DENIS DIDEROT(1713-1784) Les Lumières radicales 5 octobre 1713 : naissance à Langres 1717 à 1723 : études au collège des Jésuites de Langres 1725, ses parents le destinent à la prêtrise 1728, il s’installe à Paris 1736-1743, il mène une vie de bohème désargenté 1743, son père le fait enfermer dans un monastère 1743, il débute sa carrière littéraire 1746, il publie, les Pensées philosophiques 1748, il publie les Bijoux indiscrets 1748, il se fait connaître comme mathématicien 1749, sa Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient 1751, début de la publication officielle de l’Encyclopédie 1759, le décès de son père 1759, Diderot devient critique esthétique avec ses Salons 1765, Catherine II de Russie achète sa bibliothèque 1765, terre, terre, l’Encyclopédie est terminée 1769, Grimm lui confie en partie la Correspondance littéraire juin 1773 - mars 1774, son séjour en Russie auprès de Catherine II 1781, sa participation à l’Encyclopédie méthodique de Panckoucke 31 juillet 1784, il meurt à Paris et il est inhumé à l’église Saint-Roch « Afin que nos neveux deviennent plus instruits et donc plus vertueux et que nous ne mourions pas sans avoir mérité du genre humain ». L’ŒUVRE de Diderot Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient, 1749 Le Rêve de D'Alembert, 1769 Supplément au voyage de Bougainville, 1773 « Un aveugle se passe fort bien de cette croyance sans importance pour lui. Par contre, il est très important de ne pas prendre la ciguë pour du persil mais nullement de croire ou de ne pas croire en Dieu. » « Il n'y a que de sa main qu'on puisse avaler tant de sucre sans en avoir la nausée .» •Lord Macaulay « Je crois en Dieu, quoique je vive très bien avec les athées. » « Vous avez négligé l’examen d’un organe sans lequel la condition des autres ne signifie rien, un organe d’où émanent les différences étonnantes de l’homme relativement aux opérations intellectuelles, cet organe, c’est le cerveau. » LA PENSÉE DE DIDEROT « Jeune homme, prends et lis. Si tu peux aller jusqu'à la fin de cet ouvrage, tu ne seras pas incapable d'en entendre un meilleur. Comme je me suis moins proposé de t'instruire que de t'exercer, il m'importe peu que tu adoptes mes idées ou que tu les rejettes, pourvu qu'elles emploient toute ton attention. Un plus habile t'apprendra à connaître les forces de la nature ; il me suffira de t'avoir fait essayer les tiennes. » 1) Une philosophie athée « Égaré dans une forêt immense pendant la nuit, je n’ai qu’une petite lumière pour me conduire. Survient un inconnu qui me dit : Mon ami, souffle la chandelle pour mieux trouver ton chemin. Cet inconnu est un théologien. » « Le beau projet que celui d’un dévot qui se tourmente comme un forcené pour ne rien désirer, ne rien aimer, ne rien sentir, et qui finirait par devenir un vrai monstre s’il réussissait ! » « Jamais aucune religion ne fut aussi féconde en crimes que le christianisme ; depuis le meurtre d’Abel jusqu’au supplice de Calas, pas une ligne de son histoire qui ne soit ensanglantée. » 2) Une philosophie matérialiste « Voyez-vous cet œuf ? C'est avec cela qu'on renverse toutes les écoles de théologie et tous les temples de la terre. Qu'est-ce que cet œuf ? Une masse insensible avant que le germe y soit introduit... Comment cette masse passera-t-elle à une autre organisation, à la sensibilité, à la vie ? Par la chaleur. Qui produira la chaleur ? Le mouvement. Quels seront les effets successifs, de ce mouvement ? Au lieu de me répondre, asseyez-vous, et suivons-les de l'œil de moment en moment. D'abord, c'est un point qui oscille, un filet qui s'étend et se colore; de la chair qui se forme, un bec, des bouts d'aile, des yeux, des pattes qui paraissent; une matière jaunâtre qui se dévide et produit des intestins; c'est un animal... il marche, il vole, il s'irrite, il fuit, il approche, il se plaint, il souffre, il aime, il désire, il jouit; il a toutes vos affections ; toutes vos actions, il les fait. Prétendrez-vous, avec Descartes, que c'est une pure machine imitative ? Mais les petits enfants se moqueront de vous, et les philosophes vous répliqueront que si c'est là une machine vous en êtes une autre. Si vous avouez qu'entre l'animal et vous, il n'y a de différences que d'organisation, vous montrerez du sens et de la raison, vous serez de bonne foi; mais on en conclura contre vous qu'avec une matière inerte, disposée d'une certaine manière, imprégnée d'une autre matière inerte, de la chaleur et du mouvement, on obtient de la sensibilité, de la vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée... Écoutez et vous aurez pitié de vous même; vous sentirez que, pour ne pas admettre une supposition simple qui explique tout, la sensibilité, propriété générale de la matière, ou produit de l'organisation, vous renoncez au sens commun, et vous précipitez dans un abîme de mystères, de contradictions et d'absurdités. » 3) Une conception de l’homme 4) Une éthique humaniste, naturelle et sociale « Nous ne sommes que ce qui convient à l’ordre général, à l’éducation et à la chaîne des événements. » « Je pense que les hommes ont mis beaucoup d'importance à l'acte de la génération, et qu'ils ont eu raison; mais je suis mécontent de leurs lois tant civiles que religieuses. Horace dit quelque part : le mérite suprême est d'avoir réuni l'agréable à l'utile. La perfection consiste à concilier ces deux points. L'action agréable et utile doit occuper la première place dans l'ordre esthétique; nous ne pouvons refuser la seconde à l'utile; la troisième sera pour l'agréable; et nous reléguerons au rang infime celle qui ne rend ni plaisir ni profit. [...] Mademoiselle, pourriez-vous m'apprendre quel profit ou quel plaisir la chasteté et la continence rigoureuse rendent soit à l'individu qui les pratique, soit à la société? Mlle de Lespinasse : Ma foi, aucun.- Donc, en dépit des magnifiques éloges que le fanatisme leur a prodigués, en dépit des lois civiles qui les protègent, nous les rayerons du catalogue des vertus. » 5) Une philosophie sociale et politique du progrès « Aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d'en jouir aussitôt qu'il jouit de la raison. » « Le gouvernement arbitraire d’un prince juste et éclairé est toujours mauvais. Les vertus d’un prince éclairé sont la plus dangereuse et la plus sourde des séductions. Il enlève au peuple le droit de délibérer, de vouloir ou de ne vouloir pas, de s’opposer à sa volonté même lorsqu’il ordonne le bien. Cependant le droit d’opposition, tout insensé qu’il est, est sacré sans quoi les sujets ressemblent à un troupeau dont on méprise la réclamation sous le prétexte qu’on le conduit dans de gras pâturages. » « Sous quelque gouvernement que ce soit, la nature a posé des limites au malheur des peuples. Au delà de ces limites, c’est ou la mort, ou la fuite, ou la révolte. » « Après des siècles d'une oppression générale, puisse la révolution qui vient de s'opérer au delà des mers, en offrant à tous les habitants de l'Europe un asile contre le fanatisme et la tyrannie, instruire ceux qui gouvernent les hommes sur le légitime usage de leur autorité ! Puissent ces braves Américains qui ont mieux aimé voir leurs femmes outragées, leurs enfants égorgés, leurs habitations détruites, leurs champs ravagés, leurs villes incendiées, verser leur sang et mourir, que de perdre la plus petite portion de leur liberté, prévenir l'accroissement énorme et l'inégale répartition de la richesse, le luxe, la mollesse, la corruption des mœurs, et pourvoir au maintien de leur liberté et à la durée de leur gouvernement ! Puissent-ils reculer, au moins pour quelques siècles, le décret prononcé comme toutes les choses de ce monde : décret qui les a condamnées à avoir leur naissance, leur temps de vigueur, leur décrépitude et leur fin ! Puisse la terre engloutir celle de leurs provinces assez puissante un jour et assez insensée pour chercher les moyens de subjuguer les autres ! Puisse dans chacune d'elles ou ne jamais naître ou mourir sur-le-champ sous le glaive du bourreau, ou par le poignard d'un Brutus, le citoyen assez puissant un jour, et assez ennemi de son propre bonheur, pour former le projet de s'en rendre le maître ! Qu'ils songent que le bien général ne se fait jamais que par nécessité, et que le temps fatal pour les gouvernements est celui de la prospérité, et non celui de l'adversité. » « Puis s’adressant à Bougainville, il ajouta : "Et toi, chef des brigands qui t’obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d’effacer de nos âmes son caractère. Ici, tout est à tous : et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien... Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n’es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? Orou ! Toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l’as dit à moi, ce qu’ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! Et pourquoi ? Parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : ce pays appartient aux habitants de Tahiti, qu’en penseraistu ? Tu es le plus fort ! Et qu’est-ce que cela fait ? Lorsqu’on t’a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t’es récrié, tu t’es vengé ; et dans le même instant, tu as projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée ! Tu n’es pas esclave : tu souffrirais la mort plutôt que de l’être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux t’emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu’il n’ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? Avons-nous pillé ton vaisseau ? T’avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? T’avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n'avons pas su nous faire des besoins superflus ? » un précurseur du matérialisme athée un précurseur d’une morale fondée sur l’utile et l’agréable un précurseur des droits de l’homme un précurseur d’un savoir encyclopédique moderne un précurseur de la critique d’art « Réfléchissez un moment sur ce que l’on appelle au théâtre être vrai. Est-ce y montrer les choses comme elles sont en nature ? Aucunement. Le vrai en ce sens ne serait que le commun. Qu’est-ce donc que le vrai de la scène ? C’est la conformité des actions, des discours, de la figure, de la voix, du mouvement, du geste, avec un monde idéal imaginé par le poète, et souvent exagéré par le comédien.» « Je prétends que c'est la sensibilité qui fait les comédiens médiocres ; l'extrême sensibilité les comédiens bornés ; le sens froid et la tête, les comédiens sublimes.» FIN