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Vers une meilleure intégration
des soins pharmaceutiques
Article
original
Michel Tassé
CSSS Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent
Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal
Résumé :
Le rôle du pharmacien est en grande transformation depuis quelques années. De plus en plus,
ce professionnel est appelé à centrer ses efforts sur le patient, au-delà du produit, et à rechercher
les bénéfices des meilleurs traitements disponibles et ce, au coût le moins élevé possible. La continuité
des soins entre pharmaciens oeuvrant à l'intérieur de différentes structures de services constitue
alors un enjeu majeur pour partager une meilleure connaissance des besoins des patients en lien avec
sa médication. Toutefois, en dépit des efforts déployés pour offrir de meilleurs soins à différents points
de service, les liens entre les structures pharmaceutiques demeurent encore peu développés.
L’information nécessaire aux pharmaciens et autres professionnels dans la prise de la meilleure
décision possible concernant les médicaments n'est pas systématiquement disponible et, fréquemment,
la continuité des soins s’en trouve rompue, ce qui peut entraîner un lot de conséquences néfastes.
Cet article décrit comment, à partir des ressources pharmaceutiques actuelles, les pharmaciens
peuvent offrir des soins et services pharmaceutiques continus et mieux intégrés au système de soins
de santé. Il propose des stratégies et des moyens pour parvenir à assurer un suivi pharmaceutique
systématique, ainsi qu’une prise en charge des populations plus vulnérables, grands utilisateurs de
services. Enfin, il décrit les efforts mis en place, depuis quelques années, pour favoriser la continuité
de soins pharmaceutiques dans une communauté du Nord de l'Île de Montréal.
Mots clés : Continuité des soins, soins pharmaceutiques, intégration des services, partenariat,
transfert d'information.
Introduction
L
a littérature moderne fait état d’un grand
nombre de situations où l’utilisation des
médicaments dans notre société n’est pas
optimale. De nombreux rapports et publications
démontrent la sur-utilisation, la sous-utilisation
et l’utilisation non appropriée de médicaments
(Hanlon, Schmader et al., 2002; Gray, Mahoney&
Blough, 2001; Liu&Christensen, 2002; Aparasu&
Mort, 2000; Tamblyn et al., 1994). Les conséquences
sur la santé des gens, bien qu’encore mal définies,
sont énormes. Les réactions adverses aux
médicaments restent fréquemment sous-évaluées
et pourraient représenter une cause importante
de morbidité et de mortalité (Forster et al., 2004 ;
Gurwitz et al., 2003 ; Hanlon Fillenbaum et al.,
2002 ; Ernst & Grizzle, 2001 ; Lazarou, Pomeratz
& Corey,1998 ). Une évaluation effectuée à partir
d’un modèle ambulatoire américain chiffrait à
$177 milliards l’impact annuel lié au mauvais
usage des médicaments (Ernst & Grizzle, 2001).
Malgré les imperfections de cette étude et la difficulté de transposer ces données au modèle
québécois, cette analyse témoigne d’une réalité
qui nécessite des actions prioritaires.
Pour contrer ce phénomène, il importe
que les professionnels qui ont un rôle à jouer
Ruptures, revue transdisciplinaire en santé, vol. 10, n° 2, 2005, pp. 44-55.
Vers une meilleure intégration des soins pharmaceutiques 45
dans l’utilisation appropriée des médicaments
travaillent d’une manière concertée. En ce sens,
l’expertise des pharmaciens doit être mise à
contribution par une présence accrue au sein
des équipes de soins. Plusieurs études démontrent que les soins aux patients s’améliorent
lorsque ceux-ci sont impliqués dans les décisions
thérapeutiques ou des suivis intensifiés (Lam &
Ruby, 2005 ; McClean, Gillis & Waller, 2003 ; Lee,
Boro, Knapp, Meier & Korman, 2002 ; Berringer
et al., 1999; Gattis et al., 1999; Hanlon et al., 1996).
Des interventions ciblées par des pharmaciens
peuvent également contribuer à diminuer les
répercussions négatives sur le système de santé
lié à un usage non optimal des médicaments
(Cranor & Christensen, 2003 ; Stowasser et al.
2002 ; McClean, Gillis & Waller, 2003 ; Malone
et al., 2000 ; McMullen et al., 1999 ; Hawksworth
et al., 1999). La plupart de ces études supportent
l’application d’un modèle de soins pharmaceutiques où les pharmaciens deviennent proactifs
et contribuent à un meilleur suivi clinique des
patients qui utilisent des médicaments.
Les soins pharmaceutiques visent à maintenir le patient à un niveau optimal de bien-être
par le « management » de sa pharmacothérapie
(Hepler & Strand, 1990). Le concept des soins
pharmaceutiques intègre le travail en équipe
interdisciplinaire et favorise l’implication active
des patients ou, le cas échéant, des proches
aidants. Il faut assurer, entre autres, l’adhésion
au traitement, vérifier la présence d’effets
indésirables et procéder périodiquement à une
réévaluation des profils médicamenteux. Avec
le support approprié, une première ligne
de services devrait pouvoir effectuer la plupart
de ces suivis dans un modèle de soins ambulatoires. Une meilleure coordination et un effort
concerté entre intervenants des milieux communautaire et institutionnel constituent des éléments essentiels pour des soins pharmaceutiques continus offerts à des patients en perte
d’autonomie ou atteints de maladies chroniques.
Il faut alors promouvoir la création de nombreux
liens entre professionnels de différentes structures
de services, ainsi qu’avec le patient et son réseau.
Cet article fait valoir la nécessité pour
les pharmaciens d’établir des stratégies pour mieux
coordonner cette continuité de soins pharmaceutiques. L’article décrit comment la création d’un
continuum entre les pharmaciens de différents
milieux de pratique peut contribuer à une
meilleure utilisation des médicaments, ainsi
qu’à une meilleure intégration de leurs services
au sein du réseau de la santé.
Les différents milieux de
la pratique pharmaceutique
Le rôle des pharmaciens au Québec,
comme ailleurs dans le monde, se transforme
profondément, depuis quelques années. L’importance sans cesse croissante accordée à la
pharmacothérapie comme outil thérapeutique
n’est pas étrangère à cette nouvelle réalité.
Les pharmaciens sont de plus en plus appelés
à centrer leurs efforts sur le patient, au-delà
des produits, et à rechercher comment lui faire
bénéficier des meilleurs traitements disponibles,
en tenant compte des coûts associés à ces traitements. Cette approche implique une bonne
connaissance des besoins du patient et le partage
des informations s’avère essentiel. Plusieurs
pharmaciens, issus de milieux de pratique
différents, peuvent être appelés à offrir des services à un même patient dans un même épisode
de soins. Comment alors intégrer le suivi des
connaissances dans une chaîne de services dont
les éléments demeurent encore très fragmentés ?
Pour mieux comprendre la participation des pharmaciens à un continuum de soins et de services,
il importe de considérer certaines caractéristiques
inhérentes à leur milieu de pratique.
La pratique en pharmacie
d’officine
Les pharmaciens de pharmacies privées
(ou d’officine) du Québec représentent un service
de première ligne fréquemment consulté sans
rendez-vous par les patients. Ce service devient
souvent le premier point d’assistance pour des
problèmes de santé mineurs. Au besoin, la clientèle
est redirigée dans le réseau ou vers des soins
spécialisés. Ce genre de consultations aux pharmaciens peut même contribuer à une meilleure
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