Homélie pour la fête de la Croix Glorieuse
14 septembre 2014
« Croix glorieuse » : deux mots étonnamment unis pour désigner la fête de ce jour. Comment la croix
sur laquelle Jésus est mort comme un malfaiteur peut-elle être déclarée « glorieuse » ? Essayons de
comprendre.
Les lectures de cette fête nous parlent bien sûr de la croix. Cet objet, nous en avons l’habitude, est
devenu un signe pour les chrétiens : du premier signe, au baptême, au dernier signe, sur les cercueils
et les tombes. Cette croix, nous la retrouvons dans nos églises et la plupart de nos maisons, mais
aussi encore à certains carrefours de nos routes, où l’on tient à les conserver, quitte à les déplacer un
peu, en cas de travaux sur leur emplacement. La croix fait partie des signes que les chrétiens des
générations précédentes nous ont légués.
La croix, c’est aussi celle qui marque douloureusement la vie de millions d’hommes, de femmes et
d’enfants : je pense à la croix qui s’appelle longue maladie, exclusion, désespoir pour certains. Les
médias nous parlent régulièrement des catastrophes, des guerres et des accidents spectaculaires. . Ils
sont nombreux ceux et celles qui portent, comme on dit, une « lourde croix », et ça dure parfois des
mois et des années ; on parle alors de chemin de croix, de calvaire.
Cette croix, si douloureuse pour beaucoup, Jésus l’a portée avant nous. En voyant cet instrument de
supplice, nous pouvons penser à la souffrance morale, l’accusation injuste, la haine. Les évangiles
nous décrivent le mépris des accusateurs, la trahison de Judas, le reniement de Pierre, l’abandon des
disciples.
Mais aujourd’hui l’évangile de saint Jean nous invite à regarder au-delà. Il nous annonce Jésus élevé
sur la croix : une élévation pas seulement physique. Ici, c’est de son exaltation et de sa glorification
qu’il s’agit. Nous sommes invités à regarder la croix, non pour y voir l’horreur subie par le condamné,
mais la glorification de l’envoyé de Dieu parmi nous. Dans la seconde lecture, l’apôtre Paul rapporte
les paroles d’un chant où il est dit : « Il s’est abaissé jusqu’à mourir sur une croix. C’est pourquoi Dieu
l’a élevé au-dessus de tout… »
Pour nous aider à comprendre cela, l’évangile évoque un événement très connu de l’Ancien
Testament : la première lecture de ce jour nous l’a rappelé : c’est l’épisode du serpent d’airain. Quatre
actes dans ce récit :
1. Le peuple, à bout de courage dans le désert, se met à récriminer contre Moïse : pourquoi nous as-tu
fait sortir d’Égypte ? Est-ce pour nous faire mourir de faim et de soif dans le désert ?
2. Survient une invasion de serpents venimeux, et beaucoup en meurent.
3. Le peuple croit que Dieu l’a puni, il reconnaît son péché et interpelle Moïse : oui, en récriminant
contre toi, nous avons péché contre Dieu. Intercède pour nous auprès de lui.
4. Moïse prie, et Dieu répond : il demande à Moïse de fabriquer un serpent et de le donner à voir à
tous : ceux qui ont été piqués, s’ils regardent vers ce serpent, seront guéris ; ils auront la vie sauve.
Pour son peuple, Moïse agit au nom de Dieu. Message qu’il veut faire passer à son peuple : ce n’est
pas ce serpent fétiche qui guérit et sauve, c’est Dieu. Dieu seul sauve. Moïse invite son peuple à une
conversion : il l’appelle à passer du soupçon contre Dieu à une vraie confiance à l’égard de Dieu : ce
Dieu qui nous a tirés d’Égypte n’a pas rompu son alliance avec nous : il nous sauve encore
aujourd’hui.
Il nous arrive peut-être, à nous aussi, de penser parfois que Dieu nous punit ; qu’est-ce que j’ai donc
fait au bon Dieu ? On a même réalisé un film sur ce sujet ! Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour
mériter cette maladie, cet échec, cet accident ?
La fête de la Croix Glorieuse nous invite à sortir de cette attitude dans laquelle, en réalité, comme le
peuple de Moïse, nous soupçonnons Dieu de nous punir. Sortir du soupçon en regardant la croix de
Jésus.
Oui, nous pouvons être guéris et sauvés en nous tournant vers la croix du Christ. Bien sûr, ce n’est
pas un geste magique mais, comme pour le peuple de Moïse encore, une démarche de foi et de
confiance envers le Christ, en qui la mort a été vaincue, car Dieu le Père l’a ressuscité. Jésus est
vainqueur de la mort. Désormais, rien ne peut nous séparer de son amour. Avec lui, pas de situation
sans issue.
Il arrive que, parfois, nous soyons désespérés ; nous n’avons plus la force ni l’envie de prier. Mais
peut-être pouvons-nous porter simplement notre regard sur la croix du Christ et la regarder en silence.
Et nous découvrirons alors qu’elle nous rééduque spirituellement, qu’elle change notre regard sur ce
que nous vivons. Elle nous renvoie au courage du Christ mourant sur la croix, toujours confiant en
Dieu son Père.
Cette contemplation de la croix peut nous révéler aussi notre médiocrité d’enfants gâtés qui réclament
toujours plus à Dieu. Devant le crucifié, le cœur de l’homme apprend à dire « oui « là où le pécheur dit
« non ». Notre Dieu n’est pas le comptable d’une facture que nous pourrions lui remettre. Il n’a aucun
compte à nous rendre.
Simplement, il nous aime d’un amour passionné et veut nous combler bien au-delà de ce que nous
pourrions imaginer. Il attend de nous une réponse libre, accueillante et aimante. Il nous attire à lui par
le rayonnement de son amour, mais il respecte notre liberté. La décision nous appartient et personne
ne peut la prendre à notre place. En regardant cette croix, nous apprenons à imiter le Christ. Lui-
même nous a aimés jusqu’au don total de sa vie. C’est sur ce chemin du « don de soi » que nous
sommes invités à suivre le Christ Jésus jusqu’au bout. Alors nous pourrons prendre part à son
exaltation et à sa glorification.
La fête de la Croix Glorieuse nous appelle à accueillir cet amour fou de notre Dieu. Il n’a pas envoyé son Fils
pour juger et condamner le monde mais pour le sauver. Jésus sait ce qu’il y a dans le cœur de l’homme et lui
seul peut juger. Mais on ne juge pas, on ne condamne pas ceux qu’on aime.
Cette découverte nous renvoie à nous-mêmes et à notre regard sur ce qui se passe dans le monde actuel : ne
nous arrive-t-il pas, parfois, de le dire
pourri ? C’est vrai qu’il y a des « pourris » dans notre monde, des personnes pourries par l’argent, le plaisir ou
le pouvoir. Mais les viticulteurs le savent : au moment des vendanges, il a aussi de la pourriture dans le raisin.
Ça n’empêche pas de faire du bon vin. C’est ainsi que Dieu fait appel à ce qu’il y a de meilleur en nous.
Quand nous traversons un désert de souffrances, de peurs et de doutes, si nous tournions notre regard sur la
croix du Christ ? À travers elle, c’est Dieu qui nous fait signe et nous invite à la confiance. En fêtant la Croix
glorieuse, nous fêtons la résurrection de Celui qui s’y trouve suspendu. Cet instrument de torture et d’horreur
est devenu Arbre de Vie.
Peut-être comprenons-nous mieux maintenant l’expression « croix glorieuse » ? Parler de la croix glorieuse,
c’est parler de la joie des chrétiens, de la joie de l’Évangile ; en donnant sa vie sur la croix, Jésus entre dans la
Vie ; en donnant notre vie jour après jour, nous entrons dans cette « Vie avec le Christ Jésus ». Un regard sur
la croix nous le rappelle.
Faut-il encore que nous en ayons sous nos yeux. Parlons-en dans nos maisons. Amen.
Père Gaby Allain
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