ISLAM ET POLITIQUE AUX COMORES

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ISLAM ET POLITIQUE AUX COMORES
@
L' Harmarran. 1999
ISBN: 2-7384-8208-2
Abdallah Chanfi AHMED
ISLAM ET POLITIQUE AUX COMORES
Évolution de l'autorité spirituelle
depuis le Protectorat français (1886) jusqu'à nos Jours
L'Harmattan
5-7, rue de l'École Polytechnique
75005 Paris FRANCE
-
L'Harmattan Inc.
55, rue Saint-Jacques
Montréal (Qc) - CANADA H2Y IK9
Collection Archipel des Comores
dirigée par Pierre Vérin,
Mohamed Ahmed-Chamanga et Sophie Blanchy
Centre d'Études et de Recherche sur l'Océan Indien
(CEROI)
Études sur l'Archipel: vision du passé et du présent
Déjà parus
Sultan CHOUZOUR,
Le pouvoir
de l'honneur:
tradition
et
contestation en Grande Comore, 1994.
Michel LAFON, L'éloquence comorienne au secours de la révolution:
les discours du PrésidentAli Soilibi, 1995.
Mohamed AHMED-CHAMANGA,
Dictionnaire français-comorien
(dialecte shindzuani), 1996.
Mahmoud IBRAHIME, Etatfrançais et colons aux Comores, 1997.
Ainouddine SIDI, Anjouan, l'histoire d'une crise foncière, 1998.
Mohamed AHMED-CHAMANGA
et Ahmed ALI MROIMANA, Audelà des mers, contes comoriens de Ngazidja, 1999.
Émmanuel et Pierre VÉRIN, Le verbe contre la coutume: histoire de
la révolution d'Ali Soilihi et texte des discours enfrançais, 1999.
Prochaines parutions
Moussa SAID AHMED, La littérature comorienne.
Claude CHANUDET
ET Jean-Aimé RAKOTOARISOA,
Comores: miroir brisé.
Mohéli-
"Toute voie qui mène à Dieu est quelque chose de Dieu"
(Kullu rarfqun salaka UaAllah say'ul-i-lah)
Parole de la wa~lfat de la confrérie Qiidiriyyaaux Comores.
"Dieu aidera toujours l'Etat juste, fût-il composé d'infidèles, tandis qu'fi
n'aidera jamais un Etat tyrannique, ne comprît-il que des croyants".
in Ibn Taymiyya (mort en 728/1328),AI-lfisbat fi-l-isliim, pp.4-5, cité par H.
Laoust, Essai sur les doctrines sociales et politiques d'Ibn Taymiyya, p.319.
SYSTÈME DE TRANSLITÉRATION:
C
- L'apostrophe' après une voyelle est une attaque vocalique; le signe est le Caynou
laryngale. Il faut donc prononcer la voyelle avec la gorge.
- La voyelle u transcrit le français ou; un tiret sur une voyelle en fait une voyelle
longue, par exemple tafsir (commentaire du Coran).
Le ~est l'équivalent du th anglais;
le ! est un t emphatique;
le g (et parfois le j) est une occlusive affriquée sonore;
le ~ est une spirante sourde comme dans Mu~mmad;
le h se prononce comme le jota espagnole;
le ~ exprime un son identique à l'article the anglais;
le s est l'équivalent du ch français;
le ~ est une sifflante emphatique;
le ~ et le ~ expriment presque le même son à l'état emphatique;
le q est une occlusive glottale presque proche du K;
le g est une fricative vélaire.
ABRÉVIATIONS
AS.E.C.
F.D.
F.N.l.
MO.LI.NACO.
P ASO.CO.
Parti Vert
Parti blanc
Udzima ou Unité
DES MOUVEMENTS
ET PARTIS POLITIQUES
Association des Stagiaires et Etudiants des Comores, créée
en 1967.
Front Démocratique,
émanation de l'ASEC, un parti
politique fondé en 1983.
Front National pour la Justice, reconnu officiellement
comme parti politique en 1992.
Mouvement de Libération Nationale des Comores, fondé en
1963 à Dar-es-Salam (Tanzanie).
Parti Socialiste des Comores, créé en 1968.
C'est la couleur des bulletins de vote d'une liste de notables
lors des élections locales de juin 1952. Ces notables
s'organisent en 1968 en parti politique qui s'appellera U.D.C.
(Union Démocratique Comorienne).
C'est la deuxième liste concurrente des élections de juin
1952. Cette liste s'organise à la suite de la grève des lycéens
de Janvier 1968, en parti politique qui s'appellera R.D.P.C.
(Rassemblement du Peuple Comorien).
Parti politique fondé en septembre 1972, une coalition
formée de l'D.D.C. et des éléments du R.D.P.C.
LES COMORES
ENTRE L'AFRIQUE
ET MADAGASCAR
(Mvil.)
DE L'EST
Kilomètres
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LES COMORES
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REMERCIEMENTS
Je remercie sincèrement Monsieur Marc Gaborieau, mon directeur de thèse
(EHESS). Sa direction a été pour moi un soutien permanent. Je remercie, bien
entendu, ma femme Susanne Keunecke qui m'a toujours soutenu tout au long
de ce travail.
J'exprime aussi ma gratitude aux enseignants dont je garde toujours le
souvenir de leur enseignement:
MM Gérard Troupeau, Bertrand Badie de
l'INALCO (Institut National des Langues et Civilisations Orientales) de Paris,
Abdallah Cheikh Moussa et Muhammad Arkoun de la Sorbonne Nouvelle
(Paris III). Mme Sophie Blanchy du C.N.R.S. a bien voulu lire et corriger la
dernière version de ce livre. Elle a joué un rôle remarquable pour sa
publication. Je lui en suis très reconnaissant.
Je remercie aussi Mme Margret Liepach du Zentrum Moderner Orient de
Berlin qui m'a aidé avec compétence dans la mise en forme du texte de ce
livre.
INTRODUCTION
L'archipel des Comores est composé de quatre îles dont l'ensemble de la
population, estimé à 500 000 habitants environ, est musulman sunnite de rite
(madhab) safi'ite dans sa grande majorité.
L'archipel se situe dans le sud-ouest de l'Océan Indien à l'entrée du canal
de Mozambique. Il est situé à égale distance de l'Afrique à l'Ouest et de Madagascar à l'Est (300km environ). Les îles1 sont peuplées depuis le VIIIème
siècle par des gens venus du continent et de Madagascar et islamisées depuis
le IXème siècle par des marchands et réfugiés arabes et chiraziens2. C'est la
thèse historique rationaliste. Pour la thèse mythologique, nous nous référons à
ce qu'a écrit dans un manuscrit au début de ce siècle Saïd Hussein, petit-fils
d'un Sultan de la Grande Comore: "La religion du Prophète MulJammad (...) fut
introduite ici à Ngazidja (Grande Comore) en l'an 15 de l'Hégire (637 de l'ère
chrétienne). Et ceux qui ont introduit l'Islam à Ngazidja ce sont deux hommes;
l'un Fey Bedja Mwamba et l'autre Mtswa Mwandze.
Ils étaient partis rencontrer le Prophète, ils l'ont trouvé mort. Fey Bedja de
Bandamadji -Ladomba, Mtswa Mwandze de Ntsaweni sont allés jusqu'à Djeddah
où on a dit que le Prophète MulJammad (..) était mort. Fey Bedja a dit "Je
rentre". C'est lui qui a introduit ici la circoncision, le jeûne et la prière. Mtswa
Mwandze se rendit à Médine où il est resté trois ans. Il est revenu avec le Coran,
le mawlida (célébration de la naissance du Prophète) et les choses de droit. On
raconte qu'il avait rapporté une cordelette appartenant à Othman Ibn Affan (..)
pour faire connaître ici à Ngazidja la religion islamique. Mtswa Mwandze est mort
à Ntsaweni où il est enterré à la mosquée du vendredi3". Si nous accordons une
grande importance à une telle version mythique, c'est qu'elle reflète la conscience que la majorité des comoriens ont, individuellement et collectivement,
de l'ancienneté de leur conversion à l'Islam et à la culture arabo-musulmane.
Une conscience dont les effets, à tous les niveaux, sont perceptibles aujourd'hui
1
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3
Grande Comore ou Ngazidja = 1025km2; Anjouan ou Ndzuwani =' 424km2; Mayotte ou
Maore = 374km2; Mohéli ou Mwali = 211km2.
A propos des chiraziens, l'historiographie veut que ceux-là soient des princes arabes chassés
de l'Iran après la prise du pouvoir par les bouyides (IXème) et qui erraient dans l'Océan
indien à la recherche d'un lieu de refuge.
Il existe plusieurs versions de cette histoire rapportées par différents auteurs. Mais, quelle
que soit la variante, le fond de l'histoire reste le même. Ainsi en va-toil des versions rapportées par différents chercheurs, rassemblées et commentées par Boulinier Georges in revue
ASEMI (Asie du Sud-Est et Monde Insulindien: "Islam et littérature dans l'Archipel des
Comores", 1981, v01.XII, 3-4. Les rapporteurs de ces versions sont: Damir b. Ali; Avignon
Marcel; Fontoynont Maurice et Raomandahy; Burhan Mkelle traduit par Gaba Djameliddine. Voir aussi la même histoire in Gevrey Alexis reprise par Haribou et Chagnoux, Comores, Que sais-je, p.17.
11
encore. Preuve, s'il en est, de la pertinence de la fonction que CI. Levi-Strauss
attribue à la pensée mythique, à savoir "qu'ellebâtit ses palais idéologiquesavec
les gravats d'un discours social ancien"4.Il paraphrase ainsi, en quelque sorte,
l'autre définition que l'un des auteurs qu'il cite ailleurs, Franz Boas, a donnée
du même concept: "On dirait, écrit en effet ce dernier, que les univers mythologiques sont destinés à être pulvérisés à peine formés, pour que de nouveaux
univers naissent de leurs débris".5
L'histoire évoquée ci-dessus, qui a toutes les caractéristiques d'un mythe
fondateur, requiert plusieurs interprétations. Pour notre part, nous en avançons
seulement quelque-unes, ayant rapport avec notre sujet d'étude:
1 - Il Y a tout d'abord le rôle du héros "islamisateur", le héros "culturel" et
"civilisateur", incarné par les deux personnages principaux de l'histoire: Fey
Bedja Mwamba et Mtswa Mwandze. En effet ce sont eux qui ont, les premiers,
introduit au pays, l'Islam et la civilisation arabo-islamique, le ustarabu6. Cette
tradition illustre cette vérité presque universelle qui veut que les religions et les
différentes doctrines s'établissent bien et durablement dans une contrée, une
fois que les chefs politiques locaux s'y sont convertis.
Une autre variante de la même histoire, celle de Damir ben Ali, nous apprend que l'un des deux princes, en l'occurrence Mtswa Mwandze, a ramené
avec lui à son retour au pays, un spécialiste de l'Islam, un ciilim, pour qu'il
enseigne à ses sujets la nouvelle religion. D'après cette version de Damir, ce
Ciilim était un des fils de CUthmiin. Et si on ne le trouve dans aucun livre
d'histoire, c'est simplement parce qu'on ne savait pas où il était parti. Et pour
cause: ce fils de CUthmiin a été confié à Mtswa Mwandze par le Calife cAli au
moment où a commencé la "fitna" après l'assassinat de CUthmiin. Ali a voulu
ainsi sauver la vie du fils de son prédécesseur, etc.
Toujours est-il qu'on voit, à travers cette histoire, que les relations de connivence qui lient le religieux au politique étaient déjà mises en place dès les
"origines".
2 - Les deux princes se sont expatriés à la recherche du cilm C!alabu-l-Cilm),
ce qui pourrait être interprété comme étant la démarche fondatrice de l'itinéraire que suivront plus tard les apprentis-clercs du pays pour leur formation.
3 - L'un des deux princes est retourné très tôt au pays tandis que l'autre a
persévéré dans sa quête du savoir. Ceci illustre cette croyance collective des apprentis-clercs comoriens, selon laquelle pour bien apprendre il faut être pourvu,
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Cf. CI. Levi-Strauss, La pensée sauvage, note 1, p.36.
Cité par CI. Levi-Strauss, in Anthropologie structurale, p.235 et in La pensée sauvage, p.35.
De l'arabe istiCriib qui signifie arabisation. D'où le mustaCrab ou arabisé. Pour la langue
comorienne "ustarabu" veut dire tout simplement "civilisation". Les Comoriens disent: un tel
est "mustarabu" pour dire qu'il est, à la fois civilisé, cultivé et qui il a des bonnes manières.
entre autres, d'une "grande intelligence, d'une patience et avoir passé une assez
longue période dans la formation".7
En fait, à y regarder de plus près, on s'aperçoit que ces quelques enseignements ne sont pas uniquement applicables au cas de l'Archipel des Comores.
Ils ont pour origine la période fondatrice de l'Islam. Ils sont, par conséquent,
partagés par l'imaginaire collectif des musulmans. Car, qui y trouve-t-on?
1 - L'image du Prophète, le premier héros "civilisateur" et islamisateur;
2 - La pratique de Mul:lammad et de ses califes "riiSidün" qui consistait à
envoyer dans les pays conquis, d'abord un administrateur, c'est-à-dire le gouverneur de province (a/-wiili) puis une personne chargée d'enseigner aux
autochtones la nouvelle religion. C'est le binôme (amïr/iilim).
3 - On y trouve aussi appliqué ce hadith du Prophète incitant les musulmans
à chercher partout le savoir, un hadith bien connu des comoriens: "Cherche le
savoir partout, jusqu'en Chine, s'il le faut", entendez la contrée la plus éloignée.
Cette histoire mythique sur l'islamisation des Comores est, avons-nous dit,
à l'origine de beaucoup d'aspects de la culture comorienne, notamment la
transmission du savoir religieux CCilm)et l'autorité dont est investi le détenteur
de ce savoir, le Ciilim. Ce dernier ressort de cette histoire comme étant en
définitive le vrai héros islamisateur, civilisateur et culturel. C'est dire l'intérêt
qu'on peut tirer à étudier sa place, sa fonction et le poids de son savoir dans la
société comorienne aujourd'hui. Or, malheureusement, ce domaine n'a jamais
été, à notre connaissance, traité en soi comme objet central de recherches. Il
apparaît, par contre ici et là, dans le meilleur des cas, dans divers sujets de
recherche liés à l'histoiré, à la sociologie9 et plus récemment à l'anthropologielO.
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Cette idée, on la retrouve dans une des pages d'un petit livre de morale utilisé au pays dans
l'enseignement islamique classique de base. Ce livre est le IItélïmu-l-mutéallim {arïqat attaCallum" (La façon d'enseigner l'apprenti-clerc). La formule qui décrit les qualités requises
est la suivante: . IIdakiiun wa sabrun wa tülu zaman".
.
Martin Jean, Comores: Quatre îles entre pirates et planteurs, Razzias malgaches et rivalités
internationales (finXIIlème-1875), Paris, L'Harmattan, 1983, 61lp. Damir Ben Ali, Organisation sociale et politique des Comores avant le XVème siècle, Ya Mkobe, N°l, Moroni-Comores, C.N.D.R.S., pp.25-31, 1984. Flobert Thierry, Les Comores: Evolution juridique et
socio-politique, Aix-Marseille, CERSOI, 1976, 693 + 12p.
Diaby Nissoiti, Essai sur la femme comorienne (île d'Anjouan), thèse de doctorat de 3ème
cycle de sociologie, Paris, Université Réné-Descartes, 1984, 259p.
Blanchy Sophie, La vie quotidienne à Mayotte (Archipel des Comores), Paris, L'Harmattan,
1990, 239p. Abdourahim Saïd, Mariage à Ngazidja, fondement d'un pouvoir, thèse de
doctorat 3ème cycle, Université Bordeaux II, 1983. Chouzour. S. a repris en le développant,
ce thème du mariage à Ngazidja dans sa thèse Le pouvoir de l'honneur, thèse de 3ème cycle.
Etudes africaines, INALCO, Paris, 1989, 465p. Elle est publiée en livre chez L'Harmattan
en 1994. Nous avons préféré consulter la thèse parce que nous l'avons jugée plus complète
13
C'est la raison pour laquelle notre travail est centré d'abord sur l'Islam
comorien, sur les ulémas qui en sont les dépositaires, les garants et les premiers défenseurs et puis ensuite sur leurs rapports avec le monde politique et
le monde coutumier. De la sorte, il s'inscrit dans une perspective anthropologique et dans une moindre mesure sociologique, à condition toutefois d'ajouter
à chacun de ces deux termes, anthropologie et sociologie, les qualificatifs de
"religieuse" et "politique".
L'Islam comorien est aussi un savoir, une "science" (Cilm) qui se transmet
dès la prime éducation à la maison, à l'école coranique, au medrassa et au-delà.
Ce savoir est détenu par des spécialistes, les ulémas, qui le transmettent au
moyen de méthodes, de manuels et dans des lieux d'enseignements précis. Un
savoir qui confère par conséquent à ceux qui le détiennent un rôle social
d'autorité et leur assure prestige, influence voire même avantages matériels. Un
savoir qui forme la conception du monde de tout un peuple. Le détenteur de
cette science, en l'occurrence le Ciilim ou shehi wa dinill (avant et après la
colonisation française), dans son village, sa région, son île et plus récemment
dans tout l'Archipel, doit son autorité non pas au seul fait qu'il détient une
science mais plutôt au caractère fonctionnel et utilitaire de celle-ci. Ayant la
charge de la direction des âmes pour leur assurer le salut dans l'au-delà, le
Ciilim remplit en même temps un rôle de régulation sociale à tous les niveaux
de l'organisation de la société: quartier, village, région, île et Etat-Nation. Cette
double finalité (meilleure vie dans ce monde et dans l'autre) pour laquelle il
œuvre, lui donne ce statut social haut en couleur dont il jouit. Pour le préserver, il entrera en concurrence et en conflit avec les nouvelles élites de l'école
de la république qui monopolisent, en tant que fonctionnaires de l'Etat (Mnrwahazi wa Sirikali), le champ social; cela en vertu de la prétention modernisatrice de leur savoir et du capital financier que celui-ci leur assure.
Ces deux personnages, le Ciilim (religieux) et le fonctionnaire de l'EtatU
forment, avec le notable porte-parole du village, les trois piliers de l'édifice
social13. lis forment trois corps, ayant chacun ses normes, sa structure, son
fonctionnement, sa vision du monde; bref une institution qui a son idéologie.
De sorte que quand chacun de ces trois personnages s'exprime, il le fait, même
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que le livre.
Un cheikh de religion.
Nous employerons indistinctement les termes de "fonctionnaire d'Etat", "l'élite de l'école
française", "le politique", pour désigner les mêmes personnes à savoir les détenteurs du
pouvoir politique. De la même façon que nous utiliserons les termes de "ciilim", "le religieux", "le clerc" pour désigner ceux qui incarnent l'autorité spirituelle.
Le reste des citoyens formant le quatrième pilier. Dans cette même logique on pourrait dire
aussi que le tout forme deux catégories: au sommet de la pyramide sociale se trouvent les
trois "ordres" et en bas le reste de la population.
s'il n'en a pas conscience, au nom de ses pairs, de son institution et de son
idéologie.
Les ulémas incarnent l'autorité spirituelle, les notables villageois la tradition
coutumière et les fonctionnaires de l'Etat le pouvoir politique. Pour tenter de
bien comprendre l'évolution conflictuelle, contradictoire mais toujours d'une
façon interdépendante, de ces trois "monstres" qui président depuis longtemps
les destinées des Comores, nous avons choisi d'étudier l'un des trois à savoir
l'autorité spirituelle.
Notre choix s'explique par plusieurs raisons dont voici les principales:
1 L'incapacité à embrasser la totalité de la problématique que nous suggère l'ensemble de ces trois institutions, nous a poussé à en choisir une, tout en
espérant par là-même saisir, autant que faire se peut, le fonctionnement des
deux autres.
2 - La conviction que la religion même si elle n'a jamais été prise sincèrement en considération par les élites formées dans "l'école française" est, de
toutes les institutions sociales de ce pays, celle qui reflète le mieux la majeure
partie, si ce n'est pas la totalité, du système des représentations des citoyens.
Or l'on ne saurait comprendre, encore moins réformer, améliorer, la pratique
sociale d'un groupe sans avoir, au préalable, compris son système de représentations, autrement dit la part de l'idéel dans le réel social.
3 - L'importance de l'influence, toujours grandissante au fil du temps, des
religieux et de la religion dans l'espace sodo-politique du pays.
4 - Le fait que nous avons personnellement vécu de près dans notre adolescence les deux événements majeurs de l'histoire récente de ce pays, à savoir
l'indépendance politique en 1975 et la révolution d'Ali Soilih (1975-1978). Or
c'est à partir de cette période qu'on a commencé à utiliser d'une façon sans
précédent le phénomène religieux comme moyen de légitimation pour les uns,
et de contestation pour les autres, du pouvoir politique.
5 - Ayant personnellement suivi une grande partie de l'itinéraire que suivent
les jeunes ulémas comoriens dans leur formation, nous estimons être en mesure
de parler de ce sujet en connaissance de cause.
Ainsi, sans prétention aucune et sans faire preuve d'une confiance exagérée
de nous-même, nous pensons que notre expérience personnelle peut, en grande
partie, pallier à l'absence de sources écrites sur ce sujet. Car le thème de notre
étude n'a jamais, à notre connaissance fait l'objet de recherches aux Comores.
Cette expérience a cependant été complétée par les rares sources disponibles; que ce soit les cassettes audios et audiovisuelles sur lesquelles sont enregistrés certains discours d'orateurs-leaders
de mouvements politiques ou les
écrits arabes du Grand Mufti comorien et les dernières recherches surtout
anthropologiques faites sur la société comorienne.
Le problème des rapports du politique et du religieux qui se pose d'une
façon nouvelle aujourd'hui dans les sociétés musulmanes, nous laisse entendre
-
15
partout les mêmes revendications, les mêmes postulats, les mêmes slogans et
les mêmes stratégies. On ne peut donc pas l'étudier dans un seul pays sans se
référer à ce qui arrive à leur base idéologique commune dans les autres. Cela
ne nous empêche pas de relever les spécificités de chaque pays. C'est pourquoi
nous nous sommes beaucoup référé aux travaux concernant les mêmes problèmes dans d'autres pays musulmans. Nous tâchons de discuter des questions
liées spécifiquement au dogme de l'Islam, plus exactement des questions liées
aux origines d'institutions telles que le cadi, le grand cadi, le mufti. Institutions
que la conscience collective des musulmans considèrent, à tort, comme étant
immuables parce qu'elles seraient prescrites par les textes fondamentaux de
l'Islam. Or il n'en est rien. En outre, le sens que nous donnons ici au terme
"origines" est relatif. Nous n'entendons pas par là un début absolu, un point
zéro à partir duquel sont nées ces institutions, mais celui au-delà duquel il ne
nous est pas présentement possible de remonter. Tout ceci dans le souci de
faire la part des choses: redonner aux mythes ce qui appartient à la mythologie
et à la vérité historique rationaliste ce qui lui appartient. Et l'Islam, qui est une
religion de vérité (dïn al-lJaqq) ne saurait en pâtir, au contraire.
Maintenant voyons comment tout cela s'organise. Tout comme l'édifice
social est supporté par ces trois piliers que sont le notable porte-parole du
village (Mzé wa mila na ntsi mkalimani wa mdji), le fonctionnaire de l'Etat ou
l'homme politique (Mnrwahazi wa sirikali-mnru wa siyasa) et le religieux (Ciilim
= Shehu wa dini), notre étude qui se limite au rôle de ce dernier dans l'espace
socio-politique, est basée sur trois notions, trois rôles principaux que joue le
religieux hier comme aujourd'hui:
1 - Un rôle de régulation sociale;
2 Un rôle de légitimation du pouvoir politique;
3 - Un rôle de contestation de ce pouvoir politique.
Ainsi le plan de ce travail s'est-il fait en trois grandes parties, chacune
portant sur l'un de ces trois rôles. A travers ces trois parties, se déroule l'évolution de l'autorité spirituelle qu'incarne le ciilim, en tant que religieux-maraboutenseignant dans son village, cadi ou autres titres dans l'Etat colonial d'abord et
dans l'Etat indépendant ensuite.
A chacune de ces trois étapes, nous nous efforcerons de sortir du champ
strictement comorien pour aller voir ailleurs, dans le but d'éclairer le cas des
Comores. Nous le ferons, soit sur des questions qui posent problème partout
dans le monde musulman, vis-à-vis du dogme et de la théologie classiques de
l'Islam et pour lesquelles aucun pays musulman n'a trouvé de solution, soit sur
d'autres questions auxquelles certains ont apporté des solutions, diversement
appréciées. Tout cela dans le cadre du débat portant sur Islam et modernité,
Islam et réforme, tradition et modernité. En somme c'est pour nous une étude
de cas dans une problématique générale.
-
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Les spécialistes expliquent le "renouveau" de l'Islam aujourd'hui dans le
monde arabe en avançant souvent deux raisons majeures:
1 - l'échec des Arabes face à Israël à propos de la Palestine.
2 - l'échec des idéologies des pouvoirs politiques arabes qui promettaient à
leurs peuples le progrès, le développement technologique; en un mot le mieuxêtre social sous toutes ses formes.
En Turquie et en Iran, le renouveau de l'Islam a été bien sûr favorisé, diton, par la promesse non tenue du développement, mais surtout par la laïcisation et l'occidentalisation forcée de la société menée par les élites au pouvoir.
En un sens, ces raisons sont vraies, même si elles sont liées à d'autres et si
on doit en privilégier une par rapport aux autres. Tout en prenant en considération ces raisons, nous pensons, pour notre part, que ce renouveau religieux
a été favorisé, sans le vouloir, par les gouvernants dans leur quête de légitimation de leur pouvoir par la religion. Ils ont dès lors préparé sur leur flanc une
contestation religieuse qui couvait et qui attendait le moment propice pour
s'exprimer. La quête de légitimation de leur pouvoir par la religion se manifestait et se manifeste aujourd'hui encore dans la constitution, dans le système
éducatif, dans l'institution représentant l'autorité spirituelle de l'Etat-Nation,
pour ne citer que ces quelques aspects de la question.
Dans la majorité des constitutions des pays arabes, l'Islam est inscrit comme
étant la religion de l'Etat. Il y est mentionné que les lois doivent être tirées ou
inspirées du Coran, des hadiths et du fiqh, en un mot de la Charia. Ce qui fut
dès le début une porte ouverte à la contestation islamique, même si ces mesures sont expliquées par leurs auteurs comme étant uniquement une affirmation des turii! (patrimoine culturel). En effet, on ne peut pas empêcher les
clercs d'apprécier à quel degré ces lois sont effectivement tirées de la Charia
et à quel degré elles ne le sont pas. De même qu'on ne peut pas les empêcher
de tirer leurs conclusions sur la part réservée à l'enseignement religieux dans
le système éducatif et sur le contenu de cet enseignement.
Du seul fait qu'ils représentent l'autorité spirituelle de gouvernements qui
ne se maintiennent au pouvoir que par la force, les grands cadis, les grands
muftis et les ministres des awqiif (biens de main-morte) ou ministres des
affaires islamiques s'exposent aux critiques d'autres ulémas se trouvant hors du
pouvoir politique.
Toutes ces contradictions et tant d'autres du même genre se trouvaient en
germe dès le moment où, après les indépendances politiques de ces pays, ont
été créées les structures de leurs gouvernements indépendants. Ces contradictions du champ religieux allaient se conjuguer avec d'autres contradictions
économiques pour faire apparaître au grand jour une contestation religieuse
qui couvait depuis longtemps.
Qu'en est-il de l'Afrique en général et de l'archipel des Comores en particulier? Depuis la guerre israëlo-arabe de 1967, les pays africains avaient, par
17
solidarité avec les pays arabes, rompu leurs relations diplomatiques avec Israël.
Ce fut le début d'une percée diplomatique des pays arabes en Afrique. Cette
percée sera renforcée par les aides financières que les pays et les institutions
arabes de développement accorderont à l'Afrique. Le volume de ce soutien
financier augmenta après la hausse du prix du pétrole enclenchée en 1973. Et
ce fut l'Arabie Saoudite, pays arabe le plus doté en pétrole, donc le plus riche,
qui allait étendre son influence en Mrique et damer ainsi le pion à l'Egypte.
L'aide saoudienne est accompagnée d'une "aide" culturelle et religieuse. L'arabie saoudite construit partout des mosquées, des medrassas et accueille dans
ses universités islamiques des étudiants africains. Ces derniers, quand ils
retournent chez eux, prennent le relais de la dacwa wahhabite.
Cependant, une distinction doit être faite entre les pays africains où l'Islam
est une religion de minorité de ceux où il est la religion de la majorité. Dans le
premier cas, les jeunes wahhabites accomplissent leur da~a sans contester le
pouvoir politique. Par contre ils se rapprochent du pouvoir afin d'avoir une
reconnaissance et certains droits de la minorité dont ils sont le porte-parole.
Dans le deuxième cas on trouve le conflit triangulaire qu'on constate ailleurs:
les jeunes wahhabites contestent les ulémas traditionnels et les chefs de confréries lesquels soutiennent le pouvoir et sont soutenus par lui. Les pouvoirs
politiques essaient de contenir cette contestation par divers moyens. Les plus
connus consistent à enrôler certains jeunes ulémas dans l'administration et à
contrôler l'enseignement des medrassas. Dans la vie socio-politique, les revendications de ces jeunes ulémas diffèrent peu de celles qu'on entend dans le
monde musulman arabo-turco-iranien.
Seulement dans ces pays africains, le
caractère laïc de l'Etat est bien inscrit dans la constitution et bien ancré dans
la pratique (ce qui ne veut pas dire qu'il soit irréversible). Ici l'Islam n'est pas
une religion d'Etat. L'arabe n'est pas une langue nationale. Les lois ne s'inspirent pas de la Charia.
Toutes choses contraires à ce qu'on observe dans l'archipel des Comores. En
effet dans ce pays, les problèmes du monde arabe d'une part et ceux de l'Afrique d'autre part, concernant le rapport du religieux et du politique, s'y trouvent
mêlés. On a du mal à y discerner ce qui est propre à l'Afrique noire musulmane de ce qui est spécifique au monde arabe. D'où la difficulté d'approche pour
analyser la problématique mais d'où en même temps, l'intérêt de le faire. Car
si l'on parvient un tant soit peu à y dégager quelque chose, on aura là l'ensemble des éléments liés à la problématique en général. Cette difficulté est liée
autant à l'histoire des Comores, à la mentalité des Comoriens qu'à la démarche
politique des gouvernants depuis l'indépendance politique de ce pays. Les
Comoriens se pensent islamisés depuis les origines de l'Islam comme le montre
le récit mythique évoqué plus haut. Mais les élites politiques ont renforcé cette
pensée jusqu'à vouloir faire des Comoriens des Arabes. Cela a commencé dès
le régime d'Ali Soilih (1975-1978). Celui-ci crée une institution nouvelle, la
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gumCiyya-l-isliimiyya
ou comité islamique comme autorité spirituelle devant
remplacer le Grand Cadi de la période coloniale. li nomme à cette charge des
jeunes ulémas. En 1977, il fait une demande d'adhésion à la ligue des Etats
arabes. Cette dernière repousse la demande sous prétexte, disait-on, qu'elle
était uniquement motivée par l'attrait des pétrodollars, et qu'en vérité les
Comores ne remplissaient pas les conditions requises pour l'adhésion à la
Ligue. Preuve avancée parmi d'autres, c'est que dans son projet d'alphabétisation de masse, Ali Soilih avait refusé l'adoption des caractères arabes au profit
des caractères latins. Or, la Ligue lui avait déjà envoyé un matériel pour ce
projet.
Le régime d'Abdallah (1978-1989) qui suivit celui d'Ali Soilih ne renouvellera pas la demande d'adhésion à la ligue des Etats arabes. En revanche, il
initia une diplomatie arabe consistant à rapprocher chaque jour davantage les
Comores des Etats arabes. On peut, toutefois, interpréter cette démarche
comme étant une stratégie préalable à une nouvelle demande d'adhésion dans
l'avenir.
Dans cette optique, le régime ouvre deux représentations diplomatiques: une
en Arabie Saoudite dont la responsabilité est confiée à un jeune comorien
diplômé de l'université Ummu-l-qurii de la Mecque et une en Egypte avec à sa
tête un autre jeune comorien diplômé de l'Université Al-Azhar du Caire. Les
diplômés arabisants ou arabophones sont maintenant reconnus au même titre
que ceux qui sortent des universités françaises. lis sont pour la plupart enrôlés
dans l'éducation nationale comme enseignants de la langue arabe, laquelle est
devenue la deuxième langue nationale d'après la constitution de la nouvelle
république islamique.
Ce processus de "réislamisation" et d'arabisation de la société aboutira en
septembre 1993 à l'adhésion du pays à la Ligue des Etats arabes. Autant
d'exemples qui nous montrent que les gouvernants comoriens, par leur manipulation du champ religieux, ont repris les mêmes procédés qu'utilisent dans ce
domaine non seulement l'Afrique noire musulmane mais encore le monde
arabe. Ce qui rend la question beaucoup plus complexe. Et pourtant, nous
essayons d'analyser ces stratégies avec tout ce qu'elles renferment toujours de
contradictions, de réussites parfois et d'échecs souvent.
Dans la première partie, avant de décrire et d'expliquer comment le ciilim
remplit son rôle de régulation sociale, nous essayons de suivre pas à pas la
formation qui, dès son enfance, le prépare et le destine à remplir cette charge.
C'est là où il est question de l'école coranique, première étape d'éducation
scolaire, dans l'itinéraire de sa formation. Nous comparons cette école coranique comorienne, son évolution, sa méthode avec celle de l'Afrique de l'Ouest
musulmane, autrement dit une grande partie de l'ancienne A.O.F (Afrique
occidentale française). Là-bas, le choc des deux savoirs de l'écrit, celui qu'allait
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diffuser "l'école de Jules-Ferry" face à celui que diffusait déjà l'école coranique
(avec deux langues étrangères, le français et l'arabe) était dans l'ensemble, le
même qu'aux Comores, avec certes des nuances non négligeables dont nous
avons relevés les plus importantes.
Dans la partie portant sur le rôle du Ciilim dans la régulation sociale, nous
avons choisi de présenter le personnage dans certaines cérémonies et pratiques
religieuses dont il a justement la fonction de guide et la responsabilité du
déroulement. Là, sans oublier l'aspect historique de la transmission du savoir
et des pratiques religieuses, nous essayons plutôt de mettre en exergue ce qu'on
dit et ce qu'on fait dans ces rituels au quotidien: les textes récités ou lus (prières ou
autres) et les gestes exécutés, aussi bien par l'officiant que par les adeptes. Cela
pour les raisons suivantes:
Montrer le rôle primordial du ciilim;
- Marquer le caractère presque immuable des textes qu'on récite et des
gestes qu'on exécute;
-
- Insister sur l'adaptation de la foi musulmane aux croyances locales antéislamiques;
-
Et rappeler enfin qu'on entend et qu'on voit pratiquement les mêmes
textes et les mêmes gestes dans les quatre îles formant l'Archipel des Comores.
Bien entendu cela n'exclut pas les nuances propres à chaque île. Mais ces
nuances on les retrouve aussi entre les régions de chaque île voire même entre
les villages de chaque île.
Dans la période coloniale, le Ciilim est cantonné dans sa fonction de régulation sociale qu'il remplissait déjà avant la colonisation. Tout au plus allait-on le
nommer cadi. Mais même là, il remplira uniquement sa fonction juridictionnelle. Son influence n'avait aucune incidence sur la scène politique. Elle commencera à en avoir à partir de la formation des partis politiques.
Après l'indépendance politique du pays (6 juillet 1975), nous entrons dans
la seconde partie du travail: le régime révolutionnaire d'Ali Soilih remplace la
fonction du grand cadi (autorité spirituelle sous l'autonomie interne (19611975) dont avait la charge Sayyid Mul,1ammad cAbdurral,1man) par lagumCiyya-lislii.miyya ou comité islamique. Ce comité était censé apporter une contribution
théorique susceptible de légitimer par la religion l'action de la révolution;
notamment dans sa campagne contre les traditions magico-religieuses, pour la
libération de la femme musulmane comorienne, etc. Ici nous tentons une
comparaison de l'idéologie d'Ali 50ilih vis-à-vis de l'Islam, avec le "kémalisme"
et le "socialisme arabe".
Le renversement du régime révolutionnaire par Ahmed Abdallah (le 13 mai
1978) et les mercenaires (français pour la plupart d'entre eux) conduits par
Bob Denard, l'assassinat d'Ali Soilih (29 mai 1978) qui s'en est suivi ont été
justifiés par le caractère, disait-on, anti-islamique de la révolution et de son
leader. Dès lors la logique de la "compétition pour le monopole" du religieux
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