Stage non obligatoire – Master 1 GAIA – Université de Savoie Eté 2011 La formation du paysage dans le Canton de Yenne (Savoie), des temps géologiques à l’aménagement du Rhône (1982) – Evolution géomorphologique – Par Emmanuel Dubois Pour la Communauté de Communes de Yenne Tuteur : Laurent ASTRADE (EDYTEM, Université de Savoie) 1 Sommaire Introduction .............................................................................................................................. 3 1. La géographie du Canton de Yenne ................................................................................ 4 2. Le temps de l’Histoire géologique ................................................................................... 5 2.1. La formation des roches ............................................................................................ 5 2.2. La formation des structures...................................................................................... 6 3. Le temps de la glaciation würmienne ............................................................................ 10 3.1. L’avancée .................................................................................................................. 10 3.2. Le recul ..................................................................................................................... 12 3.3. Le post-glaciaire ....................................................................................................... 14 4. Le temps du Rhône ......................................................................................................... 16 Conclusion ............................................................................................................................... 19 Eléments bibliographiques .................................................................................................... 20 Photo page de garde : Quentin Hotier. 2 Introduction La Maison de la Dent du Chat, nouvelle construction dans la ville de Yenne, a été bâtie courant 2011 à l’initiative de la Communauté de Communes de Yenne. C’est une maison de pays regroupant l’office du tourisme et une scénographie présentant les particularités et savoir-faire du canton. Une partie de cette scénographie est réservée à l’explication du paysage du pays de Yenne : comment s’est-il formé ? Quels agents l’ont façonné ? Quelles sont les traces visibles aujourd’hui? Nous avons proposé de répondre à cette problématique dans le cadre d’un stage de Master 1. Le texte suivant s’appuie sur plusieurs parutions et thèses, parfois complémentaires, d’autres fois contradictoires. Dans la recherche d’un propos accessible, nous l’avons accompagné de figures tirées des parutions mentionnées et de dessins schématiques représentant le paysage du canton de Yenne à différents stades de sa formation. Par la suite, le bureau d’étude de scénographie, « C.R.E.Afactory », réalisateur de toute l’exposition, a proposé de figurer cette évolution par une animation vidéo, visible sur place. Un paysage se forme grâce à plusieurs agents qui s’appliquent à une échelle de temps propre. Le premier agent est d’ordre géologique, le temps s’y compte en millions d’années. Puis vient l’époque des glaciers, les seconds agents. Ce facteur d’évolutions géomorphologiques se calcule en milliers d’années. Un troisième agent, le Rhône, s’est mis en place une fois les glaciers disparus. Lui opère ses changements en quelques siècles tout en étant contemporain de l’aménagement humain. Nous exposons donc dans cette étude les évolutions géomorphologiques à l’échelle du des grandes structures géologiques (i), à l’échelle d’un cycle glaciaire (ii) puis à l’échelle de l’évolution du Rhône et des hommes (iii). 3 1. La géographie du Canton de Yenne Le Canton de Yenne, constitué de 13 communes, se trouve sur le département de Savoie (73), à son extrémité Ouest. Il forme une partie de « l’Avant Pays Savoyard », zone de transition entre l’Ain, la région lyonnaise et les Alpes du Nord (cf. figure 1). Figure 1 : Carte des pays de Savoie. Le canton est compris entre deux lignes de crêtes globalement Nord - Sud : le massif du Mont du Chat avec la Dent du Chat à l’Est et les montagnes de Parves – Mont Tournier à l’Ouest. Ces deux massifs sont séparés par la plaine du Rhône sur laquelle a été bâtie Yenne (cf. figure 2). Figure 2 : carte du canton (extraite de géoportail.fr) où le nom des communes de l’intercommunalité a été encadré en rouge 4 2. Le temps de l’Histoire géologique 2.1. La formation des roches Les plus vieilles roches qu’il est possible de trouver dans le canton (et dans les alentours plus généralement) datent du Jurassique supérieur et moyen. C'est-à-dire qu’elles ont été formées entre 175 et 135 millions d’années (Ma). A cette époque, les reliefs ne sont pas encore formés : la zone se trouve sous la mer dont le niveau a varié avec le temps. Par exemple, au Kimméridgien (entre 146 et 141 Ma, un étage du Jurassique supérieur) une mer peu profonde a recouvert les anciens rivages continentaux, souvent érodés. Elle était assez proche des côtes, et des deltas fluviaux déposaient des matériaux fins sur la plateforme formée par ces anciens rivages. Ces matériaux ont alors formé une sorte de boue, plus ou moins grossière selon l’éloignement par rapport aux deltas, que nous pouvons maintenant observer au large des côtes atlantiques françaises. Les premiers matériaux arrivés, les plus profonds, ont commencé à se tasser sous la pression des dépôts suivants. Ils se sont cimentés et ont formé les premières roches que nous retrouvons maintenant sur le chaînon de la Dent du Chat. Le climat était alors plus chaud et a été propice au développement de coraux et de récifs coralliens qu’il est possible de retrouver dans les roches de la Dent du Chat ou en dessous de la chartreuse de Pierre Châtel. Le niveau marin a ensuite baissé à la fin du Jurassique, durant le Tithonien (141 à 135 Ma, l’étage le plus récent du Jurassique supérieur). Une mer plus profonde est revenue à l’époque suivante, au Crétacé inférieur (de 135 à 96 Ma), dans laquelle se sont déposés les marnes et calcaires constituant l’actuel Mont Tournier. Les roches de la fin de l’ère Secondaire, qui correspond à la fin des dinosaures aviens, avec le Crétacé supérieur (de 96 à 65 Ma) et le début de l’ère Tertiaire, sont inconnues dans la région. Une lacune de 65 Ma environ existe entre le Jurassique supérieur et le Miocène (23 à 5 Ma). L’hypothèse communément admise est qu’une mer s’est maintenue avant que les terres soient exondées, émersion qui n’aurait pas permis de dépôts importants de matériaux et donc la formation de roches. Au Miocène, les premiers reliefs alpins sont déjà créés, et une mer peu profonde inonde toutes les plaines. Il s’y dépose tout le matériel enlevé par l’érosion de cette jeune chaîne de montagnes. Comme nous ne sommes pas très loin des sommets, les rivières apportent beaucoup de sables qui forment la Molasse de nos vallées. 5 2.2. La formation des structures Les paysages et les reliefs du canton de Yenne ressemblent peu tellement à ceux observés dans les massifs des pré-Alpes, les Bauges par exemple. Par contre, il est plus facile de les assimiler à la continuité du chaînon du Jura. Une photo aérienne permet de faire ce lien (cf. figure 3). Figure 3 : vue aérienne 3D de la région (tirée de géoportail.fr) La chaîne du Jura s’est formée en même temps que la chaîne des Alpes dont elle est les contreforts les plus extérieurs. Le Jura est constitué de roches un peu plus anciennes que celles des massifs subalpins ou pré Alpes. La déformation est plus faible que dans le reste du massif alpin et les structures (types de plis, failles,…), induisant la morphologie, différentes. La formation de la chaîne s’est faite en plusieurs phases. Le Crétacé est très peu présent dans les formations alors que s’y trouvent beaucoup de Jurassique et de Miocène. Ce saut stratigraphique indiquerait que les plis étaient déjà formés à l’Oligocène : le Crétacé y aurait été érodé en laissant affleurer les roches du Jurassique (cf. figure 4). Les plis formant le Mont du Chat et le Mont Tournier datent d’un raccourcissement appelé Jurassien, anté-Miocène (présenté par la figure 4) qui s’est fait dans une direction Nord Nord Est – Sud Sud Ouest. Cette première phase compressive crée des formations relativement rectilignes orientées à 45° par rapport à ce système de contraintes (donc Nord Nord Ouest – Sud Sud Est). 6 Alpes Emplacement de la future Dent du Chat Sud Montagne de Lierre Mont Tournier Parves Yenne Figure 4 : Vue interprétative du canton de Yenne lors du plissement alpin ante Miocène. Les premiers reliefs, caractéristiques du canton sont créés. Une seconde phase de raccourcissement, dite subalpine, d’orientation Est – Ouest, recoupe les structures de la première phase de déformation et les plisse dans une orientation plus Nord – Sud (cf. figure 5 et figure 6). Une fragilité mécanique (faille) est crée dans les roches à la charnière du pli. Elles s’érodent alors plus facilement et amorcent la formation du col du Chat. Dent du Chat Sud Mer Charvaz Figure 5 : Vue interprétative. La seconde phase du plissement (Miocène) intervient en décalant les reliefs du Sud du Canton (massif du Chat – Epine). La faille du col du Chat accommode le mouvement entre les deux parties du massif. 7 Figure 6 : Carte présentant les différentes étapes de plissements de la chaîne (in géol-alp.com). Cette seconde phase a fini de mettre en place la structure que nous voyons actuellement. Les chaînons : Monts du Chat et Montagne de Parves – Mont Tournier sont deux anticlinaux séparés par le synclinal de Yenne qui a formé la dépression propice au dépôt de la molasse (cf. figure 7). Ce synclinal n’est pas exactement régulier : la montagne de Lierre est un plissement d’ordre secondaire formant un anticlinal dont l’étendue est limitée, débutant légèrement au Nord de Chevelu, se propageant rectilignement vers le Nord jusqu’au niveau de Jongieux. Cette structure générale, de relief conforme (une vallée synclinale séparant deux montagnes anticlinales), s’étend vers le Sud : dans l’axe Novalaise – Aiguebelette. 8 Figure 7 : Coupe géologique interprétative de la structure actuelle passant par le Mont Tournier, Yenne et la Montagne de Lierre. 9 3. Le temps de la glaciation würmienne Depuis la fin de l’orogenèse alpine, il y a 5 Ma, un climat tropical s’est maintenu durant 3 Ma. Puis sur les deux derniers Ma, il y eut au moins 4 cycles glaciaires. Seuls les deux derniers, le Riss (300 000 – 120 000 BP) et le Würm (70 000 – 11 000 BP), sont bien connus dans la région. Plusieurs travaux en traitent, notamment la thèse récente de Sylvain Coutterand (Université de Savoie, EDYTEM), soutenue en 2010. La glaciation würmienne a largement participé au façonnage du paysage dans le pays de Yenne. 3.1. L’avancée Il y a 70 000 ans BP, les températures étaient bien inférieures à maintenant. En moyenne 10 à 12°C de moins sur le continent européen, mais localement, en présence de la glace, certainement plus froid. Une première avancée glaciaire, relativement précoce, a atteint Lyon vers 55 000 BP. A suit un retrait glaciaire puis une nouvelle avancée, plus tardive, qui a atteint de nouveau l’Est lyonnais vers 30 000 BP (cf. figure 8). A ce moment-là, le canton était recouvert par une importante épaisseur de glace. Le Glacier isérois de Chambéry descendait des vallées alpines (Tarentaise, Maurienne) passait Chambéry, « enjambait » la montagne de l’Epine pour s’écouler jusqu’à Lyon (cf. figure 9). L’érosion à l’air libre, par des agents tels que l’eau et le vent ainsi que les glaciations successives expliquent la disparition des importantes épaisseurs de molasse qui se sont déposées durant le Miocène. Cette roche peu indurée (les sables et les galets qui la constituent sont mal cimentée) n’oppose pas de grande résistance face à des incisions, surtout glaciaires. Il est donc possible que les premiers glaciers aient charrié la majeure partie de la molasse, ne la laissant que sur de petites épaisseurs, surtout dans les fonds de vallées en cuvette, typiquement le synclinal de Yenne – Novalaise. Cette épaisseur qui est restée en place a été protégée des glaciations suivantes par sa situation géographique. 10 Figure 8 : Carte présentant la seconde avancée glaciaire würmienne (in S. Coutterand, 2010). 11 Dent du Chat Replat de Vacheresse Sud Glacier Glacier isérois de Chambéry Blocs erratiques (futures pierres à cupules) Figure 9 : Vue interprétative du canton lors du second maximum glaciaire, aux alentours de 30 000 BP. Note sur le schéma : Les bandes représentées sur ce dessin et les suivants ne sont pas des bandes de Forbes, mais sont là pour rendre compte d’un écoulement visqueux suggérant la glace. 3.2. Le recul Les 10 000 années suivantes ont été caractérisées par une augmentation des températures jusqu’à une moyenne proche de l’actuel. Les glaciers se retirent. Petit à petit les sommets sont apparus, le col du Chat a été érodé jusqu’à obtenir l’échancrure douce que nous lui connaissons aujourd’hui et les gorges de la Balme ont été creusées jusqu’au niveau actuel. En descendant du col du Chat, le glacier érodait plus particulièrement la zone de retombée, comme une cascade qui creuse un bassin à son pied. C'est ainsi que s'est crées la dépression dont le fond occupée aujourd'hui par les lacs de Chevelu. Les schémas des figures 10 (A) et (B) illustrent des étapes successives de retrait glaciaire, s’étendant d’environ 30 000 à 20 000 BP. Les gorges de la Balme ont été creusées par les glaciations successives, et notamment lors du Würm. Il est probable qu’il y ait eu une faiblesse géologique (reprise par l’érosion) à cet endroit mais nous n’en avons aucun témoignage aujourd’hui. Lors de ces stades de retrait, une importante quantité de blocs erratiques a été piégée dans la région. Dans sa thèse, S. Coutterand les cartographie, détermine leur nature et en déduit l’origine géographique. Ceux du canton, proches de Billième, arrivent de Tarentaise : Lauzière et Beaufortain. 12 Dent du Chat Replat de Vacheresse Sud Glacier (A) Gorges de la Balme Charvaz Dent du Chat Sud Glacier Lac Gorges de la Balme Charvaz (B) Montagne de Lierre • • Figure 10 : Vue interprétative du canton : lors d’une première étape de retrait glaciaire, vers 25 000 BP (A). lors d’une seconde étape de retrait glaciaire, avant 20 000 BP (B). Lors de cette seconde étape de déglaciation, s’étendant globalement de 25 000 à 20 000 BP, il peut arriver que le Glacier isérois de Chambéry ne puisse plus passer le col du Chat ; les glaces piégées dans le canton sont alors coupées du reste du glacier. La fréquence et la durée de ces coupures d’alimentation en glace augmentent avec le temps. Les glaciers se transforment petit à petit en glace morte : de la glace emprisonnée dans la vallée qui n’est plus alimentée par le glacier. Au front du glacier un lac s’installe et se déverse par un torrent s’écoulant dans les gorges de la Balme. A ce moment, le torrent possède une grande capacité érosive. La diminution du niveau de glace libère une partie des versants des contraintes qu’elle y exerçait et les premiers phénomènes d’instabilité gravitaire apparaissent. La végétation, de type toundra et steppes y est naissante et ne participe pas à la stabilisation. Des avalanches devaient s’ajouter à tout cela durant les hivers. 13 3.3.Le post-glaciaire A 20 000 BP, les glaciers ont complètement disparu du canton. Un grand lac a pris leur place. La carte de la figure 11 présente l’extension maximale de ce lac (d’après G. Nicoud, 2003). Au début, un lac unique s’étendait des marais de la Chautagne à l’actuel lac du Bourget et à Yenne, jusqu’aux gorges de la Balme, l’exutoire. Ce lac est alimenté au Nord par le Rhône et le Séran, à l’Est par le Sierroz et le Fier et au Sud grâce à la Leysse et l’Hyère. L’exutoire se trouve aux gorges de la Balme. Avec le creusement progressif de ces dernières, le niveau du plan d’eau diminue ce qui l’amène à se scinder en plusieurs lacs indépendants. Le lac du Bourget s’installe dans sa disposition actuelle en récupérant toutes les alimentations orientales et australes. Il se déverse toujours vers le Nord et son exutoire est le « lac de Yenne ». Celui-ci est également alimenté par le Rhône. Mais lors des crues, les eaux du Rhône atteignent le lac du Bourget et inversent l’écoulement « normal ». L’exutoire global de tout ce système reste toujours les gorges de la Balme qui ne cessent de se creuser. Tout le Sud du canton ne fut pas envahi par le grand lac car il s’y était déposé des alluvions morainiques appelées drumlins. Le modèle numérique de terrain (MNT, figure 12) montre bien la forme vallonnée mais régulière de ce type de dépôts (entourés en rouge). Ce sont des collines de sédiments glaciaires déposées à même la molasse. Leur orientation permet de déduire un écoulement vers le Sud Ouest (cf. figure 4 représentant le canton lors du second maximum glaciaire würmien). Figure 11 : MNT du fond Esri du pays yennois. 14 Finalement le schéma de la figure 13 propose une vue interprétative du canton, avant 18 000 BP, lorsque les derniers névés fondent et forment les lacs de Chevelu. Peu de temps après, débute l’invasion de la végétation arbustive qui colonise le canton jusqu’aux sommets. Le développement de la végétation est certainement à l’origine de la stabilisation des versants. Dent du Chat Sud Drumlins Lac Gorges de la Balme Col du Chat Charvaz Parves Yenne Figure 12 : Vue interprétative du canton, lors de la fonte des derniers névés, avant 18 000 BP. 15 4. Le temps du Rhône et des hommes Le lac s’est progressivement comblé en même temps que les gorges de la Balme se creusaient. Il en reste une plaine très plate, appelée maintenant : plaine du Rhône. Le cours d’eau qui se jetait au Nord du lac a prolongé son parcours pour passer dans les gorges de la Balme. Nous pouvons dès lors le nommer « Rhône ». Ce fleuve est l’axe drainant de tous les cours d’eau des Alpes occidentales. Il transporte les produits de leur érosion : graviers et sables au début puis sables, limons et argiles ensuite. Les matériaux plus grossiers se déposent en amont. Jusqu’au XVIIIème siècle, le Rhône conserve un trajet en tresses comme tous les cours d’eau proches d’une intense zone d’érosion. Son lit évolue en permanence, les îlots de graviers se déplacent à chaque crue (cf. le dessin schématique de la figure 14). La plaine du Rhône est très marécageuse, régulièrement inondée et l’agriculture n’y est pas rentable (J-P Bravard, 1987). Seule l’exploitation du bois y est menée, entretenant l’instabilité des berges et du lit du fleuve. Les collines morainiques (drumlins) sont par contre exploitées en polyculture et les versants de la Montagne du Chat et du Mont Tournier – Parves, maintenant stabilisés, pour leur bois. Dent du Chat Sud Col du Chat Charvaz Le Rhône Gorges de la Balme Parves Figure 13 : Vue interprétative. Le Rhône forme des tresses autour d’îlots non fixes de graviers. Sa plaine n’est pas exploitable car trop marécageuse et à la merci des inondations. A partir du XIXème siècle, la morphologie du cours d’eau évolue en un style en méandres (cf. figure 15). Les divagations du lit du Rhône le font abandonner des méandres alors appelés lônes. A ces évolutions morphologiques naturelles s'ajoutent progressivement les impacts des interventions humaines (reboisement systématique des berges, endiguements au 19e siècle, voies de communications, etc). Même si le Rhône déborde toujours sur sa plaine pendant les crues, elle est maintenant exploitée en petites parcelles. Les lônes permettent de drainer une partie des débordements fluviaux, alors moins catastrophiques ce qui autorise l’extension urbaine dans la plaine. 16 Dent du Chat Sud Charvaz Col du Chat Le Rhône Gorges de la Balme Parves Figure 14 : Vue interprétative du Rhône et de ses méandres au XIXème siècle. Au XXème siècle, en 1982, la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), aménage un canal de dérivation avec un seuil au niveau de Lavours, dans l’Ain. Un nouveau Rhône est créé. Cette canalisation permet de maîtriser les crues et seules les crues exceptionnelles débordent du « Vieux Rhône » dont le trajet est maintenant fixé (cf. figure 16). L’exploitation de la plaine de Yenne se développe en grandes cultures aux dépens de l’exploitation forestière du Mont Tournier qui est abandonnée. Par contre, celle de la Montagne du Chat se perpétue. La plaine est aussi utilisée pour l’alimentation en eau potable des communes du canton. Les alluvions des anciens bras du Rhône contiennent une eau de bonne qualité protégée de toute pollution de surface grâce aux couches imperméables de limons et argiles sus-jacentes. Sur les communes du Nord du canton, la viticulture se développe et s’installe. S’y trouve maintenant un paysage de coteaux bien caractéristique. 17 Dent du Chat Sud Col du Chat Le Rhône Gorges de la Balme Charvaz Parves Yenne Figure 15 : Vue interprétative du Rhône dans sa configuration actuelle (et ce depuis 1982). 18 Conclusion Le façonnage du paysage de Yenne a donc débuté il y a 175 Ma. Les agents successifs se sont installés dans les structures laissées par les précédents : les glaciers sont passés par la zone fragilisée du fait du plissement alpin secondaire, le futur col du Chat. Les lacs postglaciaires se sont installés dans les surcreusements hérités des glaciers et le Rhône a tracé son cours d’eau dans la plaine vestige du lac de Yenne. Les structures déjà en place ont systématiquement influencé l’organisation des structures qui leur sont postérieures. C’est dans ce contexte que l'homme a commencé à modifier le paysage en fonction de ses activités. Nous l’avons vu, son aménagement le plus marquant est l'endiguement puis l'aménagement hydroélectrique (canal de dérivation) qui a le plus modifié la morphologie du canton. La plaine du Rhône est devenue économiquement rentable, de grandes cultures y sont apparues. L’exploitation forestière du Mont Tournier a perdu en rentabilité et la nature y a repris ses droits. Certains terrains, bien orientés se sont avérés propices à la culture de la vigne et ces vallons sont devenus de grands coteaux. Le développement des activités a demandé des voies de communications plus rapides et le Tunnel du Chat a été percé, ouvrant les échanges avec la vallée de Chambéry. 19 Eléments bibliographiques J-P Bravard (1987) ; Le Rhône, du Léman à Lyon. La Manufacture, 451p. S. Coutterand (2010) ; Études géomorphologiques des flux glaciaires dans les Alpes Nord occidentales au Pléistocène récent, du maximum de la dernière glaciation aux premières étapes de la déglaciation. Thèse de doctorat, Université de Savoie (EDYTEM), 468p. G. Nicoud (2003) ; Le lac du Bourget, un lac relique. La rubrique des patrimoines de Savoie, Hors série n°2 de juillet 2003, Conservation départementale du patrimoine, 24p. Le site Internet de M. Gidon : www.geol-alp.com Pour aller plus loin : Le site de S. Coutterand : www.glaciers-climat.com Site de l'atelier de géologie de l'Université Inter-Âges du Dauphiné (UIAD) : www.alpesgeo2003.fr Un site sur la morphologie glaciaire : www.paysagesglaciaires.net G. Nicoud, G. Monjuvent, G. Maillet-Guy (1987) ; Contrôle du comblement quaternaire des vallées alpines du Nord par la dynamique lacustre. Géologie alpine, mémoire hors série n°13, 12p. P. Gidon (1963) ; Géologie chambérienne : guide du géologue et de l’amateur. Annales du Centre de l’Enseignement Supérieur de Chambéry, 176p. F. Rémy (2007) ; Histoire de la glaciologie. Vuibert, 165p. J-R. Clocher (2003) ; Voyage d’histoire en pays de Yenne. Imprimerie Darantière (dijon), 215p 20