24 octobre 2016 LES DÉFIS DE LA SANTÉ AUGMENTÉE

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OCTOBRE 2016
LES DÉFIS DE LA SANTÉ AUGMENTÉE
Comment les objets et services de santé connectée
améliorent la prise en charge médicale ?
Le marché de l’Internet des objets a été évalué sur le seul marché chinois à 365 milliards de dollars
en 2020. D’autres études rappellent le le prépondérant que représenteront les applications de
santé au sens large dans ce marché, évaluées à plus de la moitié, voire les deux tiers. Quelles sont les
perspectives « opérationnelles » que nous pouvons attendre des innovations à l’œuvre et à venir ?
Nous en retiendrons quatre, détaillées par Éric Sebban, président fondateur de Visiomed Group, mais
également auteur de l’ouvrage Santé connectée : demain, tous médecins ?, dont est sous-titre
toutefois plus nuan: Une révolution par les professionnels de santé, pour les patients.
LA CONVERGENCE DES OUTILS ET SES CONSÉQUENCES
Les objets que nous fabriquons aujourd’hui vont devenir de plus en plus petits. La miniaturisation à
laquelle nous assistons est époustouflante et va nous conduire vers des dispositifs connectés, qui
seront placés à l’intérieur de l’organisme pour pratiquer directement l’automesure. Le corps
deviendra connecté, et les objets ne lui seront plus « extérieurs ». Après l’étape de la miniaturisation
viendra celle de la « disparition » progressive des devices (appareils) médicaux qui seront de plus en
plus intégrés au corps, ingérés ou greffés et gérés par des plateformes.
Dans le même esprit, le processus de convergence des devices, comme des services, est déjà engagé.
Ainsi le Bewell Connect constitue une seule application mais qui permet de gérer 15 dispositifs
médicaux différents. Sa porte d’entrée unique permet à son utilisateur de surveiller ses constantes,
de disposer s’il le souhaite d’un pré diagnostic, et même d’être directement mis en relation avec un
professionnel de santé. Ainsi demain, une seule porte d’entrée donnera accès à des fonctions de
contrôle, mais aussi de collecte des données, d’interprétation de ces données et de formulation de
solutions.
Après l’étape de la miniaturisation viendra celle de la « disparition » progressive
des devices médicaux, qui seront de plus en plus intégrés au corps, ingérés ou greffés
et gérés par des plateformes.
Éric SEBBAN
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UNE AUTRE IDÉE DE LA SANTÉ
Visiomed Group est un leader français de l’électronique médicale nouvelle génération. Le
laboratoire développe et commercialise des produits de santé innovants dans les domaines
porteurs de l’autodiagnostic à usage médical et du bien-être.
L’histoire de l’entreprise a débuté en 2004, trois ans avant sa création effective, sur un constat : le
manque évident sur le marché de la santé d’un thermomètre simple d’utilisation, rapide, précis et
non invasif. Ce produit n’existait pas dans l’univers médical et ce n’est qu’à l’issue de trois années
de recherche et développement que le ThermoFlash est né. Le premier thermomètre sans
contact avec résultat instantané (28 millisecondes) repose sur la technologie infrarouge associée à
un développement de logiciel (un algorithme spécifique) permettant de fiabiliser les informations
et de les mémoriser. Il est commercialisé à partir de 2007, date de création de Visiomed Group,
qui poursuit son innovation en développant une gamme de produits de puériculture. En 2013,
l’entreprise compte 92 produits innovants en portefeuille.
Cotée en Bourse depuis 2011, Visiomed Group a investi dès 2009 un nouveau terrain
d’investigation : celui de la santé connectée et crée l’application Bewell Connect en 2014.
L’application BewellConnect permet de synchroniser tous les appareils connectés de la marque
Bewell Connect (tensiomètre, lecteur de glycémie, balance, oxymètre de pouls…), de se créer
(ou de créer pour ses proches) un profil santé personnalisé et d’avoir accès à des services
premium, pour suivre, accompagner, ou alerter, les utilisateurs, de façon simple, précise et fiable.
On peut aussi légitimement penser que la convergence des objets et des services concernera toute la
chaîne de soins, et donc également l’industrie de la délivrance du médicament : les pharmaciens, la
logistique, etc. jusqu’au domicile du patient. Tout ce processus s’organisera à partir d’un point
d’entrée unique, et cette convergence facilitera le parcours de santé des patients. L’on assiste déjà
en Angleterre, au Portugal ou en Europe du Nord à un usage très croissant de la e-prescription et de
la e-delivrance. C’est tout un pan de la révolution de la santé connectée, qui vient compléter la
miniaturisation des objets, l’intégration plus poussée des services à travers un parcours du patient de
plus en plus dématérialisé, du diagnostic à la délivrance de la prescription.
« La convergence conduit à des applications uniques de services intégrés à des plateformes,
qui vont-elles-même conduire à la disparition progressive des devices. » (Éric Sebban)
L’EXTENSION DE LA CHAÎNE DE SOINS ET LA CONSULTATION « LENTE »
Demain, le triptyque patient/médecin/pharmacien s’étendra pour intégrer tous les aidants : aides-
soignants, infirmiers et autres kinésithérapeutes et diététiciens, qui constituent l’environnement réel
des patients. L’individu deviendra en même temps le véritable « acteur de sa santé » : équipé de ses
objets connectés, le patient pourra facilement relever ses constantes, au besoin avec l’aide de son
aidant ou de son aide-soignant.
En amont de la chaîne de soins, le temps libéré par la prise de constantes (fait-on réellement dix ans
d’étude pour prendre la tension ?) pourra être réalloué à la véritable pratique médicale : que ce soit
celle du spécialiste expert qui ne sera consulté que pour son domaine de spécialité, ou celle du
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médecin généraliste qui disposera ainsi de plus de temps pour renouer le dialogue durant ses
consultations.1 « On a beau tout avoir sur Internet et prétendre tout comprendre. Mais nous aurons
toujours besoin d’un professionnel qui remette en perspective ce qui arrive. C’est ça, le rôle
fondamental du médecin, un rôle qui est en train d’être perdu, sous la pression de la technologie et
de la vitesse de consultation. Il faut de la médecine lente », rappelle le professeur Guy Valencien.
Le médecin, tout particulièrement le généraliste, redeviendra le conseiller et référent qu’il doit être.
« La chaîne de soins sera bouleversée : elle sera plus longue, plus efficace et plus valorisante
pour chacun des acteurs dont la che correspondra réellement à ses compétences. » (Éric
Sebban)
UNE PRATIQUE PLUS ORIENTÉE VERS LE PATIENT
Le rôle du patient sera également plus déterminant. L’ergonomie et la prise en compte des usages,
des habitudes et, au-delà, des souhaits des utilisateurs sont essentielles pour innover et imaginer des
objets utiles et efficaces. Le patient qui deviendra ainsi une sorte de « patient expert » sera intégré
beaucoup plus en amont dans les processus de recherche et de développement des applications, des
objets ou des services de santé connectée. L’observation des usages personnels, la reconnaissance
des parcours et l’écoute permettront de proposer des objets et des services plus efficients,
notamment au plan médical.
« Le patient expert sera de plus en plus intégré, en amont, dans la conception des objets et
des services de santé, tout comme cela commence déjà à être le cas dans l’industrie du
médicament. » (Éric Sebban)
UNE MÉDECINE RÉSOLUMENT PLUS PRÉDICTIVE
Cela grâce notamment à l’apport de la génomique
Le potentiel des objets et des services de santé connectés est absolument extraordinaire, en tout
premier lieu pour détecter l’apparition de facteurs prédictifs précoces notamment dans les
pathologies chroniques. Tout l’enjeu de la médecine est d’être un jour capable de détecter les
pathologies en amont, bien avant la manifestation de leurs premiers symptômes. Cet extraordinaire
potentiel doit être conjugué aux progrès actuels de la génomique et du séquençage génétique pour
donner une idée de ce que sera la médecine de demain. Il a fallu treize ans, de 1990 à 2003, et trois
milliards de dollars pour décrypter les trois millions de paires de nucléotides, les « lettres » qui
composent l'ADN humain. Aujourd'hui, les machines les plus performantes permettent de réaliser la
même opération en quelques heures pour moins de 1 000 dollars, et certains laboratoires annoncent
pour bientôt un prix de 200 ou 300 dollars
« Il sera bientôt possible de visualiser les risques pesant à dix, vingt ou trente ans sur chacun
des individus en fonction de leurs prédispositions (recueillies par le séquençage) et de leurs
habitudes de vie (alimentation, consommations d’alcool, de tabac, etc.), précisément
mesurées grâce aux objets connectés. » (Éric Sebban)
1 La durée moyenne d’une consultation est d’une quinzaine de minutes, dont la moitié environ est allouée aux
prises de constantes.
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QUELS RÉSULTATS CLINIQUES ?
L’EXEMPLE DE CARDIAUVERGNE DANS LE SUIVI DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
L’insuffisance cardiaque chronique, première cause d’hospitalisation après 60 ans, garde parmi
toutes les pathologies un des pronostics les plus défavorables. Conscient de cet enjeu majeur de
santé publique, l’Agence régionale de santé d’Auvergne a décidé, à l’automne 2010, de soutenir la
création de Cardiauvergne pour coordonner les soins des patients atteints d’insuffisance
cardiaque. 2 000 patients insuffisants cardiaques (les cas les plus graves) profitent depuis lors du
programme de surveillance et de coordination des soins. Chaque patient est doté d’une balance
et d’un tensiomètre. Ses constantes sont contrôlées à distance chaque jour. Le programme
coordonne le suivi et la prise en charge des patients entre les divers intervenants. Il prend
également en charge l’éducation thérapeutique des patients et de leurs aidants.
Les sultats obtenus confirment et même améliorent ceux issus d’expérimentations plus
anciennes, conduites dans d’autres régions, notamment en Lorraine, à savoir : une diminution de
50 % des ré-hospitalisations, un allongement du délai entre deux hospitalisations (de 90 jours à
214 jours), une diminution de 50 % de la mortalité ; ce qui représente une diminution des coûts
pour la société de 45 % par patient et par an et surtout une amélioration de la qualité de vie des
patients. Cardiauvergne, le CHU de Clermont-Ferrand et la CPAM d’Auvergne sont actuellement
en train de mettre en place un protocole d’étude avec pour objectif de fournir des résultats
cliniques certifiés.
Toujours dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, le programme de télé-suivi Cordiva, réalisé en
Allemagne auprès de 16 000 patients, a démontré une diminution des coûts de 955 euros par patient
et par an, avec également une réduction du nombre des hospitalisations de 41 % pour les
hospitalisations pour cause cardio-vasculaire et de 28 % pour les hospitalisations pour toute cause.
Dans un autre domaine, celui de la cancérologie, le docteur Fabrice Denis, spécialiste du cancer du
poumon à l'Institut interrégional de cancérologie Jean Bernard au Mans, a présenté à la conférence
annuelle de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO), organisée à Chicago en juin dernier, une
application mobile inédite permettant de proposer des soins plus tôt aux patients atteints d'un
cancer avancé du poumon : au terme de cette expérimentation, la survie moyenne des 133 patients
de l’étude a été de 19 mois, au lieu de 12 mois dans le groupe témoin recevant un suivi médical
standard. La qualité de vie des patients utilisateurs de l’application Moovcare a également été jugée
meilleure. Si cette approche confirme l'importance d'améliorer la communication entre le médecin
et le patient, elle participe également à l’ouverture d’une nouvelle ère dans le suivi médical, mettant
les patients en contact continu avec leur cancérologue.
Rien ne s’opèrera en France dans le domaine de la médecine connectée
tant que l’acte médical n’aura pas été valorisé.
Les médecins face à la médecine connectée Ce sont souvent encore les patients qui digitalisent les
médecins ; la médecine connectée reste surtout plébiscitée par les patients. Mais les choses sont
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tout de même en train d’évoluer et de plus en plus de généralistes réintègrent leur rôle de
prescripteurs en la matière. Les diagnostics réalisés par le biais de dispositifs médicaux connectés ne
sont non plus jamais que des orientations, assorties d’un degré d’urgence. Elles fonctionnent comme
des plateformes de tri.
En attendant une possible prise en charge par les mutuelles de complémentaire santé, ce sont
aujourd’hui les patients qui prennent en charge tous les coûts du service : les dispositifs médicaux,
leur abonnement à la plateforme, l’appel au médecin (environ 14 euros pour avoir un médecin
disponible 24h/24, 7 jour/7, partout dans le monde) : en France, où l’Assurance maladie reste
extrêmement généreuse, les attraits des services numériques sont évidemment moins probants
qu’ailleurs. C’est dommage car c’est donc ailleurs, la santé coûte très cher mais également
l’offre médicale est moins développée, que la médecine connectée est en train de s’ancrer. Et rien ne
s’opèrera en tout cas en France tant que l’acte médical n’aura pas été valorisé. Peut-être sera-t-il
utile de préciser ici que la société Bewell Connect Corp., à travers laquelle le groupe Visiomed
ambitionne de devenir le leader de la santé connectée, a été créée à Boston aux États-Unis. Si la
première version des applications Bewell Connect a été réalisée en 2015 et les premiers services
associés, Bewell Checkup et MyDoc , n’ont eux-mêmes été lancés que but 2016, suivis des
premiers accords de partenariat avec des acteurs reconnus de la santé connectée, du big data et des
télécommunications ; il faudra donc attendre au moins fin 2016 pour avoir un aperçu plus exhaustif
des marchés les plus prometteurs, tant en termes géographiques que médicaux (des pathologies.
***
La santé connectée renferme un immense potentiel d’innovation positive, mais qu’il nous faut
encore libérer : cela repose essentiellement sur la capacité que les industriels témoigneront pour
convaincre les professionnels de santé et les patients d’y adhérer. En France, la politique suivie reste
ici plus que timorée. Selon Éric Sebban, une première feuille de route devrait être établie, visant
prioritairement quatre objectifs :
1. le Remboursement des solutions efficaces ;
2. la Rémunération des professionnels de santé ;
3. la Responsabilité des professionnels de santé ;
4. la Régulation.
Une gouvernance urgente est à mettre en œuvre pour consolider la filière. Mais le décret relatif à la
télémédecine s’est perdu sur le bureau de la Ministre et les industriels attendent toujours les
précisions réglementaires sur le téléconseil et la téléconsultation, indispensables à l’élaboration de
nouveaux objets et services.
Martine LE BEC
rédactrice en chef de la revue Prospective Stratégique
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