Grand Journal de la Biodiversité

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La protection
des écosystèmes
s
en question
LA DÉMARCHE DE LAFARGE
LE GRAND JOURNAL
DE LA BIODIVERSITÉ
1. RÉHABILITATION, UNE OPPORTUNITÉ POUR LA BIODIVERSITÉ ? 2. RÉAMÉNAGEMENT : CONFRONTATION
OU CONCERTATION ? 3. VERS UN SYSTÈME DE MANAGEMENT DE LA BIODIVERSITÉ ? 4. COMMENT
PROTÉGER ET DÉVELOPPER LES SERVICES RENDUS PAR LES ÉCOSYSTÈMES ?
Lafarge exploite 730 carrières dans le monde // 450 millions de tonnes de roches sont
extraites // 64 % des carrières ont été évaluées selon des critères établis par le WWF //
79 % des carrières disposent d’un plan de réhabilitation // 35 % des carrières situées
04
DIVERSITÉ BIOLOGIQUE :
AGIR FACE À L’URGENCE
en zone sensible sont dotées d’un programme de développement de la biodiversité
06
BIODIVERSITÉ ET CARRIÈRES :
DES INITIATIVES LOCALES
À UNE DÉMARCHE DE PARTENARIATS
08
RÉHABILITATION, UNE OPPORTUNITÉ
POUR LA BIODIVERSITÉ ?
© Stéphane de Bourgies
SOMMAIRE
Un cadre global pour une politique au quotidien
14
RÉAMÉNAGEMENT : CONFRONTATION
OU CONCERTATION ?
BRUNO LAFONT
Président - Directeur général de Lafarge
Transparence et dialogue, une dynamique
de progrès
16
VERS UN SYSTÈME DE MANAGEMENT
DE LA BIODIVERSITÉ ?
Outils d’évaluation et formation,
gages d’efficacité
’
l
Organisation des Nations unies a déclaré 2010, Année internationale de la biodiversité afin
20
COMMENT PROTÉGER ET
DÉVELOPPER LES SERVICES RENDUS
PAR LES ÉCOSYSTÈMES ?
Le rôle inestimable du milieu naturel
de mettre en lumière les enjeux et de nous alerter. Les scientifiques nous le confirment :
notre planète enregistre une perte de richesse biologique et la préservation des écosystèmes
est un défi capital pour l’avenir du monde.
Notre engagement pour la construction d’un monde plus durable est ancien. Il est le reflet
© Médiathèque Lafarge - Francis Vigouroux
de nos valeurs et fondé sur une évidence : nous devons être exemplaires dans nos opérations
et suivre une démarche responsable qui suppose transparence et dialogue avec les associations
et les communautés voisines des carrières que nous exploitons. Notre ancrage au cœur des
territoires nous a permis de développer une grande capacité d’écoute et de concertation.
PAGES CENTRALES
LES 3 VIES D’UNE CARRIÈRE
Ainsi, nous avons appris à enrichir notre approche scientifique de protection de la nature avec
des savoirs ancestraux. Aujourd’hui, nous avons fait des progrès importants. Nous sommes
capables d’insérer la carrière dans son environnement naturel, de reconstituer des habitats
pour la faune et la flore, et de préserver les espèces sensibles.
Notre objectif est maintenant d’être reconnu partout dans le monde comme un contributeur
> Carrière d’Anneville, Normandie, France.
responsable, compétent et efficace, au progrès de la biodiversité. Cette ambition s’appuie sur
des partenariats globaux et locaux – notamment avec le WWF International – sur des équipes
dédiées et motivées, sur notre dynamisme et notre désir partagé de progresser et d’apprendre.
© Charlotte Cauwer
Une feuille de route pour la biodiversité
Lancées en 2007, les Ambitions Développement durable 2012 scellent les engagements
de Lafarge dans le domaine du développement durable en fixant des objectifs chiffrés. Le volet
consacré à la protection de la biodiversité prévoit notamment d’évaluer, selon des critères
validés par le WWF, la valeur écologique de l’ensemble des 730 carrières exploitées par le Groupe
à travers le monde. Il préconise également la mise en place de plans de développement de
la biodiversité sur les sites abritant des espèces animales ou végétales rares ou localisés dans
des périmètres protégés, en collaboration avec les associations environnementales locales.
BRUNO LAFONT
> De l’élaboration du projet de réaménagement du site
à sa réhabilitation, en passant par la période d’exploitation.
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LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
OLIVIER LUNEAU
Directeur du Développement durable et des Affaires publiques Groupe
© Alain Le Breton
© Médiathèque Lafarge - ConstructionPhotography.com - Paul McMullin
> Carrière réhabilitée de Caversham, Royaume-Uni.
“
Au cœur de notre stratégie
de développement durable,
la protection de la biodiversité
est une préoccupation ancienne
pour nous. Mais elle a pris
toute sa mesure depuis 2000,
grâce à la signature du partenariat
avec le WWF. Nous nous sommes
alors formellement engagés
à instaurer des plans de réhabilitation
de toutes nos carrières en activité.
Nos équipes se sont beaucoup
professionnalisées et, aujourd’hui,
nous avons atteint un niveau de
maturité qui nous permet d’avoir des
objectifs mesurables. En lien avec
les parties prenantes, nous identifions
les risques et appliquons notre
politique. Nous mesurons
constamment sa pertinence grâce à
nos indicateurs clés de performance.”
LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
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Les espèces sont actuellement en phase d’extinction massive. Cette urgence
Afin de mener une démarche de protection de la biodiversité sur ses anciennes
appelle à une mobilisation des scientifiques, pouvoirs publics et acteurs
carrières, Lafarge a noué, au fil des ans, de nombreux partenariats. À la clé,
L’érosion de la biodiversité observée depuis les
Pour comprendre et préserver la flore et la faune, le
économiques, tenus d’intégrer rapidement des critères de développement durable.
une connaissance approfondie du vivant et des outils de diagnostic écologique.
partage des connaissances est un enjeu essentiel.
années 1980 est en partie due à l’activité humaine.
“
rigueur, de la discipline, et des
investissements. Une approche
responsable peut présenter
un coût initial mais, au final,
être un bon voisin, être une
entreprise respectueuse des milieux
naturels apporte des bénéfices.”
Diversité biologique :
agir face à l’urgence
2010 a été décrétée Année internationale de la biodiversité par les Nations
unies pour sensibiliser l’opinion mondiale aux dangers qui pèsent
aujourd’hui sur la survie de nombreuses espèces animales et végétales.
Communément, la biodiversité désigne la variété des espèces vivantes sur
notre planète. Or, aujourd’hui, la disparition des espèces s’opère à un rythme
alarmant. « Le point de vue est unanime parmi les spécialistes : on assiste
à une érosion, un recul profond de la biodiversité, constate Jean-Marie Pelt,
professeur honoraire de biologie végétale à l’université de Metz et président
de l’Institut européen d’écologie. Le taux d’extinction est, selon les espèces,
de 50 à 1 000 fois supérieur au taux d’extinction attendu. C’est une érosion
rapide, et qui s’accélère. »
Phase d’extinction massive. En 2005, le rapport « Millennium Ecosystem
Assessment » estimait que la disparition de 12 % des oiseaux, 25 % des
mammifères et 32 % des amphibiens se produirait d’ici à 2100. Et nombre
de scientifiques estiment aujourd’hui que la planète traverse sa sixième
grande crise d’extinction. Une crise essentiellement due à l’action de l’espèce
humaine sur son environnement. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) distingue, en effet, quatre grandes causes, qui, interconnectées, sont à l’origine de cette extinction massive : l’exploitation intensive des
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LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
ressources (chasse, pêche…) ; les invasions ou les proliférations d’espèces
(certaines algues ou cultures notamment) ; le réchauffement climatique,
principalement dû à l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ; et
la destruction ou la dégradation des écosystèmes (urbanisation, déforestation,
pollution des sols et des eaux, prélèvement non durable de l’eau…).
Si la disparition d’espèces vivantes peut parfois relever d’un phénomène
de régulation naturelle, son rythme actuel est extrêmement élevé. Et l’effet
d’entraînement de cette contraction de la biodiversité sur la planète est dévastateur : chaque espèce qui disparaît met en péril l’équilibre d’un écosystème
entier, avec le risque de provoquer de nouvelles extinctions et de bouleverser
des phénomènes naturels qui paraissaient immuables.
Des pratiques remises en question. L’intervention humaine a souvent
malmené les milieux naturels. La déforestation, la chimie agricole alliée à une
culture intensive ou encore l’assèchement des zones humides ont causé
d’immenses préjudices. « Le sol est un écosystème, souligne JeanPaul Jeanrenaud, directeur des relations avec les entreprises au WWF International. S’il est maintenu en bonne santé, il sera productif ad vitam æternam
et fournira toujours de la nourriture. En revanche, si l’on détruit la faune et
la flore naturelle qui sont à l’origine de sa fertilité, il faudra toujours plus
d’apport extérieur, ce qui coûtera de plus en plus en cher. Et en définitive,
le sol sera rendu stérile : il ne sera plus qu’une matrice pour maintenir les
plantes dans une position verticale. »
Les écosystèmes des marais, longtemps jugés improductifs, ont également
pâti de l’activité humaine. « Quand on parlait des zones humides, autrefois,
on parlait de marécages, indique Arnaud Colson, directeur des affaires
publiques et du développement durable de l’Activité Granulats & Béton en
France. Le marécage avait une connotation très négative : il attirait les
moustiques et les maladies, il propageait les virus. Aujourd’hui, nous savons
© DR
© DR Médiathèque Lafarge
Il y a des endroits
particulièrement sensibles
où il ne devrait y avoir aucune
activité industrielle, et les entreprises
doivent apprendre à respecter
ces restrictions. Dans d’autres,
il est parfaitement possible
de protéger la biodiversité tout
en exerçant une activité industrielle.
Mais cela requiert une certaine
© Irène R Lengui / L’IV
JEAN-PAUL JEANRENAUD
Directeur des relations avec les entreprises au WWF International
LA VIE SUR TERRE, UN FRAGILE ÉQUILIBRE
> Carrière réhabilitée de Meknès, Maroc.
que le marécage est une zone humide riche au plan écologique parce que,
justement, elle accueille de nombreuses espèces, dont les moustiques, qui
font partie de la chaîne alimentaire des oiseaux et des batraciens. Nous
savons aussi qu’elle procure un service d’écosystème essentiel : la purification de l’eau. »
Devant le constat des dégâts causés par des pratiques irresponsables,
une évidence s’impose. « Protéger l’environnement relève tout simplement du
bon sens, souligne Jean-Paul Jeanrenaud (WWF International). Sans écologie,
il n’y a pas d’économie : on ne fait pas de business sur une planète morte. »
Face à l’urgence, pouvoirs publics, ONG, scientifiques, mais également
industriels doivent se mobiliser pour prendre les mesures nécessaires à la
protection des espèces et de leurs habitats. La mise en place de partenariats
et d’initiatives communes paraît aujourd’hui indispensable pour mener des
actions concertées et mobiliser l’expertise permettant de mesurer l’impact
des activités humaines. « Non seulement l’industrie peut faire rimer business
et préservation de l’environnement, mais elle le doit, conclut Jean-Marie
Pelt. Elle doit intégrer l’ensemble des problématiques de développement
durable. Il n’existe a priori aucune incompatibilité rédhibitoire, pour peu
que l’on ait à l’esprit un autre modèle et que l’on mette en œuvre des
pratiques adaptées. »
La biodiversité est partout, sur terre et dans l’eau.
Elle englobe toutes les formes de vie, des microorganismes aux plantes et animaux. La survie et
la reproduction des espèces vivantes reposent sur
un ensemble d’interactions communément désigné
par le terme d’écosystème. Cette interdépendance
rend la nature extrêmement vulnérable à une
extinction accélérée des espèces.
INDICE PLANÈTE VIVANTE
(Indice 1 en 1970)
1,4
1,2
1,0
ESPÈCES
TERRESTRES
0,8
ESPÈCES
MARINES
0,6
ENSEMBLE
DES VERTÉBRÉS
0,4
ESPÈCES
D’EAU DOUCE
0,2
0
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
L’Indice Planète vivante est un indicateur de la biodiversité dans le monde. Son évolution
accuse une régression à partir des années 1980, qui s’accélère après 1990.
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LES ÉTAPES CLÉS DE LA POLITIQUE DE LAFARGE EN FAVEUR DE LA BIODIVERSITÉ
Dès le début des années 1970,
Lafarge prend en compte les enjeux
environnementaux sur ses sites,
et notamment les carrières.
Le Groupe adopte alors plusieurs
mesures qui anticipent les
réglementations, comme en France
et au Kenya.
1980
1987
1992
Au cours des années 1980, Lafarge noue
de multiples partenariats, officiels ou
informels, avec des associations locales
de naturalistes sur des thèmes précis : un
ornithologue qui vient compter les oiseaux
sur une carrière, un botaniste qui a repéré
des espèces intéressantes sur un site…
Le rapport Brundtland
de la Commission mondiale
sur l’environnement
et le développement
crée un nouveau concept :
« Le développement
durable est un mode
de développement
qui répond aux besoins
du présent sans
compromettre la capacité
des générations futures
de répondre aux leurs. »
À Rio de Janeiro (Brésil)
se tient la première
conférence des Nations unies
sur l’environnement.
Elle aboutit notamment
à la signature de la Convention
sur la diversité biologique.
Lafarge signe son premier
partenariat en France avec
le Muséum national d’histoire
naturelle. Les études menées
contribuent à développer une
expertise dans la connaissance
du vivant sur les carrières.
2000
Membres du Conseil mondial des
entreprises pour le développement durable
(World Business Council for Sustainable
Development ou WBCSD), Lafarge
et Holcim créent l’Initiative ciment
pour le développement durable.
Cette démarche sectorielle novatrice
réunit aujourd’hui 23 cimentiers du monde
entier, qui travaillent ensemble à réduire
les impacts écologiques de leurs activités.
2007
2009
Le plan Ambitions
Développement durable 2012
de Lafarge fixe des objectifs
chiffrés pour réduire
l’empreinte environnementale
des activités du Groupe.
Dans la carrière de Presque Isle
aux États-Unis, Lafarge lance pour la
première fois une étude visant à analyser
et évaluer la valeur des services rendus
par les écosystèmes sur l’un de ses sites.
Le WWF et Lafarge nouent
un partenariat.
Cette association inédite
entre un acteur industriel
et une organisation non
gouvernementale de
protection de l’environnement
crée un précédent.
© Médiathèque Lafarge
La Communauté européenne
adopte la directive oiseaux,
relative à la préservation des
espèces sauvages.
La même année, la convention
de Berne sur la protection
de la vie sauvage est signée par
la Communauté européenne
et quarante-quatre autres pays.
1999
1995
© DR
1979
© DR Médiathèque Lafarge
1970
“
PIERRE DE PRÉMARE
Directeur de l’environnement et des affaires
publiques pour les carrières de Lafarge
“
Il y a eu un véritable
changement dans
le contexte international.
Auparavant, les industriels
étaient considérés comme de
grands destructeurs de la nature.
Dans de nombreux pays,
le Groupe commence aujourd’hui
à nouer des relations de
confiance avec les associations
environnementales et les
scientifiques. Comme le souligne
le WBCSD, la préservation
de l’environnement repose aussi
sur les entreprises.”
Dans les années 1980,
on a pris conscience que, tout
au long des Trente glorieuses,
la reconstruction de nos différents
pays engagée après la Seconde
Guerre mondiale s’était faite dans
des conditions discutables du
point de vue de l’environnement.
`
L’urgence de la reconstruction
et une réglementation relativement
souple ont favorisé des procédés
industriels néfastes d’un point
de vue écologique.
Aujourd’hui, on se rend compte
que les principes de développement
durable, en plus d’être utiles pour
l’environnement, se révèlent
bénéfiques en matière de rentabilité.”
© Médiathèque Lafarge - Olivier Coulange
© Médiathèque Lafarge
ARNAUD COLSON
Directeur des affaires publiques et du développement durable de l’Activité Granulats & Béton, France
HALLER PARK, UN SITE D’EXCEPTION
Le réaménagement en parc naturel de
l’ancienne carrière de la cimenterie de Bamburi,
près de Mombasa au Kenya, a commencé dès
le début des années 1970. Sur les 422 espèces
végétales introduites ou apparues spontanément
Biodiversité et carrières :
des initiatives locales à une
démarche de partenariats
L’extraction de matières premières minérales est indispensable à la fabrication de matériaux de construction. Le calcaire et l’argile entrent dans la composition du ciment, le plâtre est fait à partir de gypse, tandis que les granulats
sont des roches concassées. Lafarge exploite aujourd’hui 730 carrières à
travers le monde, d’où sont extraites 450 millions de tonnes de roches. Sur ces
sites, qui échappent à l’activité agricole et à l’urbanisation, existe l’opportunité
de créer des zones adaptées pour accueillir diverses espèces animales et
végétales. À condition de développer des procédés d’exploitation responsables
et de recréer des espaces écologiques sur le site des anciennes carrières.
Afin de mesurer et maîtriser l’impact de ses carrières sur l’environnement,
Lafarge a progressivement mis en place une politique de partenariats.
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LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
Les prémices de la réhabilitation. Dès les années 1970 et tout au long
des années 1980, le rapprochement des sites d’extraction avec des associations de naturalistes se faisait au niveau local, de façon ponctuelle et le plus
souvent informelle. Mais au milieu des années 1990, une nouvelle étape
est franchie, et la démarche est élargie. Elle constitue la première étape vers
la définition d’une politique globale de préservation des milieux naturels et
des espèces menacées.
« En 1995, Lafarge a été le premier industriel à mettre en place un contrat avec
le Muséum national d’histoire naturelle en France, se rappelle Arnaud Colson,
directeur des affaires publiques et du développement durable de l’Activité
Granulats & Béton du Groupe en France. Cela ne s’était jamais fait auparavant.
Ce partenariat consistait à établir des inventaires scientifiques sur nos terrains,
en totale transparence, et à travailler sur des projets de réhabilitation. Cela a
été passionnant, car nous avons fait beaucoup de découvertes sur le plan
scientifique, et effacé un certain nombre de nos préjugés. » C’est à cette
période que s’est développée la notion de réaménagement progressif ou
coordonné qui sera appliquée à toutes les carrières du Groupe, tandis que
les actions menées auparavant, sur la base d’initiatives locales, souffraient
de grandes disparités.
Initier une dynamique à l’échelle du secteur. En 1995, Lafarge rejoint
le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (World
Business Council for Sustainable Development ou WBCSD), un groupement
dans les écosystèmes forestiers, les zones humides
et les prairies réaménagées de l’ancienne carrière,
364 ont survécu, dont 30 figurent sur la liste
rouge des espèces menacées établie par l’Union
internationale pour la conservation de la nature
de 200 entreprises engagées pour faire progresser les problématiques liées
au développement durable. L’objectif affiché du WBCSD est d’imaginer et de
promouvoir des processus industriels dont l’empreinte environnementale sera
neutre, voire positive. Dans le secteur cimentier, un tel objectif nécessite
de longues années et de profondes transformations. Mais, en prenant des
engagements concrets et publics, Lafarge a initié une réelle dynamique à l’échelle
du secteur. Associé au groupe de travail sur la biodiversité, Lafarge y est également actif sur les thèmes de l’énergie, du changement climatique et de l’eau.
« Lafarge est engagé dans de nombreux programmes, souligne James Griffith,
directeur général écosystèmes au WBCSD, notamment au travers de la cofondation de l’Initiative ciment pour le développement durable (Cement Sustainability Initiative ou CSI). » Ce programme réunit aujourd’hui 23 entreprises
cimentières, qui représentent 40 % de la production mondiale. En partageant
leurs expériences et en mettant en œuvre des bonnes pratiques et des innovations communes, ses membres s’attachent à réduire de façon concertée
l’impact de leurs activités sur l’environnement.
Une approche inédite. En signant en 2000 un partenariat au niveau mondial
avec le WWF International, le Groupe a initié un genre d’association inédit,
aussi bien dans le monde de l’entreprise que dans celui des ONG. L’approche
des problématiques environnementales développée par le Groupe, et plus
spécifiquement ses initiatives en faveur de la biodiversité, ont créé un précédent, tant dans le secteur cimentier que dans l’industrie dans son ensemble.
(UICN). La beauté du site, rebaptisé Haller Park,
l’intégration écologique réussie, ainsi que le
nombre de ses visiteurs et l’activité économique
générée, ont fait de cette réhabilitation une
réalisation emblématique.
« Pour nous, c’était une expérience : pouvons-nous travailler avec une très
grosse entreprise, dont l’empreinte environnementale est importante, et pouvonsnous exercer une réelle influence ?, se souvient Jean-Paul Jeanrenaud (WWF
International). Peu d’entreprises adoptent ce genre d’approche, ouverte à la
discussion et au débat. » La mise en place de cette collaboration ne s’est pas
faite sans heurts, mais le partenariat, qui a été renouvelé à deux reprises, en
2004 et en 2009, a apporté beaucoup au secteur cimentier et plus généralement aux relations entre l’industrie et les ONG environnementales. « La prise
de conscience des industriels nécessitait une action forte et visible. C’est là le
premier grand succès de notre collaboration », conclut Jean-Paul Jeanrenaud.
Grâce aux outils élaborés avec ses partenaires, des plus petites associations
locales au WWF, Lafarge s’est attaché à améliorer sa connaissance de l’environnement et, dans les zones sensibles, à mettre en place des programmes
de gestion de la biodiversité à travers, notamment, la réhabilitation des
carrières. Les unités opérationnelles du Groupe sont amenées à identifier les
risques et les opportunités que représente leur activité pour la biodiversité
locale. Et au terme de l’exploitation d’un site, des espaces écologiquement
et économiquement viables sont recréés.
« L’apport de ces partenariats est essentiel pour Lafarge, souligne Pierre
de Prémare. Sans regard extérieur sur nos actions, nos initiatives et les possibilités de les améliorer, nous resterions juge et partie de notre travail. »
Grâce à ces rapprochements, Lafarge a défini pour ses carrières des méthodes
innovantes de revalorisation des sites, qui ont depuis révélé leur efficacité.
LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
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7
1.
Réhabilitation, une opportunité pour la biodiversité ?
Lafarge s’est appuyé sur son expérience et sur les bonnes pratiques pour structurer
sa politique en matière
de préservation des milieux naturels. Le plan de réaménagement, nécessairement conçu sur mesure,
© Médiathèque Lafarge - Olivier Coulange
en fonction de la sensibilité du milieu naturel, est élaboré selon des règles précises.
“
René Haller
J’ai commencé la réhabilitation
de la carrière en 1971, avant qu’elle
n’appartienne à Lafarge, en tant
que directeur général de Baobab Farm
qui avait été appelée par l’entreprise
exploitante. Au début, il n’y avait pas
de terre et nous avons dû faire
des expériences avec différents types
d’arbres pionniers pour ramener
la vie dans la carrière. Sans notre
intervention, la nature aurait mis bien
plus longtemps à reprendre ses droits.
Aujourd’hui, nous pouvons réhabiliter
beaucoup plus vite grâce au soutien
financier de Lafarge. Je suis fier que le
site soit devenu si célèbre et soit pris
en exemple par de nombreuses carrières
dans le monde.”
© Médiathèque Lafarge - Olivier Coulange
© DR
Naturaliste, créateur du Haller Park dans la carrière
de Bamburi, au Kenya
LA PREUVE PAR L’EXEMPLE UN SITE, TROIS RÉHABILITATIONS
LA CARRIÈRE DE SOUTH PIT, PRÈS DE
CALGARY, AU CANADA, A ÉTÉ EXPLOITÉE
DE 1970 À 1998. Son réaménagement,
engagé en relation avec de nombreux
partenaires locaux, a consisté en la création
de trois parcelles distinctes : le quartier
résidentiel de Chaparral, le terrain de golf
Blue Devil et le parc Lafarge Meadows.
Cet espace naturel comprend notamment
des zones humides à la végétation dense,
où nichent de nombreuses espèces d’oiseaux.
Les plans d’eau ont, en outre, été conçus
pour drainer les éventuels débordements
de la rivière voisine ou des bassins d’orage
de la ville de Calgary.
Les initiatives environnementales du Groupe
dans la région ont été récompensées
par le prix Alberta Emerald en juin 2009.
Un cadre global
pour une politique
au quotidien
© DR Médiathèque Lafarge
l
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LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
e 27 décembre 2009, dans une tribune du quotidien espagnol El Pais, le célèbre écrivain péruvien
Mario Vargas Llosa propose de sacrer personnalités de l’année Owen et Mzee, un hippopotame et
une tortue. L’histoire de ce duo peu ordinaire est
si exemplaire qu’on croirait à une fable. En
décembre 2004, alors qu’un raz de marée dévastait les côtes kenyanes, un bébé hippopotame
happé par les eaux a finalement été rejeté sur
terre dans les environs de Mombasa. Recueilli par
les employés du Haller Park voisin, il ne tarde pas
à se choisir une mère adoptive : Mzee, une tortue
d’Aldabra, âgée de 130 ans. Pendant des mois,
elle lui a tout appris : nager, manger, chercher des
endroits pour dormir… Et Vargas Llosa de
conclure sa chronique en exhortant les belliqueux
humains à suivre cet exemple de sagesse, de
solidarité et d’harmonie.
Cinq ans après, Owen et Mzee coulent toujours
des jours heureux à Haller Park. Créé sur le site
de l’ancienne carrière de Bamburi de la cimenterie de Lafarge à Monbassa, le parc, devenu un
refuge de biodiversité, est un modèle de gestion
du réaménagement d’une carrière, pris en
exemple partout dans le monde. Mais la réhabilitation d’une carrière en un site naturel viable
est une démarche inscrite sur le long terme,
au succès de laquelle il faut consacrer des années.
Et qu’il convient donc d’engager à temps.
Une démarche responsable
C’est pourquoi, aujourd’hui, toute nouvelle carrière
ouverte par Lafarge doit être dotée d’un plan de
réhabilitation avant même le début de son exploitation. C’est d’abord une question de légitimité.
« Nous avons une devise qui est la suivante : “Nos
réaménagements d’aujourd’hui sont nos carrières
de demain”, explique Pierre de Prémare. Pour
continuer à exploiter des carrières, nous devons
montrer ce que nous avons fait sur d’autres lieux,
comment nous avons recréé des milieux naturels
viables, géré des forêts depuis vingt-cinq ans, et
travaillé en bonne intelligence avec des partenaires et des communautés locales. »
Aujourd’hui, obtenir un permis d’exploitation peut
durer plusieurs années. Pour que ce permis soit
accordé, la capacité de l’entreprise à rendre son
activité acceptable est un critère essentiel. Et
rendre une carrière acceptable, c’est, en grande
partie, restituer après exploitation un site abritant
un milieu naturel cohérent et une biodiversité
importante. Dans certains cas, la biodiversité
recréée grâce à la réhabilitation peut même se
révéler plus riche que celle observée sur le site
avant l’exploitation.
Amorcer le travail de réhabilitation en amont
permet d’associer les parties prenantes locales au
projet et de déterminer avec elles les priorités et les
LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
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L A FA R G E
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Juan Mota, PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ D’ALMERIA (ESPAGNE)
objectifs. Sans compter que les études menées
sur la sensibilité du site peuvent amener, le cas
échéant, à adapter le plan d’exploitation à certaines
particularités locales. « Nous prenons en compte la
biodiversité sur toute la durée de vie d’une carrière,
de l’élaboration du projet à la réhabilitation en
passant la phase d’exploitation, explique David
Park, responsable du réaménagement des carrières
pour Lafarge au Royaume-Uni. Avant que la
carrière entre en activité, nous examinons quelles
mesures peuvent être prises pour limiter les conséquences de l’exploitation sur le terrain. Cela peut
consister à laisser à l’écart des zones particulièrement sensibles ou à déplacer certaines espèces
en créant des habitats adaptés en dehors de la
zone d’impact de l’exploitation. »
être très différentes, à parfois seulement dix kilomètres de distance.
La deuxième condition, c’est la mise en œuvre d’un plan de restauration
de la biodiversité. Lorsque je dis ‘restauration’, cela signifie ‘restitution
du lieu dans son état d’origine’. Sur ce point, nous avons dû lutter
contre certains a priori selon lesquels, en matière de préservation
de la nature, le vert prime toujours sur le désert. Or, ici, sur ces sols
gypseux, pauvres, et souffrant de difficultés d’approvisionnement
en eau, nous n’allions pas créer une belle forêt ! Nous devions respecter
la nature et sauver les écosystèmes : pour cela, nous avions besoin
de modestes arbustes parsemés, pas plus hauts que 50 centimètres.
Il nous a fallu du temps pour le faire comprendre aux entreprises.
Nous avons aussi été confrontés à un problème d’ordre scientificotechnique : nous connaissons mal l’origine biogéographique
des espèces et ne savions pas comment les aider à se propager.
Afin de réunir suffisamment d’essences végétales pour la restauration
d’une grande surface, nous avons dû faire des recherches et créer
une pépinière. Lafarge nous aide dans cette démarche.
Aujourd’hui, plusieurs hectares ont été partiellement restaurés.
C’est une étape historique et un bon exemple à suivre, même si le
travail n’est pas terminé.”
2
© DR
1
Les étapes du plan de réhabilitation
Les standards établis en collaboration avec le WWF
ont été définis par le plan Ambitions Développement durable 2012. Ils fixent les règles pour la mise
au point d’un plan de réaménagement. « Nous
nous sommes dotés d’un système de management
complet qui comprend quatre étapes : analyse,
planification, action et révision, explique Pierre de
Prémare. Ce système, formalisé en 2009, permet
de garantir la cohérence de l’ensemble de nos
initiatives avec nos préconisations en matière de
biodiversité. Il faudra ensuite le déployer progressivement à l’ensemble des sites. »
La première étape consiste à analyser tous les sites
du Groupe et à identifier leur niveau de sensibilité.
« Si le milieu est jugé sensible, nous intégrons un
plan de gestion de la biodiversité à celui de l’exploitation de la carrière », souligne Arnaud Colson.
En 2009, plus de 64 % des sites de Lafarge avaient
été évalués selon les critères validés par le WWF. Fin
2010, 100 % des carrières seront couvertes. « Une
fois que nous connaissons la sensibilité d’un milieu,
nous l’analysons à l’aune de ce que nous sommes
capables de proposer comme schéma de réhabilitation, en nous appuyant sur les leçons apprises du
passé et sur les habitats recréés avec succès ailleurs », indique Pierre de Prémare.
3
Le plan de réaménagement fait ensuite l’objet
d’une carte détaillée présentant une vue
d’ensemble du site après réhabilitation et où sont
mentionnés l’usage final du site, les types de
milieux recréés et les éventuelles infrastructures
développées. Puis un échéancier recense les
étapes successives de la revalorisation du terrain.
Enfin, les fonds nécessaires sont provisionnés
chaque année, afin de garantir la réalisation du
plan. Le coût d’une réhabilitation est extrêmement
© DR
© DR
Un investissement à long terme
> Carrière de gypse de Sorbas en Espagne destinée à l’Activité Plâtre du Groupe. 1. Préparation du terrain avant plantations des jeunes plants élevés en pépinière. 2. Collecte des graines
autochtones dans le milieu environnant. 3. Plantations des jeunes plants après développement et multiplication en pépinière.
Dallen Wong, RESPONSABLE
INDUSTRIEL DES CARRIÈRES ET PROPRIÉTÉS
DE LAFARGE EN MALAISIE
UNE PÉPINIÈRE EN GRÈCE. À Volos, dans
la région de Thessalie, l’ancienne carrière
de calcaire de la cimenterie Lafarge accueille
désormais de nombreuses espèces d’arbres.
L’exploitation du site a duré de 1971 à 1999
et son réaménagement a commencé dès
1978. Une pépinière de jeunes arbres adaptés
© DR
© DR
“
La carrière de gypse de Sorbas
est située au cœur d’une
zone aride, au sud de l’Espagne.
Les habitats y sont très fragiles
et parmi la multitude d’espèces
endémiques présentes, plusieurs
sont menacées. La production de
gypse étant vitale pour l’économie
de l’Andalousie, nous devons trouver
le moyen de concilier exploitation
et respect de la nature. Pour répondre
à cette problématique, notre groupe
de recherche travaille depuis dix
ans avec les entreprises d’extraction.
Deux conditions sont nécessaires
au succès de notre initiative.
La première, c’est de protéger les zones à haute valeur écologique,
grâce à la création d’un réseau d’espaces préservés.
Nous avons opté pour un réseau plutôt que pour des îlots, car les
espèces qui se développent dans les affleurements de gypse peuvent
variable en fonction de la nature du site. « Rendre
les sites conformes au plan est un investissement,
confie David Park. D’autant qu’en Royaume-Uni,
où nous sommes tenus par des accords de gérer
nos carrières pendant cinq ans après la fin de
l’exploitation. Pour certains sites localisés à proximité ou dans l’enceinte de zones sensibles, qui
abritent une grande variété d’espèces végétales ou
animales, ce délai peut atteindre vingt-cinq ans. »
C’est le cas de Dry Rigg dans le North Yorkshire,
en Angleterre. Le site, sensible, se trouve dans un
parc national et jouxte une zone classée d’intérêt
scientifique. Lafarge y a créé un habitat favorable
à la faune locale pour étendre la zone classée.
Le plan de réaménagement retenu tient aussi
compte des points de vue exprimés par les parties
prenantes locales (propriétaires, voisins, autorités
et associations). Il n’est pas figé et peut être amené
à évoluer. « La vie d’une carrière doit comporter
des actions de réaménagement tous les ans,
estime Pierre de Prémare. Cette démarche fait
désormais partie de nos standards, même si elle
n’est pas encore appliquée partout. La réhabilitation doit entrer dans l’activité quotidienne du site. »
Recueillir les observations des partenaires locaux
et des collaborateurs de la carrière permet également de dégager des axes d’amélioration.
Appliquer les mêmes standards
partout dans le monde
« Nous essayons également de nous adapter à l’arrivée de nouvelles espèces que nous n’attendions
pas, précise David Park. Le cas échéant, nous
modifions le plan de réaménagement pour mieux
les accueillir. » Par exemple, en France, les équipes
ont noté que deux espèces d’oiseaux, l’hirondelle
des rivages et le guêpier d’Europe, nichaient dans
les stocks de matériaux. Depuis, certaines zones de
stockages sont donc exclusivement réservées, le
temps de leur séjour, à ces colonies d’oiseaux
migrateurs. « Parfois, on fait aussi des rencontres
inopinées, raconte Thierry Supiot, responsable terrassement Granulats Nord en France. Comme ce
lundi matin où les équipes de la carrière de
Sandrancourt en France, ont découvert une biche
qui était tombée au fond d’un trou de plusieurs
mètres. Les bulldozers lui ont créé une rampe pour
qu’elle puisse en sortir saine et sauve.”
Rencontres inopinées
Selon les régions du monde, la réglementation
environnementale est très variable. Lafarge, dont le
niveau d’exigence en la matière est élevé, peut
souffrir d’un désavantage compétitif dans les
régions où les règles environnementales sont peu
contraignantes ou peu contrôlées. « Nous considérons que nous ne pouvons exercer notre métier
que lorsqu’un minimum de règles communes ont
été instaurées, particulièrement en matière d’environnement, note Pierre de Prémare. Dans le cas
contraire, nous dialoguons avec les autorités pour
qu’elles développent un cadre. »
“
© DR
Nous avons trois carrières en Malaisie.
Nous n’avions pas de plan de réaménagement
avant l’arrivée de Lafarge en 2004. Le Groupe nous
a fourni un manuel technique très clair détaillant
la méthodologie et les différentes étapes pour l’élaboration
d’un plan de réhabilitation. Nous avons toutefois
dû adapter ces principes aux spécificités locales.
Après deux ans de travail, nous venons de finaliser
le plan de réhabilitation pour le site de Langkawi, avec
l’accord de toutes les parties prenantes, notamment
du Department of Environnement et du Land Office.”
© DR
à la pauvreté du sol et au climat méditerranéen
a même été créée. Aujourd’hui, le site fournit
des essences végétales diverses destinées
à réhabiliter les autres carrières de Lafarge
en Grèce. Une nouvelle activité économique
est née et la diversité génétique est respectée
par le choix d’espèces adaptées au site.
Échantillon de 644 carrières en exploitation
Mohamad Sayuti Bin Seapai,
ENVIRONNEMENTALE CHEZ AONYX, MEMBRE
DU PANEL CONSULTATIF LAFARGE SUR LA BIODIVERSITÉ
ET ANCIENNEMENT MEMBRE DE LA CONVENTION
DE RAMSAR SUR LES ZONES HUMIDES, MALAISIE
RESPONSABLE DU DEPARTMENT OF ENVIRONNEMENT
(DOE), DE LA PROVINCE DE JAS KEDAH, MALAISIE
“
Nous avons beaucoup appris
sur le réaménagement des carrières. Les
cas pratiques et les processus développés
par le Groupe pour gérer les relations avec
les parties prenantes locales démontrent
une réelle volonté de cohérence entre discours
et actions. Il est essentiel, tout particulièrement
pour la réhabilitation de zones humides, de
poursuivre ces efforts et de mieux sensibiliser
les communautés locales, en les intégrant
au processus de réaménagement.”
10
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L A FA R G E
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LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
“
Aujourd’hui, proposer un plan de réhabilitation
est une des conditions requises pour obtenir
le permis d’exploiter une carrière dans notre pays.
Nous travaillons avec Lafarge notamment en apportant
nos conseils pour les aider à respecter la réglementation
environnementale malaisienne. Le Groupe a toujours
observé les règles et les préconisations et nous avons
de bonnes relations avec ses équipes.”
Groupe
Site inscrit dans une zone protégée ou abritant une espèce protégée (liste rouge)
(données collectées sur un échantillon réduit)
©DR Médiathèque Lafarge
Rebecca D’Cruz, CONSULTANTE
23 %
Site proche d’une zone protégée locale ou nationale
28 %
Site proche d’une zone protégée internationale (Natura 2000, Ramsar, etc.)
12 %
Sites proches ou à l’intérieur d’une zone protégée
51 %
Carrières présentant une opportunité de renforcement des habitats naturels
ou à vocation pédagogique
31 %
Sites engagés dans un partenariat officiel avec des ONG
14 %
APRÈS LE CALCAIRE, L’HUILE D’OLIVE.
Parmi les 70 000 arbres plantés depuis 2003 sur le site de l’ancienne carrière de la cimenterie
de Meknès de Lafarge Maroc, on compte 12 000 oliviers. La première récolte d’olives a eu lieu
en novembre 2009. L’huile d’olive produite, dont la quantité devrait augmenter au fil des années,
sera commercialisée pour financer des initiatives sociales en faveur des communautés locales.
LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
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L A FA R G E
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LES 3 VIES D’UNE CARRIÈRE
La carrière est une étape dans la vie d’un sol. Trois
temps sont ici illustrés dans des contextes variés de
roches meubles et de roches massives.
L’exploitation d’une ressource minérale peut contribuer au développement de la biodiversité grâce
à un réaménagement bien mené dès l’ouverture de la
carrière. En favorisant les conditions de recolonisation de certaines espèces animales et végétales, cet
aménagement compense ainsi en partie les pertes
momentanées de la biodiversité. Mais ce cercle
vertueux doit commencer bien avant l’exploitation.
Présentation des enjeux avant, pendant et après
l’exploitation et des réponses apportées par Lafarge
pour développer la richesse du patrimoine écologique
des carrières.
CARRIÈRE DE ROCHE MASSIVE
CARRIÈRE DE ROCHE MEUBLE
RAPACE (FAUCON PÈLERIN)
ZONE NON EXPLOITÉE
CAR PRÉSENCE
D’ESPÈCES RARES
CHAUVE-SOURIS
HIBOU GRAND-DUC
1.
LE PROJET
L’ENJEU
ZONE NON
EXPLOITÉE
- pouvoir extraire un gisement
et recréer un nouveau paysage
LA DÉMARCHE DE LAFARGE
- analyser et réduire l’impact
de l’exploitation sur les milieux naturels
PRAIRIE PÂTURÉE
- engager une concertation avec les parties
prenantes et les communautés locales
- élaborer et mettre en œuvre un plan
de réaménagement concerté
qui garantisse l’usage futur des sols
et l’insertion paysagère tout
en développant la biodiversité
ÉBOULIS
MARTIN-PÊCHEUR
SCARIFICATION JACHÈRE FLEURIE
2.
LA VIE ENSEMBLE
ZONES REPLANTÉES
LANDES ARBUSTIVES
© Charlotte Cauwer
MISE EN VALEUR
DE VESTIGES
ARCHÉOLOGIQUES
PRAIRIE HUMIDE
TRANSPORT FLUVIAL
RIPAGE
PIÈGE À CAILLOUX
ZONE EN COURS
D’EXPLOITATION
L’ENJEU
CARRIÈRE EN
EXPLOITATION
- construire et animer un projet concerté
d’exploitation et de réaménagement
de la carrière
LANDES SÈCHES
ORCHIDÉES
ORCHIDÉE
SEUIL D’ÉCRÊTAGE DE CRUES
OLIVERAIES, VIGNES, VERGERS
INSECTES
LA DÉMARCHE DE LAFARGE
- dresser un inventaire
des espèces animales et végétales,
ainsi que des écosystèmes
PELOUSE SILICO-CALCAIRE
OBSERVATOIRE
OBSERVATOIRE
GRAND CORBEAU NOIR
HÉRON CENDRÉ
LANDE
- éviter les zones sensibles
ÎLOT
ÎLOTS
ARBRES À CROISSANCE LENTE
CONNEXION HYDRAULIQUE
- réaménager au fur et à mesure
de l’exploitation
BERGES VARIÉES
- respecter les engagements pris
SAULES ET SUREAUX
PIERRIERS
3.
LA NATURE
RETROUVÉE
L’ENJEU
MICROFALAISES
HIRONDELLE DE RIVAGE
FRÊNAIE
ROSELIÈRE
DOUBLE
BERGEBERGE
DOUBLE
CULTURES À GIBIER
- redonner ses droits à la nature
en favorisant la biodiversité
CHÊNAIE
PENTES DOUCES
ZONE
RÉHABILITÉE
APRÈS
EXPLOITATION
TERRE VÉGÉTALE AJOUTÉE
TALUTAGE
LA DÉMARCHE DE LAFARGE
HIRONDELLE DE RIVAGE
FAUNE ET FLORE DES SITES RÉAMÉNAGÉS
Elle fait partie des espèces
pionnières largement favorisées
par les gravières et les sablières.
Comme le martin-pêcheur, elle
trouve un milieu de substitution
important dans les carrières de
roche meuble.
VÉGÉTATION ET FAUNE AQUATIQUES
VÉGÉTATION AQUATIQUE
© Vignettes : DR Médiathèque Lafarge
- créer des habitats appropriés :
prairies humides, hauts fonds,
nichoirs, berges à hirondelles
des rivages, éboulis (pour lézards
et reptiles), fractures (pour orchidées),
saulaies (pour dénitrification),
fronts rocheux (pour rapaces), mares
(pour batraciens), pâturages
et cultures, pelouses acidophiles ou
calcicoles, landes à bruyère, refuges
(pour amphibiens et poissons)
STERNE
Encore appelée hirondelle de mer,
elle niche sur les îlots de graviers
que les fleuves et rivières font
et défont au gré de leurs crues.
- faire évoluer le plan de réhabilitation
pour intégrer d’éventuelles opportunités
- respecter l’environnement local
LIBELLULES
REPTILES
Elles trouvent dans les zones
humides recréées par les carrières
un milieu refuge pour leur
développement : on y rencontre
deux tiers des espèces françaises,
dont quelques espèces
peu communes comme
le leste barbare ou le sympétrum
méridional.
De nombreuses espèces se
développent dans les pierriers
chauds et tranquilles : lézards,
vipères… La proximité de zones
humides permet de rencontrer
des couleuvres ou des espèces
plus farouches comme la cistude
d’Europe : sa carapace grise
et arrondie lui permet de se
confondre avec les galets des rives
où elle aime se chauffer
aux rayons du soleil.
PYGARGUE À TÊTE BLANCHE
Le pygargue à tête blanche,
symbole des États-Unis, chasse
sur les carrières américaines et
niche sur certaines d’entre elles
comme à Presque Isle (Michigan).
ORCHIDÉES
BATRACIENS (OU AMPHIBIENS)
NÉNUPHARS
Indicateurs de la qualité des eaux,
les herbiers à nénuphars
et à potamots occupent les rives
sur des profondeurs inférieures à
2 mètres. Ils constituent d’excellents
refuges pour le développement
de la vie aquatique : crustacés
d’eau douce, larves d’insectes,
poissons et batraciens.
Plus de la moitié des espèces
d’amphibiens de France ont été
identifiées sur nos sites de roche
meuble ou massive, certaines peu
communes comme le crapaud
calamite, le crapaud accoucheur,
et le sonneur à ventre jaune.
Pour ces animaux, les milieux
associés aux carrières et à leurs
réaménagements jouent donc
un rôle essentiel et leur offrent
de multiples potentialités de vie.
LANDE À BRUYÈRE
De plus en plus menacée dans
les vallées, elle peut être reproduite
sur des espaces ouverts avec un
grand nombre d’espèces associées,
comme les viornes, les aubépines
et les cornouillers. Elle constitue le
stade préliminaire à l’établissement
d’une forêt spontanée.
Beaucoup d’espèces pionnières
comme les orchidées, parfois rares,
se développent sur les terrasses
et les pelouses silico-calcaires.
Certains milieux ainsi reconstitués
sont aujourd’hui classés.
20% de la flore de Bretagne
s’observe sur les falaises des
carrières de cette région.
SAVANE TROPICALE D’OUGANDA
© WWF
- évaluer la valeur scientifique des
réaménagements par des bilans
réguliers
ORYX
Originaire d’Afrique de l’Est,
il doit sa survie à la mise en place
de mesures de protection.
La restauration de la savane
préexistante fait partie des objectifs
de réhabilitation de la carrière
de Dura, en Ouganda, située
dans un parc national. Ce milieu
permettra de maintenir une
nourriture adaptée aux éléphants
qui fréquentent le site.
2.
Réaménagement : confrontation ou concertation ?
La préservation d’un milieu naturel doit par définition s’inscrire sur le long terme. Or, aucun aménagement pérenne ne peut
s’envisager sans tenir compte de son contexte humain et social. C’est pourquoi une démarche d’exploitation
ou de réhabilitation de carrière doit être conduite dans la concertation avec les communautés locales.
Transparence
et dialogue,
une dynamique
de progrès
LA PREUVE PAR L’EXEMPLE L’ACCORD D’OKKE
a suscité une forte opposition de la part
d’associations locales. Le Baekdudaegan
est un territoire à la biodiversité très riche.
En outre, il a une forte valeur symbolique,
voire spirituelle, pour la population.
Lafarge a conclu en 2004 un partenariat
avec la Société de conservation de
Baekdudaegan afin de mettre au point
un projet écologique commun. Fondé sur un
plan de réhabilitation progressif, il prend en
compte, outre la préservation des écosystèmes
et des réserves d’eau, de nombreuses
questions liées aux nuisances (poussière,
bruit…) et à la sécurité. Cette démarche
globale ainsi que les réalisations passées
du Groupe dans ce domaine ont constitué un
gage de confiance pour les partenaires locaux.
© DR Médiathèque Lafarge
LORSQUE LAFARGE A ENVISAGÉ D’ÉTENDRE
LE PÉRIMÈTRE DE LA CARRIÈRE D’OKKE,
EN CORÉE DU SUD, JUSQU’AU MASSIF
MONTAGNEUX DU BAEKDUDAEGAN, le projet
’
l
acquisition d’un niveau d’expertise suffisant et
le déploiement d’outils spécifiques permettent
de poser les bases d’une politique de protection
de la biodiversité à l’échelle d’une entreprise. Mais
aucune initiative en ce domaine ne saurait être
prise de manière unilatérale. Un processus de
concertation avec les acteurs locaux (propriétaire
du site, collectivités voisines, pouvoirs publics
et associations) est indispensable.
Une question d’intérêt général
LA PREUVE PAR L’EXEMPLE RÉINVENTER MAGHERAMORNE
À SUITE DE L’ACQUISITION DE L’ENTREPRISE
BLUE CIRCLE EN 2002, Lafarge est
devenu propriétaire de la cimenterie et de
la carrière de Magheramorne, en Irlande
du Nord, un site qui n’était plus en activité.
Après une longue concertation avec
les riverains, les associations, les autorités
locales et le WWF, un dossier de réhabilitation
baptisé « Reinventing Magheramorne »
14
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L A FA R G E
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LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
est déposé en 2006. En 2009, le ministère
de l’Environnement donne son feu vert.
Ce plan de réaménagement prévoit la construction
d’un éco-village portuaire de près de
450 habitations, construit selon le cahier des
charges One Planet Living défini par le WWF
International et BioRegional, ainsi que d’un centre
de loisirs d’envergure internationale, qui devrait
permettre la création de près de 400 emplois.
Différends et rapprochements
Ainsi, le dialogue s’engage. Quitte à mettre au jour
des désaccords. Ce fut notamment le cas en
Corée du Sud, où le projet d’exploitation d’une
carrière sur le site d’Okke par Lafarge a soulevé
une très vive opposition de la part des communautés locales et des associations environnementales (lire encadré page ci-contre).
Mais les critiques formulées par les acteurs locaux
peuvent également conduire à l’abandon pur et
simple d’un projet.
Heureusement, la relation qui s’instaure entre le
Groupe et les acteurs locaux n’est pas systématiquement conflictuelle, loin de là. Et des liens de
proximité se révèlent parfois très enrichissants.
Dans le Staffordshire, au Royaume-Uni, une
association environnementale, le Staffordshire
Wildlife Trust, a installé ses bureaux sur le site
même du Groupe. Membres de l’association et
opérateurs, qui travaillent ensemble sur le terrain,
ont appris à se connaître et à respecter le point
de vue de l’autre.
Avancer avec les ONG
Aujourd’hui, 15 % des carrières de Lafarge
disposent d’un partenariat local officiel, le plus
souvent avec une ONG directement engagée
dans le plan de réaménagement. Mais la plupart
des sites entretiennent des relations plus informelles avec des associations locales. La création
d’une commission de concertation et de suivi
permet notamment d’associer les parties
prenantes au processus de réaménagement des
carrières. Le nombre de sites où de telles commissions existent est désormais un indicateur clé de
la politique de développement durable du Groupe.
« Notre groupe de parties prenantes se réunit au
moins une fois par an pour discuter des actions
menées par Lafarge au niveau environnemental,
voire social », confie Jean-Paul Jeanrenaud, directeur des relations avec les entreprises au WWF
International. Programmes sur l’eau, émissions
de CO2, polluants persistants, optimisation des
15 % des carrières de
Lafarge disposent d’un
partenariat local officiel
sur la biodiversité
© DR
© Médiathèque Lafarge - Esler Crowford Photography
Pour être efficace, la démarche doit en effet
concilier des considérations à la fois techniques,
économiques, environnementales et sociétales.
« L’enjeu écologique pour les industriels est
une question d’intérêt public, et nous sommes
conscients que notre action pour la préservation
de l’environnement ne peut être mesurée que
de l’extérieur, confie Chris Ettery, responsable
du management des relations avec les parties
prenantes à la direction de la communication de
Lafarge. En tant que groupe, nous avons mis en
place une méthodologie permettant d’aborder
les enjeux de la réhabilitation dans le cadre
d’une concertation avec nos interlocuteurs. »
L’expérience a montré qu’un regard extérieur sur
les projets peut contribuer à améliorer le processus
de réhabilitation, même si le degré de concertation
reste variable en fonction du contexte local.
Notre méthodologie repose sur plusieurs dispositifs : des réunions formelles et de présentation,
les relations avec les médias ou encore l’organisation de journées de portes ouvertes. « Notre but
à long terme reste de contribuer positivement
à la vie des communautés auprès desquelles
nous exerçons nos activités, indique Chris Ettery.
Et même si nos projets ne reçoivent pas tous
un soutien unanime, maintenir le dialogue avec
les parties prenantes est un enjeu essentiel à nos
yeux. L’élaboration au niveau du Groupe d’une
méthodologie encadrant la concertation aide
à garantir que la démarche soit appliquée de
manière systématique. »
François Letourneux, PRÉSIDENT DU COMITÉ FRANÇAIS
DE L’UNION INTERNATIONALE DE CONSERVATION DE LA NATURE (UICN)
ET MEMBRE DU PANEL CONSULTATIF SUR LA BIODIVERSITÉ
“
Les membres du panel consultatif sont informés des stratégies de Lafarge
en faveur de la biodiversité et consultés sur les méthodes et les mécanismes
mis en œuvre dans le cadre de cette politique. Nous nous réunissons
deux ou trois fois par an, dont une fois sur le terrain, dans un site du Groupe.
Notre action consiste à aider l’entreprise à se doter d’outils applicables
partout dans le monde permettant de garantir une meilleure prise en compte
de la biodiversité dans l’activité industrielle.”
ressources en eau…, autant de sujets autour
desquels les échanges entre le Groupe et les
chargés de programmes de l’ONG sont réguliers.
« Si nous étions totalement satisfaits, nous ne
serions pas une ONG, plaisante Jean-Paul
Jeanrenaud. Nous sommes cependant très
contents du véritable engagement de la part de
Lafarge, de ses grandes avancées. Bien sûr, on
peut toujours faire mieux. Notre travail est de
maintenir un haut niveau d’exigence en pointant
les insuffisances et en formulant des critiques.
Mais aussi de conseiller Lafarge pour proposer
des solutions aux défis posés. »
LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
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L A FA R G E
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15
Intégrer la question de la biodiversité dans l’exercice de son métier et améliorer en
permanence ses pratiques en faveur de l’environnement sont les deux principaux axes de
progrès identifiés par le Groupe.
© DR
3.
Vers un système de management de la biodiversité ?
“
Santiago Sardinero
Lafarge a pris contact avec l’université
de Castille - la Manche pour évaluer
et accroître la valeur de la biodiversité
dans la carrière de Yepes.
Nous avons effectué un travail d’analyse
de l’abondance et de la diversité
des espèces – notamment les lichens,
les charançons, les oiseaux, les papillons
et les collemboles (petits invertébrés) –,
ainsi que le découpage de la carrière
en zones de biodiversité homogènes.
Nous avons également travaillé
à des aménagements pour assurer
un développement de la biodiversité
sur le long terme, et à la mise en place
d’un programme d’éducation
environnementale centré sur la carrière.
Sur ce site, nous avons dépassé
la réglementation espagnole en matière
de préservation de la biodiversité.
Ce projet est destiné à servir d’exemple
aux autres entreprises qui exploitent
des carrières dans la région.”
© DR Médiathèque Lafarge
© DR
Maître de conférences en botanique à la faculté
des sciences environnementales de l’université
de Castille - la Manche à Tolède, en Espagne
LA PREUVE PAR L’EXEMPLE UN INVENTAIRE ÉCOLOGIQUE COMPLET
LE SITE DE PRODUCTION DE CIMENT
DE FREDONIA, DANS LE SUD DU KANSAS,
AUX ÉTATS-UNIS, fait l’objet depuis novembre
2008 d’une étude environnementale poussée.
Pendant six heures par semaine, tout au long
de l’année, les équipes de Lafarge observent
les espèces végétales et animales qui
peuplent la carrière. Date et lieu d’observation,
noms scientifiques et quantités sont
consignés. Trois cent quatre-vingts espèces
ont été recensées jusqu’à maintenant,
et la plupart ont été photographiées.
Beaucoup de ces photos ont été mises
en ligne : un outil précieux pour la prise
de conscience environnementale des
employés et des parties prenantes locales.
Les informations recueillies ont permis la
création d’habitats spéciaux. En 2010, deux
nouvelles zones humides ont été ainsi créées,
ainsi qu’un refuge accueillant des lézards à
collier et des cactus pincushion. Des espaces
de nidification pour les canards colverts,
les canards branchus et les bernaches du
Canada ont également été réservés.
Outils d’évaluation
et formation,
gages d’efficacité
Lafarge fait également circuler son « livre blanc »
sur la biodiversité, ainsi que diverses informations
via son réseau intranet ou ses publications.
Un programme de formation spécifique
Parce que la mise en œuvre d’un plan de réaménagement ne s’improvise pas, Lafarge intègre
progressivement la protection de la biodiversité à
ses programmes de formation. « Nous testons
actuellement des formations pilotes en matière de
biodiversité », indique Pierre de Prémare. Un travail
d’identification des collaborateurs concernés
(responsables de carrières, équipes de terrassement, géologues…) et de leurs besoins spécifiques
est en cours. Une vaste campagne de sensibilisation et de communication interne a également été
lancée à l’occasion de l’Année de la biodiversité.
© DR
a
u Kenya, la filiale Lafarge Eco Systems a été créée
pour assurer la gestion de la carrière réaménagée
de Bamburi, près de Mombasa. Le site, dont la
réhabilitation a commencé en 1971 et se poursuit
encore aujourd’hui parallèlement à l’exploitation,
fait partie des sites pionniers en matière de gestion
de la biodiversité. « La réhabilitation de Bamburi a
été entamée avant même que la plupart des pays
industrialisés se soient dotés d’une législation sur
cette question et avec très peu de moyens, analyse
Sabine Baer, directrice des opérations de Lafarge
Eco Systems. Aujourd’hui, nous avons sur le site
une ferme aquacole, nous produisons du biocarburant ainsi que du bois et nous avons développé
une activité touristique centrée sur le parc naturel
créé par Rene Haller. »
Une réelle expertise a été développée par la filiale
autour de ce modèle exemplaire de gestion. Lafarge
Eco Systems est aujourd’hui en bonne voie pour
accéder à la rentabilité, grâce à la véritable activité
économique créée autour du site, ainsi qu’aux
interventions de ses équipes en tant que prestataires auprès d’autres filiales du Groupe, notamment en Ouganda et en Tanzanie.
Le partage des bonnes pratiques est aujourd’hui
étendu grâce aux outils informatiques, mais surtout
grâce au réseau des responsables qui peuvent les
expliquer. Ainsi Shelley Frost, directrice régionale
de l’environnement et des affaires publiques pour
l'Europe du Nord et l'Europe centrale, peut
s'appuyer sur la riche expérience de l'Angleterre
pour créer des fonctions de responsables du
réaménagement des carrières en Europe centrale.
« Nous organisons également des journées de
sensibilisation avec le WWF dans certaines unités
du Groupe à travers le monde », souligne-t-elle.
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L A FA R G E
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LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
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L A FA R G E
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James Griffith,
Robert Johnson, PRÉSIDENT
DIRECTEUR GÉNÉRAL
ÉCOSYSTÈMES DU CONSEIL
MONDIAL DES ENTREPRISES
POUR LE DÉVELOPPEMENT
DURABLE (WORLD BUSINESS
COUNCIL FOR SUSTAINABLE
DEVELOPMENT OU WBCSD)
DE L’ONG WILDLIFE HABITAT COUNCIL
(WHC), MEMBRE DU PANEL CONSULTATIF
SUR LA BIODIVERSITÉ, ÉTATS-UNIS
“
Notre ONG Wildlife
Habitat Council contribue
à la formation des employés
des sites de Lafarge sur les
processus d’intégration des
thèmes environnementaux dans
leurs opérations. Nous aidons
ainsi les responsables locaux
à mieux comprendre les enjeux
de la biodiversité et l’impact
que peuvent avoir leurs activités.
Nous encourageons également
le Groupe à entretenir le lien avec
les communautés locales et à
informer régulièrement le public
de ses actions en faveur de la
biodiversité. La contribution de notre
ONG indépendante apporte une crédibilité externe aux initiatives menées
par Lafarge et constitue un gage de transparence. Je suis par ailleurs
membre du panel consultatif, et je dispose à ce titre d’une vision globale
de la gestion de la biodiversité au niveau du Groupe.”
PROJET DE RÉHABILITATION AU BRÉSIL
Collaborateur dans la carrière d’Arcos, dont le plan
de réaménagement est en cours d’étude.
© DR
© DR
© DR
“
Dans le cadre de notre
Initiative d’évaluation
des écosystèmes (IEE),
nous élaborons un guide pour
aider des secteurs d’activité
à mesurer le coût de leurs
effets et dépendance vis-à-vis
des écosystèmes. Pour
cela, nous cherchons à définir
des critères d’évaluation
économique des processus
naturels. Cet indicateur
permettra aux entreprises
d’améliorer leur stratégie en prenant en compte les éventuelles
dégradations ainsi que les avantages fournis par l’écosystème.
Le guide est actuellement en relecture par les quinze membres
du WBCSD, dont Lafarge.”
Sabine Baer, DIRECTRICE DES OPÉRATIONS
DE LAFARGE ECO SYSTEMS
Un panel dédié à la biodiversité
Pour étayer le déploiement de ses savoir-faire et
s’assurer de la pertinence de ses actions, Lafarge
fait appel depuis 2006 à un groupe d’experts
indépendants spécialistes des questions d’écologie
et des relations entre nature et entreprises. Cette
relation d’échange et de réflexion permet, au fil des
ans, d’esquisser un ensemble cohérent d’outils de
management et de bonnes pratiques et d’identifier
des axes d’amélioration de la démarche du Groupe.
Composé de membres d’associations, de scientifiques reconnus ou de consultants, le panel consultatif sur la biodiversité apporte un point de vue
extérieur sur l’activité de Lafarge. Il est ainsi amené
à conseiller Lafarge sur ses priorités et ses méthodes
de gestion de la biodiversité. Les informations
précieuses qu’apportent ses membres sur l’évolution des grands enjeux environnementaux bénéficient à l’ensemble du Groupe. Et contribuent à faire
progresser les initiatives en faveur des milieux
naturels.
Évaluer l’impact des réhabilitations
Après avoir défini des critères pour l’étude écologique des carrières avant exploitation, Lafarge et le
WWF sont actuellement en train de créer un système
d’évaluation de la biodiversité dans les carrières
réhabilitées. L’indice de la biodiversité à long terme
(IBL) permettra de mesurer l’effet de la politique de
réhabilitation des carrières sur le développement des
PLAN DE RÉAMÉNAGEMENT EN CHINE
© DR
Dans la province de Chongqing, la carrière de Nanshan, actuellement
exploitée par Lafarge Shui On Cement, est l’un des premiers sites du Groupe
en Chine à faire l’objet d’un plan de réaménagement. L’image modélisée
en 3D reproduite ici est extraite du projet de réhabilitation.
Annelisa Grigg,
“
Pour réaménager les zones de la carrière de Bamburi (Kenya), dont l’exploitation
est terminée, nous utilisons comme espèce pionnière principale un arbre du genre
Casuarina (filao, ou arbre à fer en Polynésie française). Il peut pousser sans terre
en symbiose avec des micro-organismes présents dans le sol qui lui permettent
d’assimiler l’azote de l’air. Ses épines, en tombant au sol, créent de la matière organique
et, à terme, de l’humus. Au bout de cinq ans, nous en retirons une partie et nous
colonisons avec des espèces indigènes des forêts côtières de l’Afrique de l’Est. Au bout
de sept à dix ans, la réhabilitation en elle-même est terminée, et nous passons à la phase
de gestion, d’utilisation à des fins éducatives, de loisirs et de surveillance de la biodiversité.”
espèces animales et végétales. « L’IBL est le premier
outil de mesure qui permet de chiffrer a posteriori
notre impact sur la biodiversité, indique Pierre de
Prémare. Il a pour finalité d’aider les responsables
chargés de l’exploitation et du réaménagement des
carrières à estimer régulièrement l’efficacité de leur
travail en matière de préservation de la biodiversité.
Au terme de l’évaluation, une note est attribuée au
site, qui est comprise entre 1 (valeur écologique
faible) et 7 (valeur écologique exceptionnelle). Sont
pris en compte à la fois le nombre d’espèces observées sur le site ainsi que leur rareté. »
Cet indice, encore en phase d’expérimentation, a
été calculé pour une dizaine de carrières. Sous
l’égide du WWF Autriche, il a été appliqué pour la
première fois à Mannersdorf (lire encadré cidessous). En France, la carrière alluvionnaire de
Saint-Ouen en bord de Loire, entre autres, a été
étudiée. Son IBL indique que le site présente un
intérêt écologique légèrement supérieur à la
moyenne des sites environnants. Cinquante-deux
espèces d’oiseaux et vingt d’odonates (libellules) y
ont trouvé refuge dans douze types d’habitats
naturels, ainsi que le crapaud calamite et la
grenouille verte, qui s’y reproduisent.
En Espagne, le professeur Sardinero, de l’université
de Castille - la Manche, met en œuvre ce processus
d’évaluation dans la carrière de Yepes (voir p. 17).
La méthode repose sur un découpage de la carrière
en zones homogènes, dans lesquelles les espèces
sont analysées selon leur rareté et les surfaces
qu’elles occupent. La méthode sera appliquée sur
plusieurs sites pour vérifier sa pertinence et sa reproductibilité avant d’être utilisée pour l’étude des zones
les plus sensibles de différentes régions du monde.
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L A FA R G E
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LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
(Aonyx Environmental,
Malaisie)
ANNELISA GRIGG
(Fauna & Flora International,
Royaume-Uni)
ROBERT JOHNSON
(Wildlife Habitat Council,
États-Unis)
FRANÇOIS LETOURNEUX
(Union internationale
pour la conservation de la
nature et Eurosite, France)
ARNAUD COLSON
(Lafarge, Activité Granulats
& Béton, France)
PIERRE DE PRÉMARE
(Lafarge, France)
REPRÉSENTANT DU WWF
JEAN-PAUL JEANRENAUD
(WWF International)
SPONSOR
TOM FARRELL
(Lafarge, Activité Granulats
& Béton, France)
Mark Metcalf, COORDINATEUR ENVIRONNEMENTAL
DU SITE DE FREDONIA, ÉTATS-UNIS
“
Nos actions en matière de biodiversité ont permis de
sensibiliser nos employés à ces questions. Ils mesurent
mieux l’importance de la politique environnementale
du Groupe et se sentent concernés par la protection de la
biodiversité. Par ailleurs, ces actions les rendent fiers de travailler
pour Lafarge. La satisfaction de nos employés et l’image du
Groupe en sortent grandies. Nos programmes de gestion de la
biodiversité ont ainsi une vraie valeur ajoutée pour l’entreprise.”
LA PREUVE PAR L’EXEMPLE UN TEST GRANDEUR NATURE
© DR Médiathèque Lafarge
© DR
18
REBECCA D’CRUZ
© DR
“
MEMBRES EXTERNES
MEMBRES DE LAFARGE
CONSULTANTE POUR L’ONG FAUNA
& FLORA INTERNATIONAL, MEMBRE
DU PANEL CONSULTATIF SUR LA
BIODIVERSITÉ, ROYAUME-UNI
Le panel a été consulté sur
le dossier de la carrière de Dura,
en Ouganda. Si le site en lui-même
n’est pas sensible, il est situé en bordure
d’un parc national, et son exploitation
peut entraîner des perturbations pour
les habitats alentour. Notre rôle a été
d’en évaluer l’impact. Nous avons
également fourni à Lafarge des contacts
locaux pour entamer une collaboration.
Aujourd’hui, Lafarge travaille avec la
Wildlife Conservation Society, les autorités
ougandaises et les gestionnaires du parc
pour développer un projet dont l’impact
sur l’environnement sera minime.”
LE PANEL CONSULTATIF
SUR LA BIODIVERSITÉ
APRÈS LA RÉHABILITATION DE LA CARRIÈRE
DE MANNERSDORF, EN AUTRICHE, les pentes
et les talus avaient été adoucis et plantés
d’arbres, et des refuges pour les animaux avaient
été créés. Au fil des ans, plusieurs espèces
se sont installées dans les zones réaménagées.
Une analyse de la biodiversité réalisée sur le
site en partenariat avec le WWF a mis en évidence
la présence de nombreuses espèces végétales
et animales protégées. À la suite de cette
expérience, un nouvel outil de mesure, l’indice
de biodiversité à long terme (IBL), a été élaboré
en 2003 afin de suivre et de piloter l’évolution
écologique des carrières réaménagées.
LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
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4.
Comment protéger et développer les services rendus
par les écosystèmes ? Les milieux naturels assurent de nombreuses fonctions utiles à la vie et à l’activité
humaines.
Des recherches récentes visent à évaluer la valeur marchande de ces services.
Cette démarche favorise une prise de conscience en faveur d’un mode de développement intégrant des principes écologiques.
DR Médiathèque Lafarge
Le rôle
inestimable
du milieu
naturel
> Sisymbre couché.
p
LE SISYMBRE COUCHÉ EST UNE PLANTE
RARE DE LA FAMILLE DES CRUCIFÈRES,
MENACÉE D’EXTINCTION. À la fin des années
1990, alors que s’achève l’exploitation de
la carrière de Guerville (France), le sol crayeux
du site est le seul endroit en Ile-de-France
où l’on en trouve. Lafarge s’engage alors
à réorienter les modalités de réaménagement
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LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
du terrain. Afin de créer les conditions
écologiques favorables à la croissance
du sisymbre couché, les scientifiques du
Conservatoire botanique national du Bassin
parisien établissent un protocole de sauvegarde :
étude de la diversité génétique ; sélection des
populations les mieux adaptées ; conservation des
semences en vue de recoloniser d’autres zones.
Le programme a obtenu l’aval du Conseil national
de protection de la nature. En raison de la
présence du sisymbre couché, l’ancienne carrière
a été intégrée au réseau européen de sites naturels
Natura 2000. Le même processus a été utilisé en
Bretagne avec le Conservatoire botanique national
de Brest et vient d’être exporté en Grèce avec
le même conservatoire et l’université de Patras.
© DR
LA PREUVE PAR L’EXEMPLE LE SAUVETAGE D’UNE ESPÈCE MENACÉE
urification de l’eau et de l’air, photosynthèse,
écrêtage des crues, pollinisation des cultures…
Le fonctionnement d’un écosystème repose sur
une multitude de mécanismes permanents, dont
on ne prend que rarement conscience. Sauf
lorsque des perturbations grippent l’exécution de
cette partition naturelle. Et les conséquences d’une
dégradation des écosystèmes peuvent être très
lourdes, y compris d’un point de vue économique
(effondrement de la production agricole, pénurie
de ressources naturelles, etc.).
Le cas de l’approvisionnement en eau de la ville de
New York est intéressant à cet égard. Dans les
années 1990, la municipalité, confrontée à une
dégradation de la qualité de l’eau puisée, envisage
la construction d’une usine de traitement de l’eau
potable. Elle décide cependant de commencer par
mener une étude sur les causes de la dégradation
de la ressource. La conclusion révèle que l’exploitation des écosystèmes, notamment forestiers,
situés dans la zone de captage a privé l’eau d’un
filtre naturel, constitué par les arbres et les racines.
Le constat conduit à un comparatif sans appel :
recréer et protéger les conditions originelles de
purification naturelle de l’eau coûterait six à huit
fois moins cher que de construire et d’entretenir un
dispositif de traitement.
S’inspirant de ce raisonnement, plusieurs études
ont été lancées afin d’estimer la valeur marchande
des services rendus gratuitement par la nature.
Ainsi, selon une étude de la Commission
européenne menée en 2008, la valeur de la pollinisation par les abeilles pour la production de café
est estimée à 278 euros par hectare cultivé et par
an. En 1997, l’équipe du professeur Robert
Costanza, de l’université du Vermont, aux ÉtatsUnis, va plus loin en calculant la valeur économique globale des services rendus par les écosystèmes au niveau mondial : 33 000 milliards de
dollars américains par an. Actuellement, l’étude
TEEB (« The Economics of Ecosystems and Biodiversity »), pilotée par l’économiste indien Pavan
Sukhdev dans le cadre de la Convention sur la
diversité biologique, porte également sur une
évaluation économique des écosystèmes.
Il est certes complexe d’estimer la valeur de ce qui
ne s’achète pas – voire de ce qui n’a pas de prix
–, ces indicateurs financiers permettent une prise
de conscience du rôle économique majeur joué
par les écosystèmes. Donc de la nécessité, ne
serait-ce que pour la bonne marche des affaires,
de les préserver.
De la nature à l’audit
Mené en 2005, le « Millennium Ecosystem Assessment » (« Évaluation des écosystèmes pour le
millénaire ») est le premier audit mondial des
forêts, zones humides ou autres écosystèmes. Il
met en évidence l’accélération et l’extension de
leur dégradation. L’étude recense environ vingtquatre services, qu’elle classe en quatre grandes
catégories : approvisionnement (nourriture, eau
douce, bois d’œuvre…), régulation (climat, pathologies, érosion…), services culturels (loisirs liés
aux écosystèmes) et soutien (nutriments ou
productions primaires nécessaires aux autres
services). Le « Millennium Ecosystem Assessment » souligne que les entreprises dont l’activité dépend ou est étroitement liée à l’action des
écosystèmes seront confrontées à des risques
affectant leurs résultats financiers.
Si l’analyse des écosystèmes au regard des services
rendus par la nature est assez neuve, Lafarge est
directement engagé dans cette problématique.
D’une part, la responsabilité environnementale
LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
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LES ABEILLES DE YEPES-CIRUELO
La carrière de Yepes-Ciruelo, située près de Tolède, en Espagne, abrite deux
espèces végétales endémiques protégées. Pour permettre à ces plantes de prospérer,
Lafarge a réintroduit près d’un million d’abeilles sur une partie du site. En assurant
la pollinisation de nombreuses variétés de végétaux, les abeilles contribuent
à la restauration et à la protection de la flore locale. Les zones réhabilitées
ont été dévolues à la recherche universitaire aux termes du partenariat conclu entre
Lafarge et l’université de Castille - la Manche. Le professeur Santiago Sardinero
et son équipe y étudient l’évolution de la recolonisation naturelle pour comprendre
la succession des apparitions d’espèces végétales sur les sites réaménagés.
PRÉSERVATION DU VIEUX CHÊNE
Sur la carrière de Panshanger (Hertfordshire, Grande Bretagne),
un très vieux chêne, ainsi que certains autres individus, est protégé
en raison de sa longévité exceptionnelle (diversité génétique).
“
Jean-Marie Pelt
Professeur honoraire de biologie à l’université de Metz
et président de l’Institut européen d’écologie
© DR Médiathèque Lafarge
© Image 2 Ltd. 2005
© Pascal Bastien / Fédé Photo
Nous avons conscience que la nature
offre des ressources minières,
alimentaires, médicinales, textiles,
forestières…, mais nous connaissons
très mal les services rendus par les
écosystèmes. Par exemple, les
services rendus par une forêt ne se
mesurent pas en stères de bois.
Une forêt fixe le carbone, dépollue
l’air et l’eau, draine l’eau pluviale vers
les nappes souterraines, alimente
les sources. Nous sommes
directement dépendants de la nature.
Or un récent rapport de l’ONU signale
que 60 % des écosystèmes sont
partiellement amputés, et les services
qu’ils rendent réduits d’autant.”
de l’entreprise exige de limiter ou de compenser
l’impact de ses activités. D’autre part, la disponibilité de ressources naturelles, de combustibles ou
d’eau, conditionne la production de matériaux de
construction.
Une étude expérimentale
aux États-Unis
L’ancienne carrière de schiste du site de Cauldon, en Angleterre, a été transformée
en bassin pour réduire la dépendance en eau de l’usine de ciment. Jusqu’en 2007,
l’eau était pompée dans la rivière Hamps, dont l’aval est classé en zone
d’intérêt scientifique. Grâce au plan de réaménagement, le site a cessé de puiser
l’eau de la rivière en 2009. Les risques de pollution et d’inondation des zones
résidentielles voisines ont en outre été réduits, et le bassin est désormais colonisé
par de nombreuses espèces d’oiseaux.
Pour développer une meilleure compréhension
des mécanismes inhérents aux écosystèmes,
Lafarge mène actuellement une étude novatrice
à Presque Isle, aux États-Unis. « Notre projet
d’évaluation et de valorisation des services rendus
par le milieu naturel se décompose en trois
phases, explique Harve Stoeck, directeur des
affaires publiques et de l’environnement de l’Activité Granulats & Béton de Lafarge en Amérique
du Nord et en Amérique latine. D’abord, le groupe
de réflexion environnemental World Resources
Institute (WRI) appliquera à la carrière de Presque
Isle le modèle d’évaluation des services rendus
par les écosystèmes ESR, mis au point en collaboration avec le WBCSD et le Meridian Institute.
Cette étude préalable permettra d’identifier les
risques, les opportunités et les stratégies liés au
© Médiathèque Lafarge - ConstructionPhotography.com - Paul McMullin
L’EAU DE CAULDON
tèmes. L’expérience et les recommandations serviront d’orientations aux futurs projets d’analyse et
de préservation des milieux naturels.
La mise en évidence des différentes fonctions
assurées par les écosystèmes et de leur interconnexion inspire également la recherche. Un
domaine encore méconnu, la biomimétique,
s’attache à développer des techniques s’inspirant
du fonctionnement de la nature (lire encadré cidessous). Ainsi, la protection et le développement
du milieu naturel passeront aussi sans doute par
l’innovation.
milieu naturel. Ensuite, deux modèles d’estimation des écosystèmes, dont un a été créé par
le WWF États-Unis, seront mis en œuvre afin de
déterminer la valeur potentielle des services
présents sur le site, ainsi que celle des services
susceptibles d’être développés. Enfin, les équipes
du groupe de réflexion rédigeront un compte rendu
complet détaillant la fiabilité, la reproductibilité
et l’application commerciale de ces modèles d’évaluation. »
Les résultats seront partagés avec le WBCSD dans
le cadre de l’Initiative d’évaluation des écosys-
LA BIOMIMÉTIQUE, UNE SCIENCE BIEN INSPIRÉE
Le projet d’évaluation
et de valorisation des
services rendus par le
milieu naturel permettra
d’identifier les risques
et les opportunités
liés aux écosystèmes.
Au début des années 1990, la biologiste américaine Janine Benyus a posé les bases d’un nouveau
domaine de recherche, qui consiste à s’inspirer de l’observation des modèles naturels pour permettre
l’émergence de processus et de produits durables. La biomimétique consiste à reproduire artificiellement
des mécanismes naturels en vue d’applications directes dans différents domaines technologiques
ou même dans l’organisation des groupes ou des sociétés. « Le concept existe depuis une quinzaine
d’années, souligne Jean-Paul Jeanrenaud (WWF), et il connaît aujourd’hui une rapide progression.
De plus en plus de scientifiques estiment que l’imitation de la nature permettrait de réduire l’impact
écologique de nos activités, mais aussi de réduire les coûts et d’augmenter la rentabilité. »
Les bétons de demain pourraient-ils s’en inspirer?
© DR
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L A FA R G E
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LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
© DR Médiathèque Lafarge
© DR
> Centaurea niederi, espèce endémique du
Péloponnèse en Grèce, sur la carrière d’Araxos.
> Grèbe surveillant son nid, et transportant
son bébé sur son dos.
© DR
“
Le projet InVest du Natural Capital a été mis au point par le WWF,
l’université de Stanford et The Nature Conservancy. Ce système
d’évaluation a pour but une compréhension systématique, détaillée
et largement applicable des risques et opportunités environnementaux.
Son expérimentation à Presque Isle permettra au WWF et à Lafarge
de tester sa pertinence et sa reproductibilité.”
© DR Médiathèque Lafarge
Harve Stoeck, DIRECTEUR DES AFFAIRES PUBLIQUES ET DE
L’ENVIRONNEMENT DE LAFARGE EN AMÉRIQUE DU NORD ET EN AMÉRIQUE LATINE
> Iris aquatiques et plan d’eau.
> Araignée dans la carrière de Matozinhos, au Brésil.
LE GRAND JOURNAL DE LA BIODIVERSITÉ
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© DR Médiathèque Lafarge
CONTACTS
Directeur de la communication
Groupe
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Tél. : + 33 1 44 34 58 36
Directrice de la publication
Yolaine Galhié
Rédactrice en chef
Sophie Lachaud-Lambert
Conception-réalisation
Lafarge, Textuel La Mine
Rédaction
Lafarge, Textuel La Mine
Impression
E-Graphics
Couverture
1. Jabiru d’Afrique, en Zambie.
2. Carrière réhabilitée de Bouskoura,
au Maroc.
© Médiathèque Lafarge - Ignus Gerber
LAFARGE
61, rue des Belles-Feuilles, BP 40,
75782 Paris Cedex 16, France
AU BORD DE L’YONNE
La carrière de Misy-sur-Yonne, située dans
le département français de Seine-et-Marne,
a été exploitée de 1950 à 1975 par
la Compagnie des Sablières de la Seine.
Elle est devenue en 1973 la propriété de Lafarge.
La réhabilitation du site a permis de créer
un espace naturel qui s’étend sur une superficie
de 60 hectares, ainsi qu’une zone résidentielle
et de loisirs de 20 hectares.
La voie d’eau est par ailleurs empruntée par des
péniches qui assurent chaque année le transport
de plus de 3 millions de tonnes de sables et graviers.
Tél. : + 33 1 44 34 11 11
Fax : + 33 1 44 34 12 00
www.lafarge.com
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