
5Le Canada, la Chine et l’Asie émergente :
proposition d’une stratégie
Résumé
En Asie, on dit des Canadiens qu’ils sont
certes présents dans la région mais qu’ils
ne se soucient pas d’établir des relations
sérieuses à long terme. Il n’en a pas tou-
jours été ainsi. Dans le passé, nous avons
su tisser de solides rapports bilatéraux
avec le Japon et la Chine, et nous avons
contribué à des programmes d’aide
internationale en Inde, en Malaisie et en
Thaïlande. Le Canada a aussi fortement
appuyé l’Association des Nations de l’Asie
du Sud-Est dans les années qui ont suivi
sa fondation en 1967. Mais aujourd’hui, le
Canada n’a toujours pas signé d’accord
important en matière de commerce ou
d’investissement dans la région – en
fait, les initiatives entreprises ont tourné
court en raison des exigences de certains
groupes d’intérêts spéciaux ou parce
que nos interlocuteurs réclamaient des
concessions identiques à celles que nous
accordons aux Américains. Notre absence
des forums politiques et de sécurité
inquiète profondément nos partenaires
commerciaux de longue date comme le
Japon et la Corée du Sud. On peut dire
que nos relations commerciales actuelles
avec l’Asie sont caractérisées par une
approche au coup par coup, qui ne repose
sur aucune stratégie visant à développer
à la fois des liens avec l’Asie et une «
marque » Canada.
La Chine a déjà supplanté le Japon
comme principal partenaire commercial
asiatique du Canada, et il faut savoir que
la Chine et d’autres pays de la région
s’intéressent beaucoup aux ressources
énergétiques et naturelles du Canada.
Dans les deux décennies à venir, l’Asie va
connaître une forte urbanisation, et les
classes moyennes, en expansion rapide,
vont avoir besoin de services financiers
comme des services de gestion de la
fortune, une éducation de qualité, des
technologies plus vertes ainsi que des
améliorations environnementales; or, ce
sont tous des domaines dans lesquels
les Canadiens excellent. À mesure que
ces besoins vont augmenter, les chaînes
d’approvisionnement mondiales de la
région vont devenir plus complexes, et les
services, les investissements et les ven-
tes des entreprises étrangères affiliées
vont être au cœur des ententes commer-
ciales qui seront signées. Le Canada ne
peut se permettre d’en être exclu.
Les entreprises canadiennes diver-
sifient leurs activités au-delà de leur
dépendance traditionnelle à l’égard du
marché américain, réagissant ainsi aux
forces du marché plutôt qu’à un chan-
gement de politique stratégique. Mais
comme la politique stratégique évolue, il
faut voir cette diversification à travers le
prisme Canada-États-Unis. Les intérêts
à long terme du Canada sont servis par
la stratégie asiatique considérable des
États-Unis et par la coopération Chine-
États-Unis, malgré leur rivalité croissan-
te. Par ailleurs, le défi tout à fait unique
qui se pose à l’Asie est celui de concilier
les aspirations et les ambitions de ses
trois grandes économies, soit celles de la
Chine, de l’Inde et du Japon. Or, person-
ne n’a intérêt à voir l’Asie se replier sur
elle-même et ne se préoccuper que de la
concurrence entre ces trois géants.
Les Canadiens commencent à
comprendre l’importance de l’influence
économique et politique croissante de
l’Asie et la nécessité de se réengager
dans la région. Il nous faut maintenant
des leaders déterminés à élaborer une
stratégie correspondant à l’importance