1 Conférence Euromed-IHEDN du Mardi 20 Octobre 2015 Islam et

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Conférence Euromed-IHEDN du Mardi 20 Octobre 2015
Islam et Citoyenneté
Par Ghaleb Bencheikh
Docteur ès sciences, physicien d'une double formation scientifique et philosophique. Président de la
Conférence mondiale des religions pour la Paix. Ecrivain essayiste. Présentateur de l'émission
Islam sur France 2. Professeur, entre autres, à l'Institut international de la pensée islamique et au
Lycée Professionnel du Foyer de Cachan dont il est aussi le directeur.
L’appartenance à la nation des citoyens musulmans implique qu’ils s’acquittent de leurs devoirs tout
en jouissant de leurs droits inaliénables. Les intellectuels, les philosophes et les théologiens parmi
eux, avec d’autres penseurs, trouveront le cadre d’une vie citoyenne harmonieuse et engagée sous la
voûte commune de la laïcité. Pour cela, une refondation de la pensée théologique islamique est
requise…
L’Islam ?
La question islamique est au cœur d’enjeux nationaux et internationaux.
LIslam est associé à bien d’autres substantifs dans les conférences ou autres séminaires : islam et
démocratie, islam et laïcité, islam et violence ou encore islam et citoyenneté.
Et pourtant. Le vocable islam est un mot-valise, en ce qu’il désigne tout et son contraire. Il couvre
en effet bien des réalités, des logorrhées extrémistes d’al Quaida aux perceptions intérieures, en
passant par la figure désormais mythologisée de Ben Laden. On ne sait plus à quoi ce mot renvoie.
Les linguistes s’y perdent.
Et le mot est anxiogène.
Comment en est-on arrivé là ?
Il y a hélas une régression tragique. Il suffit d’observer ce qui se passe sur l’arc de cercle qui va du
nord Nigéria jusqu’à l’ile de Jolo, en passant par la Corne africaine, sans oublier la monstruosité
Daesh, pour voir que l’élément islamique est impliqué dans des massacres, violences ou autres
barbaries.
Nous ne pouvons pas aujourd’hui dire que cela n’a rien à voir avec l’islam. A côté de la bonté, de la
miséricorde, de l’amour, de la tolérance, de la sollicitude, etc. il y a aussi de la violence et une
vision du monde surannée dont il nous faut tout mettre en œuvre pour les expurger du corpus
islamique.
Après une apogée civilisationnel sous Soliman le magnifique (thalassocratie ottomane), des facteurs
endogènes aux contextes islamiques concourent à la régression. Tout cela débouche sur un déclin, à
une colonisabilité.
A ces facteurs internes, des facteurs externes aggravants se sont ajoutés pour créer le chaos que l’on
connaît aujourd’hui.
Une bonne définition de l’Islam ?
Il s’agit de l’idée d’une réalité humaine complexe, inscrite dans des sociétés humaines travaillées
par le fait religieux dans sa coloration monothéiste abrahamique
La citoyenneté ?
C’est le droit de citer, le fait que les hommes et les femmes se retrouvent citoyens avec les mêmes
devoirs pour jouir des mêmes droits.
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Notre nation est malade et nous devons en être des chirurgiens, chacun à son niveau, pour ne pas
aggraver la situation. Il s’agit d’une volonté commune pour dépasser le « vivre-ensemble ».
Sommes-nous dans la défiance ? le communautarisme ? ou voulons nous être en synergie ? en
osmose ? Dans une volonté commune de construire une nation commune ? Sur quelles valeurs ?
Refuser l’abdication de la raison
Nous vivons en France une défaite de la pensée, une abdication de la raison voire une négation de
l’intelligence.
Il ne faut pas s’étonner alors que lorsque des propos toxiques sont proférés, et après incubation de
ces propos, notre nation puisse se sentir malade.
C’est pourtant lorsqu’il y a le chaos, le vacarme, qu’il faudrait faire preuve de recul et de
distanciation. Ce que nous vivons en tensions est propice à l’investissement intellectuel et à trouver
des issues.
Il faut aborder ces questions avec rigueur et intégrité intellectuelle.
Ceci suppose de faire preuve de discernement et de procéder à la séparation des paramètres, à la
distinction des registres.
Plusieurs lectures possibles du fait islamique et des événements qui y sont liés
- Sociale ou sociologique
- Politique
- Psychanalytique
- Economique
- Géopolitique
- Théologique
Aucune de ces lectures n’épuise le sujet bien que chacune d’elle ait sa propre pertinence.
La citoyenneté en France nous pose d’emblée dans un registre politique et social
Dans une situation de tension, c’est à celui qui se prévaut d’une éthique ou d’un idéal d’observer
d’abord les manquements à un système de référence qui se veut celui de l’apaisement. Aucune
nation, aucun groupe humain ne change inévitablement si les individus n’entreprennent pas un
travail d’introspection (retour vers l’essentiel).
Les données de base, dans le registre social et politique, ne sont pas tout à fait conformes à la réalité
des choses.
En effet, contrairement à ce que l’on peut entendre çà et là, l’élément islamique n’est pas si étranger
à la nation : la France fut une puissance musulmane du point de vue démographique (du temps de
l’empire colonial). De plus, le territoire national est trufde traces religieuses islamiques, il y a eu
une forte prégnance, on la découvre sur la culture et les aspects civilisationnels.
Ceux qui opposent islam à judéo-christianisme se trompent : le trait d’union est prégnant d’un point
de vue civilisationnel. De nombreuses grandes figures de la philosophie et des sciences étaient ce
trait.
Nous appartenons tous à une même aire civilisationnelle sur une longue ère civilisationnelle,
ensemencée sur le plan théologique par le monothéisme et d’un point de vue sémantique
d’expressions gréco-arabes !
La langue arabe, expression de l’humanisme en contexte islamique est véhiculaire du droit, de la
science, de la philosophie, est une langue de civilisation. Nous gagnerions à l’apprendre, il s’agit
d’une langue onusienne et diplomatique.
Nous avons besoin de revisiter l’histoire, et non d’une manière européocentriste. Il faut l’aborder
comme une anthropologie du passé mais aussi comme une archéologie du temps présent. Il faut
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sortir d’une vision linéaire et nombriliste de l’histoire.
L’islam fait partie du corps national.
L’imprégnation auprès d’une population d’un discours d’imams ignares
32ème anniversaire de la marche des beurs. L’appellation stigmatise déjà. Cette fameuse marche
n’avait comme seul mot d’ordre que l’application de la devise républicaine : liberté, égalité,
fraternité. Du 15 octobre au 3 décembre 1983, cette marche a cheminé jusqu’à Paris. Les marcheurs
n’ont pourtant pas été reconnus dans leur citoyenneté à l’issus de cette marche. La réponse politique
fut le regroupement familial et une association, qui est devenue une écurie pour députés européens.
Les mots d’ordre, de type laïc, parlaient de justice « sociale », de démocratie, etc. ils sont restés
sans réponse et voilà que la génération suivante, les enfants des marcheurs, s’est fourvoyée.
Il ne s’agit pas de justifier mais d’expliquer. Ces jeunes gens sont des proies faciles pour des imams
ignares qui viennent leur dire que leur vie ici-bas est ratée et qu’ils peuvent au moins sauver leur vie
dans l’au-delà en redorant leur blason auprès de Dieu. Ce type de discours prend d’autant plus que
la sociographie des musulmans de France n’est pas harmonisée. Il existe deux pôles distincts, entre
deux une classe de notables :
- Un pôle minoritaire composé d’hommes et de femmes, de souche arabe, bien-nés, à qui l’on
fait des courbettes. On n’a pas interrogé leur citoyenneté, on leur a donné des titres de
séjours, ils ont même acheté le premier club de foot de France. Ces gens ne nous intéressent
pas, ils se désolidarisent eux-mêmes des autres.
- Un pôle majoritaire, composé d’hommes et de femmes, certes de confession islamique, mais
ghettoïsés, zonardis, précarisés, mais surtout désislamisés.
On a assisté à une ré-islamisation de néophytes telle une revendication identitaire par des imams
dont la majorité sont des ignares. Ils promeuvent un rapport aliénant à la chose religieuse. Les
néophytes s’agrippent à des phénomènes de type vestimentaire et alimentaire et garantissent par le
sacré ce qui n’est qu’une construction humaine. Le jihad par exemple, n’a plus de sens. Le ‘hallal’
non plus. Idem pour le voile. Il faut faire la distinction entre le texte religieux et le fait anthropique
autour du religieux.
L’on peut déplorer l’absence de réactions des hiérarques musulmans.
Le rôle aggravant des médias
On peut observer une focalisation maladive sur le vil, l’abject, le pervers, l’idiotie dans les médias.
On vit dans l’ère de la « bfm »isation des esprits, de l’émotion à gogos, non propice à la quête de
l’intelligence.
La nécessité d’une refondation théologique
Ce travail est nécessaire et possible. Il incombe aux intellectuels, aux philosophes, etc.
Parler de dieu, c’est aussi l’intelligibilité de la foi mise à l’épreuve du temps.
La foi est toujours en quête d’intelligence, sinon c’est l’aliénation.
Pour ce faire, trois chantiers s’imposent :
- Premier chantier : la liberté : la liberté de conscience. Comment peut-on s’imaginer
contraindre par la coercition ou par la terreur ou même par un regard inquisiteur ce qui
relève d’une conviction intime ? cela va de pair avec la désintrication du politique et du
religieux, la laïcité en somme.
A ce titre, il n’y a pas d’incompatibilité entre laïcité et islam. Si le rapport tend vers le neutre,
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les musulmans, tous comme les catholiques en France, peuvent vivre à l’aise comme
citoyens français sur le base commune de la laïcité, tout en se sentant appartenir d’autre part
à l’Umma (ou Oumma). Un travail de réappropriation des textes pour déconnecter politique
et religieux est donc à entreprendre.
- Deuxième chantier : l’égalité, par-delà les genres et toutes les appartenances.
- Troisième chantier : la désacralisation de la violence, qui plus est, commanditée par la
transcendance.
Œuvrant pour que notre nation puisse se sortir de ces frictions par le haut, gageons que
« Les hommes reviennent au bon sens quand ils ont tout essayé ».
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