hongroise, gouvernante d’enfants, à la retraite, Vivian Maier
se meurt alors, inconnue du grand-public, dans un petit
appartenant de la banlieue Chicagoane. Ses anciens employeurs
subviennent gracieusement à ses besoins et la décrivent comme
discrète, masculine, solitaire, froide, généreuse, tolérante
et cultivée.
Ce que renferment ces cartons d’apparence anodine, est
assimilable à un trésor : les 120 000 clichés, pour la plupart
non-encore développés, et la dizaine de films super-8 qu’ils
recèlent sont très vite consacrés comme dignes des plus grands
noms de la photographie de rue outre Atlantique : Lisette
Model, Helen Levitt, Diane Arbus, Garry Winogrand.
Accessible à tous, la street photography qui consiste à
brosser le portrait d’inconnus citadins, croisés et
photographiés à la sauvette ou immortalisés le temps d’un
regard, d’une rencontre furtive, fourmille d’amateurs… mais
très peu sont promus « artistes ».
Artiste, ce titre, Vivian Maier ne l’a jamais revendiqué, pour
les rares clichés qu’elle a soumis au tirage, elle s’est
présentée aux laboratoires sous un faux nom… Curieux sort que
réserve donc la postérité à cette trappeuse de l’instantanéité
!
La grandeur d’un artiste comme celle de l’âme humaine ne se
mesure pas à la protubérance des ambitions exhibées. Il n’est
qu’à parcourir les témoignages sur la société américaine des
années 1950 léguées sans arrières pensées par Vivian Maier
pour s’en rendre compte. Se succèdent pleurs d’enfants, mines
importunées de bourgeoises en fourrure, yeux troubles de sans-
abri, et « selfies » de la photographe improvisés à l’aune
d’une surface réfléchissante. Tous anonymes, ces visages
marquent la mémoire des amateurs de galeries new-yorkaises et
des touristes égarés dans quelques châteaux français, par leur
sincérité, et leur singularité. Ces antihéros célèbres malgré-
eux, font renaître la pluralité de l’Amérique, prospère mais