La « Belle juive », d’Ivanohé à la Shoah
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La « Belle juive » ne se limite pas à une simple beauté plastique, son charme singulier réside dans
sa puissante capacité d’évocation. Elle est triplement marquée par l’altérité en tant qu’orientale,
juive et femme.
Si on se penche sur ses origines, on peut constater qu’elle résulte d’une fusion de la grâce biblique
(le Cantique des cantiques) et des charmes brulants de l’orient auxquels il faut adjoindre cet espace
de relégation qu’est le ghetto.
La « Belle juive » est un paroxysme de la femme rêvée par les hommes du 1er XIXème siècle.
Plusieurs déclinaisons de la figure peuvent être différenciées : l’orientale sensuelle, la réprouvée,
la juive et son père, la courtisane et enfin la révolutionnaire.
La « Belle juive » est un assemblage allégorique tendant vers l’universel mais incarné dans une
figure de l’altérité.
Le début du XIXème siècle regarde les juifs comme il se dévisage lui-même prenant conscience
d’être à la croisée des chemins en des temps incertains.
L’épreuve du réel
L’épreuve du réel
La réalité des femmes juives est largement méconnue des romantiques ( Balzac, Hugo, Vigny,
Chateaubriand ), seuls deux auteurs s’extraient des clichés pour évaluer la beauté des femmes
juives : Beaudelaire et Lamartine.
Existe-t-il réellement une beauté spécifiquement juive ? Existe-t-il un type juif ?
Ces questions particulièrement sensibles suscitent un débat s’ordonnant autour de deux pôles
antagonistes : l’historiographie sioniste et sa réfutation.
Après les travaux de M. Bloch et de S. Sand, il apparaît aujourd’hui que l’existence d’un type juif
est une chimère , il n’y a pas de type juif car il n’y a pas de races humaines. Pourtant au XIXème
siècle, sous le poids conjoint des traditions chrétiennes puis des sciences racistes, s’est renforcée
l’idée que les juifs étaient dotés de caractères somatiques propres.
La figure de la « Belle juive » peut être observée dans l’univers des courtisanes parisiennes avec la
Païva mais elle s’incarne avec une certaine efficacité dans le monde des arts, là ou elle a été forgée
et c’est l’actrice Rachel qui en est le meilleur exemple. Sa réussite repose essentiellement sur son
immense et singulier talent, seul son regard correspond aux clichés habituels et son génie repose
incontestablement sur sa voix.
Rachel est un exemple d’intégration sinon d’assimilation, elles est une femme moderne, elle est la
première des « stars » : excentrique,fascinante,capricieuse, adorée par son immense talent. Elle n’a
pas d’héritière avant Sarah Bernardt sous la Troisième république.
Fin de siècle, fin de rêve
Fin de siècle, fin de rêve
Entre 1870 et 1914, les représentations de la « Belle juive » se métamorphose considérablement.
Dans l’atmosphère fin de siècle, l’offensive antisémite et les nouveaux paradigmes (racialisme,
figure de la femme fatale) mettent durement à l’épreuve la « Belle juive ».
D’emblée, le renouvellement du thème se place sous le signe de la femme fatale d’inspiration
biblique avec le personnage de Salomé qui va inspirer les peintres H. Regnault et G. Moreau ou les
écrivains (G. Flaubert et O. Wilde).
Cette inflexion brutale vers la femme fatale n’est pas spécifique aux figures juives en effet la
littérature de la seconde moitiè du XIXème siècle dit clairement que la femme fait peur, qu’elle est
cruelle, qu’elle peut tuer.
Moins universelle et plus juive, moins complexe et plus triviale, la « Belle juive » continue de
symboliser une autre altérité, celle d’un univers féminin de séductions et de dangers mêlés.
Salomé est la forme la plus aboutie de la femme fatale pour qui le champ des possibles n’existe
pas, c’est toute la différence avec le personnage de Judith, en proie à de puissants dilemmes.
Le fait marquant du second XIXème siècle est le succès de l’antisémitisme en tant que mouvement