Historique de l`Université

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Historique de l’Université
Avant l’Université de Paris
L’enseignement supérieur en Europe dans l’Antiquité et au
Moyen-Age.
Issu principalement du dialogue socratique et de la pratique
des écoles philosophiques de Platon, d’Aristote et des stoïciens, l’enseignement supérieur était dispensé, jusqu’à la conversion de Constantin
au christianisme (313), par des maîtres qui exerçaient à titre privé. Il
faudra attendre la création de l’« auditorium1 » impérial byzantin institué à Constantinople en 425 par Théodose II pour qu’apparaisse la première Université d’état de l’espace européen.
Celle-ci couvrira pratiquement tous les domaines du savoir de
l’époque et elle sera appelée pour cette raison un « studium generale »,
c’est-à-dire une « école générale » au sens disciplinaire du terme. Au
reste, c’est comme établissement d’enseignement supérieur officiel que
cet auditorium est directement à l’origine de l’Université de Bologne,
qui sera fondée en 1158 par l’empereur Frédéric Ier Barberousse pour
restaurer le droit romain dans l’Occident médiéval. Mais l’institution de
cette université, limitée d’abord aux disciplines juridiques, avait été
précédée par la création des écoles médicales de Salerne et de Montpellier, qui étaient déjà célèbres au XIe siècle et qui avaient un caractère
professionnel en dehors de toute tutelle étatique.
C’est au cours du XIIe siècle qu’apparaîtra la corporation des
maîtres et des étudiants parisiens qui introduira, parallèlement à l’école
théologique épiscopale du cloître Notre-Dame, l’enseignement des arts
libéraux - la grammaire, la rhétorique et la dialectique d’une part, l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique d’autre part. Cet
enseignement de caractère privé - « universitas » signifie corporation avait été notamment illustré au début du siècle par Abélard, dont les
audaces dialectiques avaient suscité la réprobation de l’autorité ecclésiastique. Au reste, si elle n’est pas la première corporation de maîtres
et d’étudiants au Moyen-Age, l’Université de Paris est la plus ancienne
comme « studium generale » en Europe occidentale, où elle enseignait
seule toutes les disciplines avant 1200. C’est pourquoi les maîtres et les
étudiants étrangers étaient déjà nombreux à Paris avant cette date.
1
La première moitié du XIIIe siècle
La constitution du corps universitaire parisien reconnu successivement par le roi et par le pape.
3
Le terme latin « facultas » évoque précisément cette compé-
4
qui deviendra la nation d’Allemagne à la fin de la guerre de
tence.
Cent ans.
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En 1200, la police royale réprima sauvagement un incident
entre les bourgeois de Paris et la corporation universitaire parisienne.
Celle-ci se plaignit au roi Philippe Auguste qui prit sa défense en accordant à ses membres - maîtres et étudiants - le privilège d’être soumis à
la juridiction ecclésiastique pour les fautes dont ils se rendraient coupables. Ce privilège était important à une époque où l’Eglise et son droit
écrit garantissaient contre l’arbitraire ceux qui en étaient dotés. Le monarque reconnaissait ainsi la corporation universitaire parisienne, à laquelle il donnait une existence légale.
Cette reconnaissance avait ses limites puisque depuis le haut
Moyen Age le permis d’enseigner - autrement dit la licence - était de la
compétence exclusive de l’évêque ou de son chancelier. Mais au début
du XIIIe siècle, celui-ci exigeait des candidats le paiement de droits
arbitraires pour leur accorder cette licence, et les maîtres et les étudiants
parisiens demandèrent au pape Innocent III de mettre fin aux abus dont
ils étaient les victimes. Celui-ci, qui avait étudié à Paris, provoqua un
arbitrage aux termes duquel le chancelier épiscopal devra accorder gratuitement la licence, en se conformant au jugement respectif des maîtres
spécialisés dans les quatre disciplines enseignées à Paris : la théologie,
le droit ecclésiastique, la médecine et les arts libéraux (1213). Telle est
l’origine des quatre Facultés - théologie, droit2, médecine, arts - de l’ancienne Université de Paris avant la Révolution. Au départ, ces dernières
sont exclusivement des jurys d’examen compétents3 pour les quatre
disciplines concernées.
En 1215, Innocent III confirme cet arbitrage en reconnaissant à
son tour le corps universitaire parisien, dont il fixe certaines dispositions statutaires que Grégoire IX précisera en 1231. Désormais, l’Université dispose d’un statut garanti par l’autorité laïque et par l’Eglise, et
elle crée progressivement deux grades qui s’ajoutent à la licence dans le
cursus et qui garantissent son autonomie corporative au regard du chancelier épiscopal : le baccalauréat - ou déterminance - avant la licence
d’une part, la maîtrise ou doctorat après cette dernière d’autre part.
Mais en entrant dans l’Université, l’écolier doit se placer sous
l’autorité d’un maître qui lui servira de tuteur pour la durée de ses étu-
Artiens : Etudiants à la faculté des Arts.
Eglise Gallicane : Qui concerne l’Eglise catholique de France
7
Ultramontains : Qui soutient la position traditionnelle de l’Eglise catholique romaine (opposé à gallican).
8
Artiens : Maîtres et étudiants à la faculté des Arts.
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À cette époque, Turgot se préparait à être prêtre dans une
Eglise qui croyait au progrès. Il abandonnera cette carrière quand l’appareil ecclésiastique se fera répressif.
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Ces deux auteurs, qui disposaient de puissants appuis, intervinrent personnellement pour éviter la censure de leur œuvre, nommément l’Esprit des Lois, qui avait été publié en 1748, et l’Histoire naturelle qui avait paru en 1749.
11
Très nombreux dans l’enseignement en province, les jésuites
ne possédaient à Paris que le Collège Louis-le-Grand, qui était d’ailleurs exclu du corps universitaire de la capitale.
12
États généraux : Assemblée des députés des trois
« ordres »(Noblesse, Clergé et Tiers-État) convoqués par le roi pour
donner des avis.
13
Cette Ecole normale est tout à fait différente de celle qui
avait été créée en 1794 par la Convention dans l’esprit des Lumières.
14
Toutefois, l’église de la Sorbonne de Richelieu, qui sera volontairement épargnée par la IIIe République, ne sera désaffectée qu’en
1906, après la loi de séparation des Eglises et de l’Etat en 1905.
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Copyright Université Paris 1 Panthéon - Sorbonne juin 2001
De cette manière, toutes les universités créées en 1968 au sein
de l’Université de Paris sont également les héritières directes de cette
dernière. Elles en poursuivent ensemble l’enseignement et la grande
tradition scientifique et pédagogique issue d’un passé prestigieux que
nous venons d’évoquer.
L’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne aujourd’hui
Paris 1 Panthéon-Sorbonne est le premier pôle universitaire français toutes disciplines confondues : Sciences économiques et de gestion, Arts et Sciences humaines, Sciences juridiques et politiques.
À la suite des évènements de mai 1968, l’Université de Paris a
été divisée en 7 Universités nouvelles, à l’initiative des universitaires
eux-mêmes. À l’instigation notamment des Professeurs François Luchaire (Droit), Henri Bartoli (Économie) et Hélène Ahrweiler (Sciences
Humaines), l’Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne) est née en 1971
du regroupement d’une partie de la Faculté de Droit et Sciences Économiques (Panthéon) et d’une partie de la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines (Sorbonne).
Depuis sa création, Paris 1 a vu ses effectifs d’étudiants augmenter de 50% et la proportion d’étudiants de troisième cycle s’accroître constamment. Cette croissance, accompagnée de l’apparition de
nouvelles disciplines (Administration Économique et Sociale, Mathématiques Appliquées aux Sciences Sociales), a nécessité l’attribution de
nouveaux locaux qui ont augmenté la capacité d’accueil et la dispersion
de l’Université : Centre Saint-Charles pour les Arts Plastiques (1973),
Centre Tolbiac (aujourd’hui Pierre Mendès-France (1973), Centre de
recherches historiques et juridiques de la rue Malher (1972), Centre
René Cassin pour le premier cycle de Droit (1990), Maison des Sciences Économiques (1998) pour la Recherche dans ces disciplines et Centre Broca où s’installe l’Institut d’Administration des Entreprises en
2001.
des. Le corps universitaire parisien recrutant ses membres dans l’ensemble du monde occidental, les étudiants choisissent de préférence ce
tuteur parmi leurs compatriotes qui enseignent à Paris. C’est ainsi que
les maîtres et leurs élèves constitueront rapidement dans ce corps quatre
groupes régionaux qu’on appellera les « nations » de France, d’Angleterre4, de Picardie et de Normandie. Ces « nations » auront le privilège
d’élire pour une durée limitée le recteur de l’Université.
Le XIIIe siècle
L’apogée de l’Université de Paris médiévale, les conflits internes et
la fondation de la Sorbonne.
Le terme « auditorium » désignait, comme son nom l’indique, la salle où les professeurs enseignaient.
2
Qu’on appellera longtemps le « décret », parce que la Faculté
de droit parisienne dite Faculté de Décret, excluait l’enseignement du
droit romain et commentait principalement leDécret de Gratien, qui
avait été composé vers 1140 et qui était un code de droit ecclésiastique.
À partir de 1250, la notoriété du corps universitaire parisien
est sans partage en Europe. La Faculté des Arts possède de grands maîtres qui enseignent la science et la métaphysique d’Aristote dans la tradition rationaliste d’Averroès. Quant à la Faculté de Théologie, elle
tente une synthèse audacieuse entre l’aristotélisme et la théologie chrétienne. Les noms d’Albert le Grand et de Thomas d’Aquin sont étroitement liés à l’élaboration de cette synthèse dogmatique.
Ces deux théologiens (Albert le Grand et Thomas d’Aquin)
appartenaient à l’ordre dominicain qui s’était installé avec les franciscains sur la rive gauche de la Seine, où les « artiens5 », les médecins et
les juristes s’établissaient progressivement depuis le XIIe siècle, en
quittant par étapes l’île de la Cité. Habitués à la vie de couvent et rompus au travail intellectuel en équipe, les Dominicains et les Franciscains
donnaient aux sciences religieuses et profanes un essor qui permettait à
ces religieux de conquérir pacifiquement la majorité des chaires magistrales à la Faculté de Théologie, si l’on n’y prenait pas garde.
Consciente du danger que représentaient les Dominicains et les
Franciscains qui dépendaient directement du pontife romain, l’Université tenta de s’y opposer par tous les moyens après 1250. Mais, en
1255, elle fut contrainte par le pape d’admettre les religieux dans le
corps universitaire. Le conflit, qui aura de nombreux rebondissements
par la suite, laissera des traces indélébiles dans la tradition nationale. En
dépit de leur caractère clérical, l’Université et sa Faculté de Théologie
manifesteront désormais une certaine hostilité aux religieux auxquels
elles refuseront toujours de confier des responsabilités dans la corporation universitaire.
C’est notamment pour concurrencer entre autres l’influence des
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1
Dominicains et des Franciscains à Paris, que Robert de Sorbon, qui
était maître en théologie au cloître Notre-Dame, fonda en 1253 le collège qui porte son nom. Chapelain de Saint-Louis, Robert agissait sur
l’ordre du roi qui reconnaîtra solennellement la Sorbonne en 1257. À
l’instar des couvents dominicains et franciscains, celle-ci était une communauté religieuse. Mais, à la différence de ces couvents, elle était un
collège de prêtres séculiers et d’étudiants pauvres qui disposaient d’une
bourse pour se préparer au sacerdoce dans le siècle.
Le prestige de cette institution de fondation royale favorisa l’essor de nombreux collèges sur la rive gauche de la Seine dans la seconde
moitié du XIIIe siècle et à la fin du Moyen-Age. Au départ, ces collèges
sont exclusivement des pensions réservées aux étudiants pauvres. C’est
notamment à partir du XVe siècle qu’ils deviendront des établissements
d’enseignement. Avant la Renaissance, les cours de la Faculté des Arts
avaient lieu rue du Fouarre, près de la Seine, où les maîtres louaient des
salles pour donner leur enseignement.
À la fin du XIIIe siècle, l’Université de Paris est marquée par
les querelles philosophiques et théologiques qui opposent les partisans
de l’aristotélisme d’Averroès à l’interprétation chrétienne de la pensée
d’Aristote, telle qu’elle avait été enseignée par Thomas d’Aquin
(+1274). Mais la polémique est si grave pour l’Eglise et pour la foi
chrétienne qu’en 1277, le pape et l’évêque de Paris estimeront nécessaire de condamner la doctrine de Thomas d’Aquin, qui ménageait encore trop à leurs yeux ses adversaires averroïstes. C’est seulement au
début du XIVe siècle que l’Eglise canonisera et réhabilitera Thomas
d’Aquin. Mais en raison de l’audience internationale de l’université
parisienne, le pape Nicolas IV accorde en 1292 aux étudiants qui ont
obtenu la licence à Paris le privilège d’enseigner dans toute la chrétienté romaine. Jusqu’ici cette licence parisienne avait comme les autres
une compétence diocésaine.
Le XIVe siècle sera marqué entre autres par le problème des
débouchés des étudiants. A une époque où l’Eglise commande la vie
intellectuelle et culturelle de la chrétienté, les emplois susceptibles d’être occupés par les gradués des universités - dans l’enseignement, dans
La Faculté des Lettres de Nanterre - créée en 1964 au sein de
l’Université de Paris - étant devenue le théâtre d’une agitation gauchiste
permanente contre les projets de réforme, le recteur de l’Académie, président du Conseil de l’Université de Paris, décidait sur proposition du
doyen de cette faculté de fermer cette dernière le 2 mai 1968.
Si cette agitation permanente était redoutable dans le campus
isolé de Nanterre, il faut dire qu’elle était principalement le fait d’une
minorité conduite par quelques meneurs, qui contrôlaient une majorité
indécise et déroutée par la réforme en question. Au reste, le lendemain,
le 3 mai, il n’y avait que trois à quatre cents étudiants dans la cour de la
Sorbonne pour dénoncer la fermeture de la faculté de Nanterre et demander au recteur d’annuler la décision administrative qui permettait de
traduire plusieurs de leurs camarades devant le Conseil de l’Université
de Paris.
Mais le recteur ne put donner l’audience qu’ils désiraient et, en
fin de soirée, il fit appel à la police pour qu’ils évacuent la cour de la
Sorbonne. Des échauffourées violentes opposèrent les étudiants aux
forces de l’ordre dans la rue et il y eut des arrestations nombreuses et
des centaines de blessés dans les deux camps. Tel est l’incident majeur
qui entraîna plusieurs semaines de troubles à Paris et une grève générale illimitée en France, et qui faillit emporter la Ve République.
Le général de Gaulle, président de la République, réussissant à
rétablir l’ordre à la fin de mai, la nouvelle assemblée nationale élue en
juin, après la dissolution de la précédente, eut pour principale mission
de réformer la législation universitaire de la IIIe République, en donnant une large autonomie de gestion aux établissements d’enseignement
supérieur et en permettant ainsi d’établir plusieurs universités dans une
même circonscription académique.
C’est ainsi qu’à Paris, où l’Université était devenue très difficile à gérer par le nombre de ses professeurs et de ses étudiants, la législation nouvelle - loi du 12 novembre 1968, remplacée par la loi du 26
janvier 1984 - permit de créer dès 1969 treize universités au sein de
l’ancienne Université de Paris. Paris 1 est la première d’entre elles dans
l’ordre numérique. Mais, si elle possède, comme tous les établissements
d’enseignement supérieur français, son président et son conseil, elle est
placée, avec les autres universités de la capitale et de la périphérie, sous
la tutelle administrative du recteur de Paris, chancelier des Universités
de son académie.
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La fin du XIIIe siècle et le XIVe siècle
Les polémiques philosophiques et théologiques et les débouchés des
étudiants.
Pour sa part, la résistance s’organisa progressivement dans les
facultés parisiennes. Mais il fallut de dures épreuves pour qu’elle puisse
participer effectivement à la libération de Paris le 25 août 1944.
En 1945, à la fin du conflit, l’Université de Paris retrouvait les
problèmes qui lui étaient propres et qui s’étaient aggravés avec la
guerre et l’occupation étrangère. Mais la IVe République dépensait les
crédits publics dans des expéditions coloniales d’un autre âge, et elle
refusa toujours à l’enseignement supérieur les moyens qui lui étaient
nécessaires pour accomplir sa mission.
Au Quartier latin, les étudiants s’entassaient dans des salles et
dans des amphithéâtres surpeuplés, et le corps enseignant, insuffisant en
nombre, n’avait pas les moyens de les suivre et de les encadrer correctement. Il fallut attendre la fin de la IVe République pour qu’on établisse à Orsay une seconde Faculté des Sciences parfaitement équipée
pour la recherche. C’est également dans cet esprit qu’on institua à cette
époque, dans les facultés, le 3e cycle de recherche qui manquait à l’Université française. Pour être tardive, l’initiative devait avoir d’heureux
effets.
Mais la déconcentration des centres universitaires dans la capitale et à la périphérie sera surtout l’œuvre de la Ve République dans les
premières années de son existence. Cette politique atteignit ses objectifs
en répondant notamment aux problèmes posés par le nombre des étudiants. Malheureusement, le pouvoir crut également qu’il pouvait
contrôler l’accès de ces derniers à l’Université, en organisant une sélection sévère à l’entrée des facultés et en créant des instituts universitaires
de technologie, qui pouvaient apparaître comme des filières de second
ordre pour les bacheliers inaptes à l’enseignement supérieur traditionnel.
En fait, cette création était une initiative très heureuse en introduisant des options techniques et professionnelles dans cet enseignement qui n’en avait pas suffisamment auparavant, puisque ces options
étaient réservées aux grandes écoles depuis Napoléon. Mais la réforme,
qui n’avait pas été négociée avec tous les partenaires intéressés, fut rejetée par les étudiants dans un climat politique et social défavorable, et
elle provoqua une véritable insurrection dans les facultés à Paris et en
province.
2/ La cause immédiate de la crise de 1968, la législation universitaire nouvelle.
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l’administration ou ailleurs - exigent généralement la possession d’un
bénéfice ecclésiastique pour assurer la subsistance des intéressés. Celuici leur est accordé par le pape - qui réside à Avignon à cette époque contre le paiement de lourdes taxes au trésor pontifical. Cette fiscalité
parasitaire accentue la crise économique et sociale du Moyen Age tardif, en suscitant des protestations universitaires qui figurent parmi les
causes du Grand Schisme d’Occident.
La fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle
Le Grand Schisme d’Occident, la querelle entre les Armagnacs et
les Bourguignons, et le procès de Jeanne d’Arc.
Pendant le Grand Schisme d’Occident (1378-1417) qui oppose
la papauté romaine à la papauté avignonnaise soutenue par la France,
l’Université participe étroitement à la querelle entre les deux pontifes,
qui seront un moment au nombre de trois à se disputer la tiare. Cette
participation s’imposait à une époque où les maîtres et les étudiants
avaient un statut clérical. L’Université de Paris jouera d’ailleurs un rôle
décisif dans l’issue du conflit, puisque c’est grâce à l’action de son
chancelier, le célèbre Jean Gerson, que le concile général réuni à Constance entre 1414 et 1418 permit de mettre fin au schisme. Pendant ce
concile général et pendant celui qui le suivit à Bâle entre 1431 et 1449,
les universitaires parisiens seront les premiers à réclamer le contrôle de
l’absolutisme pontifical par l’Eglise et une meilleure gestion des bénéfices ecclésiastiques qui commandaient leurs carrières. Leur échec sur
l’un et l’autre point est l’une des causes de la Réforme.
Il faut rappeler également la position de l’Université dans les
luttes civiles provoquées à l’époque par la démence de Charles VI.
Etant donné le coût des études et de leurs débouchés, les universitaires
du XIVe et du XVe siècle se recrutaient notamment dans les familles
bourgeoises de Paris et des villes du nord de la France et des Pays-Bas,
qui étaient plus riches que d’autres parce que sans être exclusifs, les
échanges nombreux et divers entre la capitale et les régions septentrionales de l’Europe avaient favorisé leur fortune commune.
Les liens qui unissaient les universitaires à l’aristocratie marchande de la capitale et des autres villes du nord apparurent au grand
jour quand le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, qui avait les Flandres
et les Pays-Bas dans son domaine, s’allia aux représentants de l’aristocratie municipale parisienne contre le parti armagnac, qui représentait
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majoritairement la France rurale et féodale à laquelle appartiendra
Jeanne d’Arc. Comme les bourgeoisies urbaines du Nord avaient également des rapports commerciaux avec l’Angleterre, le parti bourguignon
traita avec les Anglais après la défaite d’Azincourt (1415) et l’assassinat de Jean sans Peur (1419), et l’Université, qui avait choisi ce parti,
approuva le traité de Troyes (1420) qui transmettait la couronne de
France à Henri VI de Lancastre à la mort de Charles VI (1422). C’est
pourquoi après avoir pris Orléans et fait sacrer Charles VII à Reims
(1429), Jeanne d’Arc échouera devant Paris, et sera condamnée au bûcher par un tribunal ecclésiastique (1431) présidé par un maître universitaire influent, Pierre Cauchon, devenu évêque de Beauvais.
La fin du Moyen-Age
L’Université soumise au Parlement de Paris, François Villon, la
première imprimerie française en Sorbonne.
L’Université avait joué un rôle décisif dans la condamnation
de Jeanne d’Arc et Charles VII s’en souviendra quand, à la faveur du
renversement de la situation provoqué par l’héroïsme et le supplice de
la Pucelle, il put rentrer dans sa capitale en 1436. Soucieux de contrôler
à l’avenir le corps universitaire dans ses débordements, le roi le soumettra à la juridiction du Parlement de Paris en 1446.
L’Université fit grève pour protester contre cette décision qui la
plaçait sous la tutelle royale, sans la libérer de l’arbitraire pontifical
avec lequel la monarchie française cherchera progressivement un accord pour contrôler seule à son tour les études, l’accès aux bénéfices
ecclésiastiques et la carrière des étudiants. En attendant cet accord lointain, Charles VII et le pape réformèrent ensemble le corps universitaire
et le régime de ses Facultés en 1452. Mais les années qui suivirent immédiatement cette réforme furent marquées par des grèves et des manifestations étudiantes très violentes, auxquelles participa un écolier parisien appelé à la célébrité, le poète François Villon.
Ces incidents n’empêchaient pas l’Université de suivre son
cours dans l’air du temps. C’est ainsi qu’en 1470, à l’initiative de Louis
XI, le bibliothécaire de Sorbonne, Guillaume Fichet, installa la première imprimerie française dans la maison.
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ment fut irréversible en permettant progressivement aux femmes d’occuper des chaires magistrales.
Au reste, à cette époque, l’Université poursuit son essor. Le
phénomène est attesté par la création de la Cité universitaire, qui sera
établie par étapes Boulevard Jourdan pour accueillir les étudiants étrangers des cinq continents. Il est également marqué par la fondation de
nombreux instituts d’université et de faculté, qui accompagnent des
cursus nouveaux dans un savoir dispensé par des maîtres prestigieux.
La période est aussi le théâtre de luttes politiques très vives.
C’est ainsi qu’à deux reprises, la Faculté de Droit fut troublée par des
incidents provoqués par la nomination d’un professeur de gauche en
1925, et par l’enseignement d’un maître qui dénoncera en 1935 la
conquête de l’Ethiopie par l’Italie fasciste. De son côté, la protestation
contre l’agrégation de médecine continua dans la Faculté concernée, où
des manifestations racistes et xénophobes s’en prirent aux étrangers,
coupables à leurs yeux de concurrencer les Français dans l’exercice de
l’art médical. Les sympathies des étudiants de ces facultés, qui se recrutaient souvent dans un milieu aisé, seront dénoncées par leurs camarades littéraires et scientifiques qui seront favorables au Front populaire
en 1936.
Mais à l’exception de rares constructions nouvelles, les locaux
seront insuffisants pour répondre à l’augmentation du nombre des étudiants et aux besoins de l’enseignement supérieur, et l’Université de
Paris entrait dans une crise grave quand éclata la seconde guerre mondiale en 1939.
De 1940 à la crise de 1968
1/ La seconde guerre mondiale, la IVe République, la Ve République.
La défaite de 1940 ayant provoqué l’occupation de la France
par les Allemands, le gouvernement, qui s’était établi à Vichy et qui
collaborait avec l’ennemi, prit des mesures discriminatoires conformes
aux vœux de celui-ci. Il exclut de l’administration française les Juifs et
les opposants les plus résolus à sa politique. Le corps universitaire parisien fut particulièrement affecté par ces mesures racistes et arbitraires.
Au reste, la situation s’aggrava par étapes en provoquant rapidement
l’incarcération et la déportation des professeurs juifs ou hostiles aux
Allemands et à la collaboration avec eux.
19
et les facultés de chaque académie constituent désormais au chef-lieu
de cette dernière une université, dont le recteur préside le Conseil sous
l’autorité du ministre de l’Instruction publique. L’Université de Paris
renaît comme telle pour sa part.
3/La IIIe République de 1898 à 1919 : l’Université et l’affaire Dreyfus, les polémiques sur l’enseignement supérieur et la
première guerre mondiale.
L’Université de Paris était en plein essor, quand ses professeurs
s’engageront en 1898 dans la polémique provoquée par la demande en
révision du procès du capitaine Dreyfus, qui avait été injustement
condamné par un tribunal militaire. À l’instar du pays, les enseignants
se divisèrent sur le sujet. Mais beaucoup d’entre eux se prononcèrent en
faveur de cette révision. C’est notamment grâce à leur action que
Dreyfus, reconnu innocent, sera réintégré dans l’armée en 1906.
Le combat des intellectuels dreyfusards favorisa dans le corps
universitaire l’émergence d’un radicalisme de gauche fondé sur les
droits de l’homme, la justice sociale et la défense des libertés publiques
et du rationalisme scientifique. Tout en accompagnant le développement des études, ce radicalisme suscita dans l’Université de Paris et
dans le pays des polémiques sur la nature de l’enseignement supérieur
dans certaines disciplines. C’est ainsi que le débat qui eut lieu en Sorbonne, avant la première guerre mondiale, sur les humanités classiques
et le latin intéressa à la fois les littéraires et les scientifiques.
Les conflits idéologiques interfèrent dès lors avec les problèmes corporatifs. C’est ainsi que la contestation du concours de l’agrégation de médecine, qui assure le recrutement des professeurs dans cette
discipline, prit une ampleur sans précédent au Quartier latin au début du
XXe siècle. Mais l’enseignement supérieur parisien n’en jouit pas
moins à cette époque d’une réputation internationale, en attirant de
nombreux étudiants étrangers à ses cours.
La première guerre mondiale interrompit cet essor en engageant
la majorité des étudiants dans le conflit. Beaucoup y donnèrent héroïquement leur vie pour le salut de la patrie.
4/ La fin de la IIIe République (1919 - 1940) : l’accès progressif des femmes aux chaires magistrales, la création de la Cité
universitaire et les luttes politiques et idéologiques.
Si elle fut une dure épreuve, la première guerre mondiale favorisa définitivement l’accès des jeunes filles à l’Université. Le mouve18
La première moitié du XVIe siècle
Le concordat de 1516, la Renaissance française et la fondation des
lecteurs royaux.
Il fallut les guerres d’Italie (1494-1515) pour que la monarchie
française, victorieuse à Marignan (1515), établisse une tutelle sans partage sur l’Eglise gallicane6 et sur le corps universitaire parisien. François Ier profita effectivement de sa victoire pour signer avec le pape
Léon X le concordat de Bologne (1516), qui accordait au roi un pouvoir
discrétionnaire sur l’accès des gradués des universités aux bénéfices
ecclésiastiques - évêchés, abbayes, prieurés- en France.
Mécontente d’avoir perdu définitivement la possibilité de
contrôler les nominations à ces bénéfices, l’Université essaya par tous
les moyens d’empêcher la ratification du concordat par le Parlement de
Paris qui partageait ses sentiments. Mais elle dut se soumettre avec celui-ci à la volonté royale qui manifestait de cette manière l’émergence
de l’absolutisme monarchique.
Solidement appuyé sur la foi catholique et la papauté, cet absolutisme permettra à la France d’éviter la rupture de la Réforme luthérienne qui éclatera en 1517 en provoquant la division religieuse de l’Allemagne. Pour sa part, l’opposition persistante des corps constitués au
concordat suscitera exclusivement l’essor d’un gallicanisme universitaire et parlementaire soucieux de limiter le pouvoir absolu du pape au
spirituel et du roi au temporel. Mais ce gallicanisme ne rejetait pas la
foi catholique, et l’Université et sa Facultéde Théologie soutiendront
fermement avec le Parlement la répression du protestantisme par le
pouvoir royal sous François Ier et ses successeurs.
En outre, François Ier critiquait l’enseignement des facultés
parisiennes qui n’introduisaient pas dans leurs méthodes pédagogiques
les disciplines nouvelles, issues de la Renaissance et de l’humanisme.
Fondées principalement depuis le Moyen-Age sur la pratique du syllogisme et sur la réflexion scolastique, ces méthodes ignoraient la rhétorique antique et les langues anciennes - latin classique, grec, hébreu - qui
permettent seules d’avoir une connaissance critique de la Bible et des
textes anciens et de répondre de cette manière aux impératifs intellectuels et culturels de l’époque.
Assurément, certaines de ces disciplines s’étaient progressivement introduites dans les collèges de la Faculté des Arts depuis le XVe
7
siècle. Mais elles n’étaient pas encore entrées officiellement dans les
programmes universitaires, et cette lacune empêchait les élites religieuses et laïques d’avoir une formation adaptée aux missions respectives
qui les attendaient pour exercer correctement leurs fonctions dans l’Eglise et dans l’Etat à l’époque de la Renaissance.
Ce fut le mérite de François Ier et de son entourage éclairé Marguerite de Navarre, sœur du roi, l’humaniste Guillaume Budé, l’évêque Jean du Bellay - de comprendre la nécessité d’introduire dans
l’Université un groupe de lecteurs payés par le roi et spécialisés dans
l’enseignement des disciplines humanistes pour insérer définitivement
ces dernières dans les collèges parisiens. L’institution de ces lecteurs en
1530 est à l’origine du prestigieux Collège de France qui existe encore
aujourd’hui.
La fin du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle
Les guerres de religion, le règne d’Henri IV, Richelieu et la Sorbonne.
Pendant les guerres de religion qui opposèrent les catholiques
aux protestants entre 1562 et 1594, l’Université de Paris montra une
hostilité persistante au protestantisme. Le système des bénéfices ecclésiastiques commandait toujours la carrière des maîtres et des étudiants,
qui auraient perdu leurs débouchés traditionnels si les réformateurs calvinistes l’avaient emporté.
Avant l’entrée d’Henri IV à Paris en 1594, l’Université adhéra
officiellement à la Ligue, qui jouissait d’un pouvoir absolu dans la capitale et qui défendait même la candidature d’une infante espagnole au
trône de France contre le roi légitime. C’est pourquoi elle dut se soumettre à celui-ci quand il fut maître de la capitale.
Pour affirmer son pouvoir exclusif sur les maîtres et les étudiants, Henri IV réforma seul l’Université, sans le consentement du
pape, en 1600. Il manifestait de cette manière l’émergence d’un gallicanisme royal, qui n’était pas aussi radical que le gallicanisme universitaire et parlementaire, mais qui n’en défendait pas moins avec intransigeance les droits régaliens du souverain contre les empiétements de la
Cour romaine acquise à la Contre-Réforme.
Premier ministre de Louis XIII entre 1624 et 1642, le cardinal
de Richelieu pratiquera approximativement la même politique universitaire et religieuse que Henri IV. Proviseur du collège de Sorbonne, qui
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tor Cousin, qui avait été l’idéologie dominante du corps universitaire
depuis le Premier Empire.
Même si elle avait souvent été en désaccord avec la dogmatique
ecclésiastique, cette idéologie spiritualiste d’inspiration platonicienne et
libérale n’en avait pas moins approuvé, avec Victor Cousin et ses disciples, la loi Falloux et l’ordre moral de Mac Mahon. Désormais, les républicains au pouvoir appliquent par étapes leur programme fondé sur
la laïcité, le positivisme scientifique, l’essor des crédits alloués à l’enseignement supérieur et l’accès des femmes à cet enseignement qui leur
était interdit auparavant, malgré les initiatives limitées qui avaient été
prises sous le Second Empire à cet égard.
L’esprit laïque de l’Université est marqué par la suppression de
la Faculté de Théologie catholique de la Sorbonne, qui disparaît avec
ses homologues de province en 1885. La même année, on posait la première pierre de la nouvelle Sorbonne dont Jules Ferry avait décidé la
reconstruction en 1881, comme président du Conseil et ministre de
l’Instruction publique. Le chantier durera seize ans. Mais, réalisé sur un
plan monumental, l’édifice atteste que la Sorbonne républicaine et laïque supplante désormais la Sorbonne monarchique et cléricale d’autrefois14. Au reste, l’inauguration de la première phase de reconstruction
de la Sorbonne aura lieu en 1889 à l’occasion du premier centenaire de
la Révolution française.
Dans cet esprit qui s’inspire du positivisme et du rationalisme
scientifique, les crédits alloués à l’enseignement supérieur permettent
d’augmenter les chaires dans toutes les disciplines et de favoriser l’essor des laboratoires et des bibliothèques universitaires, dont les moyens
étaient presque inexistants auparavant. Cette augmentation conduit à
diversifier les enseignements en présentant aux étudiants des programmes nouveaux, des diplômes rénovés et des conditions d’accès plus
faciles aux études supérieures.
En outre, les républicains font un effort sans précédent pour
faciliter l’accès des étudiantes à l’enseignement supérieur. En 1881, ils
créent à cet effet l’Ecole normale supérieure de Sèvres pour former des
professeurs féminins qui enseigneront dans les lycées de filles. Et c’est
également à cette date que l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm
sera laïcisée par la suppression de l’aumônerie de l’établissement.
Enfin, apparaît en 1896 la réforme attendue depuis longtemps.
L’Université de France est supprimée dans sa structure centralisatrice,
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La IIIe République (1870 - 1940)
1/ La IIIe République naissante (1870-1879) : la guerre de 1870 et
la Commune, l’ordre moral et l’affermissement du régime.
Après la chute de l’Empire et la proclamation de la République
(4 septembre 1870), les facultés parisiennes durent momentanément
interrompre leurs activités paralysées par la guerre franco-allemande et
les sièges successifs de la capitale par l’ennemi et par l’armée de Versailles, où l’assemblée nationale et le gouvernement s’installèrent pour
fuir la Commune insurrectionnelle. La paix avec les Allemands étant
signée à Francfort le 10 mai 1871, la dette de guerre exigée par le traité
n’encourageait naturellement pas cette assemblée à majorité monarchiste à prendre des initiatives en faveur de l’enseignement supérieur.
C’est pourquoi le pouvoir entreprit surtout de transférer les dépenses
universitaires aux institutions privées.
Tel est le sens de la loi de 1875 qui étendit les compétences de
la loi Falloux à l’enseignement supérieur, en permettant la fondation
des facultés libres à Paris et en province. Mais les républicains contestèrent cette législation favorable à la création des Instituts catholiques
et, après les élections générales de 1876 et de 1877, qui leur donnèrent
successivement la majorité à la Chambre des Députés créée par la
Constitution de 1875, ils augmentèrent les crédits alloués à l’enseignement supérieur, en accélérant la politique d’agrandissement des facultés
parisiennes de Droit et de Médecine - qui avait été amorcée timidement
avant 1875. C’est dans ce contexte qu’on entreprit de construire avenue
de l’Observatoire un bâtiment spacieux pour l’Ecole supérieure de
Pharmacie, qui avait été intégrée dans l’Université en 1840. L’évolution
des esprits est également attestée à cette époque par l’introduction de
l’économie politique dans les programmes de la licence en droit (1877).
2/ La IIIe République de 1879 à 1898 : le changement de
cap, le positivisme et le rationalisme universitaire, la reconstruction
de la Sorbonne, l’essor de l’enseignement supérieur.
Mais il faut attendre la démission de Mac Mahon et l’élection
de Jules Grévy à la présidence de la République (1879) pour que l’Université entreprenne par étapes la mutation qui s’imposait dans ses structures et dans son esprit. C’est effectivement grâce à l’arrivée définitive
des républicains au pouvoir à cette date que l’institution devait épouser
son siècle, en rompant avec le spiritualisme de Royer-Collard et de Vic16
était le siège de la Faculté de Théologie parisienne depuis 1554, il en
reconstruisit somptueusement les bâtiments sur les plans de l’architecte Lemercier.
Le règne de Louis XIV (1643 - 1715)
La Fronde, la querelle janséniste, la réforme des études juridiques, le gallicanisme royal et le cartésianisme censuré.
Pendant la Fronde (1648 - 1652) qui éclata à Paris et en province pendant la minorité de Louis XIV, l’Université, toujours proche
de la bourgeoisie parisienne, prit parti pour le Parlement dans les premiers temps du mouvement insurrectionnel. Mais son attitude fut
beaucoup plus réservée pendant la Fronde des princes, qui permit ensuite au Parlement de se réconcilier avec la régente.
En revanche, l’Université et sa Faculté de Théologie jouèrent
un rôle décisif aux origines de la querelle janséniste, qui peut être
considérée au point de vue politique comme un épisode de la Fronde
parlementaire. Cette Faculté ayant censuré, à l’issue d’un vote contesté, cinq propositions dogmatiques de l’Augustinus de Jansénius
condamné par le pape en 1642, les théologiens, hostiles à cette censure, obtinrent du Parlement qui partageait leur point de vue l’interdiction de poursuivre le débat sur le sujet. Il s’ensuivit une longue querelle sur la grâce et le libre-arbitre qui se poursuivit après la Fronde,
en opposant jusqu’au XVIIIe siècle les jansénistes et les partisans du
gallicanisme universitaire et parlementaire aux ultramontains7 et aux
jésuites favorables à l’absolutisme religieux du pape et du roi. On sait
qu’au cours de cette querelle, Pascal ridiculisa la Faculté de Théologie
de la Sorbonne dans les Provinciales (1656).
Pendant le règne personnel de Louis XIV (1661 - 1715), Colbert, principal ministre du roi, opéra une importante réforme des études juridiques qui comprenaient exclusivement à Paris le droit ecclésiastique depuis les origines. En 1679, il introduisit dans la Faculté de
Droit de la capitale l’enseignement du droit civil - c’est-à-dire du droit
romain - et du droit français en plein essor.
Colbert voulait soustraire de cette manière les études juridiques à l’emprise du droit canonique, qui servait la primauté pontificale
au détriment de l’autorité royale en conflit avec Rome à cette date
pour la défense de ses intérêts régaliens. C’est dans cet esprit que Colbert demandera aux évêques français de définir leur doctrine sur les
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pouvoirs respectifs du roi et du pontife romain. Telle est l’origine de la
Déclaration gallicane en quatre articles qui sera adoptée par l’épiscopat
français en 1682 et qui constituera la charte fondamentale de l’enseignement du gallicanisme dans l’Université jusqu’au XIXe siècle.
Le jansénisme s’inspirant d’un rationalisme doctrinal qui l’apparentait à la philosophie de Descartes, l’Eglise et le pouvoir royal interviendront à différentes reprises jusqu’à la fin du règne de Louis XIV
pour empêcher l’enseignement du cartésianisme dans l’Université.
La première moitié du XVIIIe siècle
La querelle de l’Unigenitus, l’enseignement du cartésianisme et la
naissance d’un esprit nouveau.
Avant de mourir, Louis XIV avait demandé au pape, à l’instigation des jésuites, de condamner solennellement le jansénisme qui
troublait toujours l’Eglise et le corps universitaire en contestant l’absolutisme royal et pontifical. C’est pourquoi le pontife publia à cet effet la
bulle Unigenitus (1713), qui suscita immédiatement contre elle une opposition déclarée au Parlement, dans l’Université et même auprès de
nombreux théologiens parisiens.
Le duc d’Orléans, qui exercera la Régence (1715 - 1723) après
la mort du Grand Roi, pratiquant une politique radicalement différente
de celui-ci, l’opposition janséniste prit un caractère insurrectionnel au
sein du corps universitaire et dans le pays. Il faudra attendre la majorité
de Louis XV et la politique pacifiste de son ministre d’Etat, le cardinal
de Fleury (1726 - 1743), pour que la Faculté de Théologie et l’Université acceptent définitivement l’Unigenitus.
Cependant, même s’il avait fini par sévir contre les opposants à
la bulle, le Régent avait singulièrement libéré les esprits en permettant,
par sa politique tolérante, l’enseignement du cartésianisme à la Faculté
des Arts. Au reste, celle-ci profita tout particulièrement de la sollicitude
du duc d’Orléans, qui accorda en 1719 la gratuité des études aux écoliers « artiens8 ».
La querelle religieuse s’étant momentanément assoupie, les
années comprises entre 1730 et 1750 furent marquées par l’évolution
des mentalités qui accompagna l’essor économique de la France et qui
favorisa la naissance d’un esprit scientifique dans la corporation universitaire parisienne. À partir de cette époque, la physique de Newton remplaça peu à peu celle de Descartes dans l’enseignement des collèges. La
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versité en privant les enseignants libéraux - tels Victor Cousin, Guizot de leurs chaires parisiennes. Mais, cette politique suscitant la protestation conjointe de la gauche républicaine et de la droite gallicane, Charles X dut rappeler ces enseignants et rétablir avant la révolution de juillet 1830 le régime universitaire antérieur.
Par l’intermédiaire de Guizot, qui était proche de LouisPhilippe, l’Université fut au centre des revendications de cette révolution libérale. Au reste, Victor Cousin et le libéral Villemain furent tour
à tour, avec Guizot et le juriste Salvandy, les ministres du roi et ils inspirèrent la politique universitaire du régime, qui conçut de grands projets pour réformer l’Université et développer entre autres les enseignements de la Faculté de Droit de Paris et l’équipement de la Faculté des
Sciences de la Sorbonne. Malheureusement, les moyens financiers ne
permirent pas de réaliser ces projets, et la Révolution de février 1848
éclata au moment même où Guizot était Premier ministre et veillait jalousement sur les dépenses publiques.
Les étudiants prirent une part active à cette révolution qui proclama la Seconde République. Mais l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République en décembre 1848 permit à la
droite de voter la loi Falloux (1850), qui proclamait la liberté de l’enseignement secondaire conformément aux termes de la constitution nouvelle. Si elle ne s’appliquait pas aux facultés et à la collation des grades
qui conservèrent le monopole universitaire, cette loi n’en aura pas
moins des effets pervers sous le Second Empire.
De fait, le régime autoritaire instauré par le coup d’Etat du 2
décembre 1851 aggrava l’application de la loi Falloux, en introduisant
la hiérarchie catholique dans les instances académiques. En outre, le
régime exigea des universitaires de prêter serment au chef de l’Etat et il
surveilla étroitement leurs cours et leur conduite. Enfin, comme LouisPhilippe, Napoléon III eut pour l’Université de grands projets qu’il ne
put réaliser faute de moyens.
Sous l’Empire libéral (1860 - 1870), Victor Duruy, ministre de
l’Instruction publique, voulut introduire la recherche dans l’Université
et il créa en Sorbonne à cet effet l’Ecole Pratique des Hautes-Etudes.
Mais, à la veille de la guerre de 1870, les laboratoires universitaires de
Paris étaient dans un état misérable que Pasteur dénoncera justement
dans un texte célèbre en 1868.
15
- à l’exclusion de la médecine qui ne possède que le doctorat.
L’Université impériale enseigne en premier lieu la théologie catholique à Paris et en province, et protestante dans certaines villes de
province - et il est clair qu’elle se situe à ce sujet comme en d’autres
dans la tradition de l’Ancien Régime. Au reste, s’il ne peut ignorer dans
les sciences et en médecine les acquis révolutionnaires comme l’enseignement commun de la pratique médicale et de la chirurgie, le corps
universitaire napoléonien est résolument spiritualiste et conservateur
dans son ensemble. Telle est la volonté de l’Empereur qui a confié l’enseignement de la philosophie à la Faculté des Lettres de Paris à RoyerCollard, qui était à la fois janséniste et cartésien dans l’esprit de l’Ancien Régime.
Cette philosophie idéaliste et spiritualiste sera également celle
de l’Ecole normale, fondée en 1810 dans la meilleure tradition des collèges pré-révolutionnaires13.
Enfin, en excluant soigneusement de l’Université les disciplines
techniques qu’il confiait, comme l’Ancien Régime, à des établissements spécialisés, Napoléon est incontestablement responsable de la
séparation de notre enseignement supérieur entre les facultés d’une part
et les grandes écoles d’autre part. En fait, cette séparation lui était imposée par son hostilité au matérialisme encyclopédique et à la philosophie des Lumières. L’Université s’efforcera pour sa part de combler
tardivement ses lacunes à cet égard.
Le XIXe siècle
La Restauration, la Monarchie de Juillet, la Seconde République et
le Second Empire.
L’Université impériale, qui devint l’Université de France en
1814, conservera pratiquement le même statut pendant la majeure partie
du XIXe siècle. Assurément, la Restauration, aux prises avec les ultraroyalistes et la gauche également hostiles à ce corps d’Etat, faillit supprimer l’institution après les Cent-Jours (1815). Mais Louis XVIII réussit à la maintenir avec le concours de Royer-Collard, qui défendait la
monarchie constitutionnelle contre les extrêmes.
Toutefois, après l’assassinat du duc de Berry (1820), le roi dut
céder aux ultras et, après avoir installé en Sorbonne les Facultés de
Théologie, des Sciences et des Lettres qui étaient rue Saint Jacques depuis l’Empire, il nomma l’évêque Frayssinous grand maître de l’Uni14
Faculté de Théologie participait elle-même au mouvement en professant un optimisme et un syncrétisme doctrinal dont le jeune Turgot9 - le
futur ministre de Louis XVI - sera l’interprète en affirmant en 1750
comme prieur de Sorbonne sa foi dans les progrès de l’humanité.
À cette époque, l’essor des sciences expérimentales est marqué
par le rapprochement qui s’opère entre la formation des médecins et
celle des chirurgiens qu’un nouveau statut, approuvé par édit royal en
1743, contraint d’être maîtres ès arts pour exercer leur profession. S’ils
n’étaient toujours pas membres de la Faculté de Médecine, les chirurgiens appartenaient désormais à l’Université comme « artiens ».Enfin,
il faut signaler comme un signe des temps la fondation en 1746 du
concours général des collèges qui existe encore aujourd’hui.
La seconde moitié du XVIIIe siècle
La censure de la philosophie des Lumières, le départ des jésuites et
la réforme de l’Université.
À la fin de 1751, un jeune théologien défendit implicitement
dans une thèse le sensualisme de Condillac et le matérialisme de l’époque. L’impétrant suscitant une polémique parce qu’il avait participé à la
rédaction de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert qui venait de
paraître, la Faculté de Théologie dut annuler cette thèse et montrer désormais un zèle intransigeant au service de la foi catholique. C’est ainsi
qu’elle faillit censurer Montesquieu et Buffon10, avant de condamner
successivement Rousseau, Marmontel, l’abbé Raynal et l’abbé de Mably.
Les jésuites étant intervenus activement dans cette polémique,
la querelle religieuse et philosophique interféra avec la conjoncture politique en provoquant en 1762 la suppression, sur ordre du Parlement,
de la Compagnie de Jésus qui dirigeait quatre-vingts pour cent des collèges français11. Telle est l’origine de l’agrégation de l’Université, qui
fut instituée en 1766 pour recruter des professeurs appelés à remplacer
les religieux exilés.
On profita du départ des jésuites du Collège Louis-le-Grand
pour faire de celui-ci le siège de l’Université. Pour sa part, la Faculté de
Droit, qui était à l’étroit dans ses anciens locaux, put s’installer dans le
bâtiment spacieux que l’on construisit pour elle sur la Montagne SainteGeneviève, et qui est aujourd’hui le siège des Universités Paris 1 et Paris II. Quant à la Faculté de Médecine, elle occupa l’immeuble aban11
donné par les juristes. Les médecins excluaient toujours la pratique expérimentale et ils étaient mal vus du pouvoir qui les défavorisa au profit
des chirurgiens pour lesquels on construisit les bâtiments somptueux de
l’Académie de Chirurgie qui seront ceux de l’Ecole de Médecine après
1789.
La Révolution de 1789
L’Université approuve la Révolution jusqu’en 1790, la Constitution civile du clergé, le rapport de Condorcet sur l’Instruction publique.
Au printemps de 1789, le corps universitaire participa activement aux élections aux Etats généraux12 qui devaient s’ouvrir à Versailles le 5 mai, et l’abbé Dumouchel, professeur au Collège de la Marche
et recteur, fut choisi comme député du clergé dans cette assemblée des
trois ordres de la nation. L’Université de Paris souhaitait des réformes
comme l’ensemble du pays, et elle manifesta son accord avec la Révolution jusqu’à la fin de l’année 1790.
Cependant, le 12 juillet 1790, l’Assemblée nationale constituante, issue des Etats généraux, avait adopté la Constitution civile du
clergé que Dumouchel fut l’un des premiers à voter et à approuver par
serment. Le Recteur était dans l’esprit du jansénisme et du gallicanisme
universitaire et parlementaire en acceptant cette constitution qui mettait
fin à l’absolutisme du pape et du roi. Mais celle-ci supprimait les bénéfices ecclésiastiques qui commandaient la carrière des maîtres et des
étudiants et elle fut refusée par la majorité d’entre eux.
Ce refus, de caractère corporatif, faisait de l’Université une institution contre-révolutionnaire et il était dans la logique des évènements, puisque la Révolution devait supprimer toutes les corporations
d’Ancien Régime. C’est pourquoi, étroitement surveillé par le pouvoir,
le corps universitaire dut réduire ses activités par étape en attendant sa
disparition définitive en 1793.
Pour remplacer les Universités supprimées, les deux premières
assemblées révolutionnaires, la Constituante et la Législative, proposèrent respectivement la création d’institutions éducatives nouvelles dans
deux rapports successifs sur l’Instruction publique. Le second d’entre
eux fut l’œuvre de Condorcet, qui réclama la laïcisation de l’enseignement dans lequel les sciences et les techniques devaient avoir un rôle
prépondérant.
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Mais, comme le précédent, ce rapport fut dépassé par les évènements et, retenue par la crise intérieure et la guerre étrangère, la
Convention consacra d’abord ses efforts à la création des premières
écoles spéciales, comme l’Ecole des Travaux Publics - notre Ecole polytechnique - et les Ecoles de Santé qui enseignèrent en même temps la
médecine et la chirurgie, conformément aux vœux des encyclopédistes.
Il fallut attendre la loi Lakanal, votée par la Convention le 25
février 1795 (7 ventôse an III), pour que la France possède des institutions appelées à remplacer les collèges supprimés avec les universités
d’Ancien Régime. Ce furent les Ecoles centrales qui s’établirent progressivement dans presque tous les départements sous le Directoire et
qui accordèrent une place de choix aux mathématiques et aux sciences
exactes dans leur enseignement.
L’Université impériale
Le Consulat et l’Empire (1799 - 1815), l’Université impériale : sa
structure, son esprit.
À la différence de la Révolution, le régime autoritaire créé par
le coup d’État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) rompt avec la
philosophie des Lumières, en fermant les Ecoles centrales et en renonçant à la création des Ecoles spéciales, à l’exclusion de l’Ecole de Pharmacie et de l’école de Droit qui seront instituées sous le Consulat (1799
- 1804) et qui auront au départ un caractère strictement professionnel.
Au reste, après la publication du Concordat avec la papauté
(1802), Bonaparte crée les lycées pour remplacer les écoles centrales, et
ces lycées, qui sont pourvus d’un aumônier, reprennent à beaucoup d’égards les programmes d’enseignement des collèges de l’Ancien Régime. C’est pourquoi, à l’instar de ces collèges, ils seront intégrés dans
l’Université lorsqu’elle sera restaurée sous l’Empire par la loi de 1806
et les décrets d’application de 1808.
Mais, à la différence des corporations universitaires autonomes
d’Ancien Régime, l’Université impériale est un corps d’Etat qui réunit
en son sein les cinq facultés françaises instituées à Paris et en province,
dans les circonscriptions régionales qu’on appelle aujourd’hui encore
les académies : facultés de Théologie, de Droit, de Médecine, des
Sciences et des Lettres. Ces facultés auront indistinctement le monopole de l’enseignement et la collation des grades, qui sont au nombre de
trois dans toutes les disciplines, la baccalauréat, la licence et le doctorat
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