Le concept hégélien de l’action
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rique», où le concept de l’action est pris indépendamment de la question du juste
et de l’injuste, du bien et du mal, de la normativité en général. La structure de
l’agir y est considérée comme une structure aussi bien anthropologique que psy-
chologique. Et c’est pour cette raison que la philosophie analytique de l’action se
serait constituée historiquement en opposition à la tradition de l’idéalisme alle-
mand. On pourrait dire que si la philosophie franco-allemande envisage le
concept de l’action suivant une perspective morale-politique de type rousseauiste,
la philosophie anglo-américaine l’appréhenderait, au contraire, dans une perspec-
tive épistémologique de type cartésien.
Pourtant, cet ouvrage montre que l’idéalisme allemand possède sa propre
théorie de l’action au sens de la philosophie contemporaine ; et cette théorie de
l’action o rirait même des ressources pour uni er des problématiques éparses
ou contradictoires du débat actuel, voire déjouer certains pièges métaphysiques
auxquels la philosophie analytique elle-même n’aurait pas échappé. C’est parti-
culièrement dans la philosophie de Hegel que la philosophie de l’action en tant
que telle aura trouvé sa formulation. Par opposition à la «métaphysique de
l’agir» des prédécesseurs Kant et Fichte, d’une part . Par opposition à la «phi-
losophie de l’acte», Philosophie der Tat, des Jeunes Hégéliens, d’autre part,
lesquels voulurent opérer un dépassement de la philosophie en direction de
l’action, mais en adoptant précisément la perspective pratique qui les faisait
renouer avec la philosophie chtéenne .
Le fait est que Hegel a livré les éléments d’une philosophie de l’action dissé-
minée dans de nombreuses parties de sa philosophie, principalement dans l’esthé-
tique, mais aussi dans la phénoménologie (comme critique de la psychologie
expérimentale), voire dans la logique et, bien entendu, dans la philosophie de
«l’esprit objectif ». Le paradoxe et l’enjeu de l’ouvrage de Michael Quante consis-
tent à analyser et à reconstituer la théorie hégélienne de l’action justement à partir
de la philosophie pratique, plus précisément à partir du «chapitre sur la moralité»
de la Philosophie du droit. Cela ne signi e pas pour autant l’appréhender du point
de vue «philosophico-moral». La stratégie va consister, au contraire, à lire la
théorie hégélienne de la moralité comme une théorie de l’action au sens purement
3. B 2000, 2001.
4. B 2008, F 2001, Q 2010a.
5. Sur la philosophie de l’action de Hegel en général, voir B 2000, 2001 et
F 2002, 2003. Sur l’esthétique: W 1971. Sur la philosophie de l’esprit:
B 2000 et T 1997. Sur la phénoménologie et les sciences de l’esprit: B
2004. Sur la logique: L 1995. Sur l’esprit objectif: M 2003. La philosophie
de la nature échappe par convention au concept de l’action dont il est question dans le présent
ouvrage, l’action chimique dont il est question, par exemple dans R 2001 (p.263),
relevant de ce que Quante appelle l’«activité» par opposition à l’«action» proprement dite.
[« Le concept hégélien de l’action », Michael Quante. Alain Patrick Olivier (trad.)]
[ISBN 978-2-7535-1826-1 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr]