ENTRETIEN Professeur Nadia Ghemri, ophtalmologue et spécialiste du glaucome congénital, à Santé Mag : «Le glaucome congénital représente la première cause de cécité, en Algérie» Le professeur Nadia Ghemri est ophtalmologue, spécialisée dans la chirurgie du glaucome de l’enfant, au CHU Mustapha-Pacha. Dans cette interview, qu’elle a bien voulu nous accorder, elle insiste et réitère la nécessité de se méfier des bébés, qui ont de grands et beaux yeux et qui larmoient, de surcroît. En effet, cela peut être un signe de glaucome. Une pathologie, qui peut engendrer une cécité à vie. Un nourrisson opéré (car c’est le seul traitement), dans les plus brefs délais, peut être sauvé de cet irréversibilité. Environ, un quart d’enfants de l’école des aveugles, en Algérie, sont glaucomateux. A l’hôpital Mustapha Pacha, au moins 4 à 5 enfants sont opérés, par semaine. Ecoutons la spécialiste. Entretien réalisé par Tanina Ait Santé mag : Pouvez-vous nous expliquer, globalement, ce qu’est le glaucome congénital ? Pr N. Ghemri : Le glaucome est l’une des causes les plus fréquentes de cécité, dans le monde. On regroupe, sous le terme de glaucome, plusieurs types : une hypertonie oculaire, une altération de la fonction visuelle, due au nerf optique ; cette hypertonie va engendrer une détérioration des fonctions visuelles ; soit le champ visuel ou l’acuité visuelle. Ceci, donc, est dû à une atteinte du nerf optique. Afin d’être plus précise, il s’agit d’un phénomène d’équilibre, au niveau oculaire. Il y a une production d’un liquide, appelé humeur aqueuse, qui doit être, au fur et à mesure, résorbé ; donc, il y a sécrétion et excrétion. S’il y a un défaut d’excrétion, ça engendre une hypertonie, qui est à l’origine du glaucome, chez l’enfant. Ainsi, il faut dire que le glaucome est un ensemble d’entités qu’on peut définir. Comment définir cet ensemble de glaucomes ? Il y a le glaucome primitif (angle ouvert), qui survient chez l’adulte. Le glaucome par fermeture de l’angle ; il relève d’une prédisposition, d’abord anatomique, facteur déclenchant, qui ferme l’angle et il y a, aussi, le glaucome congénital. Vous êtes spécialisée dans le glaucome congénital. Pouvez-vous nous expliquer ce que c’est ? En fait, il s’agit du glaucome du nouveau-né, dû à une atteinte des structures, qui doivent évacuer l’humeur aqueuse, dont nous avons parlé, précédemment ; donc, il y a un défaut, à ce niveau-là, qui est congénital ; c’est-àdire que c’est une anomalie de développement. Rappelons, également, que le glaucome congénital constitue la première cause de cécité de l’enfant algérien. Plus d’un enfant, sur 4, de l’école des aveugles sont glaucomateux. Dans le monde, le taux de cécité, par glaucome congénital, est de 0,01 à 0,04%. Donc, ce problème survient à la naissance ? Il peut survenir à la naissance ou jusqu’à l’âge de 3 ou 4 ans. L’apparition de cette maladie, dans 72% des cas, se fait entre l’âge de 9 mois et 1 an. L’atteinte est, en général, bilatérale. Cette maladie atteint, plutôt, le garçon que la fille. Quant à la transmission, elle se fait de manière héréditaire et la consanguinité joue un très grand rôle. Par conséquent, le mariage interfamilial favorise l’apparition de cette maladie. Comment se développe cette pathologie ? Lorsqu’il y a ce défaut de développement, chez ces bébés, l’hypertonie va distendre l’œil, car ces structures sont élastiques immatures et extensibles ; alors, l’œil va s’agrandir et grossir, sous l’effet de cette hypertonie. Quels sont les signes apparents ? Les signes fonctionnels sont très importants. On remarque, d’abord, la photophobie. Ce sont des bébés, qui ne supportent pas du tout la lumière. Ils ont, toujours, le visage enfoui et ils larmoient énormément. Ces larmoiements sont très clairs, que nous ne devons pas confondre avec les larmoiements purulents des voies lacrymales. On peut remarquer, aussi, les yeux qui grossissent ; c’est également un signe révélateur. Face à ces symptômes, les parents doivent faire examiner leurs enfants, par un spécialiste. Comment s’effectue l’examen, à votre niveau ? L’examen se pratique sous anesthésie générale. On évalue le tonus oculaire. On fait, également, un fond de l’œil et on mesure la longueur axiale. Quel est le traitement ? Dans tous les cas, le traitement ne peut être que chirurgical. Il n’y a pas de traitement de collyre. Quelles sont les conséquences de cette pathologie pour un enfant, qui n’est pas pris en charge, à temps ? Ce qu’il faut savoir, c’est que cette maladie, qui est la première cause de cécité, chez l’enfant, est très fréquente, en Algérie. A notre niveau, il nous arrive d’opérer 4 à 5 enfants, par semaine. Donc, il faudra une prise en charge, dès les premiers signes, car toute attente détériore le champ visuel. On constate, également, un retard au niveau de l’acquisition psychomotrice, puisque tout s’acquiert par la vue. Faudrait-il le rappeler, à force que l’œil se distant, cela entraîne une perforation des globes oculaires. Si l’hypertonie n’est pas jugulée, cela peut conduire à une cécité irréversible N°07 - Juillet 2012 Santé-MAG 43