148 Économie du climat – Partie III
déploiement des politiques climatiques, à moins de mettre en œuvre des compensa-
tions adéquates.
Du point de vue de la politique climatique, l’impact sur la compétitivité n’est pas
l’essentiel et doit être relativisé par le bilan global en termes de bien-être. Mais à cet
égard, l’impact sur la compétitivité a un effet secondaire qui peut remettre en cause
l’objectif même de réduction des émissions, ce qui constitue un risque bien plus im-
portant. En effet, le bilan net en termes de réduction des émissions doit non seulement
intégrer la baisse des émissions des établissements réglementés mais aussi l’augmen-
tation des émissions des établissements non réglementés. D’où cette notion de «fuites
de carbone». Pour mesurer ces fuites il faut aussi tenir compte du bouclage macro-
économique associé à l’inuence de l’évolution des prix relatifs dans l’ensemble de
l’économie. Par exemple, la baisse de la demande de combustibles fossiles de la part
des électriciens réglementés génère une baisse des prix de ces inputs, baisse qui va se
diffuser dans l’ensemble de l’économie. Les décisions d’investissement vont s’orienter
vers des équipements intensifs énergie fossile, ce qui va entrainer une consommation
accrue de matières fossiles et donc des émissions. Alors que le secteur électrique n’est
pas directement exposé à un risque de compétitivité, sa réglementation génère des
fuites indirectes de carbone.
Pour les économistes la notion de fuites de carbone englobe le risque de compétiti-
vité. L’enjeu sur les secteurs exposés n’est que l’un des facteurs générateurs de ces fuites.
Plusieurs questions se posent. Quel est le poids des secteurs exposés dans le phéno-
mène global de fuites de carbone ? Comment formaliser le lien entre perte de compé-
titivité et fuites de carbone ? Quelle forme indirecte va prendre le bouclage macroéco-
nomique pour générer des phénomènes de fuites via les changements de prix relatifs ?
Quelles politiques correctricespeut-on envisager et comment tester leur efcacité ?
Ce chapitre fait le point sur ces questions. La section 1 précise la notion de sec-
teurs exposés, notamment en revenant sur l’approche retenue par la Commission
Européenne. La section 2 présente la logique des modèles sectoriels, les indicateurs
permettant de formaliser le risque de compétitivité et les fuites de carbone dans ces
modèles, et introduit les principales mesures correctrices envisagées. La section 4
présente une revue critique des travaux sur la question à partir soit de modèles d’équi-
libre général (permettant de mesurer les effets directs et indirects des politiques), soit
à partir des modèles sectoriels (mesurant seul l’effet direct). On verra que les juge-
ments concordent pour dire que si l’impact sectoriel peut être élevé, l’impact global
sur l’économie est sans doute faible. Cette conclusion conforte l’idée selon laquelle
on devrait pouvoir avancer vers des politiques climatiques unilatérales faiblement
coordonnées si on était capable de trouver les moyens de désamorcer la «capacité de
nuisancepolitique» des secteurs exposés
1. Comment les secteurs exposés sont-ils identiés ?
Trois approches seront présentées : une première approche fondée uniquement
sur l’identication des industries les plus émettrices de GES et sur la plus ou moins
forte exposition à la compétition internationale de ces industries, une approche qui