Les firmes recherchent-elles uniquement la maximisation du profit ? Éléments de correction Introduction Débats autour des questions touchant à la répartition des revenus aujourd’hui : baisse du taux de marge et coûts salariaux élevés freinent la capacité des entreprises à investir et donc ont un impact négatif sur la croissance vs forte hausse des revenus du capital générant une montée des inégalités, pesant sur l’emploi et fragilisant la dynamique de consommation question du profit (défini comme la rémunération du capital mais dont les modalités de mesure et l’origine sont objet de débats théoriques et empiriques) et des objectifs des firmes (considéré comme synonyme d’entreprise) : profit apparaît comme nécessaire au fonctionnement de l’entreprise mais jusqu’à quel point ? idée de maximisation peut renvoyer à divers cadres de réflexion mais essentiellement au courant néo classique A- La recherche du profit maximal est nécessaire à la firme et à l’économie dans son ensemble 1) Le profit rémunère des acteurs particuliers et est nécessaire à l’existence et au fonctionnement de l’entreprise rémunération du capital engagé et de la prise de risque acceptée par l’actionnaire : capital est nécessaire à la naissance et au fonctionnement de l’entreprise profit est largement réinvesti dans de nouveaux équipements et permet l’accumulation du capital et la dynamique de croissance (lecture des économistes classiques : faiblesse du profit génère un risque d’état stationnaire) rémunération de l’entrepreneur (J. B. Say) et du travail spécifique réalisé dans l’organisation des facteurs de production 2) Le profit est un moteur de la dynamique économique profit motivation de l’innovation chez Schumpeter ( prise de risque calculée de l’entrepreneur à partir d’une situation d ‘équilibre « routinier ») volonté de maximisation du profit par des acteurs rationnels permet l’allocation la plus efficace possible des ressources (analyse néo-classique du comportement du producteur) et la maximisation du surplus global pour la collectivité aiguillon du profit et recherche de la maximisation renvoient à l’efficacité historique du capitalisme marchand par rapport à d’autres systèmes économiques et sociaux (en particulier socialisme) 3) La recherche de la maximisation du profit dans un contexte concurrentiel conduit cependant à un paradoxe conclusions du modèle d’équilibre partiel de marché débouchent sur le constat de la disparition du profit (cf. analyse d’A. Marshall sur la nécessaire distinction de deux types de profit) Schumpeter pointe également le rôle de la concurrence dans la diffusion des innovations et l’amenuisement progressif du profit référence à la Baisse Tendancielle du Taux de Profit chez Karl Marx où le jeu de la concurrence entre capitalistes débouche sur une suraccumulation de capital constant - question du passage du profit (indicateur d’efficacité) à une rente (capacité d’un facteur de production à être rémunéré au dessus de sa productivité marginale) avec stratégies de firmes pour conserver leur niveau de rentabilité (barrières à l’entrée, stratégies anti concurrentielles) recherche du profit et de sa maximisation apparaît nécessaire à la dynamique d’une économie concurrentielle mais analyse théorique débouche sur un paradoxe : concurrence réduit le profit, ce qui amène à s’interroger sur l’existence d’autres logiques à l’œuvre dans l’organisation et le fonctionnement des firmes B- Les firmes sont caractérisées par une diversité d’objectifs et non une simple logique maximisatrice 1) La volonté de maximisation du profit peut générer des effets pervers question de l’articulation Court Terme – Long Terme : volonté de maximisation du profit à CT peut conduire à négliger des investissements ou des stratégies dont la rentabilité immédiate est faible alors qu’ils sont porteurs de potentialités ultérieures de développement question se pose particulièrement dans un contexte de financiarisation accrue de l’économie avec la pression exercée par des actionnaires sur la gestion de l’entreprise + l’exigence d’une rentabilité élevée et de versement de dividendes importants qui peuvent réduire la capacité d’autofinancement de la firme : capitalisme patrimonial peut apparaître alors moins efficace et plus instable nécessité d’indicateurs plus complexes de l’efficacité de l’entreprise 2) Il faut tenir compte de la complexité organisationnelle des firmes théorie de l’agence met en avant la diversité des objectifs des acteurs de l’entreprise, en particulier la possibilité pour des managers (Berle et Means) d’imposer leurs objectifs (maximisation de la taille de la firme et/ou de leur salaire plutôt que maximisation du profit) prise en compte des « shareholders » et des « stakeholders » avec d’intégration d’autres objectifs dans la gestion de la firme + contraintes réglementaires que doivent respecter les firmes firme apparaît alors comme un projet collectif 3) Certaines firmes ont des logiques particulière Entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire : nécessité du profit pour assurer la pérennité et le développement de la firme mais règle spécifique concernant le montant du profit et sa distribution entreprises publiques : débats sur le champ d’action et sur les modalités de gestion des entreprises publiques (cf. tarification des produits) question de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) : firme joue un rôle qui n’est pas seulement économique (impact de l’activité sur un territoire, enjeux sociaux, questions environnementales avec éventuelles externalités négatives) qui peut justifier l’existence de limites à la recherche d’un profit maximal (mais critique de M. Friedman : « business of business is business ») Conclusion Si personne ne remet réellement en cause la nécessité et l’importance du profit dans le fonctionnement et le développement des firmes, le débat reste assez largement ouvert autour de la place à accorder à l’objectif de maximisation du profit : à une vision découlant des raisonnements néo-classique qui considère la maximisation du profit comme garant de performances pour la firme comme pour la société dans son ensemble, d’autres lectures proposent une vision plus complexe des objectifs de la firme devant intégrer l’ensemble de ceux qui sont concernés mais également l’impact de l’activité productive sur son environnement. Le contexte actuel de mondialisation accélérée dans sa double dimension de croissance des flux commerciaux et de division internationale des processus productifs rend encore un peu plus complexe cette question avec la mise en concurrence de firmes situées dans des contextes économiques, sociaux et réglementaires très diversifiés.