L`éthique au BIT

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N° 1352
12 mai 2006
L’éthique au BIT
En rapport avec la formation du groupe de travail interne sur les questions d’éthique au début de
cette année, l’administration a demandé au Syndicat de faire des commentaires sur cette question. La
demande a été formulée façon large et sans nous donner de précisions concrète. Le Comité du Syndicat
a donc préparé un document d’analyse et de propositions où il passe en revue une partie des thèmes
inhérents au fonctionnement d’une administration telle que la nôtre.
En tout premier lieu, le Comité du Syndicat voudrait attirer l’attention sur le fait que le rôle du
Groupe de travail est "d’examiner les règles, procédures et pratiques en vigueur, dans le but général de
renforcer les mécanismes et procédures existant, d’augmenter la transparence et de promouvoir les
meilleures pratiques au sein de la maison". Un tel mandat englobe tout ce qui touche aux conditions
de travail et d’emploi, un domaine pour lequel, selon la pratique prévalant au sein de l’OIT, il doit être
fait recours à la négociation collective1. Nous considérons qu’il s’agit donc d’un sujet pour lequel la
discussion bipartite s’impose au-delà du simple commentaire.
Le point de départ de notre réflexion est que tout fonctionnaire du système des Nations Unies
est soumis à des Normes de conduite (révisées en 2001). Ce document a été élaboré après une
discussion approfondie avec les représentants du personnel des organisations du système des Nations
Unies, et son ambition est parfaitement claire "Même s’il peut exister des disparités dans la culture
interne des organisations, celles -ci doivent faire face à des problèmes éthiques de même nature. Des
normes de conduite (ou règles de déontologie) permettent de promouvoir des valeurs communes et de
définir la conduite et le comportement professionnel attendus des fonctionnaires internationaux".
Le Comité du Syndicat voudrait éclaircir l’intention de l’Administration par rapport au texte
susmentionné, car nous ne pourrions pas comprendre une substitution à un document relevant du
système commun, discuté avec la représentation collective de l’ensemble du personnel. Il serait donc
nécessaire de clarifier au personnel le but des travaux entrepris par l’Administration dans ce contexte,
d’autant plus quand différents documents2 reconnaissent cet engagement à savoir:
a)
1
2
l’article 5 de l’Accord collectif sur la prévention et le règlement des différends, signé le
24 février 2004;
Art.2 de l’Accord de reconnaissance et procédure du 27 mars 2000.
Il ressort cependant clairement d’un travail de compilation, effectué par le Syndicat du personnel de l’OIT à l’occasion
d’un récent Symposium du CCISUA, qu’une évaluation de certaines pratiques de gestion à la lumière des Normes de
conduite amènerait à remettre en cause un nombre important de pratiques ayant cours dans notre Organisation.
-2b)
la déclaration solennelle de loyauté3, par laquelle chaque fonctionnaire du Bureau
international du Travail, lors de son entrée en fonction, s’engage à s’acquitter de (s)es
fonctions et de régler (s)a conduite en ayant exclusivement en vue les intérêts de
l’Organisation internationale du Travail, sans solliciter ni accepter d’instructions
concernant l’exercice de (s)es attributions d’aucun gouvernement ou autre autorité
extérieure au Bureau international du Travail;
c)
l’Accord de reconnaissance et procédure conclu en mars 2000 entre l’Administration et
le Syndicat reconnaissent la pertinence au sein du Bureau des «principes et droits»
reconnus dans un certain nombre d’instruments internationaux, régissant notamment le
contenu de la liberté syndicale, du droit d’organisation et de négociation collective et
leur application à la fonction publique. L’objectif conjoint de cette pratique reconnue de
dialogue social est de "permettre à tous les membres du personnel d’influencer
l’évolution de l’Organisation".
Il ne faudrait pas voir dans ces Normes de conduite un catalogue d’obligations imposées aux
fonctionnaires, notamment ceux de rang subalterne. En fait une évaluation de certaines pratiques de
gestion à la lumière des Normes de conduite amènerait à remettre en cause un nombre important de
pratiques ayant cours dans notre Organisation.
Il existe probablement des centaines de versions différentes des principes généraux sur lesquels
fonder une éthique propre à une entreprise. Le Comité du Syndicat est évidemment prêt à discuter avec
l’Administration des références qui pourraient devenir les nôtres, dans le cadre général décrit ci-dessus.
Il nous semble, en particulier, que des notions comme la primauté des valeurs de l’OIT, la transparence,
la responsabilité de ses actes, l’indépendance du service public international, le respect de la vie privée,
devraient être présentes dans un tel dialogue.
Il est possible cependant que le Groupe de travail entende se concentrer sur les questions liées
au règlement financier et à l’audit interne. Si tel était le cas, le Comité du Syndicat serait évidemment
tout à fait disposé à partager ses vues plus détaillées avec les membres du Groupe de travail, dans le
cadre des fonctions qui sont les siennes de défense des intérêts et de représentation du personnel.
Ceci dit, nous avons passé en revue une partie des thèmes inhérents au fonctionnement d’une
administration telle que la nôtre et le tableau qui suit est un compte-rendu des différents cas et
problèmes observés par le Syndicat au cours des dernières années. Il s’agit d’un tableau bref et
pratique sur les questions identifiées du point de vue éthique et pour lesquelles nous considérons
qu’une action est nécessaire et des mesures possibles pour un traitement plus efficace de ces problèmes.
Le tableau proposé ne vise pas à remplacer les normes de conduites requises par le code de
conduites des fonctionnaires internationaux. Il est basé sur les mêmes principes directeurs, notamment
l’égalité, la dignité, la justice sociale et l’intégrité, ainsi que la bonne foi, l’honnêteté, l’impartialité et
l’incorruptibilité. Le respect des principes promus par la Constitution du BIT et les différentes
Conventions qui s’y rattachent sont également incontournables.
3
Article 1.2 du Statut du personnel.
-3-
EGALITE DE
TRAITEMENT/NONDESCRIMINATION
•
•
•
•
•
•
•
RESPECT DANS LES
•
RELATIONS DE TRAVAIL ET
LOYAUTÉ
•
•
•
•
•
•
•
CONFIDENTIALITÉ
•
•
•
Interdiction de toute distinction, exclusion ou préférence fondée
notamment sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion
politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour
effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de
traitement en matière d'emploi ou de profession; y inclus la
sélection préférant un fonctionnaire du fait de la maîtrise d’une
langue de travail au détriment des autres langues.
Respect des cultures et des principes religieux, sociaux et
politiques (prière, jeûne, vêtement).
Traitement des jeunes fonctionnaires: respect, vraies
responsabilités, contrat conforme aux capacités et aux besoins
de formation.
Travailler pour l’amélioration de la vie familiale et le travail
(réunions à heures convenables, heures supplémentaires).
Création d’une procédure sommaire simple pour informer et, le
cas échéant, remédier à toute action de caractère
discriminatoire des managers et fonctionnaires.
Protection de la maternité: extension du fonds de remplacement
«congé maternité» à d’autres cas (personnel CT p.ex.).
Interdiction de certains examens médicaux dans le recrutement
(test grossesse, SIDA, etc..).
Traitement respectueux, sans violence (parole ou fait) de tout
fonctionnaire, même en cas de conflit.
Langage (écrit, oral) correct, sans ironies ou attaques
indirectes.
Droit d’être entendu et droit d’un dialogue contradictoire en cas
de problème.
Respect de pauses et du temps de travail et obligation de refléter
loyalement le temps et le volume de travail effectué.
Respect aux données et documents personnels et confidentiels
(un seul dossier personnel), interdiction d’enquêter ou
d’interviewer sur les données personnelles des fonctionnaires,
sauf en cas de procès ou de règlement de conflits.
Interdiction d’utiliser la condition de fonctionnaire pour
recevoir un traitement différencié ou privilégié.
Respect de la propriété intellectuelle, mentionner la source de
l’idée de manière dûment documentée.
Création d’une procédure sommaire simple pour informer et
remédier à toute action qui contreviendrait ces principes de la
part de managers et de fonctionnaires.
Des données.
Dans le respect du règlement du Personnel et des Accords
collectifs.
Dans le cadre de procédures de recrutement, de licenciement et
de sanctions.
-4•
•
•
•
FONCTIONNAIRES QUI ONT
ACCÈS A DES
TRANSACTIONS
FINANCIÈRES
•
FRAUDE DANS DOCUMENTS
INTERNES
•
•
•
•
CONDUITE VERS
L’EXTÉRIEUR: FONCTIONS
OFFICIELLES, VIE PRIVÉE
SE PRÉVALOIR DE LA
•
•
•
•
•
Dans le cas de demandes expresses (par ex. atteinte à la
réputation).
Secret médical.
Sanction en cas de rupture de confidentialité.
Interdiction de transmettre à l’extérieur des documents internes
(rapport de mission, document préliminaire, etc. à des
personnes ou à des institutions externes).
Règles claires sur la responsabilité et la supervision
(responsabilité subsidiaire en cas de fraude).
Audit.
Fraude au SHIF (données erronées, fausses factures,
augmentation de la quantité finale).
Fraude dans les TA.
Fraude contractuelle, utilisation de contrat de façon inadéquat
par rapport à la vraie nature de la relation de travail.
Déclarations publiques, médias.
Respect de cultures et traditions (mission et terrain).
Interdiction de se prévaloir de la condition de fonctionnaire.
Service domestique.
Procédure interne, confidentielle pour analyser le cas.
CONDITION DE
FONCTIONNAIRE
RESPECT DES PRINCIPES
INTERNES: STATUT DU
PERSONNEL, PROCEDURES
BONNE FOI DANS LES
RELATIONS COLLECTIVES
•
Obligation de respecter les règles, évaluation confidentielle des
managers par les subordonnées.
A ce titre nous ne pouvons que constater la faiblesse de l’Accord
collectif concernant le recrutement et la gestion du personnel, l’absence
de politique des carrières concertées avec le Syndicat, les difficultés (et
le mot est faible) que rencontrent de nombreux managers dans la
gestion d’une équipe de travail alors que la volonté affirmée est, et
reste, le transfert vers eux des compétences en matière de gestion du
personnel. Reconnaître ces ‘faiblesses’ et ne rien faire pour y pallier
relève plus de la mauvaise foi que de l’incompétence.
-5IRIS: une question d’éthique particulière
La mis en place de ce programme a comporté de nombreux problèmes, dont quelques-uns liés
directement avec l’éthique et la transparence, ont été portés à la connaissance du Comité du Syndicat.
Il s’agit en fait de la gestion financière d’un projet coûteux confié à des consultants gérant euxmême un personnel largement composé de consultants. Cette gestion a abouti aux débordements, en
temps et en argent, dont tous les fonctionnaires ont été les témoins. Ce fait a eu pour résultat pervers de
consacrer IRIS aux yeux de nos collègues comme la cause de tous nos maux. Les exemples sont
nombreux:
-
-
la confiscation des données internes transférées auprès d’un serveur situé loin du
siège, à la charge d’une entreprise externe, n’ayant aucune obligation envers le
respect des normes de conduite de la fonction publique internationale;
des situations contractuelles aberrantes (en terme de salaire et de grade) en interne et
en externe;
une gestion pour le moins défectueuse de la formation des fonctionnaires;
du matériel de formation ne respectant pas la pluralité linguistique de l’Organisation.
Dans ce contexte le 24 avril 2006, le Département des ressources humaines (DRH) a publié une
circulaire Série 6 N° 662 sur l’Éthique au Bureau qui tente de renforcer les normes de conduite requises
des fonctionnaires internationaux et qui nomme un responsable des questions d’éthique. Au moment
de sa publication de nombreux fonctionnaires se sont adressé au Comité du Syndicat exprimant leurs
préoccupations quant à certaines incompréhensions du texte et sur la portée des annexes en particulier
l’annexe B.
Le Syndicat a rencontré le responsable de l’éthique qui nous a assuré que des "guidelines" ou
des "FAQs" seront très bientôt à la disposition du personnel pour essayer de répondre à toutes ces
questions et pour rassurer le personnel quant au droit à la défense et à la garantie de la confidentialité.
De même, il nous a été assuré que le respect de données personnelles serait garanti et la situation
particulière des fonctionnaires en services ayant un contact direct avec les membres du Conseil
d’administration serait prise en considération.
Bref, nous sommes conscients que l’éthique est une question qui dépasse la simple procédure de
"whistle blowing". Il s’agit de l’existence même du statut de fonctionnaire et de son respect. Il est une
obligation de chacun et de chacune de se comporter en accord avec les principes inhérents à la fonction
publique, d’adopter une attitude en rapport avec cette qualité de fonctionnaire international, c’est ainsi
qu nous interprétons ce devoir auquel nous nous sommes engagés lors de la signature de notre premier
contrat.
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