Diagno-photo 1 Escarres noirâtres Description du cas par Catherine Tremblay, externe 1 en médecine, en collaboration avec Dre Janie Bertrand, dermatologue, Dre Myrna Chababi-Atallah, pathologiste, Dre Nadine Sauvé, interniste, et Dre Isabelle Boulais, interniste Figure 1. Figure 2. Une dame de 82 ans présente aux cuisses des escarres noirâtres douloureuses à bordure violacée accompagnées de nodules sous-cutanés érythémateux évoluant depuis 6 semaines. La patiente prend de la warfarine pour fibrillation auriculaire et souffre d’insuffisance rénale chronique de stade 4/5. La valeur de l’International Normalized Ratio (INR) se trouve dans l’intervalle thérapeutique, et son bilan phosphocalcique est perturbé. Quel est le diagnostic? Il s’agit d’une calciphylaxie, une pathologie rare associée à l’insuffisance rénale chronique quoiqu’une forme non urémique soit aussi décrite. Elle se manifeste par des plaques violacées réticulées évoluant vers une nécrose cutanée. La douleur est significative. Les zones riches en tissus adipeux sont davantage affectées (cuisses, fesses, abdomen). Le pronostic est sombre en raison du risque de complications infectieuses. Une biopsie cutanée profonde montrant des calcifications avec thrombose des moyens et des petits vaisseaux ainsi que des anomalies phosphocalciques (hypercalcémie, hyperphosphatémie, hyperparathyroïdie secondaire) renforce le diagnostic clinique. Quel est le diagnostic différentiel? La périartérite noueuse, une vasculite des moyens vaisseaux, peut se présenter par des atteintes cutanées. La nécrose cutanée secondaire aux anticoagulants (warfarine ou héparine), une complication rare, mais grave, est à évoquer. Une thrombose artérielle causée par le syndrome des anticorps antiphospholipides et une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) sont à éliminer. Un ulcère isolé à bordure violacée est compatible avec un pyoderma gangrenosum, souvent associé à la maladie de Crohn. L’évolution permet d’exclure un purpura fulminans d’origine septique. Quel est le traitement? Le contrôle de la douleur et les soins locaux sont primordiaux. Les suppléments de calcium ne doivent plus être pris. Les options médicales incluent : le cinacalcet, le sevelamer, un bisphosphonate et le thiosulfate de sodium. Une chirurgie de débridement peut être nécessaire. Les infections secondaires doivent être traitées agressivement. La prise de warfarine étant un facteur prédisposant, une substitution doit être envisagée. Clinicien plus • juillet/août 2013 21 Diagno-photo 2 Plaque brune Description du cas par Dr Benjamin Barankin, dermatologue Un homme de 44 ans, adepte de bronzage, présente une plaque brune à croissance progressive sur la tempe. Il y a trois ans, il a souffert, à l’oreille, d’un carcinome squameux pour lequel il a été traité. Quel est le diagnostic? Il s’agit d’une kératose séborrhéique, soit la tumeur bénigne le plus souvent observée chez les personnes plus âgées. Qu’est-ce que cela signifie? Il s’agit du signe de Leser-Trélat. Le plus souvent, il est attribuable à une tumeur maligne gastro-intestinale. Quel est le traitement? Le traitement consiste en une cryothérapie à l’azote liquide, en un curetage, en une électrochirurgie ou en l’application d’acide glycolique ou de trichloracétique. 22 Clinicien plus • juillet/août 2013 Diagno-photo 3 Pied creux Description du cas par Dr Langis Dionne, omnipraticien Un patient d’une trentaine d’années se présente à mon cabinet. Deux jours avant la consultation, il a participé à une course bénéfice comprenant course à pied et montée de multiples escaliers dans la ville de Québec. Il dit désormais ressentir de la douleur au pied où il y a jonction du 3e tarse/métatarse, c’est-à-dire la région du coup de pied. Le patient présente également une faiblesse et une atrophie des muscles distaux des membres inférieurs. Il est très actif et sportif et n’a aucun autre antécédent médical pertinent, sauf une histoire familiale très pertinente sur le plan neurologique dont la photo ci-contre est caractéristique. Il s’agit d’une neuropathie motrice et sensorielle. Cette neuropathie est de transmission autosomique dominante, mais pourrait être liée au chromosome X. L’arche plantaire accentuée peut être le seul signe clinique. Quel est le diagnostic? Il s’agit de la maladie de Charcot-Marie-Tooth. Quel est le traitement? Un traitement de soutien, d’orthèses et de counseling génétique est nécessaire. Une scintigraphie osseuse pourrait être demandée au besoin pour éliminer une fracture de stress. Le patient ci-contre a passé une radiographie dont le résultat était normal, et il y a eu une évolution normale après qu’il eut pris des anti-inflammatoires pendant une semaine. Diagno-photo 4 Articulations œdématiées Description du cas par Dr Jess Melle, résident en médecine familiale, et Dr Werner Oberholzer, omnipraticien Un homme âgé présente un œdème asymptomatique sur le coude et le cinquième doigt de la main droite. Quel est le diagnostic? Il s’agit de goutte tophacée. Les tophus consistent en une accumulation de cristaux d’urate dans les tissus mous qui peuvent apparaître chez plus de la moitié des patients souffrant de goutte non traitée. Ils se manifestent sous forme de masse ou de nodule, et ils se trouvent habituellement sur l’hélix de l’oreille. Ils peuvent également toucher différentes régions, y compris les doigts, les orteils, la bourse séreuse rétro-olécrânienne et le long de l’olécrâne. Les tophus tendent à apparaître après 10 ans chez les patients atteints d’arthrite goutteuse chronique non traitée, mais ils peuvent se manifester plus tôt chez les femmes, en particulier celles recevant un diurétique. Figure 1. Cinquième doigt, main droite. Qu’est-ce que cela signifie? La goutte est associée à des épisodes récurrents d’inflammation articulaire invalidante, et elle peut entraîner la Figure 2. Coude, bras droit. destruction des articulations et des lésions rénales si elle n’est pas traitée. Les patients atteints de goutte sont 1 000 fois plus susceptibles de souffrir de calculs rénaux qu’une personne ordinaire. Une néphropathie urique chronique peut également favoriser l’insuffisance rénale. Quel est le traitement? Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont utilisés pour la prise en charge des crises aiguë de goutte. Par la suite, un traitement pharmacologique (allopurinol ou colchicine) et des modifications du régime alimentaire visant à abaisser le taux d’acide urique constituent la pierre angulaire de la prise en charge. Les patients doivent éviter de consommer de la bière et des spiritueux. Les tophus ne doivent pas être excisés chirurgicalement, sauf en cas de drainage chronique ou s’ils sont situés à un endroit critique. Cp 24 Clinicien plus • juillet/août 2013