
Les catholiques à Constantinople. Galata et les églises de rite latin… / 231
REMMM 107-110, 227-243
Dans les mêmes temps, Constantinople continue d’être une destination fré-
quentée par les Européens. Sous Mehmed II puis sous ses successeurs, d’autres
puissances occidentales, outre les Génois de Galata, concluent ou renouvellent
des traités avec les Ottomans (ahdnâme)7, renforçant ainsi la présence occidentale
dans ce faubourg de Constantinople et dans ses environs. Des catholiques en
provenance de l’Europe latine continuent alors à se rendre comme par le passé
dans la capitale ottomane, non seulement pour y commercer, mais aussi pour
mener des négociations avec les sultans et pour faire œuvre d’apostolat8.
D’après les relations que les missionnaires envoyés par le Saint-Siège écrivaient
à leurs supérieurs à Rome, au e siècle, il y avait dans la ville (y compris Galata
et Péra) environ 500-550 catholiques sujets ottomans, presque tous d’origine
italienne ; à ceux-ci s’ajoutaient les ressortissants des puissances étrangères9, les
esclaves et les esclaves affranchis (De Marchis, 1622 ; Mauri Della Fratta, 1629-
1631 ; Petricca da Sonnino, 1640). Ces estimations doivent toutefois être lues
avec prudence : il est bien connu que les auteurs de ces textes n’hésitaient pas à
puiser leurs informations dans les récits des observateurs européens qui, quant
à eux, se recopiaient souvent l’un l’autre. Ainsi, par exemple, si celles proposées
par le visiteur apostolique Pietro Cedulini en 1580-81 sont les mêmes que celles
fournies quelque soixante ans plus tard par le vicaire patriarcal Giovanni Mauri
Della Fratta, le nombre des catholiques étant beaucoup plus important dans
l’évaluation du premier parce qu’il inclut aussi 2 000 esclaves dans son décompte
(Cedulini, 1580-1581 et Mauri Della Fratta, 1629-1631).
Sur une population de 600 000 personnes pour l’ensemble de Constantinople
(Mantran, 1962 : 4710), ces catholiques zimmî correspondaient probablement
à environ 0,1 % des citadins et habitaient presque exclusivement Galata et ses
proches environs11. De l’autre côté de la Corne d’Or, à Stamboul, il existait,
vers 1630, seulement deux foyers constitués de descendants des Génois de Caffa
7. À l’exemple des Génois, les Vénitiens et les Polonais avaient noué des relations avec les Otto-
mans bien avant 1453 : les premiers depuis les années 1380, les seconds dès 1414. Un an à peine
après la conquête ottomane de la ville, Venise obtint du sultan de maintenir, comme à l’époque
byzantine, son baile à Constantinople. Quelques années plus tard, toujours à l’époque de Meh-
med II, les Florentins négocièrent aussi des Capitulations. Puis, au
e
siècle ce fut le tour de la
France (premiers pourparlers en 1535, ratification du traité en 1569) et des puissances protestantes
(l’Angleterre en 1582 et les Hollandais au début du
e
siècle, en 1612 (Mantran, 1962 : 511-
583 ; Goffman, 2002).
8. Un nombre de plus en plus élevé de missionnaires se rendit à Constantinople et plus généra-
lement dans l’Empire ottoman, notamment à partir des années 1620, lorsque l’Église catholique
organisa de façon de plus en plus rationnelle son réseau missionnaire avec la constitution, en 1622,
de la Congrégation de la « Propaganda Fide » (Metzler, 1970).
9. Les ambassadeurs et leur suite, les marchands et les voyageurs.
10. R. Mantran évalue entre 600 000 et 750 000 habitants la population de Constantinople vers
la fin du
e
siècle.
11. R. Mantran (1962 : 79) évalue la population du faubourg à environ 100 000 habitants. Il sem-
blerait toutefois que les catholiques aient été beaucoup moins nombreux (0,5 % de la population
contre 22 % en 1478, cf. ci-dessus).