AYATOLLAH MEHDI ROMANI
chefsprirituel de la communauté chiite d'Europe
« J'ai lu les extraits du livre de Rushdie qui
concernent l'islam et le Coran. Il est évident que
l'auteur a non seulement renié sa religion mais
qu'il a gravement blasphémé. Selon la jurispru-
dence islamique, il est donc condamnable. Je ne
peux pas dire à quelle peine, mais il est condam-
nable. Les chiites, dans un tel cas, condamnent à
mort. Mais il faut d'abord juger le coupable,
vérifier s'il est sain d'esprit, s'il a été manipulé ou
s'il a renié l'islam par ignorance. Sans un tel
procès, une condamnation serait contraire aux
principes de l'islam. La liberté d'expression, il
faut le rappeler, fait partie des cinq principes de
l'islam. Et l'un des versets du Coran dit que
"dans
la religion, il n'y a pas de contraintes".
« Seul un tribunal islamique est donc compétent
pour dire si, dans ces circonstances, Rushdie est
coupable ou non. Si j'étais juge, je condamnerais
Rushdie, car ce qu'il a fait est une sorte de
désertion. Il a trahi l'islam, ça ne fait pas le
moindre doute. Mais je ne le condamnerais pas à
la peine de mort. Car le Code pénal islamique est
soumis à
"la loi du temps et de l'espace"
et à un
autre principe capital : si l'exécution d'une loi
islamique porte atteinte au prestige de l'islam - ce
qui pourrait être le cas dans l'affaire qui nous
intéresse -, l'autorité juridique n'a pas le droit
d'appliquer cette loi. Si j'avais rencontré Rush-
die, je lui aurais dit : "Tu t'adresses à un milliard.
de musulmans, tu les as blessés dans leur foi.
Demande- leur de t'excuser. Tu demandes à Dieu
de te pardonner. Et on n'en parle plus." Quant à
l'éditeur, je n'ai rien, du point de vue religieux,
contre lui, puisqu'il n'est pas musulman. Mais
sur le plan moral et politique, je lui dirais ceci
"L'Islam et l'Occident sont deux civilisations qui
ont coexisté depuis des siècles. A mon avis, ils
constituent les deux piliers de l'équilibre de notre
monde. S'attaquer à l'un des piliers, c'est mettre
en péril l'ensemble de l'édifice."
« Cela dit je constate qu'en Occident aucune voix
ne s'est élevée pour manifester la moindre
compréhension à l'égard des musulmans qui se
sont sentis insultés par Rushdie. Et je suis bien
obligé de constater que le responsable de cette
situation est l'ayatollah Khomeini, qui a hâtive-
ment jugé la question et condamné Rushdie à
mort sans consulter les gens compétents. Il n'a
respecté ni la loi internationale ni celle de
l'islam. »
CHEM-1 HASSAN
chef spirituel de la communauté sunnite liba-
naise
«Je n'ai pas encore lu les « Versets sataniques »
mais je pense que Salman Rushdie doit être jugé
conformément à la loi islamique. Nous ne
pouvons pas prendre à son encontre une décision
hâtive et spontanée, surtout s'il décide de se
repentir. L'important est de défendre notre
religion et de la défendre par la raison et par le
droit, pas d'une manière anarchique ni contraire
à la loi islamique. Je vais tenter d'interdire la
publication et la diffusion du livre au Liban. La
liberté a des limites. Nous refusons toute atteinte
à l'islam, or ce livre est blasphématoire et tourne
en ridicule notre religion et notre Prophète. »
fvi0
sociologue algérien
Nous avons affaire à un homme qui considère le
dogme comme une fin en soi. Il veut réduire
l'univers à une seule dimension. Et pour cette
raison, il faut condamner avec force son appel au
meurtre et aider le peuple iranien à en finir avec
la tyrannie Si on ne réagit pas contre Khomeini,
il continuera dans la même voie. La liberté
d'expression est un bien précieux. Il appartient à
tous indépendamment des convictions philoso-
phiques et religieuses. »
CHEWH ABIDALUII
enseignant à l'Institut islamique de Hebron
(Territoires occupés)
« J'approuve l'appel de l'ayatollah Khomeini. Il
faut égorger ce traître indien et anéantir tout ce
qu'il a écrit. Aucun pays occidental ne peut
intervenir dans cette affaire musulmane, même
sous prétexte que Rushdie est son citoyen.
Rushdie est musulman et c'est comme tel qu'il
doit payer. Vous, les Occidentaux, vous ne
comprenez pas, et ce n'est pas votre faute. Si un
musulman attaque la religion, il ne peut y avoir
d'autre peine que la mort. »
KHMOHAMMAD MEHDI
CHAMSEDDINE
chef spirituel des chiites libanais
«Je n'ai pas eu l'occasion de lire le livre de Salman
Rushdie, mais s'il porte atteinte à la personne du
Prophète, comme je l'ai entendu dire et lu dans
les médias, son auteur doit être condamné à mort
par un avis légal, .conformément à la loi islami-
que, en tant que blasphémateur. Cette sentence
doit être adoptée à l'unanimité par les musul-
mans et exécutée, sauf si M. Rushdie se repent
publiquement et renie ses paroles blasphématoi-
res à l'égard du Prophète. Pour notre part, nous
interdirons la publication et la diffusion de
l'ouvrage au Liban. Je pense que ce livre, qui
porte atteinte à l'islam et aux musulmans, est un
ouvrage de propagande dont l'origine est à
chercher parmi les forces hostiles à l'islam. »
Propos recueillis par René Baclonann et les corres-
pondants du «Nouvel Observateur» à Beyrouth,
Tunis, Tel-Aviv et Le Caire
23 FEVRIER - let MAliS 1989/55
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