502 M. Khadige et al. / Cancer/Radiothérapie 18 (2014) 501–508
en niveau de preuve élevé (essais randomisés de bonne qualité),
modéré (essais randomisés avec présence de biais ou étude obser-
vationnelle) et faible ou très faible (autre type d’étude).
2. Quelles sont les preuves du bénéfice clinique de la
radiothérapie guidée par l’image ?
Le guidage par l’image est une technique de contrôle tridi-
mensionnel de la position des volumes cibles anatomiques avant,
voire pendant, chaque séance d’irradiation, qui permet de détec-
ter et corriger les imprécisions à chaque fraction de traitement
[5,6]. La méthode repose sur des images portales avec des mar-
queurs fiduciels intraprostatiques implantés, une tomographie
conique (cone beam-CT, CBCT), des transpondeurs électromagné-
tiques intraprostatiques, une échographie ou une scanographie sur
rails. Les mouvements de la prostate surviennent pendant ou entre
les fractions, d’où l’utilité de repérer les décalages pour un reposi-
tionnement optimal [3,7].
Le guidage par l’image réduit les erreurs systématiques et aléa-
toires liées au repositionnement quotidien, ce qui améliore avec
certitude la qualité du repositionnement, notamment en cas de
dose totale élevée (plus de 76 Gy) [7]. Néanmoins, l’utilité clinique
du guidage par l’image dans la réduction de la toxicité de la radio-
thérapie prostatique n’a été démontrée que par des études de
niveau de preuve modéré. Plusieurs études rétrospectives compa-
rant la toxicité d’une radiothérapie de forte dose avec et sans
guidage ont montré non seulement une nette réduction des symp-
tômes digestifs, mais aussi une diminution de la toxicité urinaire
tardive [8–10].
Puisque la présence d’un rectum dilaté lors de la scanogra-
phie de repérage est un facteur de risque de rechute après la
radiothérapie [11], il a été aussi recherché si le guidage par
l’image pouvait améliorer le contrôle biochimique. Ainsi, une
étude suggère que le guidage par l’image pourrait permettre
d’améliorer le contrôle biochimique après radiothérapie à très
forte dose (86 Gy) [10]. Il ne permettrait tout de même pas de
réduire les marges du volume cible prévisionnel, notamment vers
le rectum, puisqu’une étude rétrospective a mis en évidence un
taux plus important de rechute biochimique après utilisation de
marges réduites couplée au guidage par l’image [12],mêmesi
cela n’est pas retrouvé par toutes les équipes [13]. Ces don-
nées apparemment contradictoires soulignent la nécessité d’études
prospectives randomisées analysant l’influence du guidage par
l’image sur le contrôle tumoral. Les modalités du guidage par
l’image (quelle fréquence ? quel type de radiothérapie ?) restent
à définir. Une étude clinique franc¸ aise s’est intéressée à l’influence
d’un guidage par l’image quotidienne sur la toxicité et l’efficacité
de la radiothérapie des cancers de la prostate, en comparai-
son avec un guidage hebdomadaire [14]. Seule l’analyse de ces
résultats très attendus pourra définitivement démontrer avec un
niveau de preuve élevé que le guidage par l’image est indispen-
sable en réduisant la toxicité de l’irradiation prostatique à forte
dose.
3. Quelles sont les preuves du bénéfice clinique de la
radiothérapie conformationnelle avec modulation
d’intensité et de la stéréotaxie ?
De multiples études randomisées ont permis de montrer que
des doses de radiothérapie de 74–80 Gy permettaient un meilleur
taux de contrôle tumoral que des doses de 65–70 Gy grâce à un gain
en survie sans rechute biochimique aux alentours de 10 %, tout en
générant une toxicité modérée [15–19].
Alors que la plupart des patients étaient traités par irradiation
conformationnelle tridimensionnelle, c’est pendant la phase de
recrutement de ces études, que la RCMI a commencé à se déve-
lopper grâce au modèle de dosimétrie inverse et à générer une
meilleure homogénéisation dans la distribution des doses, ainsi
qu’un fort gradient de dose pour mieux protéger les organes à
risque [20]. Les premières études rétrospectives ont montré qu’à
3 ans l’incidence d’apparition d’une toxicité gastro-intestinale
de grade 2 ou plus était après RCMI réduite de près de 10 % par
rapport à la même dose délivrée par irradiation conformationnelle
tridimensionnelle [21].
Seules des données rétrospectives comparant radiothérapie
conformationnelletridimensionnelleetRCMIontétépubliées,ainsi
que des données prospectives concernant les patients traités par
l’une ou l’autre des techniques extraites de chacune des études
randomisées montrant les bénéfices d’une majoration de la dose
(Tableau 1). Toutes ces données permettent de conclure que la
RCMI permet de réduire la toxicité liée à l’irradiation des tissus
sains en comparaison avec la radiothérapie conformationnelle tri-
dimensionnelle. De plus, la RCMI permet de maintenir une qualité
de vie à moyen [22–24] et très longs termes comparables à celle
antérieure à la radiothérapie [25]. C’est pour ces raisons et malgré
l’absence de preuve irréfutable basée sur une comparaison directe
randomisée entre radiothérapie conformationnelle tridimension-
nelle et RCMI, que celle-ci est devenue le standard thérapeutique
dans le traitement des cancers de la prostate localisé car elle permet
une majoration de dose tout en diminuant la toxicité des organes
sains à proximité.
Plus récemment, l’arcthérapie volumétrique modulée s’est
développée pour offrir un temps de traitement significativement
réduit par rapport à la technique RCMI statique avec une distri-
bution de dose au moins équivalente. De plus, le nombre d’unités
moniteur requises est diminué tout en délivrant significativement
moins de dose aux organes à risques [26]. En effet, l’utilisation d’un
nombre élevé d’unités moniteur par la RCMI pourrait contribuer
à entraîner un risque potentiel de cancer radio-induit, du fait de
l’augmentation de la dose intégrale [27].
Malgré un meilleur indice d’homogénéité et un temps de trai-
tement plus court pour l’arcthérapie volumétrique modulée, mais
peut-être des doses moyennes supérieures délivrées aux organes à
risque, notamment l’intestin grêle [28–30], il n’existe qu’un faible
niveau de preuve de son utilité clinique par rapport à la RCMI,
et encore moins de preuve pour une supériorité d’une technique
d’arcthérapie volumétrique modulée par rapport aux autres [31].
La RCMI guidée par l’image permet d’envisager d’augmenter la
dose délivrée aux tissus tumoraux sans trop majorer la dose aux
organes à risque, ce qui autorise une réduction du nombre total de
séances sous la forme de traitements hypofractionnés [32].
Les essais cliniques randomisant des radiothérapies normofrac-
tionnées et faiblement hypofractionnées (une vingtaine de séances)
permettent de conclure à une tolérance comparable des deux
stratégies, mais à l’absence de supériorité des stratégies hypofrac-
tionnées en termes de survie sans rechute [33–35]. Des études
cliniques randomisées de plus fort effectifs dont les résultats sont
attendus prochainement, permettront de conclure définitivement
à une efficacité équivalente.
Des protocoles encore plus hypofractionnés ont vu le jour plus
récemment, tirant parti du recours à la stéréotaxie [36].
La radiothérapie stéréotaxique repose sur deux grands prin-
cipes : une localisation précise de la cible en trois dimensions et des
doses élevées d’irradiation par fraction (plus de 6 Gy) permettant
une irradiation en une à cinq séances. Seules des études mono-
centriques rétrospectives ou de phase I/II ont été publiées, avec
des résultats encourageants (risque de toxicité de grade 2 ou 3 de
l’ordre de 10 % et bon taux de contrôle biochimique, aux alentours
de 95 %) [37]. Néanmoins, une étude de cohorte portant sur plu-
sieurs milliers de patients suggère que l’irradiation stéréotaxique
majorerait la toxicité en comparaison avec la RCMI [38].