée par l’AFSSaPS. Délivrance du produit sous ATU de cohorte Destinataires. À la différence d’une cohorte d’épidémiologie où les médecins intervenants sont recrutés au préalable par la firme organisatrice, il semble ici possible que des médecins intéressés par le traitements sous ATU puissent solliciter le laboratoire pharmaceutique pour rejoindre l’ATU de cohorte. Le produit peut, cependant, faire l’objet d’une restriction de prescription, ainsi que de modalités particulières de dispensation pharmaceutique. Il n’est pas sans intérêt de se demander quelle est la cohorte constituée : cohorte de médecins habilités à utiliser le produit sous ATU, cohorte de pharmaciens destinés à le dispenser sur prescription conforme, cohorte de patients traités, voire les trois cohortes en même temps ? Modalités pratiques de l’ATU de cohorte. Si le protocole d’utilisation thérapeutique et de recueil d’information peut être la condition, mise par l’Agence, à l’octroi de l’ATU de cohorte La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 1 - janvier-février 2002 P H A R M A C O V I G I L A N C E à la firme, il est recommandé d’en proposer un systématiquement, correspondant au plan déterminé à l’article R 5142-22 CSP, qui énonce : l Le rappel de la portée exacte de l’autorisation accordée. m Les critères d’utilisation établis en conformité avec le résumé des caractéristiques du produit mentionné au l de l’article R 5142-21. n Les modalités pratiques de prescription et de délivrance du médicament. o Les modalités de recueil des informations relatives, notamment : a) aux caractéristiques des patients traités, b) à l’utilisation effective du médicament, c) aux effets indésirables graves ou inattendus résultant de cette utilisation. p Conformément à l’article R 5144-20-1 : a) le ou les destinataire(s) des déclarations prévues à l’article R 5144-19 et au premier alinéa de l’article R 5144-20 ; b) le contenu et la périodicité des informations prévues au deuxième alinéa de l’article R 5144-20 devant être fournies par le titulaire de l’autorisation au directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. q Les modalités de l’information des patients sur le médicament et la portée exacte de l’autorisation dont il fait l’objet. Ce protocole est destiné aux pharmaciens concernés et aux prescripteurs. Le responsable de la transmission aux patients des informations ci-dessus évoquées en q, et de leur éventuel développement, est le prescripteur. Il n’est pas organisé par la loi de procédure d’information et de consentement écrit en la matière. À la différence de la situation de l’essai clinique, où le laboratoire promoteur doit garantir l’existence et les conditions de l’information et du consentement des patients à participer à la recherche selon une procédure expresse et écrite, le laboratoire n’est nullement impliqué dans la démarche thérapeutique s’inscrivant dans l’ATU de cohorte, qui relève de l’exercice de la médecine publique ou libérale. L’existence d’un “formulaire de consentement informé” destiné aux patients et organisé par le laboratoire pharmaceutique n’est pas une démarche pertinente. Un document d’information est prévu par le protocole d’utilisation thérapeutique à destination des patients, mais la loi ne prévoit pas qu’il soit signé par ceux-ci. – en matière de recueil des déclarations émanant des professionnels de santé ou des firmes pharmaceutiques, – en matière de contenu et de périodicité des rapports périodiques devant être fournis par la firme au directeur général de l’Agence. Il s’agit là de dispositions dérogatoires aux règles générales concernant les effets indésirables graves ou inattendus (en ce qui concerne les professionnels de santé), et les effets indésirables graves devant être déclarés sous quinzaine par les firmes. Le protocole d’utilisation thérapeutique devrait également déterminer : – l’éventualité du recueil des événements non graves ; – l’éventuelle information relative à des événements survenant à l’étranger, si le produit bénéficie d’une AMM dans d’autres pays ; – l’échéancier de transmission des rapports périodiques vis-àvis de la France comme d’un rapport périodique international. Il convient de retenir, tout au long d’une ATU de cohorte, que son obtention est contingentée par la législation à l’engagement d’un dépôt d’AMM à terme pour le produit concerné par le demandeur de l’autorisation. Les informations recueillies comme déclarées par la pharmacovigilance de la firme au cours de la cohorte ont vocation à s’intégrer dans le dossier d’AMM. Bien que ne constituant pas un essai clinique, la cohorte nécessite, dans sa réalisation, la qualité préconisée pour les essais. De l’ATU nominative à l’ATU de cohorte. La législation distingue l’ATU nominative de l’ATU de cohorte. Cette distinction n’a pas pour effet d’empêcher le passage de la première vers la seconde. Cette transformation n’est pas sans présenter des difficultés, notamment en matière de continuum vis-à-vis des patients passant de l’une à l’autre. Il convient d’organiser la traçabilité de la participation des patients antérieurement inclus au regard de la constitution de la cohorte. D’un point de vue administratif, l’ATU de cohorte prédomine sur l’ATU nominative, et les rapports à venir semblent devoir être référencés sur la date d’obtention de l’ATU de cohorte. Ne sont pas de l’ordre de la présente réflexion, les considérations relatives au passage de l’ATU à l’AMM. Ce dernier point, dont la date est déterminée par le directeur général de l’Agence, pour le pharmacovigilant de la firme, représente le passage des conditions de recueil organisé par le protocole d’utilisation thérapeutique aux conditions classiques. Il peut en découler des problèmes spécifiques. O Pharmacovigilance des ATU de cohorte. Bien que l’article R 5142-22 du CSP rappelle la soumission de l’ATU de cohorte aux règles de la pharmacovigilance (décret 95-278 du 13 mars 1995, articles R 5144-1 et suivants du CSP), il dispose que le protocole d’utilisation thérapeutique peut organiser des modalités différentes de celles prévues par le règlement : La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 1 - janvier-février 2002 21