INTERPRETATION DES EXAMENS REALISES A LA CLINIQUE:
CYTOLOGIE, TRICHOGRAMME ET CULTURES DE DERMATOPHYTES.
Kimberly S. Coyner
DermatologyClinic for Animals, Olympia, WA, USA
1. Introduction
En plus des raclages cutanés pour rechercher des parasites, tous les cas d’alopécie, de
squames, de croûtes, de papules, pustules ou lichénifications doivent faire l’objet
d’une recherche d’agents infectieux par une cytologie cutanée. Ces examens faciles
et rapides, réalisés directement à la clinique vont non seulement permettre de poser un
diagnostic précis et de prescrire le traitement adapté mais ils sont aussi générateurs de
revenus. En outre, avec le problème de plus en plus présent des infections cutanées
bactériennes résistantes à la méthicilline, la cytologie permet de suivre la réponse à la
thérapie antimicrobienne et également de prendre les meilleures décisions quant à la
réalisation de cultures. En plus de l’examen cytologique des lésions dermatologiques,
l’évaluation des tiges et des bulbes pilaires par un trichogramme permet de recueillir
des informations importantes. De la même manière, une aspiration à l’aiguille fine
des nodules cutanés va permettre de différencier les lésions bénignes qui
nécessiteront seulement une surveillance, des tumeurs néoplasiques qui devront être
biopsiées ou retirées chirurgicalement. Enfin, les cultures de dermatophytes sont des
tests importants à réaliser en raison de la nature zoonotique de la maladie ; aussi il est
primordial de savoir les réaliser et les interpréter correctement.
2. Cytologie cutanée
La cytologie cutanée peut être utilisée pour obtenir des informations sur les infections
dues à des bactéries ou des Malassezia mais aussi pour caractériser les infiltrats
inflammatoires. Les prélèvements sont placés sur une lame de microscope et colorés
avec une coloration de type Romanowsky (DiffQuik) avant d’être observés au
grossissement 40-100X. La présence d’une inflammation à neutrophiles ou
pyogranulomateuse est indicative d’un processus infectieux ou inflammatoire. Un
infiltrat éosinophile aiguille vers une hypersensibilité et la présence de cellules
acantholytiques peut suggérer un pemphigus mais elles peuvent aussi être vues lors
d’infections bactériennes chroniques ou encore en cas d’infection à Trichophyton.
Toutes ces situations vont motiver la réalisation d’une biopsie et d’un diagnostic
histologique. Dans certains cas de dermatophytoses, des arthroconidies ou des hyphae
peuvent être retrouvés en cytologie de surface. Il est essentiel d’avoir un bon
microscope pour réaliser des examens cytologiques précis. Fort heureusement, les
prix de ces appareils ont fortement baissé ces 20 dernières années. On trouve
désormais du matériel à des prix abordables comme le Swift M10
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A. Méthodes d’obtention d’échantillons pour les cytologies cutanées
i) Si on trouve une pustule, il est possible de la percer avec une aiguille et de
recueillir son contenu pour l’étaler sur une lame.
ii) Face à une lésion humide ou grasse, on peut faire un prélèvement
simplement en pressant la lame de microscope à la surface de la lésion.
iii) Pour les lésions sèches, squameuses ou les croûtes diffuses, utilisez une
lame de scalpel émoussée sans huile minérale pour collecter quelques
débris de surface qui seront ensuite étalés sur une lame. Face à des croûtes
de taille plus importante, on peut utiliser le scalpel ou le bord de la lame
de microscope pour soulever le bord de la croûte et obtenir un calque de
l’exsudat ou des débris situés dessous.
iv) Pour les lésions de l’espace inter digité, on peut obtenir des échantillons
directement en appuyant le tissu sur une lame, en roulant un coton tige sur
la lame après l’avoir utilisé pour recueillir des débris entre les doigts ou
encore en utilisant la technique du ruban adhésif dite « scotch test » (voir
ci-dessous). Pour les cas de paronychie, les débris présents dans le lit de
l’ongle peuvent être collectés à l’aide d’une lame émoussée ou encore
avec le bois d’un écouvillon. Ils seront ensuite étalés sur une lame de
microscope.
v) Le ruban adhésif peut être utilisé pour prélever des échantillons dans les
zones sèches, lichénifiées ou au niveau de l’espace interdigité. Un
morceau de ruban adhésif transparent (type Crystal, pas le mat) est
appliqué fermement sur la lésion avant d’être posé sur une lame de
microscope sur laquelle on aura placé quelques gouttes du bleu de la
coloration DiffQuik ou de lactophénol bleu. L’échantillon est alors
observé au grossissement 40-100X.
B. Attention aux artéfacts de bactéries
i) Les grains de mélanine peuvent être ronds ou allongés. Ils ont en général
un aspect réfractaire et une couleur brun-vert.
ii) Les granules de kérato-hyaline sont de couleur rose à violet. Ils sont de
forme irrégulière et peuvent être trouvés dans les cellules épithéliales de la
couche granuleuse de l’épiderme. Ils contiennent des filaments de
profilaggrine et de kératine.
iii) Les précipités de colorant sont des débris amorphe, souvent granuleux.
3. Cytologie des masses cutanées
Les masses cutanées peuvent être des tumeurs (bénignes ou malignes), des
granulomes (infectieux ou à médiation immune), des abcès ou des kystes. L’examen
de prélèvements à l’aiguille fine à la clinique est une première étape importante pour
le diagnostic et le traitement à suivre. Il est essentiel de garder en tête que certaines
néoplasies diffusent peu et que la ponction à l’aiguille fine peut passer à côté de
certaines tumeurs. Les biopsies et les exérèses chirurgicales seront indiqués pour les
masses où l’examen cytologique réalisé à la clinique n’est pas diagnostique ou si la
masse cutanée change ou grossit.
A. Comment réaliser une ponction à l’aiguille fine
i) Utiliser une aiguille 22g et une seringue de 3 à 6 cc.
ii) Insérer l’aiguille dans la lésion, aspirer, la rediriger et aspirer une nouvelle
fois. NB : si la lésion est vasculaire, n’insérer l’aiguille qu’une fois avant de la
retirer pour éviter une dilution de l’échantillon par du sang.
iii) Enlever l’aiguille de la seringue, remplir celle-ci d’air, replacer l’aiguille et
souffler le contenu de l’aiguille sur une lame.
iv) Utiliser une seconde lame pour écraser délicatement l’échantillon obtenu afin
d’obtenir une couche monocellulaire.
v) Colorer avec une coloration de type Romanowsky (DiffQuik), observer
d’abord au grossissement10X pour repérer une zone diagnostique et puis
passer à 40-100X.
B. Masses cutanées courantes qui peuvent être identifiées à la clinique
i) Kystes folliculaires/tumeurs folliculaires bénignes : généralement des débris
amorphes kératinisés +/-grains de mélanine.
ii) Lipome: se dissout souvent lors de la coloration mais il subsiste des lipocytes
résiduels et on trouve aussi les lipides non-colorés.
iii) Mélanomes.
iv) Tumeurs à cellules rondes: histiocytome, mastocytome, plasmocytome,
lymphome, tumeurs vénériennes transmissibles.
v) Autres tumeurs: on peut observer de grosses cellules épithéliales bizarres dans
les carcinomes squamo-cellulaires. C’est une indication pour une
biopsie/exérèse.
C. cisions à prendre grâce à la cytologie “maison”
i) Nodules “on attend et on surveille”: kystes folliculaires, lipomes,
histiocytome.
ii) Il nous faut biopsier et éventuellement grader les lésions : mastocytome,
lymphome, plasmocytome, mélanome.
iii) Il nous faut biopsier /utiliser des colorations spéciales /mettre des tissus en
culture : inflammations pyogranulomateuses.
iv) Il nous faut biopsier: tout ce qui reste y compris les prélèvements à
l’aiguille fine non diagnostiques.
4. Trichogrammes
Les trichogrammes peuvent être utiles en cas d’alopécie localisée ou généralisée pour
estimer le ratio anagène/télogène des bulbes, visualiser les lésions des pointes
(“barbering”), évaluer l’intégrité /les lésions de la tige pilaire, examiner la distribution
des pigments en cas de suspicion d’alopécie des robes diluées et aussi, en cas de
suspicion de dermatophytose, rechercher l’infection des poils. L’épilation réalisée pour
les trichogrammes permet aussi d’identifier les demodex dans les zones où les raclages
cutanés sont difficiles comme les lèvres et les pieds.
A. Comment réaliser et évaluer un trichogramme :
i) Epiler délicatement les poils avec les doigts ou avec une pince à bouts en
caoutchouc pour éviter des cassures d’origine iatrogène.
ii) En cas de suspicion d’infection à M. canis, la lampe de Wood peut permettre
d’identifier les poils à prélever (fluorescence).
iii) Placer les poils dans de l’huile minérale et poser un couvre lame.
iv) Observer au grossissement 10-40X pour évaluer la morphologie des racines et
de la tige pilaire.
v) La plupart des animaux auront un mélange de poils télogènes (repos) et
anagènes (croissance).
vi) Si toutes les racines sont en phase télogène, cela suggère une endocrinopathie
ou un effluvium logène. Pensez toutefois que chez les races Nordiques, la
phase télogène domine le cycle pilaire. Un nombre important de racines
anagènes fait diminuer la suspicion d’une endocrinopathie.
vii) Les robes diluées provoquent une accumulation de paquets de mélanine au
niveau des tiges pilaires.
viii) Les poils infectés par des dermatophytes montrent une invasion de leur
surface par les arthroconidies et les hyphae des champignons, ce qui donne
une apparence pâle et irrégulière à la tige pilaire.
.
5. Les cultures de dermatophytes
Les cultures de dermatophytes sont indiquées lorsqu’on suspecte une dermatophytose en
se basant sur l’anamnèse, l’examen clinique et/ou la contamination d’êtres humains ou
d’autres animaux vivant sous le me toit et quand des affections liées à des bactéries,
des levures ou des parasites ne peuvent expliquer la perte de poils.
A. Effectuer des prélèvements pour les cultures : On limite les faux résultats négatifs
en combinant la technique des poils épilés avec celle dite de la brosse à dents (à
l’aide d’une brosse à dents neuve, on brosse la zone atteinte et sa périphérie et on
presse délicatement les poils de la brosse directement sur le milieu de culture) .
C’est aussi la méthode recommandée pour détecter les éventuels porteurs
asymptomatiques de dermatophytes.
B. Réaliser la culture : Il est conseillé d’utiliser de préférence des plaques de culture
rectangulaires ou rondes plutôt que les tubes avec un bouchon à visser. Il faut
incuber les cultures fongiques à température ambiante et augmenter l’humidité
ambiante (pour limiter la dessiccation de la plaque) en plaçant les plaques dans un
sac en plastique transparent ou dans une boite entrouverte où on aura déposé un
petit récipient avec de l’eau. Il faut surveiller la culture quotidiennement pendant
21 jours Trichophyton à tendance à croitre lentement, tout comme les cultures
prélevées sur des animaux sous traitement antifongique. Les tests DTM
(Dermatophyte Test Medium) sont à base de dextrose Sabouraud avec de la
chlorheximidine, de la gentamycine et de la chloretétracycline comme agents
antibactériens et antifongiques pour retarder la croissance des organismes
contaminants. Un indicateur de pH, le rouge phénol, est additionné. Les
dermatophytes métabolisent préférentiellement les protéines du substrat de
culture, produisant des métabolites alcalins et faisant virer le milieu de culture
jaune en rouge, exactement au moment où la colonie de dermatophytes apparaît.
La plupart des autres champignons utilisent les hydrates de carbone et produisent
des métabolites acides. Ces champignons saprophytes peuvent éventuellement
consommer des protéines et provoquer un changement de couleur mais cela se
produit plusieurs jours après la croissance du dermatophyte.
C. Interpréter la culture : La morphologie de la colonie fongique est une première étape
importante pour déterminer la présence d’un dermatophyte. Microsporum et
Trichophyton spp, les dermatophytes les plus importants chez le chien et le chat,
apparaissent sous forme de colonies blanchâtres, légèrement jaunes, ocres ou couleur
chamois, d’aspect poudreux ou cotonneux. Les dermatophytes ne sont jamais noirs, verts
ou gris. En outre, sur les cultures de dermatophytes positives, le nombre de colonies
donne une bonne estimation de la sévérité de l’infection et, pour les animaux déjà sous
traitement antifongique, cela procure une indication sur la réponse au traitement.
L’évaluation microscopique de la croissance de la colonie est également importante car
certains champignons environnementaux donnent des colonies qui ressemblent
morphologiquement à celles des dermatophytes. Ils ont aussi la capacité de faire virer le
milieu au rouge alors que certaines souches de M. canis ne feront pas changer la couleur
du substrat. Il faut porter des gants pour éviter la contamination des mains par les
dermatophytes. Un petit morceau de ruban adhésif est utilisé pour toucher délicatement la
surface de la colonie avant de le placer directement sur une lame au-dessus d’une goutte
de colorant bleu (bleu de méthylène, bleu de lactophénol, ou le bleu des solutions Diff-
Quik, colorant à base de thiazine. La lame est examinée au grossissement 10-40X pour
déterminer les caractéristiques des macronidies du dermatophyte. Au début de la culture,
on ne peut voir que les hyphae fongiques et pas les macronidies (surtout pour
Trichophyton). En outre, ces cultures doivent être mises à incuber plus longtemps pour
permettre le développement des spores. Microsporum canis a des spores en forme de
toupie/fuseau avec des parois épaisses et une extrémité en bouton et 6 (ou plus) alvéoles
internes. Microsporum gypseum produit des grosses spores en fuseau avec des parois
fines, pas de bouchon aux extrémités et maximum 6 alvéoles internes. Trichophyton
mentagrophytes donne des longues macronidies en forme de cigare, avec de fines parois ;
des hyphae en spirale et de multiples amas de macronidies en grappes sont également
caractéristiques de Trichophyton. Dans les cas où les espèces de champignons ne
peuvent pas être facilement identifiées à la clinique, il faudra soumettre l’échantillon à un
laboratoire vétérinaire de référence pour une identification fongique.
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