Sur certaines fonctions arithmétiques. Michel Paugam 23 avril 2013 Exposés du 19 et du 26 mars 2013 On explicite les propriétés des fonctions multiplicatives β et ν qui apparaissent de façon naturelle dans l’étude de séries de Dirichlet introduites dans [2] et [3]. 1 Notations On considère les fonctions de N∗ dans C suivantes • δ la fonction arithmétique donnée par δ(n) = 1 si n = 1 0 si n > 1 • 1 donnée par 1(n) = 1 pour n ≥ 1 • j définie par j(n) = n pour n ≥ 1 • 1 2 la fonction indicatrice des carrés parfaits 1 si n est un carré parfait 1 2 (n) = 0 sinon • 1 2N+1 la fonction indicatrice des nombres impairs • R la fonction racine carrée • ϕ la fonction d’Euler • µ la fonction de Möbius. Pour s ∈ C et ℜs > 1, la série de Dirichlet ζimp (s) est définie par ζimp (s) = +∞ X m=0 +∞ X 1 2N+1 (n) 1 = s (2m + 1) ns n=1 1 et la fonction β est définie par la série ζβ (s) = P+∞ β(n) n=1 ns ζimp (2s − 1) ζimp (s) où la suite (β(n))n>1 est générée par pour ℜs > 1 La fonction ν est définie par la série +∞ X ν(n) ns n=1 avec ζν (s) = ζβ (s + 23 ) ζimp (s + 1) pour ℜs > 0. Pour une fonction arthmétique f , on note aussi, comme dans [4], D(f, s) la série de Dirichlet associée à f : +∞ X f (n) D(f, s) = ns n=1 en précisant son abscisse de convergence absolue. Dans la suite, on utilise sans rappels le produit de convolution de Dirichlet de fonctions arithmétiques et la formule d’inversion de Möbius. 2 Rappels Lemme 2.1 [1, Example 5, p. 34] Soient f et g deux fonctions arithmétiques multiplicatives alors le produit ordinaire f ×g, le produit de convolution de Dirichlet f ∗ g sont des fonctions multiplicatives ainsi que f /g si g ne s’annule pas. Lemme 2.2 Si f et g sont deux fonctions arithmétiques multiplicatives et si h est une fonction arithmétique complètement multiplicative alors (f ∗ g) × h = (f × h) ∗ (g × h) 2 En effet, pour n ∈ N∗ , on a (f ∗ g) × h (n) = (f ∗ g)(n)h(n) X X f (k)g(ℓ)h(kℓ) f (k)g(ℓ)h(n) = = kℓ=n kℓ=n = X f (k)g(ℓ)h(k)h(ℓ) par l’hypothèse sur h kℓ=n = X f (k)h(k)g(ℓ)h(ℓ) kℓ=n = (f × h) ∗ (g × h) (n). On rappelle les deux théorèmes suivants. Théorème 2.3 [1, Theorem 11.3, p.227] Soient D(f, s) et D(g, s) deux séries de Dirichlet qui convergent absolument pour ℜs > σ. Si D(f, s) = D(g, s) pour tout s élément d’une suite de nombres complexes (sk ) telle que ℜsk tende vers +∞ lorsque k tend vers +∞, alors f (n) = g(n) pour n > 1. Théorème 2.4 [1, Theorem 11.5, p.228] Soient f et g deux fonctions arithmétiques. On suppose que la série de Dirichlet associée à f est absolument convergente dans le demi-plan ℜs > σf et que celle associée à g est absolument convergente dans le demi-plan ℜs > σg . Alors le produit des séries de Dirichlet est la série D(f ∗ g, s) = D(f, s)D(g, s) pour ℜs > max(σf , σg ) où f ∗ g est le produit de convolution de Dirichlet des fonctions f et g. 3 La fonction arithmétique β Il est établi dans [2] que la fonction β est nulle sur les entiers pairs et que sur les entiers impairs, on a X √ β(2n + 1) = µ(k)112 (ℓ) ℓ kℓ=2n+1 et que β(2n + 1) 61 −1 < √ 2n + 1 avec l’égalité si et seulement si 2n + 1 est un carré parfait puisque si 2n + 1 = kh2 est la décomposition de 2n + 1 avec k sans facteur carré, on a β(2n + 1) = µ(k)h. De plus, β 3 est multiplicative [3, §2.3]. Cette propriété s’obtient directement grâce à la définition de ζβ . On sait que pour ℜs > 1, ζβ (s) = 1 ζimp (s) × ζimp (2s − 1) Mais 1 ∗ µ = δ et la fonction 1 2N+1 est complètement multiplicative donc d’après le lemme 2.2 (1 ∗ µ) × 1 2N+1 = (1 × 1 2N+1 ) ∗ (µ × 1 2N+1 ) = δ × 1 2N+1 = δ. Par le théorème 2.4, pour ℜs > 1, on sait alors que D(112N+1 , s)D(µ × 1 2N+1 , s) = D(δ, s) = 1 d’où l’on déduit que D(µ × 1 2N+1 , s) = 1 ζimp (s) = +∞ X µ(2m + 1) . (2m + 1)s m=0 D’autre part, d’après la définition de ζimp (s), pour ℜs > 1, on a ζimp (2s − 1) = = +∞ X m=0 +∞ X m=0 +∞ X 1 2N+1 (n) 1 = (2m + 1)2s−1 n2s−1 n=1 2m + 1 = ((2m + 1)2 )s √ +∞ X 1 2 (2n + 1) 2n + 1 n=0 (2n + 1)s = D(112 × R × 1 2N+1 , s). L’expression de ζβ (s) = D(β, s) s’écrit donc D(β, s) = D(µ × 1 2N+1 , s)D(112 × R × 1 2N+1 , s) = D (µ × 1 2N+1 ) ∗ (112 × R × 1 2N+1 ), s par le théorème 2.4. Le théorème 2.3 et le lemme 2.2, (puisque la fonction 1 2N+1 est complètement multiplicative) donnent alors β = (µ × 1 2N+1 ) ∗ (112 × R × 1 2N+1 ) = µ ∗ (112 × R) × 1 2N+1 . Comme µ et (112 × R) sont deux fonctions multiplicatives, la fonction µ ∗ (112 × R) l’est également par le lemme 2.1 ainsi que β. Sur les entiers impairs, on a bien X √ µ(k)112 (ℓ) ℓ β(2n + 1) = kℓ=2n+1 et, au passage, par la formule d’inversion de Möbius, on obtient X √ 1 2 (2n + 1) 2n + 1 = β(d). d|(2n+1) 4 4 La fonction arithmétique ν Dans ce paragraphe, nous allons montrer que la fonction ν est multiplicative. On définit la fonction arithmétique ̟ de N∗ dans C par ̟(n) = nν(n). On va d’abord établir que ̟ est multiplicative. Proposition 4.1 Avec les notations précédentes, on a ̟ = (µ × 1 2N+1 ) ∗ et la fonction ̟ est multiplicative. β R Démonstration. D’après la définition de ζν , pour ℜs > 1, on a D(̟, s) = ζν (s − 1) = ou encore Comme 1 × ζβ (s + ) ζimp (s) 2 1 1 D(̟, s) = D(µ × 1 2N+1 , s)D(β, s + ). 2 +∞ +∞ n=1 n=1 X β(n) X β(n) 1 β 1 √ = D( , s) ζβ (s + ) = 1 = s s+ 2 R n n n 2 il en résulte par le théorème 2.4 que D(̟, s) = D(µ × 1 2N+1 , s)D( β β , s) = D (µ × 1 2N+1 ) ∗ ( ), s R R et par le théorème 2.3, on obtient le résultat annoncé. Comme les fonctions µ × 1 2N+1 et β R sont multiplicatives, il en est de même de la fonction ̟ par le lemme 2.1. La fonction ̟ s’annule donc sur les entiers pairs, et sur les entiers impairs, on a ̟(2n + 1) = X β(ℓ) µ(k) √ ℓ kℓ=2n+1 et par la formule d’inversion de Möbius, on obtient β(2n + 1) √ = 2n + 1 X ℓ|(2n+1) 5 ℓν(ℓ). (1) Corollaire 4.2 La fonction ν est multiplicative. En effet, comme on a ν = ̟ j , le résultat est à nouveau une conséquence du lemme 2.1. 2a s+1 1 +1 r est la décomposition de l’entier Proposition 4.3 Si n = p2a · · · ps2as +1 ps+1 · · · p2a r 1 impair n > 3 en produit de facteurs premiers, on a ̟(n) = nν(n) = (−1)s r Y 1 (1 + √ ). pi i=1 La démonstration utilise le lemme suivant. Lemme 4.4 Pour p premier impair et a entier naturel, on a ( p2a+1 ν(p2a+1 ) = −(1 + √1p ) pour a 6= 0 p2a ν(p2a ) = 1 + √1p Démonstration. On sait que β(p2a ) = pa et que β(p2a+1 ) = µ(p)pa = −pa pour p premier impair, par conséquent : β(p2a+1 ) 1 β(p2a ) p = −√ =1 et p p p2a+1 p2a donc β(p2a+1 ) β(p2a ) p2a+1 ν(p2a+1 ) = µ(1) p + µ(p) p p2a+1 p2a 1 = − √ − 1. p Hormis le cas particulier 1 × ν(1) = 1, de façon analogue, pour a 6= 0 on a β(p2a ) β(p2a−1 ) p2a ν(p2a ) = µ(1) p + µ(p) p p2a p2a−1 1 = 1+ √ p Autrement dit, pour a ∈ N∗ , on a pa ν(pa ) = (−1)a (1 + Comme ̟ est multiplicative, il vient alors ̟(n) = s Y ̟(pi2ai +1 ) r Y j=s+1 i=1 6 √1 ) p 2a et ν(1) = 1. ̟(pj j ). Par le lemme 4.4, 1 ̟(pi2ai +1 ) = −(1 + √ ) pour i = 1, . . . s pi 1 2a ̟(pj j ) = 1 + √ pi Il en résulte que pourj = s + 1, . . . r si aj 6= 0 r Y 1 ̟(n) = nν(n) = (−1) (1 + √ ) pi s i=1 On peut aussi obtenir ce résultat directement à partir de la formule (1), sous la forme ci-dessous. 2a s+1 1 +1 r est la décomposition de l’entier impair · · · p2a Lemme 4.5 Si n = p2a · · · ps2as +1 ps+1 r 1 n > 3 en produit de facteurs premiers, on a s nν(n) = (−1) + r X X 1 1 1+ + ··· + √ + √ pi pi pj i=1 16i<j6r X 1 1 . + ··· + √ √ pi1 pi2 · · · pik p 1 p 2 · · · pr 16i1 <i2 <···<ik 6r Démonstration. Comme la fonction de Möbius intervient dans le développement de nν(n), il suffit de ne considérer que les diviseurs de n sans facteur carré donc de la forme pi1 pi2 · · · pik pour 1 6 i1 < i2 < · · · < ik 6 r et k = 0, . . . , r ; (pour k = 0 le produit vide vaut 1). On a 2r tels diviseurs. Examinons d’abord comment apparaissent les termes extrêmes dans l’expression de nν(n). √ = 1 si et seulement si ℓ est un carré parfait or pour pi pi · · · pi diviseur de On a β(ℓ) 1 2 k ℓ n, le nombre n b = pi pin···pi est un carré si et seulement si {i1 , i2 . . . , ik } = {1, 2, . . . , s} 1 2 k c’est-à-dire si k = s et l’on a alors β(b n) µ(pi1 pi2 · · · pis ) √ = µ(pi1 pi2 · · · pis ) = (−1)s n b √ = √ ±1 On cherche maintenant à quelle condition β(ℓ) p1 p2 ···pr . Cela se produit si et seulement ℓ si pi1 pi2 · · · pik = ps+1 · · · pr c’est-à-dire pour k = r − s et {i1 , . . . , ik } = {s + 1, . . . , r} alors si n e = ps+1n···pr , on a 2a s+1 n e = p12a1 +1 · · · ps2as +1 ps+1 7 −1 · · · pr2ar −1 et r Y β(ñ) β(pi ) r−s µ(ps+1 · · · pr ) √ = (−1) √ pi ñ i=1 r−s = (−1) r Y 1 (−1) √ pi r i=1 r Y 1 s = (−1) √ . pi i=1 Pour un diviseur quelconque pi1 pi2 · · · pit de n où u nombres premiers parmi pi1 , pi2 , . . . , pit 2a i +1 sont des diviseurs des p2a et v nombres premiers sont diviseurs des pj j , avec t = u+v. i On convient que si u = 0, le produit pi1 pi2 · · · pit divise ps+1 · · · pr si v = 0, le produit pi1 pi2 · · · pit divise p1 . . . ps . Ces cas viennent d’être considérés. Posons n′ = pi pin···pi . Dans la décomposition de t 1 2 n′ en produit de facteurs premiers, u exposants d’indices parmi {1, . . . , s} sont alors pairs et s − u restent impairs alors que pour v indices parmi {s + 1, . . . , r}, v expo′ sants deviennent impairs tandis que que r − s − v restent pairs. L’expression √n ′ a donc n le signe (−1)s−u (−1)v = (−1)s−u−v = (−1)s−t et sa valeur absolue est le produit de s − u + v termes de la forme √1p , les nombres premiers intervenant dans ce produit ne i provenant que de ceux figurant avec un exposant impair dans la décomposition de n′ ′ en produit de facteurs premiers. On en conclut que le signe de µ(pi1 pi2 · · · pit ) √n ′ est n (−1)t (−1)s−t = (−1)s et le développement annoncé pour nν(n). On reconnaît l’expresQ sion développée du produit (−1)s ri=1 (1 + √1p ) i Conclusion. Si l’on note P (resp. P ∗ ) l’ensemble des nombres premiers (resp. l’ensemble des nombres premiers impairs) Y 1 nν(n) = (−1)s (1 + √ ) p p∈P ∗ , p|n kh2 où s = µ(k) si n = est la décomposition de n en le produit d’un entier sans facteur as+1 · · · prar )2 . carré et d’un carré parfait puisqu’ici n = p1 · · · ps (pa11 · · · pas s ps+1 Notons que pour la fonction ϕ d’Euler on a Y 1 ϕ(n) (1 − ) = n p p∈P, p|n 8 et pour la fonction ψ de Dedekind [5] Y ψ(n) 1 (1 + ). = n p p∈P, p|n Références [1] Tom M. Apostol. Introduction to Analytic Number Theory. Springer Verlag. 1976. [2] Guy Laville. Integral formulas for a Dirichlet series arXiv:1301.2721v2 [math.NT] 16 Jan 2013 [3] Guy Laville. Représentation intégrale d’une série de Dirichlet http://www.math.unicaen.fr/lmno/semana/documents/laville/ReprDirichLiouV5.pdf [4] Gérald Tenenbaum. Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres. Cours spécialisés. Collection SMF, numéro 1. Société mathématique de France. 1995. [5] WikipediA. http://www.en.wikipedia.org/wiki/Dedekind_psi_function Remerciements Je remercie Guy Laville de m’avoir accueilli au séminaire d’Analyse et de m’avoir mis au courant de ses recherches sur les séries de Dirichlet. Paugam Michel - Département de mathématiques et mécanique. Université de Caen Boulevard Maréchal Juin BP 5186 14032 CAEN [email protected] 9