deux textes de Tahar Ben Jelloun et Malek Chebel

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Islam et condition féminine
Texte 1
Nous vivons dans une époque moderne, donc tu veux que l'islam soit adapté à cette vie moderne. Tu as
raison. Ceux qui ont essayé de changer des choses dans le sens positif – par exemple améliorer la condition
de la femme – ont rencontré beaucoup de difficultés. En islam, comme dans les autres religions, il y a des
choses éternelles et d'autres passagères, c'est-à-dire valables pour une époque et pas pour toutes les époques.
Le problème, c'est que certains disent que tout est éternel et que rien ne doit bouger : les autres disent qu'on
peut adapter cette religion à l'époque où nous vivons. On n'arrive pas à introduire la liberté dans certains pays
musulmans, comment veux-tu toucher à la religion ? (…) Comme les autres religions, l'islam n'est pas très
favorable à ce que la femme soit l'égale de l'homme, même s'il lui garantit certains droits. Aujourd'hui, les
sociétés musulmanes sentent le besoin d'évoluer. On oublie que Khadidja, la première épouse du prophète,
était une femme d'affaires, une commerçante, faisant un travail d'homme. On peut se référer à son statut, à
son rôle pour réformer la condition de la femme aujourd'hui. L'islam n'interdit pas les lois qui donneraient
leurs droits aux femmes, mais les hommes ont peur d'établir une égalité de droits entre les femmes et eux.
Seule la Tunisie a changé ses lois pour que la femme puisse mieux se défendre. En Arabie Saoudite, la
femme n'a même pas le droit de conduire une automobile. Quant aux femmes afghanes, elles ont subi la loi
la plus barbare, celle des talibans.
Tahar Ben Jelloun, L'Islam expliqué aux enfants, 2002
Texte 2
Alors que l'appréciation coranique lui est favorable, ainsi que l'attitude globale du Prophète, la
jurisprudence sur la femme, que ce soit la charia1 ou les mentalités collectives, lui est extrêmement
défavorable. Le but non avoué de toute cette armada de textes consiste à maintenir la femme dans une
position inférieure à l'homme sous le prétexte que celui-ci subvient à ses besoins matériels. Cette situation
était peut-être valable dans le passé, alors que la division du travail fixait invariablement la femme à ses
tâches ménagères, mais les faits actuels plaident pour un affranchissement sans condition de la femme. (...)
La pensée salafiste2 ayant imprégné les usages les plus communs, l'ensemble des femmes sont
tentées de retrouver dans leur histoire passée, même lorsqu'elle est reconstruite, des justifications pour rendre
supportable les nombreux retours en arrière qui les affectent. D'ailleurs, il n'est pas rare d'observer des
conversions spectaculaires de femmes dites « modernes » - avocates, médecins, traductrices, femmes
d'affaires – vers un régime de conduite imposé par les hommes, par l'intermédiaire d'un porte-parole tout
désigné, l'imam. Le phénomène qui touche au voilement des femmes dans la plupart des pays arabes sous
l'influence wahhabite3 est spectaculaire. Le paradoxe fait ainsi que le voile est l'une des opportunités pour la
femme de s'arroger des droits nouveaux (conduire la voiture, aller au travail), et qu'elle ne l'aurait guère
défendu sans cela. Sans aller jusqu'à soutenir que le voile est la condition de l'émancipation des femmes dans
ces pays-là, il est indéniable que sans ce fichu sur la tête – symbole de modestie et de chasteté -, il est
aujourd'hui inconcevable dans nombre de pays musulmans pour la femme de réclamer le moindre privilège.
C'est l'une des explications, au-delà de la foi bien sûr, qui pousse des femmes musulmanes à se
rapprocher du modèle social musulman, celle de la non-mixité de fait et du marquage violent de cette
séparation des sexes. Après avoir fréquenté les bureaux et l'usine, connu l'université, voyagé, certaines
femmes se mettent à porter le voile et évitent ostensiblement la gent masculine de façon à ne jamais être
prises en défaut par leurs milieux proches.
L'Islam expliqué par Malek Chebel, 2007
a. Quelles sont les deux thèses, au sein des milieux musulmans, sur la condition de la femme ?
b. Quelle est la thèse défendue par les auteurs, quelle est la thèse réfutée ?
c. Quels sont les arguments qu'ils avancent à l'appui de leur thèse ?
d. Quel « paradoxe » pousse-t-il des femmes « modernes » à porter le voile, selon Malek Chebel ?
1 Code qui édicte les normes de la vie privée et publique des Musulmans.
2 Mouvement fondamentaliste musulman récent, qui préconise le retour aux fondements de l'Islam et l'application
stricte de tout ce qui figure dans le Coran.
3 L'un des courants du salafisme, en vigueur notamment en Arabie Saoudite.
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