CHAPITRE PREMIER.
Origines de la démocratie athénienne. - Institutions de
Solon. - Gouvernement tempéré.
La démocratie athénienne faisait remonter ses titres jusque dans la nuit des
temps fabuleux. Pausanias, décrivant les fresques du portique royal, à Athènes,
dit qu'on y voyait représentés, à côté de Thésée, la démocratie et le peuple.
Cette peinture signifie, ajoute Pausanias, que ce fut Thésée qui établit à Athènes
un gouvernement fondé sur l'égalité des citoyens1. En effet, la tradition
athénienne voulait que Thésée eût remis au peuple la direction des affaires, et
que le gouvernement démocratique eût subsisté sans interruption jusqu'à
l'usurpation de Pisistrate. Rien n'est moins historique qu'une telle opinion, et
Pausanias, qui nous l'a transmise, la rejette avec raison.
Ce qui est certain, c'est que l'Attique n'a point été le théâtre de ces invasions
étrangères qui, dans d'autres parties de la Grèce, ont renouvelé violemment la
population, et fondé sur la différence des mea la pilla dure aristocratie. Elle a dû
ce privilège au peu de fertilité d'une grande partie de son territoire. Comme elle
tentait, moins les conquérants, elle a conservé son indépendance et sa
population primitive2. Thucydide la regarde comme un lieu d'asile où venaient se
réfugier, de toutes les parties de la Grèce, ceux qui avaient été vaincus dans la
guerre étrangère ou dans la guerre civile ; ils étaient sûrs d'y trouver un abri
inviolable, et, devenus simples citoyens, ils contribuaient, pour leur part, à la
grandeur de l'État. Là, peu à peu, toutes les populations se fondirent en une
seule, où l'élément primitif, la race pélasgique, parait avoir toujours dominé.
Mais ce serait se tromper gravement, et retomber dans l'opinion populaire
rapportée par Pausanias, que de croire qu'il y avait une égalité parfaite parmi les
anciens habitants de l'Attique. Quand la vieille cité pélasgique devint une ville
ionienne, la population fut divisée en quatre tribus : les Hoplites, les Ergadéens,
les Géléontes et les Ægicores. Hérodote a cru retrouver, dans les noms de ces
tribus, les noms des quatre fils d'Ion3. Mais Plutarque croit que ces
dénominations exprimaient les professions diverses auxquelles se livrait
primitivement chaque tribu : les guerriers, les artisans, les laboureurs et les
pasteurs4. Si l'on adopte cette interprétation, qui nous parait la plus
vraisemblable, on sera porté à croire que, dans le principe, ces tribus n'étaient
pas égales entre elles, et que les guerriers et les laboureurs marchaient avant les
pasteurs et les artisans. Quelques auteurs, réunissant dans la même tribu les
laboureurs et les pasteurs, ont admis l'existence d'une caste sacerdotale, qui
dominait les guerriers ou partageait le pouvoir avec eux, Il y eut sans doute une
époque où la distinction des professions et des rangs se transmettait
héréditairement dans les mêmes familles ; mais jamais les tribus attiques ne
1 Pausanias, Attique, chap. 3.
2 Thucydide, livre I, chap. 2.
3 Hérodote, V, 66.
4 Plutarque, Solon. — Strabon, VIII, 8.