Daniel Borner Dans le champ de tension entre

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Conférence de presse annuelle, 27 avril 2017, Berne
Dans le champ de tension entre régionalité et numérique
Daniel Borner, directeur GastroSuisse
(Seule la parole prononcée fait foi)
Madame, Monsieur,
C’est avec grand plaisir que je m’adresse à vous aujourd’hui.
J’espère avoir l’occasion, en marge de cette manifestation, d’établir des contacts avec vous,
et me réjouis d’ores et déjà de notre bonne coopération.
Mais laissez-moi dès à présent entrer dans le vif du sujet, à savoir:
«L’hôtellerie-restauration dans le champ de tension entre régionalité et numérique»
Vous avez déjà reçu beaucoup d’estimations et d’informations de la part des précédents
intervenants, sur la situation de la branche et son environnement, sur les développements de
la consommation et les tendances ainsi que les chiffres et faits de la situation actuelle dans
l’hôtellerie-restauration.
Permettez-moi, avec l’histoire qui suit, de dresser un portrait qui illustre bien l’orientation de
la branche pour les années à venir.
***
Kevin et Susanne habitent dans l’Oberland zurichois. Tandis que Kevin travaille comme
ingénieur de logiciel dans une entreprise internationale de Zurich, Susanne est responsable
du marketing dans une grande entreprise de produits cosmétiques implantée dans la région
où ils habitent. Comme à l’accoutumé, le couple a prévu une petite soirée de fin de semaine
entre amis, à savoir avec deux couples de collègues d’Argovie et de Suisse centrale. La
bande se réunit une fois par mois pour profiter d’une soirée tranquille dans un restaurant
agréable, loin du tumulte du travail quotidien. Ils apprécient les ambiances soignées et
intimes, selon la saison, dans une agréable auberge, sur une terrasse ensoleillée ou aussi
dans l’écrin d’un beau restaurant avec jardin.
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Tandis que Kevin est un inconditionnel amateur de viande, Susanne préfère des salades
fraîches et des légumes de saison et régionaux, sans toutefois être une vraie végétarienne.
Petra, la collègue de Suisse centrale, est quant à elle végétalienne et Rolf d’Argovie est
allergique à divers types de noix. Carla, la partenaire de Rolf, est particulièrement friande de
poisson de mer, pas ceux donc que l’on trouve chez nous. Ruedi, écrivain et époux de Petra,
mange vraiment de tout, pour autant que les portions soient aussi disponibles en XXL, parce
que, comme il le dit, «ce n’est pas tous les jours qu’il mange au restaurant».
Cette fois-ci, c’est au tour de Kevin de trouver un restaurant approprié pour le dîner du
samedi soir. C’est mercredi soir. Il est assis confortablement sur le sofa avec sa tablette et
commence sa recherche. Depuis deux ans, les six amis sont inscrits sur la plate-forme plaisir
du goût «genussheimat.ch».
Malgré différentes professions et habitudes, un point commun les réunit tous les six: ils
utilisent de la même manière les médias numériques aussi bien à titre privé que
professionnel et ils apprécient les diverses applications et possibilités qui en découlent. Cela
ne veut toutefois pas dire qu’ils vivent exclusivement dans un monde virtuel. Au contraire, ils
ont les pieds sur terre et apprécient l’authenticité de la «vraie» vie. Ils s’intéressent à ce
qu’ils mangent, au mode de préparation des repas, et attachent une plus grande importance
encore à l’origine régionale des aliments ainsi qu’aux produits de consommation de luxe, et
ils sont prêts à y mettre le prix.
Sur la plate-forme «genussheimat», les six amis ont enregistré leur profil. Au cours des
dernières années, ces profils ont été affinés et leurs habitudes se sont différenciées. La
bande a acheté des spécialités en ligne, s’est fait livrer des plats à la maison, a téléchargé
de propositions de menu, fait des réservations de manifestation plaisir du goût, poster des
impressions sur des Food-Festivals, livrer des évaluations sur les restaurants et les plats, ont
attribué des «pouces levés» à divers mets et boissons et ont posté eux-mêmes des
indications sur leurs préférences et leurs habitudes dans la base de données de la plateforme plaisir du goût. Evidemment, les informations sur les restaurants visités et les mets
appréciés se sont accumulées au cours des dernières années. Et en dernier lieu, les
restaurateurs eux-mêmes ont évalué les six amis comme des gourmets et des épicuriens.
Toutes ces informations aident maintenant Kevin dans sa recherche d’un restaurant
approprié pour la soirée commune de samedi prochain. Ses cinq amis et lui-même forment
déjà un groupe. Il peut enregistrer cette entité comme la norme, mais de tels groupes
peuvent également être librement complétés, par exemple si Petra décidait une nouvelle fois
d’inviter son amie Claudine, amatrice de soupe. Kevin complète maintenant les informations
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du groupe par les exigences individuelles pour la soirée de samedi: ils sortiraient volontiers
dans la région de Säuliamt. Le restaurant ne devrait pas être trop grand et comme la météo
est optimiste, ils mangeraient volontiers en plein air.
Par simple clic et après quelques petites secondes, Kevin reçoit trois propositions de
restaurants. Ce sont trois restaurants, qui sont ouverts le samedi, ont encore des places en
plein air et qui se décrivent brièvement avec des propositions de plats, tous évidemment
adaptés aux préférences des six compères. Ces restaurants précisent l’origine de leurs
marchandises en détail et s’approvisionnent principalement dans la région. Evidemment, on
trouve aussi sur cette page les liens correspondants. Kevin se décide maintenant pour un
des restaurants. Il aurait aussi eu la possibilité d’inviter ses amis à choisir, mais ces
discussions, Kevin, le décideur n’en a pas besoin. Il a maintenant la possibilité de retenir
l’offre standard ou d’inviter le restaurant à composer un menu spécial pour la bande. Celui-ci
devrait alors être réservé au moins 36 heures à l’avance. Il peut aussi communiquer à ses
amis quel restaurant et quels plats il a choisis. Ses amis auraient alors encore la possibilité
de communiquer leurs propres désirs directement au restaurant. Il connaît ses amis et se
décide pour cette option. A dire vrai, il préfère éviter toutes les discussions qui tournent
autour des goûts, des allergies et autres desiderata.
Kevin a déjà mangé une fois dans ce restaurant lors d’un dîner d’affaires, il sait donc qu’une
soirée agréable dans une ambiance chaleureuse les attend. Le couple de restaurateurs
donne une grande importance aux détails. Cela commence avec l’accueil chaleureux de la
restauratrice elle-même. Le fait qu’on l’appelle, lui et ses amis, par leur nom ne l’a étonné
que la première fois. La restauratrice a donc bien étudié le profil du groupe. Au moyen des
profils clients, les restaurateurs peuvent de façon optimale prendre en compte les
préférences et les allergies, et adapter en conséquence la communication avec le client. La
restauratrice offre au groupe un apéritif rafraîchissant dans un coin de la terrasse et leur
décrit le panorama, sans oublier de pointer sur deux entreprises agricoles à portée de vue et
la boulangerie juste à côté de la grande église du village, qui se trouve au fond de la vallée.
Toutes les trois font partie des fournisseurs de l’établissement de l’hôtellerie-restauration. La
restauratrice guide la petite troupe vers leur table et leur présente la spécialiste en
restauration, Nadine, qui va s’occuper du groupe. Cette dernière décrit toujours les mets et
les boissons à ses convives, avec des indications détaillées sur leur origine et leur
préparation.
Après le plat principal, le restaurateur et le chef de cuisine, Franz, saluent leurs clients et leur
demandent s’ils sont satisfaits. Une fois que les amis ont fait l’éloge du repas admirable et de
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l’ambiance excellente et qu’ils ont interrogé Franz sur diverses astuces de la recette, le
restaurateur prend congé sans oublier d’indiquer qu’il livre aussi ses mets savoureux dans
un périmètre de 20 kilomètres, et qu’il propose également un service de cuisine à domicile.
Avant de quitter le restaurant, les amis repus doivent encore régler un point, qui donnait lieu
autrefois à de longues discussions, pas toujours simples: le paiement. Bien que les couples
se soient mis d’accord il y a quelques temps déjà pour payer toujours eux-mêmes afin
d’éviter qu’une personne se charge de la tournée entière, le prix des boissons est parfois
partagé en parts égales ou une personne s’en charge. Kevin sait aussi que les caisses de
Petra et Ruedi sont gérées de manière complètement séparée. En quelques clics sur la
tablette et sans grandes discussions, les positions sont assignées, électroniquement
décomptées aux différentes parties et payées via l’appli «genussheimat».
Peu après minuit, les amis se quittent. Une fois de plus, on a organisé une soirée délicieuse
à l’aide de moyens technologiques les plus modernes, caractérisée par le bien-être, la
convivialité, l’artisanat et l’origine et dans le respect des préférences culinaires des différents
participants!
***
Madame, Monsieur,
Ce que vous venez d’entendre ici ne représente plus vraiment une avancée technologique.
Tout cela est déjà possible avec les réalisations numériques actuelles. Il ne s’agit plus, à
l’avenir, que d’établir les connexions entre les instruments existants. D’après les chercheurs
du futur, par exemple ceux du GDI, le monde physique - et donc également le monde de la
restauration - va fusionner avec le monde numérique. Et nous partageons cet avis! Des
acteurs individuels, en particulier les chaînes d’alimentation, expérimentent déjà aujourd’hui
différents instruments afin d’orienter encore plus spécifiquement leurs offres vers le client, de
la même manière que ce que l’on sait à propos des détaillants.
Avec ce changement radical, les restaurants et les hôtels se trouvent face à de grands défis.
Car l’histoire que je vous ai racontée ci-dessus peut naturellement aussi s’appliquer à
l’hôtellerie, bien qu’on parle dans ce domaine parfois déjà aujourd’hui de l’utilisation de
robots.
Ces développements offrent évidemment aussi d’énormes chances. Des chances, que
justement la génération de restaurateurs à venir peut et doit utiliser. C’est une génération qui
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a effectivement grandi avec les nouveaux médias, en particulier avec les réseaux sociaux.
Cela signifiera que les entrepreneurs de l’hôtellerie-restauration et leurs fournisseurs
traiteront ce thème et investiront dans une certaine mesure dans cette technologie.
Nous sommes convaincus que ce ne sont pas les investissements qui constitueront le plus
grand défi, mais bien plus le processus d’apprentissage. Les restaurateurs doivent examiner
les opportunités et les chances. Une plus grande tâche encore qui leur incombera sera de
saisir et de développer ainsi que de mettre à jour des informations. Le mot clé est ici «Big
Data». Une part considérable de l’horaire de travail d’un entrepreneur de l’hôtellerierestauration moderne ou de ses employés sera passée à utiliser ces instruments
numériques, à les perfectionner pour sa propre entreprise et à participer à des
développements techniques, dont nous n’avons aujourd’hui encore aucune idée.
Comme vous pouvez l’imaginer, une telle offre individualisée nécessite, pour être profitable,
une certaine taille d’entreprise. La conception de l’offre deviendra un défi exigeant pour
l’hôtelier-restaurateur. Il doit être bien conscient de ce qu’il veut et aussi peut offrir dans une
qualité excellente.
Nous assisterons dans de grands pans de la restauration à un changement de paradigme.
Le passage d’un marché de l’offre à un marché de la demande. Même si ce n’est pas en
totalité, ce sera quand même le client qui déterminera bien davantage qu’aujourd’hui ce qu’il
souhaite manger. Il exercera, même si c’est d’une manière pas toujours immédiate, une
influence sur l’offre gastronomique. Et le restaurateur sera encore plus à la recherche de
«cachet», du confort, de l’évènementiel et de l’ambiance - et cela non pas dans le déni de la
numérisation, mais en tant supplément nécessaire et comme contraste avec la restauration à
grande vitesse durant la vie professionnelle. Le restaurateur devra aussi clarifier dans quelle
mesure il peut promouvoir ses plats dans des offres de service de livraison.
Il faudra encore qu’il choisisse soigneusement ses fournisseurs, étant précisé que ses
achats à caractère régional augmenteront encore. Il doit aussi veiller, lors du choix de ses
fournisseurs, à ce que ceux-ci remplissent aussi les exigences numériques, et à ce qu’ils
soient des artisans habiles dans la production des spécialités régionales. Il les aidera peutêtre lui-même à effectuer le saut dans la numérisation.
Le restaurateur est aujourd’hui déjà un entrepreneur flexible, soumis aux fluctuations
considérables de la demande qu’il peut à peine influencer, et qui sont commandées par les
individus ou par le climat. Je pense, par exemple, à tous ces beaux restaurants-jardin, qui
ont été ouverts durant les belles semaines avant Pâques et recouverts la semaine après
Pâques par de la neige humide. Toutefois, également dans le cadre de l’offre de ses
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matières premières, tous les produits alimentaires ne sont pas toujours disponibles dans la
même qualité. Les restaurateurs sont tenus de pouvoir garder cette flexibilité – ils devront à
l’avenir probablement être encore plus flexibles et habiles.
Cela – Madame, Monsieur – ce sera l’hôtellerie-restauration 4.0!
GastroSuisse, comme fédération comptant environ 20 000 membres assume la
responsabilité de suivre ce développement. Elle a le devoir d’en informer et de sensibiliser
ses membres et de montrer les chances. Ce n’est pas la tâche de la fédération elle-même
que de fonctionner en tant que prestataire numérique. Nous sommes toutefois en
pourparlers avec de grands acteurs numériques et sommes prêts à apporter notre savoirfaire gastronomique et à agir comme porte-parole d’une branche engagée. Il est aussi
naturel que nous élargissions ce thème au secteur de notre offre de formation afin de
permettre à nos membres de progresser dans le monde numérisé.
Et enfin j’en conclu: en tant que GastroSuisse, notre rôle est de veiller à ce que notre
branche suive le rythme de ses développements et utilise ses chances. Une de nos tâches
est de veiller à ce que nos membres puissent participer à l’offre numérisée en tant que
partenaires égaux, et que la partie principale de la valeur ajoutée reste en main des
créateurs de prestations, à savoir nos entreprises membres.
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