b o t a n i q u e La cardère laciniée (Dipsacus laciniatus L.) au Québec Jean-Paul Bernard, Claude Roy et Marcel Blondeau Résumé Les auteurs signalent un ajout à la flore vasculaire québécoise, à partir d’une récolte récente dans la région de Montréal, par le premier auteur. L’Herbier Louis-Marie (QFA) et l’Herbier du Québec (QUE) conservent aussi des récoltes anciennes pour la région administrative de Lanaudière. Introduction Le 11 juillet 2008, le premier auteur fit la découverte d’une colonie de cardères laciniées (Dipsacus laciniatus L.) à Montréal, dans l’arrondissement d’Anjou, précisément à Anjou-sur-le-Lac. Il y retourna le 1 er août pour faire de plus amples observations et pour récolter un spécimen à un stade plus avancé de maturité. L’emplacement exact de cette population se situe près du viaduc du chemin de fer du Canadien National enjambant le boulevard Henri-Bourassa (figure 1). Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique et le Dipsacus laciniatus présent qu’en Ontario. Chez le Dipsacus fullonum, les sites USDA (2008) et SITI (2008) distinguent la sous-espèce fullonum et la sous-espèce sylvestris (Huds.) Clapham, cette dernière aussi considérée comme une espèce : le Dipsacus sylvestris Huds. De son côté, Scoggan (1979) ne mentionne, pour le Canada, que le Dipsacus fullonum (cardère sauvage) sans le diviser au niveau infraspécifique. Jusqu’ici, aucune mention de la présence de la cardère laciniée n’avait été faite pour le Québec dans les ouvrages suivants : MarieVictorin (1995), Scoggan (1979), Boivin (1966-1967) ou FloraQuebeca (2008). Habitat La population observée à Anjou-sur-le-Lac forme une colonie d’une dizaine d’individus croissant sur le haut d’un talus à plus de 2 m au-dessus du niveau du trottoir, dans un espace un peu à découvert entre des sumacs vinaigriers (Rhus typhina L.) et des oliviers de Bohême (Elaeagnus angustifolia L.), près de la clôture ceinturant le terrain d’un concessionnaire d’automobiles. Sa présence n’est pas perceptible à bord d’un véhicule en mouvement circulant sur le boulevard; tout au plus, peut-on apercevoir les capitules de cette cardère qui dépassent les hautes herbes. Figure 1. Emplacement de la colonie de Dipsacus laciniatus à Anjou-sur-le-Lac (Montréal) La cardère laciniée est aussi appelée « cardère à feuilles laciniées » ou « cardère découpée ». Les Anglais la nomment cutleaf tease. C’est une grande plante bisannuelle appartenant à la famille des Dipsacacées, ou optionnellement, à celle des Caprifoliacées, selon la classification utilisée. Taxonomie et répartition Il existe deux espèces de cardères au Canada (Nature­ Serve Explorer, 2008) : le Dipsacus fullonum L. présent au 6 LA SOCIÉTÉ PROVANCHER D’HISTOIRE NATURELLE DU CANADA Caractères distinctifs La cardère laciniée ressemble à première vue à la cardère sauvage représentée dans la Flore laurentienne de Marie-Victorin (1995). C’est en consultant les ouvrages de Gleason (1952) et Bonnier (1922) que le premier auteur découvrit la véritable identité de sa récolte. Ses feuilles découpées-laciniées (figure 2) contrastent avec celles du Dipsacus fullonum qui sont entières. Le Dipsacus laciniatus est une plante plutôt robuste, mesurant de 1,3 à 2 m de hauteur, abondamment armée de minuscules épines dans toutes ses parties. Ses feuilles basales et celles de la partie moyenne de la tige ont une base embrassante qui retient l’eau de pluie; Jean-Paul Bernard est botaniste retraité. Claude Roy est botaniste à l’Herbier Louis-Marie de l’Université Laval et Marcel Blondeau est botaniste consultant. [email protected] [email protected] john hilty b o t a n i q u e Figure 2. Feuille et inflorescence de cardère laciniée (2002-2008) le reste du limbe est plus ou moins découpé-lacinié. Sur les branches portant les capitules, les feuilles sont plus petites et pinnatifides ou laciniées. Récoltes La découverte récente de la présence au Québec de la cardère laciniée incita les auteurs à examiner attentivement les récoltes de cardère sauvage (Dipsacus sylvestris ou Dipsacus fullonum) du Québec conservées à l’Herbier Louis-Marie de l’Université Laval (QFA). Quelle ne fut pas leur surprise de découvrir que la cardère laciniée avait déjà été récoltée antérieurement au Québec ! Sa présence est passée inaperçue à la suite d’erreurs d’identification des spécimens. La plus ancienne récolte date d’aussi loin que 1930. Les spécimens suivants témoignent de la présence au Québec de la cardère laciniée bien avant sa découverte récente à Anjou-sur-le-Lac. Cette plante est souvent cultivée dans les jardins où elle se reproduit facilement. Aussi, n’est-il pas étonnant de la voir de plus en plus s’échapper de culture. Montréal, Anjou-sur-le-Lac, non loin du viaduc du chemin de fer du Canadien National, surplombant le boulevard Henri-Bourassa, colonie d’une dizaine d’individus croissant sur le haut du talus, à plus de 2 m au-dessus du niveau du trottoir, dans un espace un peu à découvert, entre des sumacs vinaigriers (Rhus typhina) et des oliviers de Bohême (Elaeagnus angustifolia), 11 juillet 2008, Jean-Paul Bernard, B08-7 (QFA 562925). Montréal, Anjou-sur-le-Lac, non loin du viaduc du chemin de fer du Canadien National, surplombant le boulevard Henri-Bourassa, colonie d’une dizaine d’individus croissant sur le haut du talus, à plus de 2 m au-dessus du niveau du trottoir, dans un espace un peu à découvert, entre des sumacs vinaigriers (Rhus typhina) et des oliviers de Bohême (Elaeagnus angustifolia), 1er août 2008, Jean-Paul Bernard, B08-16 (QFA 562926). M ascouche et L achenaie (comté de l’Assomption), août et septembre 1930. Père Louis-Marie et collab. s.n. (QFA), no 1495 (QUE), sub nom. D. fullonum (QFA 29666, 29667, 29668, 29669, QUE 1486, 1487, 1488, 1489). S aint -J acques (comté de Moncalm), bord des fossés, pâturages pour porcs, 3 août 1943. Germain Brisson s.n., sub nom. D. sylvestris (QFA 144980). Saint-Jacques (comté Montcalm), rang au sud du village, 5 août 1959,. Gaston Lamarre s.n., sub nom. Dipsacus sylvestris (QFA60806, QUE 14412). S aint-J acques (comté Montcalm), Ferme André Thibodeau, 1268 rang Continuation; bord de route, face à un champ de maïs, 31 juillet 1984. Romain Néron no 84-1762, sub nom. Dipsacus sylvestris (QFA 450 340, QUE 91908). S aint -A lexis (comté de Montcalm), Ferme Arnaldo Francescutti, 101 Bas Grande Ligne; bord du terrain longeant la serre, 25 juillet 1984. Romain Néron no 84-1751, sub nom. Dipsacus sylvestris (QFA 450 341, QUE 91971). Cette plante est parfois envahissante dans certains États américains, mais ce n’est pas le cas pour le moment au Québec. Néanmoins, les botanistes doivent continuer de la rechercher dans les herbiers et sur le terrain afin de mieux documenter sa présence sur notre territoire et de l’ajouter éventuellement à la liste des plantes vasculaires du Québec. Remerciements Nos remerciements s’adressent à John Hilty qui nous a gracieusement accordé l’autorisation de reproduire l’une de ses photos. Nous sommes reconnaissants au personnel des herbiers QUE (Norman Dignard, Andrée Michaud) pour le prêt de spécimens et MT (Matthieu Charrier) pour la vérification de récoltes. Références Boivin, B., 1966-1967. Énumération des plantes du Canada. Le Naturaliste canadien, 93 : 253-274, 371-437, 583-646, 989-1063; 94 : 131-157, 471-528, 625-655 (réimprimé avec Index dans Provancheria 6, 404 p., 1967) Bonnier, G.E.M., 1922. Flore complète illustrée en couleurs de France, Suisse et Belgique (comprenant la plupart des espèces d’Europe), Tome V. E. Orlhac, (édit.). Librairie Générale de l’Enseignement, Paris, Neuchâtel, Bruxelles, Planches 241-300, 116 p. FloraQuebeca, 2008. Disponible en ligne à : floraquebeca.qc.ca/flore/ flore_genre.htm. [Visité le 2008-11-11]. Gleason, H.A., 1952. The new Britton and Brown illustrated flora. The New York Botanical Garden by Hafner Publishing Company Inc., New York et London, 595 p. Marie-Victorin, Frère, 1995. Flore laurentienne, 3e édition. Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal, QC, 1093 p. Scoggan, H.J., 1979. The flora of Canada. Part 4. Dicotyledonae to Compositae. Musée national des sciences naturelles, Musées nationaux du Canada, Ottawa, p. 1117-1711. SITI (Système d’information taxonomique intégré), 2008. Disponible en ligne à : cbif.gc.ca/pls/itisca/taxaget?p_ifx=scib&p_lang=fr. [Visité le 2008-11-11]. USDA, 2008. Disponible en ligne à : plants.usda.gov/java/nameSearch. [Visité le 2008-11-11]. Le naturaliste canadien, 133 no 2 été 2009 7