Catéchisme de l`Eglise catholique (1992)

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CHAPITRE III
Catéchisme
de l’Eglise catholique
(1992)
6.
Christophe Geffroy
Catéchisme de l’Eglise catholique
:
un événement exceptionnel
La publication en français en novembre 1992 du
Catéchisme de l’Eglise catholique est pour les
chrétiens un événement d’une importance
exceptionnelle.
Evénement exceptionnel, car la réalisation d’un tel
texte de référence à vocation universelle est
extrêmement rare dans l’Eglise : le dernier, le
Catéchisme du Concile de Trente, date en effet de
1566. Plus de quatre siècles séparent les deux
ouvrages ! « Ce sera un événement d’une portée historique, a dit Jean-Paul II, car le nouveau Catéchisme
n’est pas l’un des nombreux volumes de théologie et
de catéchèse, mais un texte de référence générale
pour l’activité catéchétique exercée parmi tout le
peuple de Dieu » (Angelus du 15 novembre 1992).
Evénement exceptionnel également, en raison de la
densité, de la qualité et de la clarté des
enseignements de ce Catéchisme, auquel ont été
associés les évêques du monde entier. Tout l’essentiel
42
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
est présent sans ambiguïté, aucune difficulté n’a été
esquivée, si bien que les quelques petites remarques
que nous pourrions faire deviennent bien secondaires.
Le plan est classique. Il reprend celui des catéchismes
traditionnels : ce qu’il faut croire (Credo); ce qu’il faut
espérer (Pater); ce qu’il faut faire (Commandements);
la grâce pour la vie chrétienne (Sacrements).
Evénement exceptionnel encore, en raison du besoin
urgent d’un tel travail, réclamé par une large majorité
d’évêques au Synode de 1985. Certes, le Catéchisme
pour adultes des évêques de France publié en 1991 a
contribué à combler un vide catéchétique
catastrophique. Mais l’envergure et l’autorité de ce bon
manuel ne peuvent être comparées à celles du Catéchisme universel publié par Rome. Et il n’efface pas
les ravages commis en France par l’absence de
véritable catéchisme pendant une vingtaine d’années,
malgré les demandes insistantes et pressantes de
nombreux fidèles et intellectuels ! Ravages qui, au
demeurant, ne vont pas cesser du jour au lendemain,
les lamentables manuels Pierres Vivantes et leurs
fumeux Parcours catéchétiques n’ayant d’ailleurs toujours pas été officiellement remplacés. A la lumière de
cette absence passée de bonne catéchèse, comment
croire sérieusement au formidable « renouveau postconciliaire » dont on nous rebat encore les oreilles ici
ou là ? « Renouveau » qui a la particularité originale
de se caractériser par une ignorance ou un refus du
Credo par un nombre croissant de catholiques, et par
une chute vertigineuse de la pratique religieuse et des
vocations !
Evénement exceptionnel enfin, en raison de la sûreté
doctrinale du Catéchisme de l’Eglise catholique, au
moment, précisément, où l’Eglise traverse l’une des
très graves crises de son histoire.
La publication du Catéchisme romain a d’ailleurs mis
en évidence l’un des aspects de cette crise – qui est
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
43
notamment une crise de l’autorité : une sorte de libre
examen à l’égard du Magistère s’est instauré dans
certains milieux catholiques, parfois très influents, qui
vont jusqu’à créer, pour reprendre les termes du
cardinal Ratzinger, « une sorte de magistère parallèle
des théologiens, en opposition au Magistère
authentique et en concurrence avec lui » (La vocation
ecclésiale du théologien, 1990). A l'occasion de la
publication du Catéchisme nous en avons eu un cas
exemplaire, parmi d'autres, avec Témoignage chrétien
(du 21 novembre 1992), où Georges Montaron écrit
que « c’est le principe même du catéchisme – sous
cette forme – que nous contestons ». Cinq pleines
pages de critiques acerbes et fallacieuses suivent, où
l’on a bien du mal à percevoir un quelconque sens de
l’Eglise, chacun semblant être libre de juger
subjectivement ce Catéchisme comme s’il s’agissait de
donner son avis sur le dernier roman à la mode.
Pour nous, ce Catéchisme est un véritable don de
Dieu. Sachons lui en rendre grâces… En espérant qu’il
ne restera pas lettre morte !
7.
Robert Chermignac
Catéchisme de l’Eglise catholique
:
un texte de référence
Il est difficile de parler d’un catéchisme comme l’on
parlerait d’un livre quelconque. Notre ambition ici n’est
donc pas d’en faire une « recension », tâche au
demeurant impossible pour un ouvrage aussi dense,
mais seulement de donner un éclairage sur tel ou tel
aspect de son élaboration et de son contenu.
Le pape a décidé la mise en œuvre du Catéchisme
de l’Eglise catholique à la suite d’une large demande
des évêques exprimée au cours du synode d’octobre
1985. Chose unique pour un tel document, les trois
mille évêques du monde ont été consultés pour sa
rédaction entre novembre 1989 et mai 1990. Environ
mille réponses contenant plus de 24 000 propositions
d’amendements ont été reçues à Rome. L’analyse de
ces réponses a notamment montré que la première
mouture du Catéchisme a été bien accueillie par l’ensemble des évêques, qui ont confirmé l’urgence et la
nécessité d’un texte catéchétique unique pour toute
l’Eglise catholique. C’est en tenant compte de ces
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
45
propositions que la Commission de travail présidée par
le cardinal Ratzinger a pu présenter en février 1992 un
« projet définitif » au Saint-Père, dont il a approuvé la
rédaction finale le 25 juin 1992 et promulgué le texte le
11 octobre par la Constitution Apostolique Fidei
depositum, où il écrit : « Je le reconnais comme un
instrument valable et autorisé au service de la
communion ecclésiale et comme une norme sûre pour
l’enseignement de la foi ».
Nul doute que ce Catéchisme restera comme l’un
des documents les plus importants du pontificat de
Jean-Paul II. Le dernier pape à avoir publié un tel texte
est saint Pie V en 1566, qui recueillait là les fruits du
Concile de Trente (1545-1563). « Ce Catéchismemajor fut rédigé pour les curés en vue de les aider
dans leur rôle d’enseignement de la foi au peuple.
C’était à une période difficile, qui requérait une autoréforme et une défense de la foi devant la scission protestante. La ligne doctrinale et méthodologique du
Catéchisme romain était si claire qu’il devint un modèle
pour son temps et pour les siècles suivants » (dossier
d’information du Vatican). Dans son genre, ce
catéchisme était une nouveauté et ne connaîtra pas
d’autres formulations… jusqu’en 1992, l’actuel
Catéchisme romain se situant dans la droite ligne de
celui de Trente, qui demeure l’un des textes de référence de l’Eglise catholique. Certes, il ne faudrait pas
oublier les catéchismes moins universels qui ont eu en
leur temps une grande influence, comme ceux de saint
Pierre Canisius, saint Robert Bellarmin, et plus
récemment le fameux Catéchisme par questionsréponses de saint Pie X, dont beaucoup de familles se
servent encore face à la carence de l’actuel
enseignement catéchétique basé sur les manuels
Pierres Vivantes, dont le cardinal Ratzinger disait en
1983 qu’ils « ne respectent pas la tradition de
l’Eglise ».
46
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
Dans sa forme, d’ailleurs, le Catéchisme de l’Eglise
catholique est très proche de celui du Concile de
Trente. On retrouve les quatre parties qui sont le
propre des catéchismes : explication du Credo pour ce
qu’il faut croire (vertu théologale de foi); du Notre Père
pour ce qu’il faut espérer (vertu théologale
d’espérance); des Dix Commandements pour ce qu’il
faut accomplir (vertu théologale de charité); des
Sacrements, canaux de la grâce nécessaire à toute vie
chrétienne. Les tables et index (qui occupent presque
100 des 680 pages de l’ensemble) sont
remarquablement bien faits et facilitent grandement la
consultation de l’ouvrage. La présence des résumés
« en bref » à la fin de chaque chapitre est également
fort utile.
Quant au fond, il s’agit d’un résumé extrêmement
dense mais jamais austère de la foi catholique, proposé d’abord aux évêques, comme premiers
responsables de la catéchèse, puis aux rédacteurs de
catéchismes locaux, et enfin à tous les chrétiens
désireux de fortifier ou de mieux connaître le contenu
de leur foi. A en croire certains journalistes, on pourrait
penser que ce Catéchisme ne fait qu’énoncer un
catalogue d’interdits, et ce plus particulièrement en
matière morale et sexuelle, comme s’il n’y avait que
cela qui intéresse les médias ! En fait, les pages
concernées par ces « interdits » sont peu nombreuses,
mais ne montrer que cet aspect de l’ouvrage permet
d’attaquer une fois de plus l’Eglise prétendûment
rétrograde et intolérante qui refuse d’évoluer avec son
temps !
Nous ne donnerons pas ici les passages sur la
morale qui reprennent l’enseignement traditionnel de
l’Eglise. C’est ainsi que pour les manipulations
génétiques, par exemple, le Catéchisme cite
longuement la remarquable instruction du cardinal
Ratzinger Donum vitæ (1987). La fermeté de l’Eglise
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
47
sur toutes ces questions ne peut surprendre que ceux
qui, ne comprenant pas les fondements de son
enseignement, croient que l’Eglise le modifiera un jour
ou l’autre.
Autre exemple : on a beaucoup reproché au
Catéchisme de légitimer le principe de la peine de
mort, ce qui a fait écrire à Mgr Gaillot dans Le Monde
du 28 novembre 1992 que « le discours de l’Eglise sur
les droits de l’homme sera moins crédible (il l’avait
déjà dit à propos du refus de l’Eglise du sacerdoce des
femmes). A peine promulgué, le nouveau catéchisme
porte des rides », a-t-il conclu. Mgr Gaillot appartient à
cette catégorie de chrétiens qui passent leur temps à
battre la coulpe de l’Eglise sur la poitrine de leurs prédécesseurs. Ce faisant, par la désobéissance et la
division qu’ils sèment dans l’Eglise, ce sont eux qui
contribuent à la discréditer aux yeux du monde, les
médias étant trop contents d’offrir une tribune à tous
ceux qui l’attaquent de l’intérieur.
Je comprend au reste que le Catéchisme déplaise
fort aux progressistes dont Mgr Gaillot est une figure
de proue. En effet, les sympathies idéologiques de
l’ancien évêque d’Evreux y sont condamnées
conformément au magistère passé : « L’Eglise a rejeté
les idéologies totalitaires et athées associées, dans les
temps modernes, au “communisme” ou au “socialisme”. Par ailleurs, elle a récusé dans la pratique du
“capitalisme” l’individualisme et le primat absolu de la
loi du marché sur le travail humain » (n. 2425). Sur la
politique, au sens large et noble du terme, les
passages du Catéchisme sont au demeurant
remarquables, ce qui contraste malheureusement fort
avec les prises de position locales de tel évêque ou de
telle commission « clérocratique ». On y parle de doctrine sociale de l’Eglise (avec de longues citations de
Centesimus annus), de bien commun, de légitimité de
la nation, du patriotisme, de l’immigration en des
48
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
termes que l’on a malheureusement trop peu l’habitude d’entendre dans la bouche de nos évêques.
L’essentiel du Catéchisme, cependant, n’est
évidemment pas là. Il est dans l’explication de la
doctrine de la foi dont le commentaire du Credo est la
clef de voûte et dont le message central, loin d’être un
« interdit », est le mystère de l’Amour de Dieu pour les
hommes. Voilà bien du « positif » qui aurait mérité
d’être présenté aux foules, mais cela n’intéresse pas
nos médias en quête de scoops et de scandales.
Suivent les parties sur les Sacrements, les
Commandements et la prière (dans laquelle est incluse
le commentaire du Notre Père qui nous semble être
sans doute la partie la moins riche de l’ensemble).
Relevons au passage le commentaire savoureux de la
traduction contestée « ne nous soumets pas à la
tentation » qui explique que cela signifie « ne nous
laisse pas succomber à la tentation » (n. 2846) ! Les
quelques critiques de ce genre que l’on pourrait faire
ici ou là sont cependant secondaires au regard de la
qualité globale de l’ouvrage.
Ce Catéchisme a été l’événement éditorial de la fin
de l’année 1992. Plus de 500 000 exemplaires
auraient déjà été vendus. Si vous ne l’avez déjà,
achetez-le. Mais surtout lisez-le.
N.B. – La version définitive du Catéchisme a été
publiée en 1998 en français par le collectif d’éditeurs
Centurion-Cerf-Fleurus-Mame.
En 1992, le texte latin n’avait pas été établi, le
Catéchisme ayant été rédigé en français. La nouvelle
8.
François Foucart
Catéchisme de l’Eglise catholique
:
sa réception par les médias
Quelle surprise ! Les médias, les commentateurs, les
théologiens d’occasion, qui n’ont d’habitude
qu’indifférence ou agressivité pour l’Eglise catholique
ont fait montre d’un curieux intérêt pour ce qui devrait
être pour eux un non-événement : la sortie d’un
catéchisme. C’est au point que le jour de la
présentation à la presse, le Père di Falco a dû, d’urgence, trouver une autre salle, celle qui était prévue ne
pouvant contenir la foule des journalistes et
cameramen.
Toute cette agitation n’est pas innocente, et le but de
l’opération médiatique a été, généralement, de
critiquer ou de tourner en dérision une parole qui ne
pouvait qu’être ferme puisqu’inspirée par Rome.
« Reprise en main », « Volonté apostolique de défense
et d’affirmation de la foi catholique », et même
« Nouveau code pénal de l’Eglise » (!), voilà quelques
titres. Il y avait eu d’ailleurs des fuites bien avant la
publication de l’ouvrage (le respect de l’embargo est,
50
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
aujourd’hui, tenu pour rien) et, par exemple, dès le 1er
octobre, L’Evénement du jeudi publie un certain
nombre d’extraits du nouvel ouvrage. Il est dit que « Le
nouveau catéchisme universel arrive. Clef de voûte
d’une grande opération de reprise en main des
catholiques par Rome, son adoption a donné lieu à
une âpre bataille gagnée par les conservateurs contre
les adeptes de Vatican II ». On s’étonne que l’on ose
dire qu’il « n’y a de vraie religion que le catholicisme »,
incroyable vieillerie qui bafoue l’humilité des évêques
de Vatican II. Ou bien encore, on s’étonne que le nouveau catéchisme n’admette le doute « ni en ce qui
concerne la présence réelle du Christ dans
l’Eucharistie, ni pour sa célébration qui doit rester
l’exclusivité des prêtres ». Tout cela est signé par
Giancarlo Zizola présenté comme « l’un des meilleurs
experts du Vatican à Rome » !
En fait, dès le 22 septembre, le sujet était « sorti »,
toujours à partir de fuites (venues d’Italie) et les
Agences de presse (AFP, Reuter) donnaient
suffisamment de détails supposés croustillants, de
façon à allécher toutes les rédactions. Ce qui n’a pas
manqué; presque tous les journaux alors publient des
articles généralement sous le titre, banal, « le catéchisme nouveau est arrivé » (sans doute par référence
au Beaujolais nouveau !). Sans voir, ou sans vouloir
comprendre, que ce catéchisme sera d’abord et
essentiellement un exposé complet de la foi
catholique, tous les articles reprennent alors le même
cliché : le sexe, et ce qu’en dit l’Eglise. Second cliché :
l’Eglise serre les boulons.
Après ce déluge de fuites, toujours sur le même
sujet, et quelques jours avant la sortie officielle en
France, c’est L’Express qui rompt aussi l’embargo et
fait même sa couverture de l’événement. Il faut dire
cependant que tous les extraits présentés le sont sans
le mauvais goût d’autres publications, et que le
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
51
commentaire de Michel Legris est intéressant et digne.
On en est d’ailleurs à s’étonner du bon travail d’un
journaliste, tant les commentaires de certains autres
sont tendancieux !
A la lecture de cette véritable revue de presse des
articles publiés, on peut constater que les journalistes,
croyants ou non (en général non) et aussi bien d’une
presse progressiste que plus traditionnelle, auront
retenu trois aspects.
D’une part, tout ce qui concerne la sexualité : on
voudrait bien que l’Eglise soit moins stricte, on
constate qu’elle propose un langage plus fraternel,
plus accueillant, mais que sur le fond il n’y a rien de
changé. Par exemple, le catéchisme demande
« compréhension et compassion » pour les homosexuels, ne condamne pas leurs tendances profondes
s’ils n’en sont pas responsables, mais condamne le
passage à l’acte et ne peut leur proposer que la
chasteté, d’où ricanements et apparente déception.
D’autre part, les « nouveaux péchés ». Il est en effet
question dans ce catéchisme de sujets dont il ne
pouvait guère être question dans les Tables de la Loi :
l’imprudence au volant, la fraude fiscale, le trafic
d’influence et les pots-de-vin, le trafic et la
consommation de drogue, les obligations civiques et
militaires (service national). Il y a là, il est vrai, une
bonne actualisation des commandements, mais enfin il
s’agit toujours du petit bout de la lorgnette, du
spectaculaire au détriment du sérieux : car il ne sera
pas dit un mot de la partie essentielle qu’est l’analyse
détaillée du Credo.
Enfin, le commentaire général consiste à dire :
devant la montée des périls, la dérive générale des
idées et des mœurs, la perte de culture chrétienne,
l’érosion de la pratique religieuse (80 % des Français
se disent catholiques, mais seulement 9 %
« pratiquent » : messe au moins une fois par... mois,
52
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
effondrement de la confession, etc), le bien petit nombre de vocations (au moins en Occident), Jean-Paul II
a voulu présenter sans ambiguïté ce que dit l’Eglise,
proposer une pierre d’angle, un ouvrage de référence.
En quelque sorte, ce serait le réveil d’une Eglise osant,
enfin, affirmer ses convictions, dire haut et clair ce
qu’elle sait être la vérité. Ou encore : le retour d’une
Eglise-institution musclée, façon Ratzinger, face à une
Eglise venue de la base, « sympa » et démocratique.
Mais, curieusement, ce qui pouvait apparaître
comme une critique se retourne contre ses auteurs.
Car il ne s’agit pas d’opposer ce que seraient des
communautés de base spontanées, adeptes d’un
Jésus libérateur, à une sorte de pouvoir tyrannique
venu de Rome mais, comme le dit Mgr Honoré (l’un
des rédacteurs) : « [...] alors que le confusionnisme se
répand, n’est-il pas opportun d’annoncer les
couleurs ? »
Cela dit, comment a été reçu ce nouveau catéchisme
après sa véritable sortie ? Dans Le Pèlerin, Henri Caro
n’hésite pas à écrire qu’il s’agit « d’un monument d’une
importance exceptionnelle : comme une cathédrale ».
Joseph Vandrisse, dans Famille chrétienne, note que
« rien n’est plus jeune que la tradition de source, c’est
elle qui nous réunira ». Quant à Alain Decaux dans le
Figaro-Magazine, il pousse un cri d’enthousiasme.
En face, les commentaires sont ironiques, ou
subtilement critiques. C’est Libération qui s’effare
« qu’en 1992 une poignée de rédacteurs prétendent
assener à plus de cinq milliards d’individus
l’“intégralité” du vrai et du faux, du bien et du mal sur
toutes choses humaines, en plus des surhumaines qui
sont leur spécialité [ … ] ». C’est Le Nouvel
Observateur qui estime que « L’Eglise d’aujourd’hui n’a
plus le souffle qui voilà trente ans, emportait le concile
Vatican II. [...] L’Eglise n’actualise guère “ses vérités et
ses préceptes”. Pour l’essentiel, elle les redit, comme
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
53
indifférente aux mouvements du monde
moderne […] ». Le Monde, pour sa part, associe dans
le même titre deux événements : « Alors que l’Eglise
d’Angleterre accepte l’ordination des femmes, JeanPaul II publie un catéchisme universel ». Ce qui
signifie qu’il y aurait d’un côté libéralisme et ouverture,
de l’autre enfermement et regain de rigueur ! Et, en
première page, le dessin de Plantu représente un
garçonnet lisant le nouveau catéchisme : et Jésus dit
« Vive les femmes ! », pendant qu’un évêque assis à
ses côtés lui rétorque : « tu as dû mal lire !… ». Et
sous le titre « Retour au dogme », Henri Tincq écrit
que « […] le “catéchisme universel” de Jean-Paul II
semble s’inspirer d’une volonté apologétique de défense et d’affirmation de la foi catholique plus que d’un
souci de vouloir répondre aux requêtes de la culture
contemporaine ». Enfin, le jour même de la
présentation à la presse et alors que, généralement,
c’est tout le courant contestataire par principe qui
s’empare des micros, il n’y eut que peu de questions.
On a pu entendre un imbécile s’étonner « qu’il n’y ait
rien contre le racisme ». C’est là que l’on voit le poids
du conformisme et du terrorisme intellectuel !…
Mais, et comme quoi l’hostilité à Jean-Paul II et à
tout ce qui demeure fondamentalement d’« Eglise » ne
cède sur aucun point, on a pu noter certaines réactions
dont la rage côtoie le dépit devant le succès de
l’ouvrage. C’est Témoignage chrétien qui « regrette
que la Bonne Nouvelle de l’Evangile soit placée sous
surveillance », c’est l’ACAT (Chrétiens contre la
torture) qui évoque « un Caté désespérant ». On peut
préciser à ce sujet que la question de la peine de mort
a servi un peu partout dans ces milieux de munition,
comme exemple-type de ce que serait un catéchisme
de type fasciste ! Curieusement d’ailleurs, les plus
farouches opposants à la peine de mort pour les
criminels sont aussi les plus farouches défenseurs de
9.
RP Dominique-M. de Saint Laumer
Catéchisme de l’Eglise catholique
et la liberté religieuse
Le Catéchisme de l’Eglise catholique aborde la
question de la liberté religieuse à propos du premier
commandement et du culte qui doit être rendu à Dieu
seul. Le paragraphe est intitulé : « Le devoir social de
religion et le droit à la liberté religieuse » (nn. 21042109).
Le Catéchisme rappelle tout d’abord (n. 2104)
l’obligation morale, pour tout homme, de chercher la
vérité et d’y adhérer, une fois qu’on l’a connue (cf.
DH 1). Ce devoir est aussi réaffirmé avec force et dans
les termes mêmes du concile Vatican II, à propos du
huitième commandement qui nous impose de vivre
dans la vérité (n. 2467, citant DH 2). C’est un devoir
qui « découle de la nature même des hommes ». L’attachement à la vérité n’est pas opposé à un « respect
sincère » pour les diverses religions qui « apportent
souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les
hommes » (NA 2). Il faut savoir distinguer en effet,
dans les diverses religions, la part de vérité qu’elles
contiennent, digne de respect, et les erreurs qu’il faut
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
55
au contraire détester et combattre (on aimerait voir ce
point un peu mieux souligné). Mais cette lutte doit se
faire dans la charité qui presse les chrétiens « d’agir
avec amour, prudence, patience, envers ceux qui se
trouvent dans l’erreur ou dans l’ignorance de la foi »
(DH 14).
Le numéro suivant (n. 2105) traite du devoir social de
religion. Le culte authentique doit être rendu à Dieu,
non seulement individuellement mais aussi
socialement, vérité trop oubliée durant la période
moderne de laïcisme. Le renvoi aux encycliques
Immortale Dei de Léon XIII et Quas primas (sur la
Royauté du Christ) de Pie XI, souligne la volonté de
continuité avec la doctrine catholique traditionnelle. Le
devoir social ne se limite pas au culte et le Catéchisme
rappelle en même temps que « les chrétiens sont
appelés à être la lumière du monde ». L’Eglise travaille
à ce qu’ils puissent « pénétrer d’esprit chrétien les
mentalités et les mœurs, les lois et les structures de la
communauté où ils vivent » (AA 13). On pourra estimer
trop discret ce passage. Il ne faut pas perdre de vue
cependant qu’il s’agit ici principalement du culte social
à rendre à Dieu et non de l’organisation de la cité qui
doit être imprégnée d’esprit chrétien. La reconnaissance sociale de la vérité révélée – point difficile à admettre pour les esprits modernes imprégnés de
laïcisme – est toutefois rappelée indirectement par le
renvoi explicite à Quas primas et la mention de « la
royauté du Christ sur toute la création et en particulier
sur les sociétés humaines ». Ce rappel est capital.
Les numéros suivants (nn. 2106-2109) décrivent le
droit à la liberté religieuse, en citant d’abord la
définition donnée par Vatican II (DH 2). Le Catéchisme
insiste pour bien situer ce droit qui a très souvent été
(1) Cf. Léon XIII dans Libertas præstantissimum.
(2) Cf. Pie XII, Discours du 6 décembre 1953.
56
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
mal interprété. Il ne s’agit ni d’une « permission morale
d’adhérer à l’erreur » (1), ni d’« un droit supposé à
l’erreur » (2), mais d’« un droit naturel de la personne
humaine à la liberté civile, c’est-à-dire à l’immunité de
contrainte extérieure, dans de justes limites, en
matière religieuse, de la part du pouvoir politique »
(n. 2108). Ce droit « ne peut être de soi ni illimité, ni
limité seulement par un “ordre public” conçu de
manière positiviste ou naturaliste » (n. 2109). Ici, le
Catéchisme renvoie à Pie Vl et à Pie IX (Quanta cura),
dans le souci évident de montrer que le droit à la
liberté religieuse ne s’oppose pas aux condamnations
par les papes du XIXème siècle de la « liberté de
conscience ». Celle-ci était en effet une liberté
excessive revendiquée par certains (non-catholiques
et catholiques libéraux), qui estimaient que la liberté ne
pouvait être limitée que par les exigences d’un « ordre
public » conçu de manière positiviste ou naturaliste.
Pie IX, dans l’encyclique Quanta cura, condamnait ce
naturalisme politique qui prétend que « la société
humaine doit être constituée et gouvernée sans plus
tenir compte de la religion que si elle n’existait pas, ou
du moins sans faire aucune différence entre la vraie
religion et les fausses » , e t q u e « l e m e i l l e u r
gouvernement est celui où l’on ne reconnaît pas au
pouvoir l’obligation de réprimer, par la sanction des
peines, les violateurs de la religion catholique, si ce
n’est lorsque la tranquillité publique le demande ». La
revendication de la liberté de conscience par les
libéraux du XIXème siècle était donc inacceptable
dans la mesure où elle ne tenait pas compte du bien
commun de la société dont la religion est un élément
essentiel. Le Catéchisme au contraire, souligne que
les « justes limites » du droit à la liberté religieuse « lui
sont inhérentes » et qu’elles doivent être déterminées
pour chaque situation sociale par la prudence politique, selon les exigences du bien commun [c’est nous
CATÉCHISME
DE L’EGLISE CATHOLIQUE
57
qui soulignons], et ratifiées par l’autorité civile selon
des « règles juridiques conformes à l’ordre moral
objectif » (n. 2109).
Ces précisions tranchent le débat sur l’interprétation
à donner à la déclaration Dignitatis humanæ. On ne
p e u t p l u s d i r e q u e l e s « justes limites » sont
extrinsèques à ce droit. On ne peut plus dire non plus
qu’elles sont identiques à celles que leur assigne le
naturalisme politique. Le droit est au contraire
essentiellement limité par les exigences véritables du
bien commun. Rappelons que les Pères de la minorité
traditionnelle au concile (le Cœtus internationalis
Patrum, dont Mgr Lefebvre était l’un des principaux
représentants) se déclaraient prêts à voter l’adoption
du texte à condition de dire que le critère déterminant
les limites de la liberté religieuse devait être le bien
commun (3). Cette interprétation authentique de
Dignitatis humanæ par le Catéchisme montre bien que
la doctrine traditionnelle sur ce point n’a pas été abandonnée.
Pour bien comprendre la nature profonde de ce droit
à la liberté religieuse, il faut le replacer dans
l’enseignement global du Catéchisme sur « les droits
fondamentaux et inaliénables de la personne
humaine » (n. 1907). Cet enseignement – nouveau en
un certain sens, car il n’avait pratiquement pas été
explicité avant le XXème siècle – s’inscrit cependant
très profondément dans la doctrine de l’Eglise sur la
nature de l’homme et de la société. Il faut lire à ce sujet
le passage sur « la liberté de l’homme » (nn. 17301748). « Chaque personne humaine, créée à l’image
de Dieu, a le droit naturel d’être reconnue comme un
être libre et responsable. Tous doivent à chacun ce
devoir du respect. Le droit à l’exercice de la liberté est
une exigence inséparable de la dignité de la personne
(3) Cf. Ralph Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre, DMM, 1975,
p. 247.
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humaine, notamment en matière morale et religieuse.
Ce droit doit être civilement reconnu et protégé dans
les limites du bien commun et de l’ordre public »
(n. 1738). « Mais l’exercice de la liberté n’implique pas
le droit supposé de tout dire ni de tout faire » (n. 1747).
L’homme est tenu d’agir selon sa conscience – qu’il
doit former en se laissant guider « par l’enseignement
autorisé de l’Eglise » (n. 1785). Il a donc « le droit
d’agir en conscience et en liberté afin de prendre
personnellement les décisions morales » (n. 1782).
Un domaine où cette doctrine sur la liberté
responsable de la personne est particulièrement nette
et a toujours été reconnue par l’Eglise, c’est « la liberté
de la foi » : « la réponse de la foi donnée par l’homme
à Dieu doit être volontaire; en conséquence, personne
ne doit être contraint à embrasser la foi malgré soi. Par
sa nature même, en effet, l’acte de foi a un caractère
volontaire » (n. 160, citant DH 10). L’homme est obligé
en conscience de répondre à l’appel de Dieu, mais il
n’y est pas contraint (ibid., citant DH 11). Il est donc
essentiel de bien distinguer, d’une part l’obligation
morale par laquelle l’homme est toujours lié à l’égard
de Dieu et de la vérité, telle que sa conscience la lui
manifeste, et d’autre part, l’exemption de contrainte
extérieure réclamée par le droit à la liberté religieuse :
la personne doit être exempte d’une contrainte de
pouvoirs humains qui la forcerait à agir contre sa
conscience ou l’empêcherait d’agir selon sa conscience, car sa dignité exige en principe (étant sauf le bien
commun), qu’on lui laisse la liberté de suivre sa
conscience (ce qui suppose précisément que la
personne est liée par sa conscience). Mgr Lefebvre
confondait l’obligation morale et la contrainte lorsqu’il
écrivait : « La déclaration sur la liberté religieuse
(accorde) à l’homme le droit naturel d’être exempt de
(4) Fideliter, n°49, janvier-février 1986, p. 4.
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la coaction que lui impose la loi divine d’adhérer à la
foi catholique pour être sauvé » (4).
Cependant la transcendance de la personne sur la
société (cf. n. 1881) et l’exigence de liberté qui lui est
due ne contredit pas le fait que « le bien de chacun est
nécessairement en rapport avec le bien commun »
(n. 1905). C’est même précisément la synthèse entre
ces deux principes de l’ordre social qui permet de
comprendre la juste nature des droits de l’homme. La
personne humaine a besoin d’une certaine marge de
liberté pour s’ordonner elle-même, selon sa nature
d’être raisonnable, à Dieu et à la vérité. Mais elle doit
le faire dans le cadre d’une société, car sa nature est
essentiellement sociale.
La liberté individuelle doit donc s’harmoniser avec le
bien commun. C’est la « justice sociale » qui établit les
justes rapports entre les hommes et la société, entre la
liberté et la vérité, rendant à chacun ce qui lui est dû
(cf. n. 1928).
On aurait souhaité que soit mieux précisé comment
« le respect des droits fondamentaux qui découlent de
la dignité intrinsèque de la personne » (n. 1944) peut
et doit s’harmoniser avec une organisation sociale qui
n’accorde pas les mêmes droits à la vérité et à l’erreur,
au bien et au mal. L’idéologie libérale et égalitariste a
en effet imposé une conception minimiste du bien
commun. Résultat : les valeurs spirituelles, morales,
religieuses, ne sont plus protégées. « Toute forme de
discrimination touchant les droits fondamentaux de la
personne [...] doit être dépassée, comme contraire au
dessein de Dieu » (n. 1935, citant GS 29, n. 2). Certes,
si on entend par là une injuste différence de traitement
à l’égard des personnes dans leurs droits
fondamentaux. Mais cela ne devrait pas signifier que la
loi ne puisse pas favoriser certaines valeurs : le bien,
le vrai... plutôt que le mal, l’erreur... Le Catéchisme le
reconnaît par exemple pour ce qui concerne la famille :
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« Que le pouvoir civil considère comme un devoir
grave de “reconnaître et de protéger la vraie nature du
mariage et de la famille, de défendre la moralité
publique et de favoriser la prospérité des foyers”
(GS 52, n. 2) » (n. 2210). La vérité religieuse, quand
elle est suffisamment reconnue, devrait elle aussi avoir
un statut privilégié dans l’ordre de la cité. Par exemple,
« les chrétiens ont à faire reconnaître les dimanches et
jours de fête de l’Eglise comme des jours fériés
légaux » ( n . 2188). La vérité, même et surtout
religieuse, n’est pas indifférente au bonheur des
peuples qui est la fin de la société.
Le cardinal belge Jérôme Hamer confiait récemment
à la revue Trente Jours (novembre 1992, p. 32) :
« Trente ans après le dernier Concile, on est encore
loin de l’avoir compris et d’en avoir appliqué les
véritables directives. Je pense à la déclaration sur la
liberté religieuse, interprétée de façon erronée à la
lumière de l’idéologie libérale, comme équivalence de
la vérité et de l’erreur. Je songe à la réforme liturgique,
et à tous les abus qui se vérifient dans l’application des
décrets conciliaires. Il y a tant de travail à faire,
encore... » On peut dire que l’enseignement du
Catéchisme sur la liberté religieuse, comme sur de
nombreux autres points, redresse un certain nombre
de fausses interprétations et constitue un très grand
pas accompli dans la voie d’une juste compréhension
du concile, en accord avec la Tradition de l’Eglise.
Souhaitons que cet enseignement soit largement
répercuté et assimilé par le peuple chrétien.
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