Les compétences de consultant en urologie : une

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ARTICLE
DE REVUE
Progrès en Urologie (2001), 11, 1-7
Les compétences de consultant en urologie : une modélisation pour
l’enseignement et l’évaluation
Louis SIBERT (1), Bernard CHARLIN (2), Azzouz LACHKAR
Philippe GRISE
(2) Unité
(1),
Hubert BUGEL
(1),
Stéphane NAVARRA
(1),
(1)
(1) Service d’Urologie, Hôpital Charles Nicolle, Rouen, France,
de Recherche et Développement en Education des Sciences de la Santé (URDESS),
Faculté de Médecine, Université de Montréal, Montréal, Canada
RESUME
But : L'activité de consultation est un aspect majeur de la pratique urologique.
L'enseignement spécifique de cette activité est cependant peu développé. Le but de
cette étude a été d'établir une liste d'habiletés de consultation pour soutenir une
démarche planifiée et structurée d'enseignement et d'évaluation des compétences de
consultant en urologie.
Matériel et Méthode : Protocole qualitatif en 2 étapes : 1) Etablissement d'une liste
initiale de compétences à partir des données de la littérature 2) Soumission de cette
liste à une série de "groupes ciblés" (urologues, internes, médecins correspondants)
pour valider et affiner progressivement le modèle.
Résultats : Les items identifiés ont été classés en 3 listes distinctes : 1) connaissances
théoriques et 2) habiletés techniques spécifiques à l'activité urologique, s'exerçant
préférentiellement en situation de consultation, 3) habiletés interpersonnels concernant exclusivement la relation médecin consultant-médecin référent
Conclusions : La spécification consensuelle de ces habiletés permet ainsi de définir de
façon objective de stratégies d'enseignement et d'évaluation des compétences de
consultant en urologie.
Mots clés : Urologie, consultation, compétence clinique, évaluation.
L’activité de consultation est un aspect majeur de la
pratique médicale. On estime qu’elle occupe environ
un tiers de l’activité de soins en médecine interne [14].
Les demandes de consultations spécialisées de la part
des médecins de famille varient de 1,5 à 8% de leurs
visites [5, 15]. La croissance exponenti el le des
connaissances médicales conduit les médecins à interagir de plus en plus fréquemment avec leurs confrères
et les autres professionnels de la santé.
organismes d’accréditation ont récemment pris
conscience de l’importance de la compétence en
consultation, reconnue officiellement nécessaire à l’expertise médicale et à la prise de décision afin de
répondre de façon adéquate aux besoins communautaires et aux besoins individuels des patients [2, 21].
L'activité de consultation est également particulièrement importante en urologie, spécialité médico-chirurgicale. Cependant, son enseignement spécifique est peu
développé. Une étude menée au sein de notre service a
mis en évidence que seulement 1 patient sur 5 vu en
consultation était hospitalisé et pris en charge par les
internes, auxquels, une part importante de la pathologie
Maintes fois décrit dans la littérature [5], le processus
idéal de consultation est en pratique souvent pris en
défaut. Un désaccord sur le motif principal de consultation peut survenir dans 14% des cas [12]. Le compte-rendu de consultation ne parvient pas au médecin
référent dans 45% des cas [14]. L’efficacité de la
consultation est souvent altérée du fait d’un compterendu mal rédigé [8, 10, 11, 20, 26]. Des problèmes
relationnels et une mauvaise répartition des tâches
entre référent et consultant sont fréquents [6, 7]. Les
Manuscrit reçu : juillet 2000, accepté : septembre 2000
Adresse pour correspondance : Dr. L. Sibert, Service d’Urologie, Hôpital Charles
Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen Cedex.
e-mail : [email protected]
1
L. Sibert et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 1-7
urologique courante échappe ainsi au cours de leur cursus [28]. De plus, aucune étude décrivant le processus
de consultation au sein de notre spécialité n'a été à ce
jour rapportée.
logues libéraux), 1 groupe de 6 internes en urologie, 1
groupe de 6 médecins d'autres spécialités utilisateurs
de la consultation d'urologie (2 néphrologues, 1 interniste, 1 urgentiste, 1 gériatre, 1 gastro-entérologue) et 1
groupe de 6 médecins généralistes. Les groupes d'urologues et d'internes en urologie avaient pour objet de
tenter de définir les connaissances théoriques et habiletés techniques d'urologie semblant s'exercer de façon
préférentielle en situation de consultation. Le champ
d’investigation des groupes de médecins référents
devait se limiter à la relation référent-consultant.
Le but de cette étude a été d’établir un modèle d’habileté en consultation pour soutenir une démarche planifiée et structurée d’enseignement et d’évaluation des
compétences de consultant en urologie. Pour préciser
le rôle de consultant en urologie, nous nous sommes
arbitrairement limités à la spécification des habiletés
suivantes :
1) les connaissances théoriques,
Recueil et analyse des données
2) les habiletés techniques spécifiquement urologiques,
à travers lesquelles s'exercent les compétences de
consultant,
La construction du modèle de compétences a été réalisée selon un protocole de recherche de type qualitatif
[9], avec un processus d’enrichissement itératif des
données.
Les 4 petits groupes ont été réunis successivement. À
chaque début de séance, les limites du champ d'investigation du groupe étaient clairement précisées. Les
membres du groupe étaient tout d'abord invités à une
phase de réflexion suivie d’une génération personnelle et
par écrit d’items aussi exhaustive que possible. La liste
initiale issue de notre analyse de la littérature leur était
ensuite soumise dans un but de critique, de modification,
d’enrichissement ou de retrait d’items. La production
d'items non mentionnés sur la liste préliminaire a été
assez importante au cours de la première réunion. La production de nouveaux items a diminué au fur et à mesure
des réunions suivantes. Le processus a été arrêté quand
les groupes n'ont plus produit de nouveaux items. Nous
avons considéré que l'effet de saturation était atteint [17]
et que tous les items avaient été identifiés. Toutes les
données ont été recueillies par écrit et tous les groupes
ont été interrogés de façon indépendante.
Revue de la littérature
Les items identifiés ont été regroupés en 3 listes distinctes :
3) les compétences concernant exclusivement l’interrelation médecin référent médecin consultant. Bien que
le patient soit le rouage essentiel et central du processus de consultation, la relation avec le patient ne sera
pas abordée dans cette étude. Ce point fondamental est
largement débattu par ailleurs [6, 18] et fait partie du
vaste champ de la relation médecin-malade.
MATERIEL ET METHODE
a) Les habiletés cliniques et les connaissances théoriques s'exerçant de façon préférentielle en situation de
consultation.
Une liste initiale d’habiletés nécessaires à la pratique
de la consultation a été constituée à partir des données
de la littérature (Medline 1966-2000). Les mots clés
utilisés pour la recherche ont été les suivants :
"Consultation, consultation skill, referral and consultation, professional relationship, residency". Deux cent
dix références ont été extraites. Les références concernant des compétences spécifiques de spécialités médicales ont été écartées. N’ont été conservées que 23
références concernant exclusivement la relation référent-consultant.
b) Les habiletés techniques reconnues comme devant
être parfaitement maîtrisées par un bon consultant en
urologie.
c) Prenant en compte le cadre de la psychologie cognitive [29] nous avons regroupé les items concernant
exclusivement la relation médecin consultant-médecin
référent en 3 groupes : établissement du problème,
résolution du problème, gestion des résultats.
Les "groupes ciblés"
Nous avons utilisé la technique des petits groupes ou
"focus groups" [13] pour valider et affiner progressivement la liste initiale. Les participants de chaque groupe
ont été sélectionnés de manière a assurer la plus grande représentativité possible de tous les contextes de
pratique médicale concernés par le sujet. Les groupes
suivants ont été réunis : 1 groupe de 6 urologues (2 urologues universitaires, 2 urologues hospitaliers, 2 uro-
RESULTATS
Les habiletés cliniques et les connaissances théoriques
qui les sous-tendent, qui d'après les urologues et
internes interrogés, s'exerçant préférentiellement en
situation de consultation sont mentionnées sur le
Tableau 1. Les urologues interrogés ont finalement
estimé que le suivi des tumeurs urologiques traitées
2
L. Sibert et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 1-7
Tableau 1. Connaissances théoriques urologiques s’exerçant
préférentiellement en situation de consultation.
Tableau 2. Habiletés techniques reconnues comme devant être
parfaitement maîtrisées par un bon consultant en urologie.
Cancérologie
- Savoir effectuer une fibroscopie, une cytoscopie (diagnostique, biopsique, ablation de sonde).
Suivi clinique et para clinique des tumeurs urologiques
traitées :
bilan clinique, investigations complémentaires.
algorithme de surveillance
indications des modifications thérapeutiques.
- Savoir effectuer une échographie
vésicale pour mesure de résidus post-mictionnels et surveillance de tumeur superficielle de vessie.
rénale pour visualiser les cavités rénales.
prostatique pour mesure du volume et ponction-biopsies.
Andrologie
Troubles érectiles : diagnostic clinique, investigations
complémentaires, indications thérapeutiques, modalités de surveillance.
- Technique des instillations de chimiothérapie intra-vésicale pour
tumeur superficielle de vessie.
Hypofertilité masculine : examen clinique, stratégie
d’exploration et de traitement.
- Technique de l’examen urodynamique.
- Technique des injections intra caverneuses de drogues vaso-actives.
- Lithotripsie intra corporelle.
Incontinence urinaire
- Gestion du matériel ambulatoire.
Prise en charge initiale : diagnostic clinique et appréciation du retentissement organique et psychosocial.
Tableau 3. Compétences de consultant concernant exclusive ment la relation médecin consultant-médecin référent.
Stratégie d’investigations complémentaires, indications
et interprétation du bilan urodynamique.
Indications thérapeutiques.
Etablissement du problème
Hypertrophie Bénigne de la Prostate (HBP)
1) Identifier et clarifier le motif de consultation.
a) Identifier le problème essentiel posé par le référent.
b) Vérifier s’il convient d’élargir le problème.
Prise en charge initiale : diagnostic clinique, stratégie
d’investigations complémentaires.
2) Prendre en compte les caractéristiques du médecin demandeur.
a) Niveau de connaissance vis-à-vis du problème.
b) Besoin de connaissance nécessaire à la prise en charge du
patient.
c) Ressources techniques dont il dispose.
Modalité de surveillance d’une HBP traitée.
Infections uro-génitales basses
Stratégies d’explorations et de traitement.
3) Etablissement du degré d’urgence.
était plus spécifique à l'activité de consultation que le
diagnostic initial qui pouvait survenir avec une égale
fréquence en situation d'urgence et qui nécessitait un
examen histologique et donc une hospitalisation dans la
majorité des cas. Une réflexion similaire a été menée
pour la prise en charge de l'hypertrophie bénigne de la
prostate. La prise en charge initiale des troubles mictionnels de la femme et l'activité d'andrologie ont été
reconnues de façon plus consensuelle comme s'exerçant le plus souvent en ambulatoire.
Résolution du problème
4) Valider les informations données par le référent.
5) Processus habituel de résolution du problème médical.
Gestion des résultats
6) Choix du moyen de communication adapté au degré d’urgence.
7) Langage adapté au référent.
8) Compte rendu bref, avec des recommandations précises, peu nombreuses et détaillées.
9) Relation avec le référent :
a) Basée sur le respect mutuel.
b) Répondre au problème posé.
c) Enseigner avec tact.
d) Sans dépasser les limites de son champ d’expertise.
e) Respect du rôle de chacun dans la prise en charge du
patient.
Concernant les habiletés techniques requises pour un
bon consultant d'urologie (Tableau 2), un consensus
s'est dégagé pour englober de façon exhaustive tous les
gestes techniques pouvant être pratiqués en ambulatoire. Les gestes techniques ainsi mentionnés vont de
l'exécution d'une simple fibroscopie, jusqu'à la réalisation d'une lithotripsie extracorporelle. Les participants
ont voulu préciser de façon unanime, que cette liste ne
prenait en compte que la réalisation effective du geste
proprement dite sans prendre en compte son indication.
Ces indications rentrant plus dans le cadre des connaissances théoriques urologiques.
tion, prendre en compte les caractéristiques du médecin
demandeur, établir le degré d'urgence de la demande,
valider les informations données par le référent, processus habituel de résolution du problème médical,
adapter le moyen de communication au degré d'urgence, langage adapté au référent, compte rendu bref et
précis, respect du rôle du référent dans la prise en charge du patient. La liste ainsi ordonnée est présentée sur
le Tableau 3.
Les principales compétences identifiées concernant la
relation médecin consultant-médecin référent sont les
suivantes : identifier et clarifier le motif de consulta-
3
L. Sibert et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 1-7
2) Le consultant doit avoir connaissance des caractéristiques du référent tout autant que la question posée. 2
médecins s’occupant du même patient peuvent avoir
des préoccupations différentes vis-à-vis du problème
selon leurs champs d’expertise, leurs niveaux et leurs
besoins de connaissance vis-à-vis du problème, les
moyens techniques dont ils disposent pour la prise en
charge ultérieure du patient. Le consultant résoudra le
problème et formulera ses résultats différemment selon
qu’il s’adresse à un référent qui ne connaît pas le problème et qui demande une prise en charge spécialisée
ou qu’il s’agisse d’un autre spécialiste qui pose une
question plus précise.
DISCUSSION
Les connaissances théoriques et habiletés techniques urologiques
Les progrès récents en urologie, notamment dans les
traitements purement médicaux ou non-invasifs, associés au vieillissement général de la population ont
contribué au développement de l'activité ambulatoire et
médicale en urologie. De très nombreuses procédures
diagnostiques et thérapeutiques sont maintenant couramment réalisées en ambulatoire. L'acquisition de ces
habiletés cliniques et de ces compétences cliniques sont
maintenant requises pour la compétence clinique en
urologie. Deux points de débat sont à souligner : Les
habiletés mentionnées ne sont pas forcément exclusivement spécifiques à l'activité de consultation, mais du
fait de l'évolution des pratiques, elles pourraient représenter, de façon consensuelle, un "contenu" en urologie, à travers lequel s'exercent les compétences de
consultant. Le second point de discussion est que l'activité technique ambulatoire est tributaire des structures
et du mode d'exercice et du matériel disponible. De ce
fait, il est clair que les listes proposées ne sauraient être
considérées que comme une base de réflexion. La
confrontation avec les autres modes de pratique de
l'urologie devrait permettre de modifier, d'enrichir et de
préciser le modèle proposé.
3) Le consultant doit déterminer le caractère urgent ou
non de la demande d'avis spécialisé, pour une prise en
charge adéquate, mais aussi pour juger du délai approprié de la date de consultation et de la transmission des
résultats. Une inadéquation entre un besoin urgent et
une date de consultation trop éloignée, des résultats
transmis trop tardivement nuisent au patient et aux
relations consultant-référent [7]. Le consultant doit
savoir accélérer le processus de consultation et être
soucieux du bon fonctionnement de son secrétariat
pour éviter les problèmes de communication ou des
délais de consultation inappropriés [7, 14, 16].
Plusieurs participants au sein des petits groupes de
médecins référents ont souligné les délais de consultation parfois trop importants pour des problèmes d'hématurie macroscopique, de lithiase urinaire symptomatique ou encore de cystite à répétition.
Les habiletés médecin consultant-médecin référent
La capacité de communiquer et de collaborer avec les
autres professionnels de santé doit faire partie des standards de pratique pour les urologues comme pour les
autres spécialités médicales [2, 21]. Dans une perspective aussi bien d'enseignement que de formation continue, il est nécessaire d'avoir une perception très claire
des composantes de cette compétence. Notre expérience au cours des «groupes ciblés» laisse apparaître que
les items de ce modèle étaient utiles en situation d’enseignement et d’apprentissage, il convient néanmoins
de les expliciter.
4) et 5) Le consultant ne doit pas se contenter de simplement valider les informations données par le référent aussi pertinentes soient-elles. Il est prouvé que 2
médecins d’égal es compétences parviendront aux
mêmes conclusions s’ils se basent sur les mêmes données. De plus, seulement 9% des consultations sont
motivées pour une interprétation complémentaire de
données déjà existantes [12]. L'urologue doit prendre la
peine d’interroger et d’examiner à nouveau le patient,
de revoir à nouveau les examens complémentaires pour
éventuellement compléter les investigations s’il le juge
nécessaire [15, 23, 24]. Seule cette démarche systématique et structurée de résolution de problème non spécifique à la consultation permettra une nouvelle interprétation diagnostique et des propositions thérapeutiques pertinentes [7, 8].
1) L’identification du motif précis de consultation doit
être le premier souci du consultant. L’absence de question spécifique de la part du référent [23], le désaccord
sur le motif de consultation [12] diminuent l’efficacité
de la consultation [7, 15]. Il a été démontré que l'impact
du consultant sur le problème posé est significativement corrélé avec la spécificité de la question posé par
le médecin référent [14]. L'urologue consultant doit
aussi contrôler la présence d’éléments ne motivant pas
la consultation mais qui peuvent influencer sa prise de
décision diagnostique ou thérapeutique, par exemple,
des symptômes dont le patient ne se plaint pas mais qui
peuvent être significatifs dans l’évolutivité de la maladie, les pathologies associées, les antécédents médicaux ou chirurgicaux, les traitements en cours.
6) et 7) Le consultant doit savoir adapter son moyen de
communication aux caractéristiques du référent et à la
gravité du problème. La communication des résultats
de la consultation et des recommandations du spécialiste est un aspect essentiel du processus de consultation mais peut souvent être pris en défaut [5, 12, 14,
16]. Le compte-rendu écrit est le mode de communication le plus couramment utilisé [19]. Cependant dans
certaines situations urgentes ou graves, le contact oral
4
L. Sibert et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 1-7
et direct, même par téléphone est plus productif qu'une
simple lettre. Une étude de l’activité d’un cabinet de
médecine de famille pendant 6 mois a montré que la
transmission de l’information après consultation spécialisée ne se faisait de façon adéquate que dans 62%
des cas, avec une différence significative si le spécialiste exerçait en secteur public (59%) ou en secteur
libéral (78%) [5]. Le consultant doit comprendre qu’il
est directement responsable vis-à-vis du référent de la
bonne transmission de ses conclusions [5, 14, 16].
Les 2 praticiens se doivent d’être complémentaires
dans leurs actions vis-à-vis de leur patient commun et
sont tous les 2 responsables de la bonne continuité des
soins [6, 25]. Des recommandations de prise en charge et de suivi sont maintenant diffusées par de nombreuses sociétés savantes, notamment en urologie, pour
informer les médecins traitants sur les situations ou il
est préférable de recourir à un avis spécialisé. Ce processus ne peut être qu'encouragé pour améliorer la
prise charge des patients et répondre le mieux possible
aux besoins de santé de la société.
8) Le compte-rendu doit obéir à des règles précises
pour une efficacité optimale de la consultation. Il doit
être bref et facile à lire, débuter par le motif de consultation, orienté sur ce motif et aller à l’essentiel. Si les
points clés sont noyés dans un excès de détails, l’impact de la consultation s’en trouvera diminué [7]. De
nombreux auteurs ont étudié les facteurs de compliance et d’efficacité de la consultation médicale spécialisée et un consensus se dégage clairement sur les facteurs prédictifs d’une meilleure adhésion vis-à-vis des
recommandations du consultant : les recommandations
sont significativement plus suivies si elles sont peu
nombreuses, inférieures ou égales à 5 [20, 26], jugées
cruciales pour la prise en charge du patient, plutôt que
simplement suggérées [10, 26], d’ordre thérapeutique
plutôt que diagnostique [10, 20, 26]. Les recommandations thérapeutiques sont plus suivies lorsqu’elles sont
détaillées, avec le nom précis des drogues, leurs posologies, la durée du traitement, les modalités de surveillance, d’arrêt du traitement, les possibilités de
changement, les effets indésirables et leurs traitements
[8]. Dans ses recommandations, le consultant se doit
d’anticiper les problèmes évolutifs, les notifier au référent et l’informer brièvement des options thérapeutiques possibles en cas de besoin [7].
La consultation peut être une forme intéressante de formation médicale continue pour le référent à condition
que cette formation se fasse avec tact et courtoisie, sans
mettre en infériorité le référent vis-à-vis de son patient.
En pratique il semble possible de communiquer discrètement au référent une à deux références sur le problème posé, si possible issues de revues auxquelles le
médecin traitant n’a habituellement pas accès [7, 15].
Tous ces items concernant la relation urologue consultant et médecins référents ne sont pas directement
observables. Cependant, elles sont apparues à l'ensemble des participants à notre étude qu'elles étaient
cruciales pour que le processus de consultation réponde aux standards de pratique de la profession médicale.
Ce travail représente la première étude qualitative sur
les compétences de consultants en urologie jamais
publiée et ses limites sont bien établies. Il est toujours
possible d'argumenter sur le caractère exhaustif et spécifique à la consultation de la liste d'items d'habiletés
cliniques et techniques individualisés lors des petits
groupes. De plus, cette liste de compétences ne reflète
que les opinions et les pratiques d'un seul centre. De ce
fait ce modèle manque de validation externe et ne peut
pas être généralisé. Néanmoins nos résultats méritent
considération. Cette étude a prouvé la faisabilité et l'utilité des "groupes ciblés" pour identifier des objectifs
d'apprentissage et d'enseignement appliqués à l'urologie. Plusieurs éléments semblent en assurer la fiabilité.
Tous les internes participants ont reconnu leur besoin
d'enseignement spécifique de ce domaine de la pratique
urologique. Les urologues et les médecins référents participants sont représentatifs des différentes aires de pratiques médicales concernées par la consultation en urologie et ont été questionnés de façon indépendante.
9) L’établissement d’une bonne relation avec le médecin référent est indispensable à l’efficacité du processus de consultation. La transmission des recommandations du spécialiste au médecin référent dans une
atmosphère positive de respect mutuel et sans condescendance a un impact positif prouvé sur l'efficacité de
la consultation [6]. Le consultant doit connaître les
limites de son champ d’expertise et éviter l’ingérence
dans les problèmes médicaux ne relevant pas directement de son expertise particulière. [7, 15, 25]. Il doit
être soucieux de ré-adresser le patient à son médecin
traitant. Cette non-ingérence en dehors de son champs
d’activité est importante pour la coordination des soins
vis-à-vis du patient.
Il est clair qu’au cours de leur formation les internes en
urologie doivent acquérir de nouvelles aires de compétences spécifiques à la consultation. Notre étude amène
à s'interroger sur les moyens d'enseignement et d'évaluation des habiletés et connaissances requises pour un
bon consultant en urologie. Sur le plan pratique, l'établissement de ce modèle de compétences a entraîné un
changement significatif dans les stratégies de formation et d'évaluation formative des internes au sein de
notre établissement : Une consultation pour les
Un désaccord est toujours possible concernant un diagnostic, un traitement, le besoin d'un autre spécialiste.
Le consultant doit faire preuve de diplomatie et de qualités de négociateur, en évitant les critiques ouvertes
devant le patient, vis à vis des propositions du médecins traitant [3, 4].
5
L. Sibert et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 1-7
8. HORWITZ R.I., HENES C.G., HORWITZ S.M. Developing strategies for improving the diagnosstic and management efficacy of
medical consultations. J. Chronic Dis., 1983, 36, 213-218.
malades non programmés est assurée quotidiennement
par les internes. Ils sont fortement incités à assister
régulièrement aux consultations des seniors de l'équipe
au cours de leur semestre. Un "guide pratique de l'interne en urologie" avec arbres décisionnels et algorithmes de suivi a été rédigé et diffusé. Les internes
assurent des présentations orales de dossiers de consultation à chaque réunion de service. La validité et la fiabilité de l'utilisation de patients simulés pour évaluer
les compétences relationnelles et de consultations ayant
largement été démontré par ailleurs [1, 22], des problèmes cliniques de consultation ont été développés
pour l'évaluation formative des internes [27, 28] par
examen clinique objectif structuré
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En conclusion, malgré ses limites méthodologiques
reconnues (habiletés théoriques et techniques ne reflétant que le contexte de pratique d'un seul centre), ce
modèle de compétences de consultation établi en urologie devrait pouvoir être appliqué dans d'autres disciplines médicales et être utilisable pour tout médecin en
situation d'enseignant, au niveau des études médicales,
de l'internat et en formation continue. D'autres études
sont nécessaires pour assurer la validation externe de
modèle au sein de la communauté urologique et pour le
valider dans d'autres spécialités médicales. Néanmoins,
l'urologue, comme les autres praticiens, doit prendre
conscience qu'il doit être capable, quel que soit son cursus ou son niveau de formation, d’agir à titre de référent et de consultant. Il devrait avoir compris et démontré l’importance de la coopération et de la communication avec ses confrères. Il répondra ainsi pleinement
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P. Initial experience of an Objective Structured Clinical Examination
in evaluating urology residents. Eur. Urol., 2000,37,621-627.
Material and Me thod: Two-step qualitative protoc ol: 1)
Establishment of an initial list of skills based on data of the lite rature; 2) Submission of this list to a series of "focus groups"
(urologists, interns, referring physicians) in order to validate
and progressively refine the model.
29. TARDIF J. Pour un enseignement stratégique : L’apport de la psychologie cognitive. Montréal, Logique-écoles, 1992.
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Results: The items identified were classified into 3 distinct lists:
1) theoretical knowledge, 2) technical skills specific to urology,
predominantly performed in the consulting setting, 3) interper sonal skills exclusively concerning the consultant-referring phy sician relationship.
SUMMARY
Consultancy skills in urology: a model for teaching and evaluation
Objective: Consultation activity is an important aspect of urolo gical practice, but the specific teaching of this activity is under developed. The objective of this study was to establish a list of
consultancy skills as a basis for a planned and structured
approach to teaching and evaluation of consultancy skills in
urology.
Conclusions: The consensual specification of these skills can be
used to objectively define teaching and evaluation strategies for
urology consultancy skills.
Key-Words : Urology, consultancy, clinical competence, evalua tion.
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