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Immunologie
et onco-hématologie
dossier
thématique
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L’immunité antitumorale
racontée à Juliette
M.C. Béné*
C
e dossier thématique aborde plusieurs facettes des réactions du système immunitaire face aux cellules
leucémiques ou préleucémiques, et décrit la manière dont il peut être manipulé en thérapeutique. Même
si chaque chapitre reprend les fondements des mécanismes abordés, il serait peut-être utile de rappeler
brièvement à Juliette comment fonctionne le système immunitaire dans ce contexte particulier.
La première chose importante à se remémorer est que, malgré sa complexité, le
système immu­nitaire fonctionne globalement de la même manière quand
il est confronté à quelque antigène
que ce soit.
L’immunité innée intervient en premier
lieu, le plus souvent de façon silencieuse, mais également via l’inflammation. Lorsque les signaux de danger
s’accumulent, les mécanismes plus
puissants de l’immunité cognitive ou
adaptative sont alors mis en jeu. C’est
à ce stade qu’interviennent les cellules
capables de reconnaître spécifiquement
ces antigènes : les lymphocytes B et les
lymphocytes T.
* Laboratoire d’immuno­
logie et faculté
de médecine de Nancy.
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Ces cellules, au cours de leur développement, réarrangent au hasard les gènes
codant pour leur récepteur à l’antigène
(respectivement BCR [B-cell receptor]
ou TCR [T-cell receptor]). Une phase
de sélection négative, au contact
des cellules stromales de la moelle
osseuse ou du thymus, permet d’éliminer les lymphocytes dont le récepteur
reconnaîtrait des antigènes du soi, ou
auto-antigènes. Il existe donc chez
chaque individu un large répertoire
de lymphocytes dont le récepteur peut
réagir avec des antigènes du “non-soi”
ou “anormaux”, dont ceux exprimés par
les cellules tumorales de l’individu.
Celles-ci peuvent être reconnues parce
qu’elles expriment des antigènes viraux
(tumeurs viro-induites), des molécules
spécifiques de la tumeur (par exemple,
l’idiotype de l’immunoglobuline des
proliférations B), des antigènes fœtaux
réexprimés par les cellules tumorales ou
des protéines anormales (protéines de
fusion issues de translocations).
Comme cela est très bien rappelé dans
les différents chapitres, les modèles
expérimentaux animaux ou d’immuno­
déficience humaine ont apporté la
preuve qu’il existait bien une immunité
antitumorale. C’est elle qui permet à
la majorité des individus de ne pas
développer de cancer. La pathologie
survient lorsque l’équilibre entre les
cellules potentiellement tumorales et
l’immunité est rompue, soit parce que
le système immunitaire est affaibli, soit
parce que les cellules tumorales développent des mécanismes d’échappement.
Le rôle des anticorps dans l’immunité
antitumorale est suggéré par le fait que
l’on peut en mettre en évidence dans
les modèles murins de tumorogenèse, et
surtout par le rôle majeur que jouent
depuis le début du xxie siècle les anticorps monoclonaux dans le traitement
des cancers. La lyse tumorale induite par
la fixation de ces anticorps sur leur cible
fait intervenir la mise en jeu des cascades
apoptotiques, mais aussi l’activation du
complément, la phagocytose par les macrophages et surtout la cytotoxicité cellulaire
dépendante des anticorps (ADCC) liée aux
cellules Natural Killer (NK). Les anticorps
antitumoraux interviennent ainsi, lorsqu’ils
existent, comme interface entre l’immunité
innée et l’immunité cognitive.
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 2 - avril-mai-juin 2012
L’immunité antitumorale racontée à Juliette
L’immunité innée fait par ailleurs
égalem ent inter venir le s macro phages, capables d’avoir une activité
anti­tumorale efficace, en particulier
par la sécrétion de cytokines et par
phagocytose. Les éosinophiles jouent
aussi probablement un rôle, de par leur
contenu basique fortement cytotoxique,
car ils sont fréquemment présents dans
les infiltrats péritumoraux des tumeurs
solides, de même que les mastocytes,
complémentaires des éosinophiles par
leur contenu acide.
Les mécanismes les plus efficaces sont
cependant liés à la cytotoxicité anti­
tumorale, qui fait intervenir de concert
2 types cellulaires complémentaires :
les lymphocytes T cytotoxiques (souvent
appelés “CTL” [Cytotoxic T Lymphocytes])
et les cellules NK.
Les lymphocytes T cytotoxiques expriment un TCR dans le contexte du
complexe CD3 et la molécule CD8 qui
restreint leur fonctionnement à la
reconnaissance par ce TCR de peptides
nichés dans une molécule de classe I
du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH).
Ces cellules sont les principaux effecteurs des réponses cytotoxiques anti­
tumorales et antivirales, et leur TCR est
spécifique des complexes peptide anormal/CMH I. Leur activation dépend de
l’activation en amont de lymphocytes
CD4 à fonction helper. Ces derniers
reconnaissent les peptides nichés dans
des molécules du CMH de classe II, ce
qui suggère que les macrophages et les
cellules dendritiques sont capables de
phagocyter des cellules ou des molécules d’origine tumorale et de les présenter aux lymphocytes CD4. En tout
état de cause, les lymphocytes cytotoxiques CD8, lorsqu’ils réalisent une
synapse immunologique spécifique avec
une cellule cible tumorale, activent la
production de perforine et de granzyme.
La perforine, comme son nom l’indique,
crée à la surface de la cellule cible des
pores qui contribuent déjà à sa fragilisation. La perforine présente en effet
une grande homologie avec le complexe
d’attaque de la membrane du complément. Surtout, elle permet le passage
polarisé et rapide, dans cette cellule
cible, des granzymes A et B qui activent
la cascade apoptotique. La cellule tumorale ainsi visée meurt par apoptose. Elle
peut alors être phago­cytée, et le cycle
d’activation des lymphocytes T est ainsi
amplifié autant que nécessaire.
Le facteur limitant de cette élimination efficace des cellules tumorales, qui
fonctionne à coup sûr en permanence
à bas bruit chez chacun d’entre nous,
est l’expression de ces molécules de
classe I par les cellules tumorales. Ces
molécules sont présentes sur toutes les
cellules nucléées, permettant ainsi à
tout type cellulaire engagé dans un
processus tumoral ou infecté par un
virus d’alerter le système immunitaire
de la présence de peptides endogènes
anormaux.
Un des mécanismes d’échappement des
cellules tumorales au système immunitaire est ainsi précisément de diminuer,
voire de supprimer totalement l’expression de ces molécules de classe I sur
les cellules malades. Cette stratégie
est également utilisée par beaucoup de
virus. C’est à ce stade qu’intervient la
complémentarité entre lymphocytes T
cytotoxiques et cellules NK.
Les cellules NK ont une morphologie
proche de celle des lymphocytes mais
s’en distinguent par l’absence de récepteurs spécifiques de l’antigène. Ils sont
cependant pourvus de très nombreux
récepteurs possédant une action antagoniste : des récepteurs activateurs qui
initient la sécrétion des mêmes perforine et granzymes que celles des
lymphocytes T cytotoxiques, et des
récepteurs inhibiteurs qui bloquent
ce mécanisme s’ils reconnaissent une
molécule de classe I à la surface de la
cellule cible. Ainsi, s’ils sont incapables
de discerner si le peptide présenté dans
la molécule de classe I est normal ou
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 2 - avril-mai-juin 2012
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Immunologie
et onco-hématologie
Sous sommaire
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non (c’est le rôle des lymphocytes T Si les réponses antitumorales mettent
cytotoxiques), ils prennent le relais ainsi en jeu les acteurs habituels du
des lymphocytes T cytotoxiques pour système immunitaire, il en découle que
détruire les cellules qui n’expriment les mécanismes de régulation habituels
plus ces molécules d’histocompatibi- de ces réponses sont également implilité. Le rôle des cellules NK est accru qués. Ainsi, des lymphocytes T régupar le ciblage que réalisent pour elles lateurs ou l’implication du système
les anticorps antitumoraux. Ces anti- proapoptotique Fas/Fas-ligand limitent
corps se fixent par leur Fab sur les les réponses immunitaires antitumocellules cibles, ce qui rend accessible rales, voire favorisent la croissance de
leur fragment Fc aux récepteurs spé- la tumeur si celle-ci trouve le moyen
cifiques (FcγR) portés par les cellules de les favoriser.
NK. C’est la base de l’ADCC mentionnée
plus haut. Les cellules NK se subdivisent Au total, le développement des cancers,
par ailleurs en 2 sous-populations, exer- y compris en oncohématologie, résulte
çant préférentiellement soit l’activité entre autres de la rupture du rapport
cytotoxique décrite ci-dessus, soit une de force permanent qui permet à notre
activité de production de cytokines. système immunitaire de contrôler la
Les cellules NK sont ainsi capables de prolifération des cellules potentielleproduire de grandes quantités d’in- ment tumorales. Ces cancers se déveterféron γ qui, à son tour, active les loppent logiquement préférentiellement
cellules de l’immunité, notamment à partir de tissus à fort potentiel prol’expression des molécules du CMH de lifératif. En effet, les divisions celluclasse II nécessaires à l’activation des laires prédisposent à des anomalies de
Chers abonnés,lachers
lecteurs,de l’ADN. De plus, dans
lymphocytes CD4.
production
tissuun
entrès
prolifération,
l’apparition
L’équipe Edimark vous un
souhaite
bel été
Deux autres types cellulaires
peuvent
d’un
avantage
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anti­
peut
jouer
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➤➤ les lymphocytes Tγδ, dont le TCR La meilleure connaissance de ces
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fondées sur une meilleure compré➤➤ les lymphocytes NKT, qui expriment hension de ces interactions multiples,
un TCR invariant et la molécule CD56, mais le champ reste vaste pour de tels
également présente sur les cellules NK. progrès.
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