L`islam de France en besoin de réorganisation.

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L’islam de France en besoin de réorganisation.
Un mois après les attentats, les responsables religieux, et surtout politiques, se rendent avec
empressement au chevet de l'islam de France. Mais aucune solution évidente ne se dessine,
que l'on plaide pour une nouvelle instance représentative ou un travail de terrain. Un constat est
partagé: douze ans après sa création pour représenter auprès des autorités quelque 4 à 5
millions de croyants -pas tous pratiquants-, le Conseil français du culte musulman (CFCM)
échoue à remplir cette mission. Lors de sa conférence de presse la semaine dernière, le
président François Hollande n'a pas épargné cette instance qui n'a « pas la capacité suffisante
de faire prévaloir un certain nombre de règles, de principes, partout sur le territoire. »
« J'ai demandé au gouvernement de travailler pour renforcer la représentativité de cette
organisation, et surtout de travailler avec lui pour régler des questions bien précises », a ajouté
le chef de l’État, citant notamment
« la formation des imams.».
La question des cadres religieux est sensible, notamment en prison où il s'agit de mieux
prévenir le basculement jihadiste, ce que quelque 180 aumôniers pénitentiaires musulmans - un
chiffre largement insuffisant aux yeux de nombreux experts - ne peuvent faire seuls.
En outre, nombre des 2.300 mosquées et salles de prières du pays n'ont pas d'imam
permanent, laissant prospérer des prédicateurs itinérants voire autoproclamés. Et le corps des
imams n'a pas de représentation, sinon une méconnue Association des imams de France
cofondée par le recteur de la mosquée de Bordeaux Tareq Oubrou et une Conférence des
imams de France présidée par l'imam controversé de Drancy Hassen Chalghoumi, qui
ressemble à une coquille vide.
Dans ces conditions, comment mieux organiser la deuxième religion de France? Le président
de l'UMP Nicolas Sarkozy, qui était ministre de l'Intérieur quand est né le CFCM et qui l'a voulu,
a annoncé ce week-end l'organisation prochaine d' « une journée de travail » de son parti « su
r la question +islam en France ou islam de France+ ».
Selon l'ex-chef de l’État,
« la question n'est pas de savoir ce que la République peut faire pour l'islam, mais ce que
l'islam peut faire pour devenir l'islam de France.»
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Modèle juif
« Le CFCM, honnêtement, il faut l'oublier », confie pour sa part à l'AFP M'hammed Henniche,
secrétaire général de l'Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM 93),
une de ces organisations de terrain non affiliées qui tendent à se développer dans plusieurs
métropoles, comme à Marseille et Nantes. Selon lui, les fédérations représentées au bureau du
CFCM (le RMF de sensibilité marocaine, la Grande mosquée de Paris liée à l'Algérie, le
CCMTF turc) ainsi que l'Union des organisations islamiques de France (UOIF, proche des
Frères musulmans) ne sont que les
« relais de
consulats ou d'une idéologie étrangère.»
« Ceux qui ont créé ça parlent d'+islam de France+, alors que nous y voyons un +islam en
France+ qui n'est que la courroie de transmission de pouvoirs étrangers », dit M'hammed
Henniche.
« Les
musulmans ne cherchent pas une instance représentative - ça, c'est le vœu des autorités -, ils
souhaiteraient une instance purement religieuse qui puisse rendre des avis et trouver des
arguments pour répondre en toute légitimité à la radicalisation de certains jeunes »
, estime ce responsable, qui dit représenter une trentaine d'associations locales dont 23
mosquées. Le président de l'UOIF, Amar Lasfar, est lui aussi favorable à l'émergence d'une
autorité théologique qui pourrait prendre la forme d'un
« conseil des oulémas »
édictant des fatwas (avis juridiques)
« non importées »
, dans
« le cadre laïque de la loi de 1905 ». « Peut-être pourrait-on emprunter le modèle de nos amis
juifs »
, a-t-il relevé, en allusion au Consistoire (religieux) et au Crif (politique).
Mais Amar Lasfar s'étonne des propos tenus lundi par le Premier ministre Manuel Valls, qui a
souhaité « combattre le discours des Frères musulmans » et « les groupes salafistes dans les
quartiers »
. « Bien sûr, on ne
peut pas tendre la main aux terroristes. Mais si le politique refuse de traiter avec les Frères
musulmans, les salafistes, les wahhabites, que sais-je, qui aura-t-il comme partenaire? Les
non-pratiquants? »
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Un mois après les attentats, les responsables religieux, et surtout politiques, se rendent avec
empressement au chevet de l'islam de France © AFP/Archives Lionel Bonaventure
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