Datations ultra-précises des pulsars millisecondes - Lpc2E

Datations ultra-précises
des pulsars millisecondes
Instrumentations spécifiques à la datation ultra-précise
des impulsions radio des pulsars millisecondes.
Ismaël Cognard*
*Laboratoire de Physique et Chimie de l’Environnement
3A, Av de la Recherche Scientifique, F-45071 Orléans CEDEX 2
RÉSUMÉ. La possibilité de dater extrêmement précisément les impulsions radio reçues des pul-
sars les plus stables est un enjeu majeur pour des applications telles que la recherche d’un fond
d’ondes gravitationnelles émis dans les tout premiers instants de l’Univers ou les tests en champ
gravitationnel intense des différentes théories de la Gravitation existantes. Un tour d’horizon
des techniques utilisées pour atteindre des précisions de datation de l’ordre de la centaine de
nanosecondes est proposé avec quelques résultats démonstratifs obtenus avec le radiotélescope
de Nançay.
ABSTRACT. The possibility to get very high timing precision on arrival dates of radio pulses
received from the most stable pulsars is a major issue for scientific applications as the search
for a cosmological gravitational waves background or the tests of the different theories of the
Gravitation under extreme conditions. An outline of the differents instrumentations used to
get hundreds of nanosecond for the timing precision is proposed along with few demonstrative
results from Nançay RadioTelescope observations.
MOTS-CLÉS : pulsar, dispersion, milieu interstellaire, instrumentation, datation, cluster, Linux
KEYWORDS: pulsar, dispersion, interstellar medium, instrumentation, timing, cluster, Linux
Instrumentation, Mesure, Métrologie. Volume x – n˚x/2007, pages 1 à 13
2 Instrumentation, Mesure, Métrologie. Volume x – n˚x/2007
1. Introduction
Les pulsars millisecondes sont des objets astrophysiques compacts à l’origine de
signaux radio périodiques d’une stabilité exceptionnelle rivalisant avec les meilleures
horloges terrestres. Ces horloges quasi-parfaites, réparties dans la Galaxie ou plon-
gées dans des champs gravitationnels à l’intensité démesurée, sont utilisées à plein
potentiel. Deux prix Nobel de Physique ont déjà été attribués, l’un, en 1974, pour la
découverte du premier des pulsars, le second, en 1993, pour la découverte du pul-
sar binaire (avec une étoile compagnon) et des tests de la Relativité Générale qu’il
a permis. Des développements incessants et toujours à la pointe de la technologie
sont stimulés par ces possibilités extraordinaires. Après avoir rapidement évoqué les
applications scientifiques, nous verrons les différentes techniques utilisées pour da-
ter du mieux possible les impulsions radio. Une attention particulière sera portée à
la description de la technique dite de la ’dédispersion cohérente’. Nous démontrerons
les étonnantes possibilités de cette technique avec quelques résultats obtenus avec le
grand radiotélescope de Nançay.
2. Des horloges ultra-stables aux confins de la Galaxie
En 1967 (Hewish et al., 1968), c’est en étudiant la scintillation radio interplané-
taire que furent fortuitement découverts des objets émettant des séries d’impulsions
radio régulièrement espacées dans le temps. Théoriquement élaborée dès les années
1930 comme le reste de l’explosion d’une grosse étoile, l’étoile à neutrons a rapide-
ment été le candidat adéquat. Une masse d’environ 1.4 fois celle de notre Soleil se
trouve alors confinée dans un diamètre de 10 à 20 km. Si l’étoile est dotée d’un impo-
sant champ magnétique, des ondes électromagnétiques collimatées s’échappent alors
par les lignes de champs ouvertes et balaient l’espace à la façon d’un phare au bord
de la mer se manifestant ainsi sous la forme d’un pulsar. La répétition du signal ren-
seigne directement sur la période de rotation de l’étoile à neutrons sous-jacente. Les
1772 pulsars connus à ce jour en 2007 voient leurs périodes s’échelonner de quelques
millisecondes pour les plus rapides jusqu’à 8 secondes pour le plus lent (figure 1)
(Lorimer et al., 2004). Il convient de remarquer que les pulsars les plus rapides sont
aussi par leur processus de formation les plus stables. Après l’expulsion des couches
externes de l’étoile massive, le coeur s’est contracté pour former une étoile à neutrons
avec une période de rotation de l’ordre de 30 ms et un énorme champ magnétique.
La rotation est alors fortement freinée par le couplage avec l’environnement immé-
diat de l’étoile. Celle-ci finira par ne plus être visible dans le domaine radio avec une
période de l’ordre de 10 secondes au bout de quelques centaines de millions d’an-
nées. Toutefois, des pulsars avec des périodes de quelques millisecondes (Backer et
al., 1982) et dotées d’un faible champ magnétique sont observés... Il est proposé en
ce cas un processus de recyclage, par lequel, dans un système de deux étoiles ayant
résisté au cataclysme de la première supernova, un transfert de moment angulaire aura
lieu grâce aux couches externes de l’étoile compagnon tombant sur l’étoile à neutrons
(par le truchement d’un disque d’accrétion visible en haute énergie). Le vieux pul-
Instrumentations Pulsars 3
Figure 1. (à gauche) Diagramme Période-Dérivée de la Période des pulsars connus.
L’évolution des étoiles à neutrons magnétisées se fait probablement à champ magné-
tique lentement décroissant d’une période de quelques dizaines de millisecondes et
d’un freinage important (au milieu en haut) vers des périodes de plusieurs dizaines
de secondes avec un freinage moindre (à droite en bas). Elles cessent alors d’être vi-
sibles en radio, mais peuvent par un processus de transfert de matière et de moment
angulaire être réaccélérées et se rallumer comme pulsar radio avec une période de
quelques millisecondes et un freinage quasi-inexistant (à gauche en bas). (à droite)
Contraintes apportées, dans le cadre de la Relativité Générale, sur les masses des
deux étoiles à neutrons du pulsar double J0737-3039A/B à l’intersection (commune!)
des mesures des divers effets relativistes : précession des orbites ( ˙ω), diminution de la
période orbitale ( ˙
Pb), délai Shapiro (r et s), etc... Il est souvent possible, avec plus de
deux effets relativistes mesurés, d’utiliser les suivants pour tester les prédictions des
différentes théories de la Gravitation.
sar se voit alors ré-allumé avec une période de rotation exceptionnellement courte et
un champ magnétique toujours faible, induisant un freinage négligeable. La nature
fournit ainsi des horloges de précision ultra-stables disséminées dans toute la Galaxie,
comme l’atteste la comparaison avec les meilleures horloges terrestres.
Parmi les multiples études permises par la mesure ultra-précise des temps d’arri-
vée des impulsions radio des pulsars, citons juste les deux plus importantes. Dans les
systèmes binaires avec deux étoiles à neutrons, dont l’une des deux n’est généralement
pas vue en radio, il est possible de détecter plusieurs effets de relativité en champ fort
et de tester les différentes théories de la gravitation (la Relativité Générale d’Einstein
passe tous les tests pour l’instant, figure 1). D’autre part, signalons l’ambition de dé-
tecter, par le biais de l’analyse des perturbations de temps d’arrivée sur un ensemble
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Figure 2. Retard dispersif dû à la composante ionisée du milieu interstellaire observé
sur le pulsar du Crabe (Periode 33ms), reste de l’explosion d’une supernovae observée
par les Chinois en 1054. Le signal a été intégré en phase avec la rotation de l’étoile
pour chaque canal de fréquence de 4MHz entre 1368 et 1428MHz.
de pulsars bien répartis sur la voûte céleste, le fond d’ondes gravitationnelles prédit
par les différentes théories de l’évolution de l’Univers et supposé avoir été émis durant
la première seconde après le Big-Bang.
3. La dispersion par le milieu interstellaire
Si les premiers pulsars ont pu être découverts directement sur les enregistreurs pa-
pier de l’époque en cherchant des impulsions régulières, les recherches systématiques
suivantes ont dû s’appuyer sur un enregistrement du signal et un traitement ultérieur
sur calculateur. Des recherches de périodicité à base de Transformée de Fourier ont
rendu possible la découverte d’impulsions faibles et régulières noyées dans le bruit.
Les récents développements mettent en oeuvre des recherches où l’accélération, dont
sont affectés les pulsars situés dans des systèmes d’étoiles doubles pendant la durée de
l’observation, est prise en compte, ceci nécessitant des grappes de calculateurs puis-
sants.
En plus de la faiblesse du signal et d’une éventuelle accélération, le principal fac-
teur compliquant l’observation des pulsars est le phénomène de dispersion dont sont
affectées les ondes radio traversant le milieu interstellaire ionisé. En effet, même si ce
milieu est relativement peu ionisé (0.03 ecm3), le signal traverse plusieurs dizaines
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de milliers d’années-lumièreavant de parvenir sur Terre. Cette dispersion se traduit par
un retard inversement proportionnel au carré de la fréquence radio à laquelle est faite
l’observation (figure 2).
De façon plus précise, la modification de la propagation des ondes électromagné-
tiques par le milieu interstellaire peut être vue comme l’application d’un filtre qui ne
joue que sur la phase de la transformée de Fourier du signal. La fonction de transfert
Hpeut s’écrire, pour un signal centré sur fo:
H(fo+f) = e+i2πD
(f+fo)f2
o
DM f 2
ou Dest la constante de dispersion (liée à la fréquence plasma fPdu milieu de
densité ne,D=fP/2cne) et DM la mesure de dispersion ou contenu électronique
intégré le long de la ligne de visée DM =Rd
0nedl.
4. Les intrumentations utilisées pour étudier les pulsars
Utile pour déterminer le contenuélectronique moyensur la ligne de visée (avec des
observations faites à différentes fréquences radio, typiquement de quelques centaines
de MHz à quelques GHz), cet effet est à prendre en compte pour obtenir de bonnes
qualités d’observations. Les pulsars sont des objets radio très faibles, il faut en effet
des radiotélescopes dont le diamètre est de l’ordre de 100 m, la surface collectrice
de l’ordre de 10000 m2pour les détecter et les étudier. Pour utiliser au mieux ces
grands radiotélescopes, il faut y capter un maximum de photons radio ce qui se fait en
intégrant en temps et en fréquence.
Lintégration en temps est toute naturelle et ne pose pas de problème majeur dès
que les paramètres du pulsar sont connus de manière suffisante pour pouvoir construire
avant l’observation une représentation (polynomes de Tchebitchev) de l’évolution de
la période apparente du pulsar. Notons qu’ici la représentation nécessite un calcul rela-
tivement poussé pour prendre en compte tous les mouvements de la source (le pulsar
éventuellement dans un système binaire) et du récepteur (le radiotélescope entraîné
par le mouvement de la Terre). Pour les pulsars les plus rapides, d’une période de
quelques millisecondes, ce sont des millions de rotations que le pulsar effectue en
une heure d’observation. Il faut donc connaître à l’avance la valeur de la période de
rotation avec une dizaine de chiffres signicatifs si l’on veut assurer une erreur cumu-
lée inférieure à 104(tous les autres paramètres devront être connus également à des
degrés divers).
Lintégration en fréquence se fait sur une bande de fréquence de l’ordre de la cen-
taine de MHz pour la majorité des observations faites autour de 1.4GHz. Or, sur une
telle gamme de fréquence, il n’est pas rare de voir le signal du pulsar accuser un retard
égal à plusieurs fois sa période. Si aucune précaution n’est prise, le signal du pulsar
intégré sur toute la gamme de fréquence sera étalé dans le temps et même parfois
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