Fibres microstructurées et Autres fibres spéciales Me1.4 FIBRES OPTIQUES COMPOSITES : PRINCIPE ET PRESENTATION D’UNE FIBRE A SAUT D’INDICE CORDIERITE/SILICE Stéphanie Hautreux1, Jean Louis Auguste1, Christine Restoin1, Gurvan Brasse1, Pierre-Olivier Martin1, Sébastien Rougier1, Jean Marc Blondy1 et Bruno Desruelle2 1 Institut de Recherche XLIM, CNRS UMR 6172, 123 Avenue Albert Thomas, 87060 Limoges 2 DGA-D4S/MRIS, 7 Rue des Mathurins, 00470 Armées [email protected] RESUME Nous proposons l’étude de fibres ‘multi-matériaux’ composées de verres de natures différentes et leur fabrication par une méthode nouvelle basée sur l’association de poudres et de verres massifs. La première fibre élaborée est une fibre à saut d’indice cordiérite/silice dont les principales propriétés de guidage sont présentées ici (ǻn, pertes…). MOTS-CLEFS : fibres multi-matériaux ; voie poudre ; cordiérite. 1. INTRODUCTION L’essor des fibres optiques composées de verres à base de phosphore, chalcogènes (sélénium, tellure ou soufre), fluor, bismuth ou germanium a peu à peu permis d’accroître les performances des fibres dans le domaine de l’optique non linéaire et de la transmission dans l’infrarouge lointain. En 2000, Hocde et al présentaient une fibre optique à base de tellure (Te2As3Se5) de fenêtre spectrale 2 à 18 µm [1]. En 2006, Xia et al ont généré un supercontinuum sur la bande 0.8 – 4.5 µm grâce à une fibre ZBLAN [2]. Toutefois, ces fibres de verre sont plus fragiles et plus chères que les fibres optiques à base de verre de silice. La silice est un matériau très courant ayant un module d’Young et une résistance à la rupture très intéressants. Allier les performances optiques de ces verres aux propriétés mécaniques et au faible coût de la silice permettrait d’obtenir des fibres optiques plus résistantes présentant des différences d’indice entre le cœur et la gaine élevées. Deux principales familles de fibres optiques composites ou ‘multi-matériaux’ pourront être conçues : d’une part, des fibres à structure simple cœur/gaine verre/silice ; d’autre part, des fibres microstructurées à cœur creux ou plein (verre) dont la gaine sera composée d’air, de silice et/ou d’un ou plusieurs verres optiques différents agencés de façon périodique ou apériodique. En 1997, l’article de Furniss et al montrait déjà l'intérêt des fibres composites [3]. Le verre fluoré ZBLAN, qui présente d’excellentes performances optiques, est agressif et chimiquement instable. Les auteurs ont donc proposé de concevoir des fibres optiques ZBLAN/verre, le verre agissant comme une gaine protectrice. Nous avons également étudié l’intérêt des fibres composites pour l’optique non linéaire. En 2008, Hasegawa et al proposaient une fibre cœur/gaine ABH160/B027 (verres silice-oxyde de bismuth) ayant un fort coefficient non linéaire Ȗ [4]. La modélisation du comportement optique d’une fibre ABH160/silice montre un coefficient non linéaire bien supérieur à celui de la fibre ABH160/B027 (Tableau 1). TAB. 1 : Comparaison théorique des fibres ABH160/B027 et ABH160/Silice Fibre ABH160/B027 ABH160/Silice Dimensions (cœur/gaine) 1.7/125µm 1.7/125µm 1.55 µm ǻn 1.55 µm Aire effective 1.55 µm γ (W-1.km-1) 1.55 µm 2.125 1.444 0.094 0.775 3.07 µm² 1.33 µm² 1020 2450 ncœur ngaine 1.55 µm 2.219 2.219 118 JNOG, Lannion 2008 Fibres microstructurées et Autres fibres spéciales Me1.4 Nous avons choisi de réaliser dans un premier temps une fibre composite à structure simple. Les verres constituant le cœur et la gaine de la fibre peuvent présenter des propriétés thermique, mécanique et optique bien différentes. Il est alors impossible d’utiliser les procédés de fabrication usuels. La méthode MCVD est limitée par le choix du matériau qui peut être déposé et le Δn de la fibre qui ne peut pas excéder 40.10-3. Le procédé d’extrusion n’est pas applicable car la température de travail de la silice composant la gaine de la fibre est trop élevée. Les techniques de Rod-in-Tube, Stack-and-Draw ou perçage impliquent l’acquisition ou la fabrication de tubes et barreaux en verres spéciaux, ce qui est onéreux. Nous avons à juste titre considéré que la voie poudre était la voie la mieux adaptée aux préformes composites. En 1995, Ballato et Snitzer présentaient la méthode Powder-in-Tube [5]. Ils ont réalisé une fibre à partir d’un tube très épais contenant de la poudre. En 2005, Pedrido proposait une méthode industrielle de fibrage de préformes dont la gaine était constituée de matériaux pulvérulents [6]. En combinant ces deux méthodes, nous avons imaginé un procédé original permettant de concevoir rapidement et à moindre coût des préformes composites et ainsi les fibres optiques associées. 2. DEVELOPPEMENT DU PROCEDE DE FABRICATION Transmission (%) La préforme est composée d’un capillaire de silice, contenant de la poudre de verre, qui constitue le futur cœur de la fibre. Ce capillaire se trouve au centre de la préforme et est radialement entouré de poudre de silice. Le tout est maintenu dans un tube de silice à bords épais. Cette préforme est fibrée dans des conditions standards, sans vitrification préalable. Etant donnée la porosité des poudres, une légère dépression est appliquée lors du fibrage. Ce procédé permet de réaliser des préformes composites à l’aide de très faibles quantités de matériaux. De nombreux tests ont permis la stabilisation de ce procédé original. Lors de ces premiers essais, nous avons choisi la cordiérite comme matériau composant le cœur. La cordiérite, de formule Mg2Al4Si5O18, présente des caractéristiques thermique, mécanique et optique adéquates à la stabilisation du procédé. En effet, la cordiérite a un coefficient de dilatation assez proche et supérieur à celui de la silice pour respectivement éviter les contraintes dues au gradient thermique et générer une compression dans la gaine optique rendant la fibre plus robuste (αsilice = 5.10-7 K-1 et αcordiérite = 25.10-7 K-1). Le spectre de transmission de la cordiérite naturelle (Mg,Fe)2Al4Si5O18, reporté sur la figure 1.a., montre des pics d’absorption à 600 et 900-1150 nm, 1380 nm et 2800 et 4000 nm, correspondant respectivement aux ions fer, aux liaisons hydrogènes et aux vibrations des molécules d’eau dans le matériau. Les spectres de la cordiérite naturelle et de la silice pure sont fortement semblables (figure 1.a.), mais il apparaît que le minéral soit meilleur guide d’ondes que la silice pour les longueurs d’ondes 1600-2500 nm. La cordiérite présente donc des performances intéressantes dans le domaine de longueurs d’onde précité et pourrait devenir un matériau optique intéressant en substitution de la silice. 100 90 80 70 Silice 60 50 Cordiérite 40 naturelle 30 20 10 0 400 1000 1600 2200 2800 3400 4000 4600 5200 5800 a. b. Longueur d'onde (nm) FIG. 1. (a) Spectres de transmission de la cordiérite naturelle et de la silice (épaisseurs d’échantillon identiques) ; (b) Profil d’indice de la fibre cordiérite/silice (diamètre cœur/gaine = 25/160 µ m). 119 JNOG, Lannion 2008 Fibres microstructurées et Autres fibres spéciales Me1.4 3. PREMIERES CARACTERISATIONS DE LA FIBRE A SAUT D’INDICE CORDIERITE/SILICE 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 700 40 a. 900 1100 1300 1500 Atténuation linéique (dB/m) Transmission (%) Une fibre cordiérite/silice a récemment été réalisée. Le profil d’indice de la fibre a été mesuré par un analyseur EXFO NR-9200 (Figure 1.b.) et la valeur du Δn mesuré (80.10-3) correspond à la valeur théorique attendue (nsilice = 1.46 et ncordiérite = 1.54 à 587.6 nm). Des tronçons métriques de la fibre ont été testés avec des lasers He-Ne (632.8 nm) d’une part et Nd:YAG (1064 nm) combiné à une fibre supercontinuum (Ȝ = 350 à 1750 nm) d’autre part. Les données ont été collectées par un analyseur de spectre ANDO AQ6315A. Les mesures montrent que la transmission de la fibre est en adéquation avec celle de la cordiérite naturelle (Figure 2.a.). La courbe mesurée ne présente pas de pics d’absorption à 600 et 900-1150 nm, la poudre de cordiérite que nous avons utilisée était exempte de fer. Toutefois, la présence d’autres impuretés dans la poudre de cordiérite engendre une chute de transmission aux alentours de 800 nm et des pertes linéaires élevées aux longueurs d’ondes supérieures à 1500 nm (Figure 2.b.). Néanmoins, l’évaluation de l’atténuation de la fibre cordiérite/silice à 5 dB/m dans le visible encourage la poursuite de la caractérisation optique. La synthèse de cordiérite pure par la voie sol-gel est en cours. 35 30 25 20 15 10 b. 5 0 500 700 Longueur d'onde (nm) 900 1100 1300 1500 1700 Longueur d'onde (nm) FIG. 2. (a) Comparaison du spectre théorique (pointillés) et celui de la fibre réalisée (trait plein) ; (b) Atténuation linéique de la fibre (méthode du cut-back). 4. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Les premiers résultats concernant la fibre cordiérite/silice sont très encourageants. Il s’agit désormais de comparer les performances optiques d’une telle fibre avec celles des fibres silice standards entre 1600 et 2500 nm. Il est également important que le matériau constituant le cœur de la fibre soit pur, par le biais de conception de poudres par voie sol-gel. Grâce au procédé poudre développé, nous prévoyons de préparer par la suite des préformes microstructurées ‘multimatériaux’ aussi rapidement que les montages actuels par stack-and-draw, avec la garantie d’obtenir des fibres plus performantes. REFERENCES [1] S. Hocde, C. Boussard-Pledel, G. Fonteneau, D. Lecoq, H.L. Ma, J. Lucas, “Recent developements in chemical sensing using infrared glass fibres”, J. Non-Cryst. Solids, vol. 274, p. 17, 2000. [2] C. Xia, M. Kumar, O. P. Kulkarni, M. N. Islam, F. L. Terry, Jr., M. J. Freeman, M. Poulain, G. Mazé, [3] [4] [5] [6] “Mid-infrared supercontinuum generation to 4.5 ȝm in ZBLAN fluoride fibers by nanosecond diode pumping”, Opt. Lett., vol. 3, no. 17, p. 2553, 2006. D. Furniss, J.D. Shepard, A.B. Seddon, “A novel approach for drawing optical fibers from disparate core/clad. glasses”, J. Non-Cryst. Solids, vol. 213-214, p. 141, 1997. T. Hasegawa, T. Nagashima, N. Sugimoto, “Determination of nonlinear coefficient and group-velocitydispersion of bismuth-based high nonlinear optical fiber by four-wave-mixing”, Opt. Comm., vol. 281, p. 782, 2008. J. Ballato, E. Snitzer, “Fabrication of fibres with high rare-earth concentrations for Faraday isolator applications”, Appl. Optics, vol. 34, p. 6848, 1995. C. Pedrido, Optical fiber and its preform as well as method and apparatus for fabricating them, Patent WO 2005/102947, 2005. 120 JNOG, Lannion 2008