LAREVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 • PAGE 193
Dépister les cancers du col
de l’utérus
Organiser le dépistage pour éviter des conisations inutiles
GL’incidence des cancers du col de
l’utérus et la mortalité liée à ces can-
cers ont régulièrement diminué depuis
1970 dans plusieurs pays d’Europe. Le
dépistage de ces cancers du col a-t-il
contribué à la baisse de la mortalité
observée ? Quels sont les effets indé-
sirables de ce dépistage ? Pour répon-
dre à ces questions, nous avons réa-
lisé une synthèse des données selon
la méthode habituelle Prescrire.
GLes cancers du col de l’utérus sont
principalement dus à une infection
chronique par certains papillomavi-
rus humains. L’évolution vers un can-
cer invasif du col est lente et rare.
GLe dépistage du cancer du col de
l’utérus repose sur un prélèvement
de cellules de la superficie du col pour
en examiner le frottis à la re cherche
d’anomalies cellulaires évocatrices ou
annonciatrices de cancer. La présence
de certaines anomalies déclenche une
colposcopie, puis des procédures plus
invasives (biopsies, conisation, chi-
rurgie, etc.).
GAprès prélèvement de cellules épi-
théliales, leur étalement immédiat sur
lames ou leur mise en suspension
dans une solution de conservateur
(dite “en phase liquide”) ont des per-
formances similaires pour détecter
les lésions de haut grade, c’est-à-dire
les plus préoccupantes.
GPour détecter des lésions cellu-
laires intraépithéliales de haut grade,
la sensibilité du frottis cervical dépend
de la qualité du prélèvement, de l’en-
traînement de la personne qui prélève
et de celle qui lit les lames. Faux-posi-
tifs et faux-négatifs sont fréquents.
Résumé
©Image Source/Photononstop
GL’évaluation du dépistage du cancer
du col de l’utérus par frottis régulier ne
repose pas sur des essais comparatifs
randomisés versus absence de dépis-
tage.
GPlusieurs études cas-témoins ont
montré un fort lien statistique entre le
dépistage et un risque réduit de can-
cer du col. Notamment, une étude bri-
tannique a montré que le risque de
cancer invasif a été 4 fois moindre
entre 40 ans et 65 ans chez les femmes
qui avait participé au dépistage dans
les 5 ans précédents, que chez les
femmes n’ayant pas fait de dépistage.
GLes études historiques, de faible
niveau de preuves, ont montré que
dans plusieurs régions du monde, la
baisse de la mortalité par cancer du
col de l'utérus a semblé proportion-
nelle à la participation des femmes
au dépistage. En Angleterre, la baisse
de l’incidence de ces cancers a été
accentuée après une organisation plus
rigoureuse du dépistage avec forte
augmentation de la participation.
GLa conisation est un acte chirurgi-
cal d’excision partielle du col, parfois
effectué dans un but diagnostique
après un frottis. Dans l'immédiat, elle
augmente le risque d'hémorragie. Elle
augmente ensuite le risque d’accou-
chement prématuré.
GLes études comparatives ont sur-
tout évalué des dépistages organisés
de manière formelle. Dans une étude
cas-témoins, le dépistage organisé a
été plus performant sur l'incidence du
cancer du col que des frottis effectués
de manière opportuniste.
GDes études cas-témoins et des
études épidémiologiques incitent à ne
pas débuter le dépistage avant l'âge de
21 ans, ou dans un délai de 3 ans
après le premier rapport sexuel.
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Certaines données de faible niveau
de preu ves justifient de continuer le
dépistage jusqu’à 70 ans, au moins
pour certaines femmes.
GLa grossesse augmente la fréquen -
ce des anomalies cellulaires.
GDiverses causes d’immunodépres-
sion, dont l’infection par le HIV quelle
que soit son stade, augmentent le
risque de cancer du col. Le rythme
optimal de dépistage chez ces femmes
reste à déterminer.
GToutes les recommandations s’ac-
cordent pour proposer une colposco-
pie aux femmes ayant des lésions de
haut grade, afin d’effectuer biopsies ou
conisation.
GAu total, on ne dispose pas d’essai
comparatif randomisé démonstratif de
l’efficacité du dépistage du cancer du
col de l’utérus. Mais des comparai-
sons rétrospectives rendent très pro-
bable une réduction de la mortalité
par cancer du col de l’utérus par l’or-
ganisation d’un dépistage par frottis
réguliers. Beaucoup des anomalies
cellulaires découvertes n’évoluent pas
vers un cancer. La fréquence des diag-
nostics par excès n’a pas été étudiée.
Les effets indésirables graves de ce
dépistage semblent très rares.
GEn pratique, il paraît peu raisonna-
ble de ne pas dépister, malgré le faible
niveau de preuves de l’évaluation.
Mieux vaut alors un dépistage orga-
nisé de ma nière formelle, que des frot-
tis effectués seulement de manière
opportuniste, sans contrôle de qualité
ni recherche pour optimiser la straté-
gie.
Rev Prescrire 2010 ; 30 (317) : 193-202.
En France, on estime qu'au
cours des années 2000, envi-
ron 900 femmes sont décé-
dées chaque année d’un can-
cer du col de l’utérus (a)(1). Environ
75 % de ces décès sont survenus
après l’âge de 50 ans.
L’incidence des cancers du col de
l’utérus et la mortalité qui s’ensuit
ont régulièrement diminué depuis
1970, en France comme dans de
nombreux autres pays (1à4).
En France, le dépistage des cancers
du col de l’utérus est pratiqué de
manière hétérogène (5). Il est recom-
mandé aux femmes de 25 ans à
65 ans, sans organisation formalisée
du dépistage (5).
Quelles sont les preuves d’efficacité
de ce dépistage ? Notamment, a-t-il
contribué à la baisse de la mortalité
liée aux cancers du col de l’utérus ?
Quels sont ses effets indésirables ?
Pour répondre à ces questions,
nous avons réalisé une synthèse des
données selon la méthode habituelle
de Prescrire (rappelée page 202).
Un dépistage en plusieurs
temps
La grande majorité des cancers du
col de l’utérus sont des cancers épi-
dermoïdes, secondaires à une infec-
tion chronique par certains papillo-
mavirus humains à potentiel
cancérogène élevé. Des lésions pré-
cancéreuses, détectables par prélè-
vement de l’épithélium du col utérin
évoluent parfois vers un cancer inva-
sif du col de l’utérus, mais cette évo-
lution est lente et rare (lire en enca-
dré page 195).
Le col de l’utérus est facilement
accessible lors de l’examen clinique
gynécologique. Le dépistage des can-
cers du col de l’utérus comprend
plusieurs étapes. Dans un premier
temps il s’agit d’effectuer un prélè-
vement de cellules à la superficie du
col et d’en examiner le frottis à la
recherche d’anomalies cellulaires (lire
en encadré page 198).
La stratégie dépend ensuite des
résultats cytologiques.
En cas de lésions intraépithéliales,
les stratégies à envisager sont soit
de surveiller l’évolution cytologique,
sur plusieurs frottis successifs, soit
d'effectuer une colposcopie, c’est-à-
dire un examen du col de l’utérus à
la loupe grossissante, après applica-
tion d’une solution d’acide acétique.
L’examen colposcopique est une
étape importante, car il vise à locali-
ser des zones suspectes et à réaliser
soit une excision diagnostique, soit
des biopsies de ces zones (6,7).
Ensuite, selon les résultats anato-
mopathologiques, diverses options
sont envisagées : surveillance sans
traitement, excision partielle du col
de l’utérus sous contrôle colposco-
pique (alias conisation), traitement
d’un cancer localisé voire d’un can-
cer invasif (hystérectomie, radiothé-
rapie, chimiothérapie) (2,4,6).
Ne pas confondre anomalies
cellulaires et cancers
Les performances diagnostiques de
l’examen du frottis du col de l’utérus
sont difficiles à analyser étant donné
la classification en nombreuses caté-
gories des lésions observées (lire en
encadré page 196). Par comparaison
aux résultats finalement obtenus en
répétant le frottis, pour détecter des
lésions cellulaires intraépithéliales
de haut grade (c’est-à-dire évoquant
une lésion précancéreuse), la sensi-
bilité a été estimée entre 55 % et
80 % ; autrement dit, les résultats
faux négatifs sont fréquents (4,8).
La spécificité dépend des seuils
d’anomalie retenus et de l’objectif
visé. Dans un essai britannique, parmi
les femmes dont les résultats d’un
frottis de dépistage montraient des
lésions intraépithéliales de bas grade
(c’est-à-dire proches de la normale),
60 % n’ont eu aucune lésion à l’exa-
men anatomopathologique de la par-
tie du col excisée (9). En Alsace et en
Isère, en 2006, 40 % des lésions intra-
épithéliales de haut grade à la cytolo-
gie n’ont pas été confirmées par les
résultats anatomopathologiques (10).
La technique de recueil du prélè-
vement cytologique (frottis immédiat
sur lame ou recueil en phase liquide)
n’influe pas sur la détection des
lésions intraépithéliales de haut
grade, mais semble augmenter la
détection de lésions intraépithéliales
de bas grade (lire pa ge 198).
La performance de ce dépistage
dépend de manière déterminante de
la qualité du prélèvement, de l’en-
traînement de la personne qui pré-
lève et de l’entraînement de la per-
sonne qui lit les lames (4).
Beaucoup d’études
rétrospectives :
moins de cancers du col
et peut-être moins de décès
L‘essentiel de l’évaluation du dépis-
tage par frottis cervical repose sur de
nombreuses études cas-témoins
Dépister les cancers du col de l’utérus
a- En France, sur la période 2003-2007, les décès pour les-
quels un cancer du col de l’utérus a été déclaré comme pre-
mière cause du décès ont représenté en moyenne 0,3 % de
la mortalité totale des femmes de plus de 25 ans (720 décès
par an), 1,3 % de la mortalité des femmes de 35 ans à 64
ans (375 décès par an), et 0,25 % de la mortalité des
femmes de 65 ans à 84 ans (265 décès par an) (réf. 34).
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GLes cancers du col de l’utérus sont
principalement dus à une infection
chronique par certains papillomavirus
humains à potentiel cancérogène
élevé, transmis par contact sexuel.
GL’infection provoque, dans certains
contextes défavorables, l’apparition
de lésions précancéreuses, détecta-
bles par l’analyse d’un prélèvement de
cellules du col de l’utérus.
GL’évolution vers un cancer invasif
du col de l’utérus est lente et rare.
Lorsque le cancer est encore localisé
au moment du diagnostic, le pronos-
tic après traitement est le plus sou-
vent favorable.
Le cancer invasif du col de l’utérus est
un cancer épidermoïde dans 80 % des
cas (1). Dans la plupart des autres cas,
il s’agit d’adénocarcinomes.
Certains HPV en cause. Les can-
cers, épidermoïdes et adénocarcinomes
du col de l’utérus, sont dus à une infec-
tion chronique du col par certains papillo-
mavirus humains (HPV) à potentiel can-
cérogène élevé (1,2).
Les infections par ces HPV sont trans-
mises par voie sexuelle. Elles provo-
quent chez certaines femmes des lésions
intraépithéliales, à type de dysplasie (2).
En France, au début des années 2000,
une infection par un HPV à potentiel
cancérogène élevé a été détectée chez
18 % à 25 % des femmes âgées de
20 ans à 30 ans (3).
Une étude de génotypage des HPV
dans des prélèvements effectués en
France à partir de 2006 a identifié une
infection par au moins un génotype de
HPV dans plus de 90 % des échantillons
provenant de femmes ayant soit un condy-
lome acuminé génital, soit une lésion
intraépithéliale au frottis, soit une dys-
plasie modérée ou sévère, soit un cancer
(400 à 500 échantillons par groupe) (a)
(4). Parmi les génotypes cancérogènes, le
plus fréquent a été le HPV-16, retrouvé
chez 73 % des patientes ayant un cancer,
62 % en cas de lésion intraépithéliale de
haut grade, 21 % en cas de lésion de bas
grade et 9 % en cas de condylome. Par
ordre de fréquence, venaient ensuite les
HPV-18 et HPV-31 (b).
Persistance de l'infection et cancé-
risation sont rares. Cependant, l’évo-
lution d’une infection par un HPV vers un
cancer est rare : moins de 0,3 % des
infections (3). L’infection est le plus sou-
vent transitoire, durant de 8 mois à
18 mois, notamment chez les femmes
jeunes (2,5,6). Rarement, l’infection pro-
voque l’apparition d’une lésion précan-
céreuse, qui semble favorisée par la per-
sistance de l’infection durant plusieurs
années (5).
Beaucoup de régressions, quelques
aggravations lentes des lésions. Peu
de lésions intraépithéliales évoluent vers
un cancer. Lorsque c’est le cas, l’évolu-
tion vers un cancer invasif est le plus sou-
vent lente, de l’ordre de plusieurs années
voire de dizaines d’années (2,7).
Seulement environ 10 % des lésions
intraépithéliales de bas grade évoluent
vers un grade plus élevé, et environ 1 %
vers un cancer invasif (3,8). Une régres-
sion est observée dans environ 55 % des
cas (9).
Environ 20 % des lésions intraépithé-
liales de haut grade ou dysplasies modé-
rées évoluent vers un grade plus élevé,
et 5 % vers un cancer épidermoïde inva-
sif ; mais 45 % régressent (8).
Les dysplasies sévères (CIN 3), qui ne
peuvent être distinguées d’un carcinome
in situ, évoluent dans environ 12 % des
cas vers un cancer invasif ; mais environ
30 % régressent (8).
Évolution lente des adénocarci-
nomes. L’évolution d’une dysplasie glan-
dulaire vers un adénocarcinome est mal
établie (9). L’évolution semble au moins
aussi lente que pour les cancers épider-
moïdes. Dans une étude de 5 845 adé-
nocarcinomes, l’âge moyen de diagnos-
tic d’un adénocarcinome localisé (alias
adénocarcinome in situ) a été d’environ
39 ans, et l’âge moyen de diagnostic
d’un adénocarcinome invasif d’environ
52 ans (9).
Évolution maligne favorisée par l’im-
munodépression, notamment par le
HIV. L’immunodépression favorise la per-
sistance des HPV et les lésions précan-
céreuses du col de l’utérus. Chez les
femmes infectées par le HIV, on observe
une forte prévalence de lésions intraépi-
théliales cervicales, le plus souvent de
grade éle, même avec un nombre cor-
rect de lymphocytes CD4+ (3).
D’autres facteurs de transformation
maligne ont été mis en évidence : notam-
ment le tabagisme, diverses causes d’in-
flammation du col (cervicites) (3).
Pronostic lié au stade. Le pronostic
des cancers invasifs du col de l’utérus est
fortement dépendant du stade de décou-
verte. Lorsque le cancer est localisé
(stade I), la survie après traitement à 5
ans est environ de 85 %. Elle est d’envi-
ron 60 % lorsque le cancer s’étend peu
au-delà de l’utérus (stade II), mais de 7 %
seulement s’il est très étendu ou méta-
stasé (stade IV) (1).
©Prescrire
a- Pour les classifications des anomalies cellulaires, lire en
encadré page 196.
b- Les HPV-18 et HPV-31 sont les génotypes de HPV à fort
potentiel cancérogène les plus fréquents après le HPV-16.
Un HPV-18 a été détecté chez 19 % des patientes ayant
un cancer, 4 % en cas de lésion de haut grade, 8 % des
en cas de lésion de bas grade et 3 % en cas de condylome.
Un HPV-31 a été retrouvé chez 7 % des patientes ayant
un cancer, 15 % en cas de lésion de haut grade, 7 % en
cas de lésion de bas grade et 3 % en cas de condylome. Dans
les prélèvements sur condylome acuminé génital, les géno-
types de HPV les plus fréquents, à faible potentiel cancé-
rogène, ont été : HPV-6 dans 69 % des échantillons et
HPV-11 dans 16 %. Ces deux génotypes ont été détectés,
respectivement, dans 1 % à 7 % et 0 % à 1 % des échan-
tillons des autres groupes (réf. 4).
1- Prescrire Rédaction “Traitement des cancers inva-
sifs du col utérin : chirurgie, et radio- voire chi-
miothérapie parfois” Rev Prescrire 2008 ; 28 (296) :
446-450.
2- National Cancer Institute “Cervical Cancer
screening (PDQ°). Health professional version”
National Cancer Institute, 8 décembre 2009 :
12 pages.
3- Prescrire Rédaction “Les papillomavirus
humains. Beaucoup de troubles bénins, quelques
cancers” Rev Prescrire 2007 ; 27 (280) : 112-117.
4- Jacquard AC et coll. “Distribution des génotypes
de papillomavirus humain (HPV) dans les lésions
génitales en France : études Edith” BEH 2009 ;
(29) : 313-317.
5- Provencher DM et Murphy KJ “The role of HPV
testing” JOGC 2007 ; 29 (8 suppl. 3) : 15-21.
6- American College of Obstetricians and Gyne-
cologists “Cervical Cytology Screening” ACOG Prac-
tice Bulletin 2009 ; (109) : 12 pages.
7- Institut national du cancer “État des lieux du
dépistage du cancer du col utérin en France” sep-
tembre 2007 : 65 pages.
8- Duport N “Données épidémiologiques sur le can-
cer du col de l’utérus. État des connaissances. Actua-
lisation 2008” Institut de veille sanitaire : 30 pages.
9- Tranbaloc P “Histoire naturelle des lésions pré-
curseurs du cancer du col utérin” Gynécol Obstét Fer-
til 2008 ; 36 : 650-655.
Histoire naturelle des cancers du col de l’utérus
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publiées dans les années 1980 et
1990. Elles ont montré un lien statis-
tique entre la non-participation au
dépistage et un risque important de
cancer invasif du col de l’utérus : ce
risque a paru 3 à 10 fois plus élevé chez
les femmes ne participant pas au dépis-
tage (4).
Pas d’essai comparatif fiable
versus absence de dépistage.
Notre recherche documentaire n’a
pas recensé d’essai comparant dépis-
tage versus absence de dépistage du
cancer du col de l’utérus, sur des
critères de morbimortalité (4).
Un essai randomisé a comparé
divers types de dépistage en zone
rurale d'Inde, en termes de décès et
de cancers invasifs. Ses résultats sont
difficiles à extrapoler au dépistage
tel qu'il est réalisé dans les pays
riches. Un dépistage unique par frot-
tis n'a pas eu d'efficacité ni en termes
de mortalité ni en termes d'incidence
des cancers, au bout de 8 ans de
suivi (11).
Étude cas-témoins suédoise :
lien entre la survenue d’un can-
cer et l’absence de dépistage. Les
études cas-témoins sont de niveau de
preuves moindre que les essais ran-
domisés, en raison de divers risques
de biais (12). Divers biais peuvent
fausser les résultats, notamment un
biais de mémorisation d’éléments
importants, tels que la participation
à un dépistage organisé (13). Les
facteurs de risque sont autant de fac-
Dépister les cancers du col de l’utérus
Classification cytologique Classifications anatomopathologiques
de Bethesda CIN (a)OMS
Absence d’anomalie cellulaire Normal Normal
Lésion intraépithéliale de bas grade (LSIL) (b) Condylome Dysplasie légère
CIN 1
Cellules glandulaires atypiques Cellules glandulaires atypiques
Cellules épidermoïdes atypiques de signification
indéterminée (ASC-US) (c)
Cellules épidermoïdes atypiques ne pouvant
exclure une lésion de haut grade (ASC-H) (d)
Lésion intraépithéliale de haut grade (HSIL) (e) CIN 2 Dysplasie modérée
CIN 3 Dysplasie sévère
Carcinome in situ
Adénocarcinome Adénocarcinome in situ endocervical
Adénocarcinome invasif
Carcinome épidermoïde Carcinome épidermoïde invasif
Classifications des anomalies cytologiques et anatomopathologiques
du col de l'utérus (réf. 1)
a- CIN : en anglais, cervical intraepithelial neoplasia (néoplasie intraépithéliale du col de l’utérus).
b- LSIL : en anglais, low-grade squamous intraepithelial lesion (lésion intraépithéliale épidermoïde de bas grade).
c- ASC-US : en anglais, atypical squamous cells of undetermined significance (cellules épidermoïdes atypiques de significa-
tion incertaine).
d- ASC-H : en anglais, atypical squamous cells – high-grade not excluded (cellules épidermoïdes atypiques ne pouvant exclure
un HSIL).
e- HSIL : en anglais, high-grade squamous intraepithelial lesion (lésion intraépithéliale épidermoïde de haut grade).
1- “Recommendations for cervical cytology terminology”. In : Arbyn M et coll. “European guidelines for qual-
ity assurance in cervical cancer screening” 2nd ed., International Agency for Research on Cancer, 2008 : 141-152.
teurs de confusion qui risquent de
biaiser le lien statistique. Certaines
études des années 2000 ont tenté de
minimiser ces biais.
Dans une étude cas-témoin sué-
doise, 1 230 femmes ayant un cancer
du col de l’utérus diagnostiqué entre
janvier 1999 et décembre 2001 selon
le registre national suédois des can-
cers, ont été comparées à 6 124 fem -
mes, de même tranche d’âge, sélec-
tionnées dans un registre national
de la population générale (14). Les
deux tiers des patientes avaient moins
de 66 ans. En Suède, un registre
national recueille depuis 1993 les
résultats d’examens cytologiques et
anatomopathologiques des fem mes
ayant participé au dépistage organisé
des cancers du col de l’utérus, ce qui
évite le biais de mémorisation.
Les résultats ont montré un lien
statistique entre une absence de
dépistage organisé et le diagnostic
d’un cancer du col de l’utérus : 46 %
des femmes avec un cancer invasif du
col avaient participé au dépistage,
versus 64 % des témoins (b).
Parmi ces femmes, 477 avaient un
cancer du col de l’utérus étendu (stade
II ou supérieur). Elles ont été compa-
rées à 2 373 femmes du groupe
témoin : 17 % des femmes avec can-
cer étendu avaient participé au dépis-
tage, versus 40 % des témoins, diffé-
rence statistiquement significative (c).
Étude cas-témoins britan-
nique : lien causal plausible. Dans
une autre étude cas-témoins, 4 012
femmes ayant un cancer du col de
l’utérus invasif diagnostiqué entre
janvier 1990 et décembre 2008 selon
un registre britannique, ont été com-
parées à 7 889 femmes de même
tranche d’âge sélectionnées dans des
fichiers de médecins généralistes (15).
L’analyse statistique a été effectuée
par tranche d’âge, de 20 ans à 65 ans.
Dans toutes les tranches d’âge, le
dépistage a paru statistiquement asso-
cié à un moindre risque de cancer
invasif environ 5 ans plus tard, à
l’exception de la tranche des femmes
les plus jeunes.
Le lien statistique entre l’absence
de cancer invasif et le dépistage a
paru augmenter fortement avec l’âge,
avec un risque de cancer 4 fois moin-
dre entre 40 ans et 65 ans chez les
femmes ayant participé au dépistage
dans la période précédente (d).
L’importance du lien statistique et sa
Dans les années 1990 et 2000,
diverses classifications des anomalies
cellulaires observées à l’examen des
frottis du col de l’utérus ont été utili-
sées (1).
Une classification standardisée des
anomalies cytologiques a été proposée
en 1988 et adaptée en 2001 lors d’une
conférence de consensus (classification
dite “de Bethesda”).
Pour l’examen anatomopathologique
des prélèvements biopsiques, deux
classifications sont les plus utilisées : la
classification CIN (en anglais “cervical
intraepithelial neoplasia”), et celle de
l’Organisation mondiale de la santé
(OMS). Les classifications cytologiques
et anatomopathologiques ont des cor-
respondances approximatives.
©Prescrire
Classifications des lésions cellulaires
du col de l’utérus
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variation avec l’âge rendent très plau-
sible un lien causal entre le dépistage
et l'absence de cancer invasif (15).
Avantage au dépistage orga-
nisé. Dans une étude cas-témoin fin-
landaise, une forte diminution du
risque de cancer du col de l’utérus n’a
été statistiquement associée qu’avec
la participation à un dépistage orga-
nisé de manière formelle, et non avec
la réalisation opportuniste de frottis de
dépistage, sans cadre établi (16).
Dépistage et baisse
de la mortalité corrélées
à l’échelle des pays
Les comparaisons historiques, de
type avant-après organisation d’un
dépistage de cancers, sont d’inter-
prétation difficile et de faible niveau
de preuves. Divers biais peuvent
influencer les résultats observés,
notamment en raison des améliora-
tions de l’efficacité des traite-
ments (2,17).
Association d’une baisse de l’in-
cidence et de l’importance de la
participation. Après la mise en place
d’un dépistage organisé des cancers du
col, parfois dès les années 1960, l’in-
cidence de ces cancers a fortement
décru dans plusieurs pays (3,4,18,19).
L’importance de la baisse a paru liée
à la participation au dépistage (4).
Notamment, au Canada, la mortalité
par cancer du col de l’utérus a baissé
plus en Colombie Britannique que
dans d’autres provinces, où la parti-
cipation au dépistage était moins
forte (4). Dans l’Union européenne
aussi, l’incidence des cancers du col de
l’utérus et l’importance de la baisse de
leur incidence entre 1970 et 2000
apparaissent liés au degré de partici-
pation au dépistage (3).
Intervention pour augmenter
la participation au dépistage :
baisse de l’incidence. En Angle-
terre, de 1971 jusqu’au début des
années 1990, l’incidence annuelle
des cancers invasifs du col est restée
stable, entre 14 et 16 cancers invasifs
pour 100 000 femmes, avec une
baisse de la mortalité régulière, mais
faible (18).
À partir de 1988, une politique de
dépistage organisé a été instituée
avec un système national d’invitation
et envoi de relances aux femmes
n’ayant pas participé. La participation
au dépistage a progressé de 40 % en
1988 à environ 85 % à partir de
1994. Dans le même temps, l’inci-
dence des cancers du col de l’utérus
a chuté, passant à environ 10,5 pour
100 000 femmes en 1995 (18).
Les résultats en termes de mortalité
sont moins probants. De 1,5 % par
an entre 1950 et 1987, la baisse de la
mortalité par cancer du col est passée
à environ 4 % par an jusqu’en
1997 (18).
Ces résultats sont compatibles avec
un effet du dépistage sur l’incidence
des cancers invasifs, car il a été
observé un temps de latence entre la
modification d’organisation du dépis-
tage et le renforcement de la baisse de
l’incidence de ces cancers.
Effets indésirables :
surtout ceux des conisations
Effectuer un frottis cervical n’a pas
plus d’effets indésirables directs qu’un
examen clinique gynécologique, par-
fois à l’origine d’une gêne, voire de
douleurs. Il en est de même pour
l’examen colposcopique, en l’absence
d’intervention sur le col.
Conisation : un geste pas si ano-
din. Plusieurs techniques de conisa-
tion sont utilisées, selon les cas, sous
anesthésie locale ou générale : anse
diathermique, laser, cryothérapie,
chirurgie (e)(20,21). Une synthèse
méthodique d’un groupe du Réseau
Cochrane a analysé 28 études ran-
domisées ayant comparé ces tech-
niques. Elle n’a pas mis en évidence
de supériorité manifeste d’une tech-
nique sur les autres, certains avan-
tages étant contrebalancés par plus
d’inconvénients par ailleurs (20).
Les principaux effets indésirables
recensés ont été : hémorragies, dou-
leurs postopératoires sévères, pertes
vaginales inhabituelles, sténoses du
col de l’utérus, dysménorrhées (20).
Dans un essai, une hémorragie a
abouti à la réalisation d’une hysté-
rectomie (11).
L’altération du col de l’utérus par la
conisation provoque une fibrose ou
une béance du col (4). Une synthèse
méthodique de 27 études rétrospec-
tives a analysé les effets indésirables
des conisations sur les grossesses
ultérieures (21). La méta-analyse de
cette synthèse a montré une asso-
ciation statistiquement significative
entre conisation et survenue d’un
accouchement prématuré avant
37 semaines d’aménorrhée (risque
multiplié par 1,7 à 2,6), et faible
poids de naissance (risque multiplié
par 1,8 à 2,5). Le risque de césa-
rienne a paru multiplié par 3 environ
en cas de conisation chirurgicale.
Gare aux interventions inutiles,
en cas de lésions peu sévères. Une
équipe britannique a comparé dans
des essais randomisés des stratégies de
prise en charge en cas de lésion intra-
épithéliale de bas grade au frottis cer-
vical (9,22). Ces essais n’ont pas été
conçus pour étudier un effet sur la
mortalité par cancer du col de l’utérus
ou sur l’incidence des cancers invasifs.
Chez 4 439 femmes ayant une
lésion intraépithéliale de bas grade,
un essai a comparé surveillance cyto-
logique sans colposcopie versus col-
poscopie immédiate et intervention
selon ses résultats (22). Au bout de
5 ans de suivi, le taux de diagnostics
de dysplasie modérée à sévère et le
taux de dysplasie sévère (cancers
inclus) ont été statistiquement plus
faibles dans le groupe surveillance
cytologique, probablement en rai-
son de faux positifs et de la régression
de certaines lésions vues initiale-
ment. En moyenne annuelle, il y a eu
58 dysplasies modérées à sévères
pour 1 000 participantes dans le
groupe surveillance cytologique, ver-
sus 79 pour 1 000 participantes dans
le groupe colposcopie. Dans le groupe
colposcopie, les effets indésirables
ont été plus fréquents et plus pro-
longés que dans le groupe surveil-
lance cytologique.
b- Par rapport aux femmes issues de la population géné-
rale, chez les femmes ayant eu un cancer du col de l’uté-
rus, le risque relatif estimé d’adhésion au programme de
dépistage a été de 0,39 (intervalle de confiance à 95 %
(IC95) : 0,34 à 0,45) (réf. 14).
c- Par rapport aux femmes de la population générale, chez
les femmes ayant eu un cancer du col étendu, le risque rela-
tif estimé d’adhésion au programme de dépistage a été de
0,21 (IC95 : 0,16 à 0,28) (réf. 14).
d- En comparaison à l’absence de dépistage entre 30 ans
et 34 ans, les femmes dépistées entre 32 ans et 34 ans ont
eu un risque de cancer invasif du col de l’utérus réduit d’en-
viron 45 % (rapport de cotes : 0,55 ; IC95 : 0,44 à 0,69).
En comparaison à l’absence de dépistage entre 50 ans et
54 ans, les femmes dépistées entre 52 ans et 54 ans ont eu
un risque de cancer invasif du col de l’utérus réduit d’en-
viron 74 % (rapport de cotes : 0,26 ; IC95 : 0,19 à 0,36)
(réf. 15).
e- Les conisations et les ablations localisées au laser ont l’in-
convénient de provoquer une destruction thermique des tis-
sus excisés, qui gêne ou empêche leur analyse
anatomopathologique (réf. 20).
Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN
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