Chapeau introductif: "Au cours de l`interrogatoire du patient, le

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Titre de l’article : origines et histoire de l’hypnose
Titre en anglais : origins and history of hypnosis
Auteur(s) :
Alain MORENI/ Alain BARBER
Alain MORENI Hypnothérapeute (Hypnose et thérapies brèves)
Centre Avance
112 Avenue du Prado 13008 Marseille [email protected]
Alain BARBER Chirurgie orthopédique et traumatologique, Chirurgie de la main
Hôpital Européen
6 rue Désirée Clary 13003 Marseille
[email protected]
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Eléments de la têtière
Article commandé le : 06/05/2014
Article reçu le : /0/2014
Article accepté le : /0/2014
Résumé
Dès l’antiquité, à travers de nombreuses civilisations, les modifications rituelles de l’état de
conscience apparaissent sous des formes variables.
La pratique de l'hypnose à de tout temps interrogée la relation humaine.
En deux siècles, la réponse aux phénomènes observés s’est intériorisée : après s’être référée
aux divinités, puis établi des liens avec le cosmos, l’hypnose s’est enfin centrée d’homme à
homme.
Notre étude chronologique des personnages clefs, de Franz Anton Messmer à Erickson en
passant par Charcot, explique les bases de ce qu’est l’hypnose aujourd’hui et éclaire les voies
nouvelles pour demain.
5 à 10 mots clés, classés par ordre alphabétique et séparés par des points virgules :
Conscience ; Erickson ; hypnose ; Messmer ; ressource.
Traduction anglaise des mots-clés :
Consciousness, Erickson ; hypnosis ; Messmer ; resource
« Points essentiels » : (1 à 5 éléments maximum [20 mots max/point] à retenir de l’article, qui
seront mis en avant dans un encadré)
- des origines à nos jours, transe, magnétisme et hypnotisme
- Messmer et le magnétisme animal
- du magnétisme à l’hypnose
- de l’inconscient Freudien à l’inconscient Ericksonien
- la transe est source de connaissance, naissance de l’hypnotherapie
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Texte :
HISTOIRE DE L’HYPNOSE
L’hypnose s’étend aujourd’hui progressivement dans le monde des soins. Elle envahit en même
temps nos écrans de télévision.
Pendant que les neurosciences se passionnent pour les enregistrements cérébraux des patients sous
hypnose, reste attaché à « hypnose » un florilège d’idées reçues : magnétisme, transe, influence,
somnambulisme, hystérie,…
La définition en est complexe et toute simple : un état modifié de conscience.
Ce qui, à la fois, nécessite de définir un état, une conscience ou bien un état psychologique
particulier reliant le mental, le corps à travers la sensation et le mouvement et un ensemble de
technique permettent d’obtenir cet état !
Reprenons la définition de Milton Erickson :
« L’hypnose, c’est une relation pleine de vie qui a lieu dans une personne et qui est suscitée par la
chaleur d’une autre personne. »
Les techniques que nous utilisons aujourd’hui sont en continuité avec celles des personnages ayant
marqué l’histoire de l’hypnose.
DES ORIGINES A NOS JOURS
Il est difficile de dater les origines de l’hypnose, elles remontent sans doute à la première rencontre
entre deux individus...
Nous retrouvons la mise en scène de cette modification de conscience dans différentes cultures et
civilisations :
Les écrits sumériens (-6000 ans avant JC) décrivent différents états de conscience, comme les
temples du sommeil dans l’Egypte ancienne.
En Grèce la doctrine Pythagoricienne (Pythagore –580 – 495 avant JC) admettait l’existence d’un
fluide subtil émanant de tous les corps.
Socrate (-470 -399 avant JC) plongeait ses auditeurs dans un état modifié de conscience propre à
créer le doute.
A Delphes, le temple d’Apollon s’élevait sur une crevasse d’où émanait du gaz sulfureux.
La Pythie, qui, mise en condition (jeûne) s’agitait, tombait en transe et donnait alors son verdict à la
question…Une médiation divine au service des hommes.
La culture Indoue par la méditation profonde, accède à des pouvoirs curatifs.
Plus proches de nous, les druides, par l’utilisation d’incantations et de breuvages accèdent à
l’expression des « volontés divines ».
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Au 15ème siècle, Paracelse (1493-1541) médecin suisse parle d’influence des planètes sur le corps
humain et établit une relation entre psyché, corps physique et âme.
En France, la sorcellerie, par diverses pratiques (potions parfums, rituels…) accède à des états
modifiés de conscience.
Le champ religieux n’est pas exclu avec ses diverses extases, convulsions, de la simple agitation à
la léthargie en passant par diverses figurations de la passion ou des supplices des martyres. (1)
La pratique chamanique sud-américaine, inuit ou russe, induit dans un autre contexte des
altérations de conscience. La relation de quelques hommes ou femmes choisis permettant un lien
entre un monde terrestre anxiogène et un au-delà .
Lumières, lumière !
Il faudra attendre la fin du 17ème siècle pour que l’homme prenne une autre place au sein de
l’univers.
Sous l’influence de la raison, le monde s’explique de manière plus scientifique ; le doute en les
puissantes divines éthérées s’insinue dans le quotidien.
Les disciplines comme l’astrologie, la physique, la chimie expliquent les phénomènes naturels
jusque-là irrationnels.
Franz Anton Messmer
(1734-1815). (2) marque la transition entre magnétisme et science.
Ce médecin Viennois reprenant les travaux de Paracelse, de Van Helmont et de Maxwell (3)
publie en 1766 sa thèse de doctorat : « De l’influence des planètes sur le corps humain ».
En 1773, il met en pratique son idée de l’existence d’un fluide universel, en appliquant les travaux
du Père Jésuite Hell (4) avec des plaques aimantées .Le fluide est alors minéral mais deviendra
animal suite à une polémique sur la paternité du procédé.
Son postulat : un fluide physique emplit l’univers servant d’intermédiaire entre l’homme, la
terre, les corps célestes et entre les hommes eux-mêmes. Ce fluide diffusé en tout lieu est capable
d’être canalisé, distribué (par des passes Mesmériennes) et ainsi provoquer une salutaire libération
par toute manifestation de mouvements (crise magnétique).
« Sans la présence du thérapeute le métal à lui seul n’est rien » dit Messmer en1775, soulignant
pour la première fois la nécessaire présence animale.
Arrivé à Paris en 1778, il publie en 1779 son récit historique des faits relatifs au magnétisme
animal.
Devant le succès de sa méthode, il organise le traitement collectif du baquet (5) : un large
récipient en chêne rempli d’eau magnétisée par ses soins, de limaille de fer, de verre pilé d’où
sortaient des barres de fer.
Les patients recevaient le fluide, qui se transmettait de l’un à l’autre. Musique douce, parfum
d’ambiance, lumière tamisée, couleur apaisante parachevait l’ensemble.
Messmer habillé de tenue couleur lilas, en maitre de cérémonie, induisait un étrange
comportement collectif sensé réorganiser les énergies et annihiler le mal.
Reconnu à la cour de Marie Antoinette, il connaitra la défaveur du roi louis XVI suite a un avis
négatif de la commission royale.
Il reste précurseur par la mise en pratique de méthodes d’induction, d’états modifiés, par son
approche fluidique de la relation à l’autre.
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Dans le même temps, un élève de Messmer, le marquis Armand Marie Jacques de Chastenet de
Puysegur (6) va se distinguer en déclarant, que le soignant par sa volonté n’est qu’un vecteur et que
le travail de guérison est effectué par les patients eux-mêmes.
Il obtient pour la première fois un état de somnambulisme en y attribuant un pouvoir extralucide.
Le magnétisme continue sa popularisation et Alexandre Dumas reprend un personnage dans son
roman « le comte de Montecristo » : L’abbé José Custodia De Faria. (7)
L’Abbé Faria donne un cours en 1813 sur le sommeil lucide dans la continuité du travail de
Puysegur, critiquant la notion de fluide Mesmérien. Les verbalisations sont autoritaires, très
suggestives : « tout se passe dans la tête du sujet »
De Faria marque le tournant, l’effet obtenu ne prend pas source dans un fluide externe, mais tout se
passe dans la relation à l’autre, d’homme à homme.
Dans le même temps à Calcutta, le chirurgien Ecossais Estaille (8) pratique de nombreuses
opérations sous hypnose.
Un autre chirurgien le Dr James Braid (9) publie en 1843 « neurynologie, traité du sommeil
nerveux ou hypnotisme » .Il souligne, dans un premier temps, l’importance de la fixation d’un
point pour provoquer une léthargie puis comprend que des suggestions verbales peuvent provoquer
le même effet, nommé sommeil nerveux.
Il lui est attribué la paternité du mot hypnotisme, oubliant ainsi son emploi par Etienne Félix de
Cuvilliers en1819. (10)
L’utilisation de l’hypnose en chirurgie s’élargit :
1829 Cloquet : ablation d’un sein.
1845 amputation d’une jambe par Loysel de Cherbourg.
1859 Broca et Follin : abcès sous anesthésie hypnotique.
1889 : Liébeault analgésie pour le travail et l’accouchement.
Le monde médical reçoit mal ces pratiques et l’invention du chloroforme et de l’éther donne un
coup d’arrêt à l’usage chirurgical de l’hypnose.
Il faudra attendre la fin du 19éme siècle pour qu’Ambroise-Auguste Liébeault (11) réactive le
savoir de ses ainés.
En 50 ans les manifestations observées sont passées d’une origine divine, éthérée, vers une
véritable incarnation .L’homme devient le propre centre de son univers, commence alors une autre
période, la rencontre homme- homme.
Le conflit Paris-Nancy :
Après des années de demi-ignorance, l’hypnose retrouve des lettres de noblesse.
Le professeur Jean Martin Charcot neurologue à l’hôpital de la salpêtrière à Paris se penche
sur l’étude des hystériques (lésion organique ou psychosomatique).
Pour Charcot, l’hypnose va permettre d’étudier les patientes hystériques, il présente l’hypnose
comme un fait somatique de l’hystérie.
Charcot par son statut mondialement reconnu apporte une caution morale et l’hypnose réinvestit le
champ médical.
Dans le même temps les travaux du Dr Liébeault portent leurs fruits, il est d’abord décrié par
Hyppolite Bernheim puis réussissant à soigner une sciatique que lui-même n’avait pu traiter, il
s’en rapproche au point de devenir son élève.
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Les résultats de leurs travaux s’opposent à ceux de Charcot : pas de lien entre hystérie et hypnose,
l’hypnose est un phénomène naturel accessible à tous, c’est la suggestion qui guérit le patient.
Freud , en 1887, après avoir suivi les conférences de Charcot, repartit en Autriche, utilise
l’hypnose. Il rencontre Bernheim en 1889 et traduira son livre sur la suggestion. Il développe sa
propre idée de l’inconscient et conceptualise la psychanalyse... Bien que délaissant l’hypnose, qui
pour lui ne permet pas de dénouer les conflits psychiques refoulés profondément ,il n’en restera pas
moins fervent admirateur de Charcot toute sa vie.
Freud spectateur des conflits Français, ferme la porte de l’hypnose mais ouvre une autre voie
thérapeutique.
L’homme ne s’est jamais autant retrouvé face à lui-même, dans les profondeurs de l’inconscient.
Devant le succès grandissant de la psychanalyse, l’hypnose s’incline mais ne se couche pas.
Un juste retour des choses :
Après la guerre 39-45 et devant la nécessité de guérir les soldats rapidement se développent aux
Etats Unis des stratégies thérapeutiques dites brèves.
Sous l’impulsion du psychiatre Milton Erickson , l’hypnose va retrouver ses lettres de noblesse.
Erickson est daltonien, amusique, et contracte la poliomyélite a l’âge de 17 ans, il développe des
facultés d’observations hors du commun, vivant ses handicaps comme une ressource, devient la
référence en Amérique puis en France du renouveau de l’hypnose.
Passé Maitre dans l’observation des signaux non verbaux, il est le premier à s’impliquer dans la
relation hypnotique en incluant son propre état de transe pour obtenir des informations sur la
nature de la relation homme-homme. La technique est au service de la rencontre dans une même
enveloppe hypnotique d’inconscient à inconscient.
Cet inconscient n’est plus un refouloir pulsionnel, mais un foyer de ressources, le patient ne sait
pas qu’il sait déjà, inconsciemment, ce que son conscient ignore.
En incluant les thérapies stratégiques brèves, l’intention de soin étant dissimulée dans des
suggestions indirectes, il nous propose non un modèle, mais une grande source d’inspiration.
Les apprentissages sont en attente de réactivation, de remise en mouvement par l’utilisation de la
mise en confusion, il sature le mental, obtient un état de transe propre a réorganiser les croyances du
patient et ainsi le remettre en mouvement.
Le geste d’action devient la résultante d’un ressenti dans un autre état de conscience.
L’émotion (latin motio : mouvement) devient geste.
Avec Milton Erickson, le moment hypnotique est une rencontre de deux vécus , au présent ,d’où
émerge un changement de vision du monde.
L’espace prend la forme d’un regard partagé , ou bien, le regard prend la forme d’un espace de
partage.
Ses travaux vont être poursuivis par son élève Ernest Rossi qui accentue encore cette rencontre
dans le présent, en supprimant totalement les suggestions métaphoriques et indirectes.
Aujourd’hui :
En France, François Roustang psychanalyste puis hypnothérapeute donne ses lettres de noblesse à
l’hypnotherapie : la transe est un moment de partage, ici ,et maintenant .
L’enveloppe hypnotique apparait dans cette rencontre permettant un lâcher prise, une rencontre de
soi a l’autre puis de soi a soi . Le thérapeute transformant une intention de soin, dans un contexte (le
cabinet), en état de transe hypnotique.
Les travaux du psychiatre Eric Bardot , intègrent dans un modèle plus large les travaux de
Bowlby sur l’attachement et définissent les possibilités d’externalisation de la résultante
émotionnelle de cette rencontre hypnotique.
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Le voyage à travers le temps hypnotique nous permet de comprendre l’actuelle diversité des
pratiques paramédicale et médicales .Chacun puisant dans son vécu, sa sensibilité.
Chacun de nous a sa juste place : l’état de transe provoqué dans un contexte et avec une intention
stratégique replace le patient dans une pleine conscience.
C’est à dire avec une possibilité de lâcher prise dans son propre environnement relationnel et de
modifier sa position dans un nouvel environnement
Référence :
1 : convulsionnaires de st Médard, miracles, convulsions et prophéties à Paris au xviii
C-L Maire (A collections 1985)
siècle
2 : Anton Messmer « précis historique des faits relatifs au magnétisme animal »
Réédition l’harmattan (2005)
3 : Paracelse : 1494-1541
« Des forces de l’aimant »
Van Helmont : « le traitement magnétique des plaies »1621
Maxwell : « De medicina Magnetica » 1679
4 : père Hell : 1775 « rapport impartial »
5 : musée médecine et de la pharmacie de Lyon
6 : Armand Marie Jacques de Chastenet de Puysegur (1751-1825)
« Mémoires pour servir à l’histoire et à l’établissement du magnétisme animal »1784
7 : Abbé De Faria « De la cause du sommeil lucide » 1819 réédition l’harmattan 2005
8 : James Estaille « Mesmerismin india and its pratical applications in surgery and medecine »
1846
9 : James Braid « Neurynologie »1843
Traduction française 1843 hypnose ou traite du sommeil nerveux
10 : Etienne Félix de Cuvillier « archives du magnétisme animal »1819
11 : Liébeault 1886 Nancy « confessions d’un médecin hypnotiseur »
12 : Hull Clark (1884-1952) psychologue américain «hypnosis and suggestibility » New
1933
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York
(Moreni) Figure 1
(Moreni) Figure 2
(Moreni) Figure 3
(MORENI)Figure4 : Abbé Faria
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(MORENI)Figure5 : James Braid
(MORENI)Figure6 : Blanche
(Marie) Wittman par André
BROUILLET 1887
(MORENI)Figure7 : Milton Erickson
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec le présent article.
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