R
OLAND
REDON
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HESE DE DOCTORAT DE PHILOSOPHIE
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2003/2009
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RESUME DE LA THESE DE DOCTORAT :
Dans le cadre d’une rationalisation du monde moderne, telle qu’analysée par Max Weber, on voit
se dessiner une société où l’individu se trouve confronté à un développement sans précédent de
son activité qui a pour conséquence de le soumettre à des contraintes mécaniques et à des
rapports sociaux dépersonnalisés. En réponse à ce que Charles Taylor appelait « le malaise de la
modernité » et dont il voyait les causes principales dans l’individualisme, la disparition des
hiérarchies, le « désenchantement du monde », diverses réponses philosophiques ont été
apportées. Habermas a ainsi proposé, dans « Droit et démocratie », de poser les principes d’une
communication sociale élémentaire comme fondation pour la raison et le droit, permettant une
démocratie radicale rationaliste et consensuelle dans une pratique d’auto-organisation.
Cette volonté d’une morale universaliste communicationnelle suscite en réaction la résurgence
paradoxale de l’irrationnel dans nos sociétés contemporaines, minées par les sectes millénaristes
et les phénomènes d’intégrisme religieux. De même, le corps, que la psychanalyse comprend
pourtant comme construit, structuré, possédé par le langage, semble être la seule dimension de
l’être qui échappe encore, de par son vécu immédiat, à cette volonté d’emprise de l’institution
communicationnelle. La maladie, vécue hors discours diagnostic, comme l’anorexie ou
l’exclusion sociale, sont autant d’expressions brutes du corps qui échappent au langage. A partir
de ces formes spontanées d’expressions non langagières, pour lesquelles a pu être proposée, dans
un cadre institutionnel, une thérapie corporelle par des techniques asiatiques traditionnelles telles
que le tai-chi-chuan ou le Qi gong, toutes basées sur la libre circulation des énergies, nous nous
proposons d’élaborer le concept de corps vide. Prenant appui sur la philosophie bouddhiste,
essentiellement sur le philosophe Nagarjuna, pour cerner la réalité de la vacuité, nous
envisageons le corps vide comme une attitude de vie à la fois éthique et politique de par sa
capacité à s’opposer, dans le lâcher prise, tant à la marchandisation et à la mécanisation des
corps, propres au monde moderne, qu’au mouvement, né en réaction, de démocratisation radicale
par une communication consensuelle. A tout cela le corps vide oppose, par le silence,
l’immobilité, l’intériorisation et la spontanéité, un refus qui ne laisse aucune prise à la
contradiction.