ASTROPHYSIQUE et COSMOLOGIE PHILOSOPHIQUE Le mercredi 2 février 2000, l’astrophysicien Michel Cassé était invité à venir présenter les découvertes récentes de la connaissance du ciel et à discuter du projet philosophique de l’astrophysique. Voici quelques échos de ce stage. Les découvertes, qui en vingt ans ont été plus nombreuses que dans tous les siècles précédents, sont en partie liées aux progrès de la physique nucléaire dans l’infiniment petit appliqués à la compréhension de l’infiniment grand et aux vérifications permises par la technologie moderne, de l’accélérateur de particules aux satellites munis de prothèses de nos sens comme le télescope Hubble (dont des images nous seront montrées et expliquées). Ces découvertes ont permis de comprendre que tout vient de la lumière, que la distance n’est que de la lumière et s’exprime comme telle en années lumière, que les atomes, les éléments de la matière viennent d’une matérialisation de la lumière, d’où l’enjeu de l’astrophysique, comprendre l’origine des atomes, et sa méthode, chercher la lumière en dépassant la peur inspirée par les distances effarantes de l’univers (à tel point que aller sur Mars chercher des cailloux est une lubie coûteuse du ministre de la recherche puisqu’il suffit d’aller chercher sur terre des météorites venues de Mars). Et cette lumière est un nombre qu’il suffit de mettre en équations pour proposer des modèles du monde qu’il faudra ensuite vérifier par l’observation. En quoi l’astrophysique n’est pas cartésienne car son but n’est pas d’abord de maîtrise et de possession de l’univers, même si la technique civile et militaire ramène très vite à la réalité économique (électronique, fusion nucléaire, communication et espionnage par satellites...) les rêveurs d’étoiles. Galilée fut le premier à comprendre cela quand il s’aperçut, en 1610. en tournant sa lunette vers la lune, qu’elle était faite de montagnes comme la terre et donc que le ciel n’était pas un monde différent du monde terrestre, comme l’avait affirmé la tradition aristotélicienne relayée par la tradition judéo-islamo-chrétienne qui en a fait le lieu de l’Eternel et de l’éternité. Ce qui constitua le début de la première révolution copernicienne qui allait faire tourner la terre sur elle même et autour du soleil, la déplaçant du centre du monde et du centre de la création. Ce changement de perspective allait permettre une évolution de la connaissance humaine qui de qualitative, spéculative, va devenir quantitative, mesurable et vérifiable. Même Platon dans le Timée avait inventé des atomes géométriques qui se transmutent et se conservent, ce qui était une prémonition incroyable qui se retrouve dans le Big Bang. Le Big Bang, l’explosion créatrice initiale, ne fut ni une explosion, ni créatrice, ni bruyante mais cette hypothèse reste la plus vraisemblable actuellement depuis que des affinements des calculs ont permis d’effacer certaines incohérences où certaines étoiles seraient plus anciennes que ce moment 0, et même si elle est pensée comme un bang parmi d’autres dans un vide quantique à l’image du champagne (ou du cidre) où naîtraient des bulles-univers incommensurables et incomparables les unes aux autres, théorie moins marquée par la ressemblance avec la création divine et moins tentée par un finalisme anthropique, menant nécessairement vers la pensée humaine consciente, quand les autres bulles seraient si totalement différentes et impensables, même si le principe d’économie manifesté par la lumière et la nature pose encore question. Au départ, il y a 14 milliards d’années l’univers est en flamme et donc opaque à sa propre lumière. Avant la lumière, il y a le vide quantique rempli d’énergie. De "l’explosion créatrice" va émerger le temps, l’espace et l’énergie dans une expansion qui semble aujourd’hui, dans le calcul, ne pas devoir s’arrêter. La trame de l’espace se distend avec le temps et l’énergie lumineuse se matérialise en éléments simples et gazeux d’où vont naître les étoiles dans lesquels les corps simples vont se combiner pour former des corps plus lourds, y compris l’or et le plomb des alchimistes, surtout dans la fournaise des fins d’étoiles, et que les vents stellaires dissémineront dans l’espace où des soleils plus calmes à la longévité plus grande permettront à cette évolution physique et chimique de se continuer peut-être en évolution biologique, comme le nôtre à qui il reste 5 milliards d’années à vivre, la moitié de sa vie. C’est pourquoi l’astrologie est réfutée par l’astrophysique, car si nous avons un lien avec les astres, ce n’est pas avec les planètes, sinon la nôtre, mais bien un lien génétique avec les étoiles dont nous dérivons, y compris notre soleil qui a forgé notre vie en la conformant à sa propre lumière jaune, celle de sa surface. Ce qui nous rend aveugle à toutes les autres fréquences du visible qui se déploie dans l’univers. C’est pourquoi nous devons passer d’un humanisme planétaire à un humanisme stellaire et perfectionner nos prothèses pour mieux voir l’invisible, le reste du spectre lumineux de l’univers, pour mieux le comprendre, mieux comprendre la matière qui en représente à peine deux pour cent et mieux nous comprendre nous même qui sommes de la poussière d’étoiles. Énumérant toutes ces révolutions dans la connaissance, Michel Cassé se désole que la plupart des gens continuent de voir "le soleil se lever" comme si cela n’avait rien changé car dans ce fossé entre l’opinion commune et les avancées de la science et de la technique, le questionnement philosophique de son utilité pour l’homme ne peut se poser pour le citoyen qui n’en a pas conscience, et comme ce questionnement ne vient pas des chercheurs qui n’ont plus de culture philosophique, le risque est de plus en plus grand que ce savoir et le pouvoir qui en découle soit confisqué par les technocrates, ce qui est un danger pour la démocratie et nécessite l’urgence d’une éducation scientifique et philosophique, à redéfinir, permettant à tous d’intervenir dans des débats qui nous concernent tous. Pour approfondir ce bref résumé, on peut lire de Michel Cassé un conte philosophique d’initiation à l’astrophysique, Petite étoile, chez Odile Jacob, avant d’entamer la lecture de Théories du ciel, chez Rivages-Payot. Compte-rendu rédigé par Alain Lambert. Février 2000