de l'autre hémisphère du cerveau
ont pris le relais chez le rat dans
sa moelle épinière pour récupé-
rer toute la motricité de la patte.»
Face à un AVC, l'objectif des
chercheurs est de pouvoir remé-
dier aux dégâts causés par l'ab-
sence d'irrigation locale du cer-
veau, due le plus souvent à la
présence d'un caillot. En Suisse,
plus de 16 000 personnes sont
frappées d'un AVC chaque année,
chiffre qui ne peut qu'augmenter
avec le vieillissement de la popu-
lation. En Occident, c'est la pre-
mière cause de handicap chez
l'adulte et la troisième cause de
mortalité après les maladies car-
diovasculaires et les cancers. Un
AVC entraîne le décès dans 20%
des cas, et des séquelles motrices
diverses dans les autres cas qui
peuvent être très handicapantes
comme le rappelle le site de l'as-
sociation suisse Fragile. «Dans
près de la moitié des cas, l'AVC
affecte la main et les chances de
récupérer sa motricité si précise
sont très réduites», précise Jean-
Claude Baron. Un seul traitement
a fait ses preuves, l'injection dans
le sang, moins de trois heures
après l'AVC, d'une enzyme capa-
ble de dissoudre le caillot, ce qui
suppose un dépistage très rapide
et un transfert à l'hôpital le plus
proche.
Très tôt, les chercheurs ont
constaté que le système nerveux
pouvait récupérer une partie des
fonctions perdues. Mais dans le
système nerveux central, cette
plasticité cesse rapidement sous
«Dans la moitié des
cas, l'AVC affecte la
main, et les chances de
récupérer sa motricité
sont très réduites»
l'effet de plusieurs protéines inhi-
bitrices présentes dans la myé-
line, une gaine isolante entou-
rant les neurones. L'identification
de ces protéines a offert la pers-
pective, avec la possibilité de les
bloquer, d'amplifier la plasticité
nerveuse déclenchée par l'AVC.
Dès la fin des années 1990,
Martin Schwab et son équipe
avait identifié Nogo-A, une pro-
téine majeure pour cette inhibi-
tion. L'injection dans la moelle
épinière partiellement section-
née de rats d'un anticorps capa-
ble de neutraliser Nogo-A permet
aux animaux de récupérer une
partie de leur motricité.
Un effet comparable est ob-
tenu lorsque le cortex moteur est
lésé par les chercheurs pour mi-
mer un AVC chez l'homme Les
chercheurs constatent que, sous
l'effet facilitateur de l'anticorps,
des fibres nerveuses indépendan-
tes de la région du cerveau tou-
chée prennent le relais pour in-
nerver à nouveau les muscles. En
2013, à la suite d'une collabora-
tion avec des chercheurs de l'Uni-
versité de Fribourg, ce résultat a
été reproduit chez le singe pour
le membre supérieur et la main.
La récupération motrice res-
tait cependant limitée, et c'est à
ce stade que le nouveau travail
publié dans Science apporte un
progrès décisif. Après lésion de la
région corticale responsable du
mouvement de leur patte, les
chercheurs ont injecté dans la
moelle épinière l'anticorps neu-
tralisant Nogo-A durant deux se-
maine,s puis soumis les rats à
d'intenses répétitions de l'exer-
cice de préhension qu'ils avaient
appris. Les progrès au fil des jours
ont alors été spectaculaires, et au
bout de deux semaines, les ani-
maux réussissait leur geste dans
plus de 80% des fois, un taux de
réussite qui chutait à moins de
40% chez les animaux n'ayant pas
reçu l'anticorps. «Cette améliora-
tion a été retrouvée pour deux
exercices de préhension que les
animaux ne connaissaient pas,
preuve que les bénéfices du trai-
tement ne se limitent pas aux ges-
tes déjà appris», précise la pre-
mière auteure de l'étude, Anna-
Sophia Wahl.
Une telle performance
est de bon augure pour
envisager de réduire
les séquelles dues à
un AVC chez l'homme
Une telle performance est de
bon augure pour envisager de ré-
duire les séquelles dues à un AVC
chez l'homme Ces espoirs sont
nourris par le fait que plusieurs
anticorps contre Nogo-A ont
montré leur absence d'effets in-
désirables chez l'homme L'un
d'eux, produit par la société GSK,
fait déjà l'objet d'un essai clini-
que pour traiter la sclérose laté-
rale amyotrophique. «Notre anti-
corps, produit par la société
Novartis, est aussi en essai chez
l'homme pour traiter la sclérose
en plaques et des lésions de la
moelle épinière» ajoute Anna-So-
phia Wahl.
Cependant, un autre résultat
obtenu dans cette étude doit inci-
ter à la prudence. Le traitement
stimulant la neurogenèse appli-
qué non pas avant, mais en même
temps que la rééducation inten-
sive, a aggravé les symptômes de
la paralysie chez le rat. «La néces-
sité, dans ce nouveau protocole,
d'attendre plusieurs semaines
avant d'entamer la rééducation
motrice va à l'encontre de ce qui
est actuellement préconisé chez
les patients, ce qui suggère qu'une
transposition chez l'homme de
ces résultats, où patients et lésions
sont aussi beaucoup plus hétéro-
gènes que dans ce modèle animal,
sera délicate à mener», conclut
Jean-Claude Baron.