Veronique Dudouet, Hans J. Giessmann et Katrin Planta
1 A propos du présent rapport
La ‘guerre contre la terreur’, lancée par le gouvernement des Etats Unis (EU) et ses alliés à la suite des
attaques du 11 septembre 2001 à New York et à Washington, a profondément transformé l’environnement
géopolitique de la dernière décennie. La dominance des approches militaires et policières face aux conits
inter- et intra-étatiques a conduit à une interprétation généralisée de toutes les formes d’insurrections
armées déant l’ordre socio-politique établi à travers le spectre du ‘terrorisme’, et ce, indépendamment de
la nature de tels acteurs, de leur degré de légitimité sociale et de leurs rôles et aspirations politiques. De
telles tendances ont considérablement aecté non seulement les dynamiques des conits armés, mais aussi
le déroulement des processus de paix et les environnements d’après-guerre. Il est de plus en plus courant de
considérer tous les acteurs armés comme des ‘saboteurs’ à combattre à tout prix ou, au mieux, à pacier par
le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR), plutôt que comme des agents du changement
capables de jouer un rôle constructif dans la stabilisation de la paix et la construction d’Etats plus légitimes.
Dans un tel contexte, l’objectif de ce rapport est de présenter les conclusions d’un projet de recherche
participative portant sur le calendrier, le séquençage et les composantes des transitions sécuritaires
d’après-guerre. L’analyse porte sur la perspective d’anciens groupes d’opposition armée qui sont passées de
concurrents de l’Etat à agents de la construction de la paix, en Afrique du Sud, en Colombie, au Salvador, en
Irlande du Nord, au Kosovo, au Burundi, au Sud-Soudan, au Népal, et en Aceh. Sauf indication contraire, les
données empiriques présentées ci-dessous reposent sur des études de cas rédigées par des équipes locales
constituées de chercheurs et d’ex-combattants, et publiées dans un ouvrage collectif (Dudouet, Giessmann
et Planta 2012).
L’ensemble des acteurs œuvrant à la construction de la paix, qu’il s’agisse de chercheurs ou de
politiques, reconnaissent de plus en plus que le DDR et la réforme du secteur de la sécurité (RSS) sont
interdépendants, et qu’ils sont en retour largement tributaires de leur environnement politique. En partant
ce constat, le projet analyse les conditions dans lesquelles des mouvements armés de résistance et de
libération (MRL) acquièrent la volonté politique de restaurer le monopole étatique de la contrainte physique
légitime et de participer à la construction d’une paix durable et d’un Etat légitime. A cette n, le projet
examine les interconnections entre les transitions individuelles, organisationnelles et structurelles dans
le domaine de la gouvernance sécuritaire et politique. Ce rapport présente les principales conclusions du
processus de recherche ainsi que leurs implications pour le soutien international aux processus de paix.
L’accent est moins mis sur la négociation des accords de paix – ce qui a été abordé plus spéciquement
dans des rapports antérieurs (Dudouet 2008, 2009) – que sur les facteurs susceptibles de contribuerà leur
mise en œuvre eective. En tirant des leçons comparatives à partir de l’étude de neufs cas de transitions de
la guerre à la paix réussies, l’objectif du rapport est d’identier des conclusions généralisables à diérents
types de processus de paix, ainsi que des enseignements spéciques à des contextes particuliers, tels que
les transitions sécuritaires au milieu d’un conit en cours (Colombie) ou dans des contextes de formation
de l’Etat (Sud-Soudan, Kosovo).
Le présent rapport s’organise de la façon suivante: après avoir synthétisé les principales conclusions
qui découlent de l’analyse, nous présentons le contexte de la recherche, certaines dénitions clefs et les
problèmes en jeu. Puis nous faisons état des dés, des enseignements et des recommandations politiques
pour une gestion des transitions d’après-guerre délicates et pour une construction d’institutions politiques
et sécuritaires plus responsables, plus démocratiques et plus légitimes.