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S
OPHOCLE
ŒDIPE
A COLONE
Traduction
:
Nicolas Wapler
Mise en scène : Jean-Christophe Blondel
Dramaturgie : Christèle Barbier
Lumières : Mathilde Chamoux
Costumes : Sonia Bosc
Avec :
Franck Andrieux, Benjamin Duboc
Michel Grand, Alexandra Grimal
Pauline Huruguen, Claude Merlin
23 Bd de la MArne - 76000 Rouen
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COMPAGNIE
DIVINE
COMEDIE
Photos de répétitions par Stephan Flechter
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Claude Merlin (photo de répétition)
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L’œuvre
Propos
Œdipe n’aurait jamaisnaître. Du fait d’un crime abominable commis par son
père, ses parents étaient condamnés par les Dieux : si un fils venait à naître, il tuerait
son père et ferait avec sa mère une lignée maudite. Œdipe naquit, ses parents
tentèrent de le tuer, il fut sauvé en secret, vécut sans conntre ses origines, et réalisa
sans le savoir la malédiction. Lorsqu’au sommet de sa gloire, alors roi de Thèbes et
père de deux filles et de deux fils, il comprend ses origines et ses crimes, il se crève
les yeux puis part, mendiant, sur les routes, avec sa fille Antigone.
La pièce commence à son arrivée à Colone, campagne d’Athènes, près du bois sacré
des déesses Euménides : c’est dans ce no man’s land que, selon les oracles, il devait
finir sa vie, bénissant par son corps la patrie où il serait enterré. La pièce sera le
temps d’une bataille pour conquérir ce droit à mourir là, contre le peuple athénien
qui a peur de cet homme maudit, et contre les deux fils, qui se disputent le trône de
Thèbes laissé par leur père : sa dépouille sacré leur garantirait la victoire. A moins
que l’enjeu ne soit simplement d’arriver à se parler à temps, pour que la mort du
père ne laisse pas les enfants dévastés par des querelles irrésolues.
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Actualité de la langue etde la fable
Dernière pièce de Sophocle, alors âgé de plus de quatre vingt ans, Œdipe à Colone
est un trésor de l’humanité. Elle entremêle des thèmes qui nous sont essentiels. Il y
est question de l’acceptation, des étrangers, des plus âgés, des « inutiles », de tous
ceux dont le chœur des citoyens d’Athènes se demande ce qu’ils vont coûter, et que
leur roi Thésée décide d’accueillir au prix fort. Maintenant l’Europe toute entière
fait face à la tragédie de milliers de migrants, et lAthènes d’aujourd’hui, sous
l’index de Bruxelles, questionne à son tour nos valeurs, comme le faisait Œdipe.
La famille errante et désunie d’Œdipe nous renvoie aussi à nos familles, rancœurs et
querelles, aux « places » que nous y occupons, celle de l’enfant non désiré, du
traître, de l’égoïste, de la préférée, de la sacrifiée. Peut-on dépasser la place allouée,
peut-on, contre la fatalité, être acteur de sa vie, agir sur le monde ?
Difficile, Sophocle ? Irréductible au simplisme en tout cas, et c’est à la charge des
artistes d’envoyer les signes qui font sonner d’une manière saisissante la profondeur
polysémique de cette fable ancienne. La musique live en permanence, la sensualité
de la scénographie et des lumières, l’humour féroce et vivifiant – cette « politesse
du désespoir » dont nous avons absolument besoin – tout cela rend à Sophocle ce
qu’il est, un grand auteur populaire qui réjouit, interroge, élève.
La grande fluidité le la traduction de Nicolas Wapler, qui réinterroge le grec ancien
mais aussi les lectures rythmiques de très belles traductions anglaises et italiennes,
est une voie nouvelle entre l’écueil parnassien de certains hellénistes et la séduction
facile d’un trash trop réducteur. Elle donne accès à l’oralité et à la rythmique
originelles, à la subtilité des jeux de mots et des champs sémantiques qui se
rapportent au sacré, au politique, au territorial, à l’hospitalité.
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L’Autre
Que faire du vieil Œdipe, trop sale, trop laid, trop malpoli, s’asseyant toujours où il
ne faut pas, prenant tout de suite beaucoup trop de place dans la vie de la cité, usant
tout le monde avec son égoïsme galomane et sa franchise brutale, anti
diplomatique ? Il rendrait tellement plus de services mort que vivant…
Que faire de nos vieux ? Et quand on est vieux, que faire de soi-même ? Que penser
de ce cheminement qui a poussé Œdipe, d’abord de l’extrême gloire du pouvoir et
de l’action, à l’extrême honte du crime, puis à la mutilation volontaire, au
dépouillement complet, à l’errance aveugle ? Et si c’est une quête initiatique, quelle
sagesse en a-t-il tiré ? La vie nous apprend-t-elle à mourir ? Et les jeunes qui le
regardent, tirent-ils de cela de quoi apprendre à vivre ?
Œdipe le vieux, le criminel, l’asocial, l’étranger… est un défi pour Athènes et pour
ses jeunes institutions, nées pour gérer les conflits, et dont nous sommes les
ritiers. Il est gênant, le garder va coûter cher. Thésée, Roi d’Athènes, doit peser ce
coût et évaluer sa valeur. Aujourd’hui, Athènes c’est nous. Le monde porte 240
millions de migrants, trois fois plus qu’il y a quarante ans, et Œdipe les représente.
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