Douglas Farrow, Chaire des Études Catholiques Kennedy Smith de

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RASSEMBLEMENT DES CHRÉTIENS 2015
Chrétiens de toutes dénominations, orientaux et occidentaux, persécutés ou favorisés, ici ou ailleurs
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Traduction provisoire du discours de Douglas Farrow, Chaire des Études Catholiques Kennedy Smith, de
l’université Mc Gill,Parc Ahuntsic, le samedi 20 juin 2015. RJG
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« Nous sommes réunis ici pour montrer notre solidarité avec nos frères et
sœurs persécutés dans le monde entier, et pour nous encourager les uns les autres à
assumer nos responsabilités comme chrétiens dans notre propre société. Ces deux
objectifs sont reliés.
Une première manière d’être liés, plutôt triste, c’est que nos frères et sœurs
vivants dans des contrées où le chaos et la violence règnent, n’ont pas vraiment la
chance de pouvoir influencer leur monde, bien qu’ils aient dû tout abandonné, leur
demeure, leur travail, et jusqu’à leur vie, pour rester fidèles au Christ. Tandis que nous,
qui avons toutes les chances de pouvoir faire quelque chose, nous ne bougeons pas
vraiment. Nous sommes trop occupés à nous divertir, à profiter de la paix qui continue
de prévaloir chez nous pour nous demander si et comment cette paix pourra durer, ou
de savoir si et comment elle pourrait devenir une occasion de servir le bien des autres à
côté de nous. Ils ont besoin de nos prières afin que la perte de la paix extérieure puisse
renforcer leur paix intérieure. Nous avons besoin de leurs prières afin de ne pas être
détruit intérieurement par notre paix extérieure.
Une autre manière, plus joyeuse, selon laquelle les deux thèmes sont liés
est que si nous influençons notre propre monde pour le Christ, nous pouvons aussi
espérer, par nos prières et nos dons, influencer leur monde. L’Ouest a beaucoup de
ressources. Si seulement il avait la volonté, le courage et la générosité de se montrer
solidaire des peuples ravagés par le soi-disant État islamique et autres forces du mal et
de la souffrance, cela pourrait faire beaucoup plus que ce qui se fait maintenant.
Dans son encyclique Laudato Si’, le pape François indique que nous
n’avons pas la volonté de faire face aux croissantes crises environnementales parce que
nous n’avons pas la culture morale, la lumière morale, la fibre morale pour nous
attaquer à la racine des problèmes, lesquelles sont d’abord et avant tout spirituelles.
Nous ne considérons pas ce que nous avons comme un cadeau, ni n’en sommes
reconnaissants le moins du monde. C’est notre manque d’attentions aux deux grands
commandements, l’amour de Dieu et l’amour du prochain, qui nous entraîne à ne pas
avoir de respect pour notre environnement non plus. On pourrait ajouter que c’est le
même manque d’attention à ces deux grands commandements qui provoquent notre
paralysie en face de ces idéologies pernicieuses, lesquelles sont exploitées en haut lieu
et conduisent à l’effondrement de l’ordre et de la paix civiles.
On m’a demandé de parler de notre responsabilité ici, chez nous, et de
souligner quelques difficultés auxquelles nous faisons face. Comme je dois être très
bref, je pourrais résumer tout cela en un seul énoncé, à savoir: la nécessité de ne pas
avoir peur de parler de Jésus Christ. En effet, si nous avons peur quand il y a
relativement peu à craindre, comment serons-nous sans peur lorsqu’il y aura,
humainement parlant, beaucoup à craindre?
Nous sommes chrétiens. Être chrétien c’est croire que ce monde, et tous
ceux qui y vivent, ont besoin de Jésus Christ. C’est croire que les gens ont besoin du
salut que Dieu a préparé pour l’homme en Jésus Christ, et en fait pour tout ce qu’Il a
créé. Nos frères et sœurs voisins ont de nombreux besoins, sans doute. Il y a plusieurs
manières de subvenir à leurs besoins. Mais eux, tout comme nous, n’ont pas de besoin
plus grand que celui de Jésus Christ. Il n’y a pas de plus grand cadeau que celui qui
nous a été fait en Jésus Christ. Nous, comme ambassadeurs de sa mission, avons un
message à leur apporter au sujet du Royaume, le Royaume qui vient et qui n’aura pas
de fin.
Cela n’est pourtant pas facile, assurément. Il y a au moins deux raisons
pour lesquelles ce n’est pas facile.
D’abord, nous avons tous l’expérience d’avoir rencontré quelqu’un qui a
besoin d’entendre parler de Jésus Christ, et d’avoir eu peur d’en parler. Pourquoi avoir
« eu peur »? Parce qu’élever la conversation à ce niveau pourrait nous confronter à
des demandes auxquelles nous ne sommes pas toujours prêts à répondre.
Deuxièmement, parce que nous nous trouvons dans une société où il n’est
pas bien, voire impoli ou non correct politiquement, d’aborder simplement la question
de Dieu, encore moins de l’Emmanuel, Dieu avec nous. Nous vivons dans une société
pluraliste, séculière, une société qui prétend être neutre dans toutes les sphères
publiques ou officielles, où on ne parle pas de Dieu ni de la religion en général. Voilà
une société qui ne rend plus grâce, qui a même fait des lois contre les actions de
grâces, qui défend la prière en publique par quelque personne notable quelle qu’elles
soient, une société qui rejette toute référence religieuse dans ses lois, dans ses
politiques et dans son système d’éducation.
Pourquoi dis-je « qui prétend être neutre »? C’est simple : parce qu’il n’est
pas possible d’être neutre par rapport à Dieu. L’État qui se dit, la société qui se dit, être
neutre par rapport à Dieu ment. Je m’explique. Prétendre que nous puissions avoir un
État ou une société qui soit neutre par rapport à Dieu serait comme affirmer que Dieu,
s’il existe, n’aurait aucun droit de regard sur cet État ou cette société. Cet État, ou cette
société, serait alors lié à cette prémisse théologique, qui est une fausse prémisse
théologique. On peut dire ce que l’on voudra au sujet du « pouvoir de la Loi », si on
dénie « la suprématie de Dieu », on ne dénie pas seulement, du moins au Canada, sa
propre Constitution, mais on marche vers la suprématie de « l’Homme impie », que
saint Paul identifie dans la deuxième lettre aux Thessaloniciens (2,3) comme étant
« celui qui s’élève contre tout ce que l’on nomme Dieu ».
Maintenant, ce qui est vrai pour l’État ou pour la société est aussi vrai pour
l’homme et la femme qui forment la société. Nous ne pouvons pas être neutres par
rapport à Dieu. Et nous, comme chrétiens, ne devons pas avoir peur de le dire, que ce
soit en public ou en privé. De plus, comme membres de l’Église, comme membres de
diverses ecclesiae - ces assemblées du Royaume de Dieu et de son Christ – nous ne
pouvons pas nous cacher derrière de vague discours sur Dieu. Bien que nous ne
pouvons imposer aux États le langage à utiliser, cependant notre langage doit être clair
et précis. Oui, nous croyons en Dieu, non pas en n’importe quel soi-disant dieu, mais
en Dieu le Père de notre Seigneur Jésus Christ.
C’est également le Dieu de Moïse, le Dieu des deux grands
commandements. Si on ne donne pas la mesure de notre foi, de notre reconnaissance et
de notre obéissance à ce Dieu, nos frères et sœurs d’ailleurs et notre société ne
pourront pas prospérer moralement. Et si nous ne prospérons pas moralement, ni eux
ni nous, ni même notre planète, ne manquerons de se faire beaucoup de mal.
Encore une fois, il ne faut pas avoir peur de dire les choses comme elles
sont, parce que c’est la vérité. Avec notre foi, notre reconnaissance et notre obéissance,
nous pourrons et nous allons prospérer, nous allons reconstruire la culture morale
nécessaire pour préserver la paix et pour apporter la paix là où elle n’est pas.
Il est particulièrement important de prendre la parole dans le domaine de
l’éducation et de la vie familiale. Pourquoi? Parce que c’est là où se rencontrent le
privé et le publique, et c’est là où se forme la génération qui s’en vient. Croyez-vous
que c’est par hasard que ces domaines soient ceux où la foi et la morale judéochrétienne soient le plus constamment sous attaque?
J’étais heureux d’apprendre que la Cour Suprême du Canada avait donné
raison au Collège Loyola; une cause à laquelle j’ai eu le privilège de travailler. J’étais
pourtant profondément préoccupé, comme chrétien catholique, de constater que
l’Église catholique, qui a été une pionnière en ce qui regarde l’éducation en ce pays,
laisse ses propres écoles abandonner la véritable éducation catholique. Je suis
également très préoccupé, sans être surpris, de voir que même les catholiques ne
savent pas comment résister devant les forces grandissantes du sécularisme.
Non seulement du sécularisme, mais du gnosticisme : ce dédain affiché
envers le Créateur et envers le don du corps, perversion à laquelle les premiers
chrétiens étaient déjà confrontés, ce mouvement qui cherchait à pénétrer l’Église pour
lui faire dévier de sa route – et bien, tout cela qui réapparaît aujourd’hui, en profitant
de notre culture contraceptive. Et nous avons, pour une large part, capitulé et coopéré;
de la même manière que nous avons commencé à capituler face à la culture
technoscientifique qui prétend venir « libérer » l’homme de son corps tout entier.
Avant d’espérer aider la reconstruction de la culture canadienne, nous
devons reconstruire une authentique culture chrétienne entre nous. Voilà ce que j’ai
écrit dans mon livre Desiring a Better Country qui devrait paraître cet automne chez
McGill-Queen’s. Je vous invite à y jeter un coup d’œil. Mais ce que je veux dire
maintenant, en guise de conclusion – je le dis aux évêques et aux prêtres également –
c’est qu’il nous faut suivre l’exemple de saint Paul. Nous devons prêcher le Christ, et
le Christ crucifié. Nous devons prêcher le Christ ressuscité et monté au ciel à la droite
de Dieu. Nous ne devons pas avoir peur.
« N’ayez pas peur » dit Jésus, « de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent
pas tuer l’âme; craignez plutôt celui qui peut détruire à la fois le corps et l’âme et nous
conduire en enfer. »
« Quand j’ai peur » dit le psaume, « je mets ma confiance en toi, Seigneur,
dont je loue la Parole. J’ai confiance en Dieu et je n’ai pas peur. Que pourrait un
homme contre moi? »
« N’ayez pas peur! » lançait saint Jean-Paul II : « Ouvrez, ouvrez large les
portes au Christ! Ouvrez à sa puissance de salut les frontières des États, des systèmes
politiques et économiques, tout autant qu’au domaine immense de la culture, de la
civilisation et du développement. N’ayez pas peur! »
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