D.Feyel Université d’Evry M52 2008-09 Espaces de Hilbert I. Produit scalaire. 1o . Cas réel. Soit H un espace vectoriel réel. On appelle produit scalaire sur H une application qui à tout couple de vecteurs (x, y) associe un nombre réel, généralement noté hx, yi tel que pour tous x, y ∈ H a) hx, yi = hy, xi (symétrie) b) hλx + µx0 , yi = λhx, yi + µhx0 , yi pour λ, µ ∈ IR (linéarité en x) c) hx, xi ≥ 0 (positivité) d) hx, xi = 0 ⇐⇒ x = 0 (positivité sticte). • On notera que le produit scalaire est aussi linéaire dans la seconde variable, il est “bilinéaire symétrique”. On dit aussi (propriété d)) qu’ il est défini positif. Exemples Pn a) On prend H = IRn , et hx, yi = i=1 xi yi (espace euclidien). R b) On prend H = L2 (µ) où µ est une mesure, et hf, gi = f g dµ. • On note parfois le produit scalaire x.y (en géométrie euclidienne), ou aussi (x|y) (notation des physiciens). Inégalité de Cauchy-Schwarz Soient x, y ∈ H, x 6= 0, le trinôme en λ ∈ IR Q(λ) = hλx + y, λx + yi = λ2 hx, xi + 2λhx, yi + hy, yi est toujours positif, de sorte que son discriminant est négatif. Cela s’écrit hx, yi2 ≤ hx, xihy, yi ou encore en posant kxk = p hx, xi |hx, yi| ≤ kxkkyk Pour x = 0, l’ inégalité est triviale. 1 • Peut-il y avoir égalité ? Cela signifie que le discriminant est nul, donc que le trinôme a une racine double λ0 , soit Q(λ0 ) = 0. Cela entraı̂ne que y = −λ0 x : les deux vecteurs sont colinéaires. Norme, inégalité de Minkowski, distance L’application x → kxk est une norme, c’est-à-dire a) kx + yk ≤ kxk + kyk (inégalité triangulaire) b) kλxk = |λ|kxk (homogénéité) c) kxk = 0 ⇐⇒ x = 0 Seule la propriété a) mérite une démonstration. Il suffit de montrer l’ inégalité kx + yk2 ≤ (kxk + kyk)2 . En développant et en réduisant, on obtient 2hx, yi ≤ 2kxkkyk qui vient justement de Cauchy-Schwarz. L’ inégalité triangulaire s’appelle l’ inégalité de Minkowski. • La fonction d(x, y) = kx − yk est une distance sur H qui est donc un espace métrique (cf. topologie). Il y a donc des boules ouvertes, des boules fermées, des ensembles ouverts, etc.. • Une suite xn converge vers x si la distance kxn − xk tend vers 0. • Une suite xn est une suite de Cauchy si la distance kxn − xm k tend vers 0 quand n et m tendent vers l’ infini. • Un espace métrique est complet si les suites de Cauchy sont convergentes. 1 Définition : Un espace de Hilbert réel H est unp espace vectoriel réel muni d’un produit scalaire, et complet pour la norme kxk = hx, xi. 2o . Cas complexe. Soit maintenant H un espace vectoriel complexe. On appelle produit scalaire sur H une application qui à tout couple de vecteurs (x, y) associe un nombre complexe, généralement noté hx, yi tel que pour tous x, y ∈ H a) hx, yi = hy, xi (symétrie hermitienne) | b) hλx + µx0 , yi = λhx, yi + µhx0 , yi pour λ, µ ∈ C (linéarité en x) + c) hx, xi ∈ IR (positivité) d) hx, xi = 0 ⇐⇒ x = 0 (positivité sticte). 2 • On notera que le produit scalaire n’est pas linéaire dans la seconde variable, il est antilinéaire en y. On dit que l’on a affaire à une forme “sesquilinéaire hermitienne” définie positive. Exemples Pn | n , et hx, yi = a) On prend H = C i=1 xi y i (espace hermitien). R 2 b) On prend H = L C| (µ) où µ est une mesure, et hf, gi = f g dµ. •• Si l’on pose [x, y] = Rehx, yi, on obtient manifestement un produit p scalaire réel sur H. On constate de plus que hx, xi = [x, x], de sorte que kxk = hx, xi satisfait l’ inégalité de Minkowski. Il y a mieux, on a selon Cauchy-Schwarz | Rehx, yi| = |[x, y]| ≤ kxkkyk En remplaçant x par ωx ou ω = hy, xi on trouve |hx, yi|2 = hy, xihx, yi = Rehωx, yi ≤ kωxkkyk = |hy, xikxkkyk = kxk2 kyk2 soit linégalité de Cauchy-Schwarz du cas complexe |hx, yi| ≤ kxkkyk | Si x 6= 0, l’ inégalité n’a lieu que si y = −λ0 ωx, c’est-à-dire si x et y sont C colinéaires (au lieu de IR-colinéaires). | -norme, car l’homogénéité est relative à C | : kλxk = |λ|kxk Enfin x → kxk est une C | . pour tout λ ∈ C 2 Définition : Un espace de Hilbert complexe H est un espace vectorielp complexe muni d’un produit scalaire hermitien, et complet pour la norme kxk = hx, xi. On notera qu’ il revient au même de dire qu’ il est complet au sens réel (i.e. pour le produit scalaire [x, y] = Rehx, yi). II. Orthogonalité Deux vecteurs x et y sont orthogonaux si leur produit scalaire est nul. Il revient au même de dire qu’ ils satisfont au théorème de Pythagore hx, yi = 0 ⇐⇒ kx + yk2 = kxk2 + kyk2 L’ensemble des vecteurs orthogonaux à un vecteur y donné est un sous-espace vectoriel fermé de H. 3 Si E est sous-espace vectoriel de H, l’ensemble E ⊥ des vecteurs orthogonaux à tous les vecteurs de E est un sous-espace vectoriel fermé de H, qu’on appelle l’orthogonal de E. On a E ∩ E ⊥ = {0}. • Remarquer que E et son adhérence E ont le même orthogonal E ⊥ . Projection orthogonale 3 Lemme de la médiane ou du parallélogramme : pour tous vecteurs x, y ∈ H, on a kx + yk2 + kx − yk2 = 2(kxk2 + kyk2 ) Démonstration : Trivial. 4 Théorème de la projection orthogonale : Soit F un sous-espace vectoriel fermé de H. Si x ∈ H, il existe un vecteur unique y ∈ F qui réalise la distance de x à F . © ± ª d(x, F ) = Inf kx − zk z ∈ F = kx − yk 5 Théorème (suite) : Ce vecteur y est aussi l’unique point de F tel que x − y soit orthogonal à F . On l’appelle la projection orthogonale de x sur F . • La décomposition x = y + (x − y) où y ∈ F et x − y ∈ F ⊥ est donc unique. • L’opérateur de projection orthogonale x → y = prF (x) est linéaire continu. On a x = prF (x) + prF ⊥ (x), et kxk2 = kprF (x)k2 + kprF ⊥ (x)k2 et par suite H = F ⊕ F⊥ • Il résulte de tout cela qu’un sous-espace vectoriel E est partout dense (i.e. E = H) si et seulement si son orthogonal E ⊥ se réduit à {0}, et que le biorthogonal F ⊥⊥ d’un sous-espace vectoriel F est exactement l’adhérence de F . Systèmes orthonormés Un vecteur est normé si sa norme kxk = 1. Un système de vecteurs {ei }i∈I est orthonormé si l’on a hei , ej i = δij symbole de Kronecker 4 Un système orthonormé est toujours algébriquement libre. P Si x est une combinaison linéaire (finie) des ei , soit x = i∈J λi ei (J partie finie de I), on récupère les coefficients λi grâce aux relations de Parseval λi = hx, ei i • Rappelons qu’un espace métrique est séparable s’ il possède un sous-ensemble dénombrable partout dense. Tous les espaces de Hilbert usuels sont séparables. Dans le cas d’un espace de Hilbert, il faut et il suffit qu’ il possède un système total dénombrable. Un système est total si le sous-espace vectoriel engendré est partout dense. 6 Proposition : Dans un espace de Hilbert séparable, tout système orthonormé est au plus dénombrable. 7 Théorème (procédé de Schmidt) : Soit {xn } une suite dans H. Il existe une suite orthonormée {ek }k≥1 qui engendre algébriquement le même sous-espace vectoriel que la suite {xn }. Noter que si la suite {xn } est totale, la suite {ek } l’est aussi. Exemple : En appliquant le procédé de Schmidt à la suite des monômes xn sur [−1, 1] et à l’espace L2 ([−1, 1], dx), on trouve les polynômes de Legendre. En changeant d’espace L2 , on trouve les polynômes de Tchebitcheff, etc.. 8 Théorème : Soit {ei }i∈I un système orthonormé. Pour tout x ∈ H, posons xi = hx, ei i. On a l’ inégalité de Bessel X |xi |2 ≤ kxk2 i∈I P La série y = i∈I xi ei converge dans H, et sa somme y est la projection orthogonale de x sur le sous-espace vectoriel fermé engendré par les ei . 9 Corollaire : Soit {ei } un système total. On a pour tout x ∈ H kxk2 = X |xi |2 , et x= X xi ei i i∈I Réciproquement, pour que les ei forment un système total, il faut et il suffit que l’ inégalité de Bessel soit une égalité pour tout x ∈ H. 5 III. Séries de Fourier. On s’ intéresse à l’espace complexe H = L2C| ([−π, π], dx/(2π)). 10 Proposition : Les fonctions en (x) = einx , pour n ∈ ZZ forment un système orthonormé dans H. Pour f ∈ H, on a pose 1 an = hf, en i = 2π Z π f (x) e−inx dx −π Les coefficients an s’appellent les coefficients de Fourier de f . On a Z π X 1 2 |f (x)|2 dx |an | ≤ 2π −π n∈ZZ selon l’ inégalité de Bessel. Il s’agit de montrer que les en forment un système total. Pour cela, on introduit maintenant le noyau de Dirichlet Dn (x). 11 Lemme : On a n X sin((n + 1/2)x) = cos kx Dn (x) = sin x/2 k=−n Démonstration : Par récurrence. • On dit que f est lipschitzienne en un point x0 s’ il existe une constante k telle que |f (x) − f (x0 )| ≤ k|x − x0 | pour tout x. Evidemment f est alors continue en x0 . Noter que si f est dérivable en x0 , elle est lipschitzienne en x0 . Il suffit même qu’elle ait une dérivée à droite et une dérivée à gauche en x0 . 12 Théorème de Dirichlet : Si f est lipschitzienne au point x0 , alors fn (x0 ) tend vers f (x0 ) quand n tend vers +∞. On a donc f (x0 ) = ∞ X an einx0 −∞ Démonstration : On peut supposer x0 6= ±π. Z π n X 1 ak eikx0 = fn (x0 ) f (x0 + t)Dn (t) dt = 2π −π −n 6 1 2π Z π [f (x0 + t) − f (x0 )]Dn (t) dt = fn (x0 ) − f (x0 ) −π f (x0 + t) − f (x0 ) appartient t à L2 (dt) sur [−π, π]. Il en est de même de la fonction Comme f est lipschitzienne en x0 , la fonction ϕ(t) = g(t) = f (x0 + t) − f (x0 ) sin (t/2) On a alors 1 fn (x0 ) − f (x0 ) = 2π Z π 1 g(t) sin (nt + t/2) dt = Im 2π −π Z π h(t)en (t) dt −π où h(t) = g(t) eit/2 appartient à L2 . Le dernier membre est donc un coefficient de Fourier de h : il tend vers 0 quand n tend vers +∞. 13 Remarque : en remplaçant le noyau de Dirichlet par la fonction Tn (x) = eix + · · · + einx = eix on démontrerait que chacune des deux séries convergente. einx −1 eix −1 P∞ 1 an einx et P∞ 1 a−n e−inx est Exemples : 1o . Considérons la fonction en dents de scie périodique valant x sur ] − π, π[ et 0 en π. On trouve a0 = 0 et pour n 6= 0 1 an = 2π Z π −i x e−n (x) dx = π −π Z π x sin nx dx = 0 i (−1)n n Finalement pour |x| < π x=2 X (−1)n+1 n≥1 x2 = 4 X (−1)n+1 n≥1 sin nx n 1 − cos nx n2 2o . Soient α 6∈ ZZ, et f la fonction périodique valant cos αx pour |x| ≤ π. On a 1 an = 2π Z π cos αx e −π −inx 1 dx = 2π Z 7 π [cos(α − n)x + cos(α + n)x] dx 0 · ¸x=π (−1)n α sin πα 1 sin(α − n)x sin(α + n)x = an = + 2π α−n α+n π α 2 − n2 x=0 et finalement X (−1)n π cos αx 1 = + 2α cos nx sin πα α α 2 − n2 n≥1 En prenant x = π, on trouve le développement d’Euler de la cotangente π cotg πα = 1 X 2α + α α2 − n2 n≥1 On peut en déduire le développement (toujours d’Euler) du sinus en produit infini ¶ Yµ α2 sin πα = πα 1− 2 n n≥1 Ce sont en effet deux fonctions ayant la même dérivée logarithmique pour |α| < 1, et équivalentes lorsque α → 0. 8 IV. L’ intégrale de Fourier dans L Ã1 Si f est une fonction intégrable sur IR, on définit sa transformée de Fourier par la formule Z 1 b f (x) e−ixξ dx Ff (ξ) = f (ξ) = √ 2π Cette formule est copiée sur celle des séries, noter que x ∈ IR et ξ ∈ IR remplacent respectivement x ∈ IR/2πZZ (périodicité) et n ∈ ZZ (coefficients). • La fonction fb est bien définie, elle est bornée grâce à l’ inégalité 1 kfbk∞ ≤ √ N1 (f ) 2π 14 Théorème de Riemann-Lebesgue : La fonction fb est continue et tend vers 0 à l’ infini. Démonstration : C’est clair si f est l’ indicatrice d’un segment [a, b] puisqu’alors 1 fb(ξ) = √ 2π Z b e −iξx a e−ibξ − e−iaξ √ dx = −i 2πξ (noter que fb(0) = b−a). C’est donc vrai si f est une fonction intégrable en escalier. Ces fonctions sont denses dans L1 , d’où le résultat grâce à l’ inégalité de normes indiquée ci-dessus. Il s’ensuit que F est une application linéaire continue de L1 dans C0 . 15 Proposition : Si f et g sont intégrables, on a Z Z fb(ξ)g(ξ) dξ = f (x)b g (x) dx Démonstration : Les deux membres ont un sens, et l’égalité résulte du théorème de Fubini. En prenant g(t) = e−α|t| avec α > 0, on trouve gb(ξ) = α Z fb(ξ) e−α|ξ| dξ = α Z p 2/π p 2/π/(α2 + ξ 2 ), donc p f (x) dx = 2/π α2 + x2 Z f (αu) du 1 + u2 En remplaçant f par la fonction ft (x) = f (x + t), on obtient Z Z p f (t + αu) iξt −α|ξ| b f (ξ) e e dξ = 2/π du 1 + u2 9 Z Z ϕ(t − αu)f (t) du dt 1 + u2 pour toute fonction ϕ continue à support compact (ou toute fonction en escaliers). On fait tendre α vers 0, d’où par le théorème de convergence dominée Z Z b ϕ(−ξ) b f (ξ) dξ = ϕ(t)f (t) dt ϕ(−ξ) b fb(ξ) e−α|ξ| dξ = 1/π Supposons que fb soit intégrable, on obtient Z Z Z Z 1 b iξt b b ϕ(t)f (−t) dt = √ ϕ(t) dt f (ξ) e dξ = ϕ(t)f (t) dt 2π et donc 16 Théorème d’ inversion de Fourier : Si fb est intégrable, alors b fb(t) = f (−t) presque partout • En particulier, fb = 0 implique que f = 0, de sorte que F est injective. V. L’ intégrale de Fourier dans L Ã2 C’est en fait le véritable espace adapté à la transformation de Fourier. Reprenons l’égalité Z Z b ϕ(−ξ) b f (ξ) dξ = ϕ(t)f (t) dt valable pour ϕ et f continues à supports compacts (ou en escaliers). En prenant ϕ(t) = f (t) on trouve Z Z 2 b |f (ξ)| dξ = |f (t)|2 dt de sorte que F s’étend par continuité en une isométrie de L2 dans lui-même. 17 Théorème de Plancherel : F est une isométrie surjective de L2 sur luimême, et la transformation inverse est la co-transformation de Fourier. Démonstration : la formule d’ inversion est évidemment prolongeable à L2 par continuité. La co-transformation est évidente. 18 Proposition : Si f ∈ L2 , on a au sens de la convergence dans L2 Z n 1 f (t) e−iξt dt fb(ξ) = Lim √ n→∞ 2π n Z n 1 f (t) = Lim √ fb(ξ) eiξt dξ n→∞ 2π n 10