LE CAMEROUN DE 1884 A 1939
18 janvier 2014
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CHAP. 16
LE MANDAT FRANÇAIS ET SES CONSEQUENCES
- Rappeler le scenario
1
de la division du Cameroun ;
- Décrire le processus d’établissement du régime de mandat sur le Cameroun
- Présenter les missions dévolues à la France dans le cadre du mandat ;
- Présenter et apprécier l’œuvre réellement accomplie par la France durant la période 1916-
1939
- Présenter la réaction des populations locales
INTRODUCTION
Les Camerounais ont été pris au piège de la alité coloniale sous le Protectorat allemand
qu’ils ont librement demandé. En effet, la cohabitation entre Allemands et Camerounais
officialisée par la signature du Traité du 12 juillet 1884, va se terminer dans
l’incompréhension mutuelle, la haine et de nombreux sacrifices humains. La Première Guerre
Mondiale en terre camerounaise étant apparue comme une sortie heureuse du bourbier
allemand, l’espoir de cet événement n’a été que de courte durée. Après la chute de Mora
qui consacre la fin de la guerre au Cameroun, Anglais et Français procèdent le 04 mars 1916
2
au partage du territoire arraché aux Allemands.
Au cours des négociations qui durent de septembre 1915 à mars 1916, les Français émettent
des exigences draconiennes qui aboutissent finalement à l’obtention de la quasi-totalité du
territoire, les Anglais se contentant du cinquième de la partie. Ainsi, l’unité du Cameroun
péniblement construite par les Allemands sur une superficie de 750 000 km², vole en éclat.
Les Anglais s’emparent de 53 000 km² qu’ils s’empressent de rattacher à l’administration de
leur colonie nigériane
3
. Les Français rétrocèdent à l’Afrique Equatoriale Française, la portion
qu’ils ont cédé aux Allemands en 1911, avant de s’emparer des 4/5e du reste du territoire
4
.
Après le partage du 4 mars 1916, Anglais et Français occupent chacun la portion du territoire
camerounais qu’ils se sont octroyés. Les Anglais ne s’embarrassent d’aucune considération et
intègrent purement et simplement leur part du Cameroun dans sa colonie du Nigeria alors que
1
Déroulement (d'une action) organisé à l'avance des agressions commises selon le même scénario
Enchaînement des faits qui constituent la trame (d'un récit) Exemple : un roman policier au scénario
rocambolesque
2
Le 4 février 1916, Anglais et Français se partagèrent le territoire du Cameroun qu'ils venaient d'arracher aux
Allemands. Alors que les Français s'arrogeaient les 4/5e du territoire, les Anglais se contentèrent du 1/5e
3
Cette modestie dans les prétentions britanniques confirme une fois de plus que les Anglais estimaient n'avoir
pas grand-chose à tirer de ce territoire, tout comme au XIXe siècle lorsque les correspondances adressées par les
chefs Douala aux autorités de Londres, les invitant à faire du Cameroun un protectorat britannique, restèrent sans
réponse.
4
431 845 km2 pour 2 millions d’habitants
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la France qui s’inquiète encore du sort que lui réserve l’issue de la guerre hésite à intégrer sa
part du Cameroun à l’AEF malgré la demande pressante des gouverneurs généraux de l’AEF
qui voient dans cette intégration la voie royale pour sortir l’AEF de son enclavement. La fin
de la Grande Guerre va enfin donner au Cameroun divisé sa nouvelle configuration juridique
qui est celle d’un territoire sous mandat de la SDN.
I- LE CAMEROUN DEVIENT UN TERRITOIRE SOUS MANDAT DE LA SDN
Deux événements importants permettent au Cameroun de devenir un territoire sous mandat. Il
y a d’abord le rôle irremplaçable du président Woodrow Wilson dans la création de la Société
des Nations et ensuite l’activisme du nationalisme camerounais à la conférence de paix de
Versailles.
A- Le rôle du Président Wilson dans le création de la SDN
Les États-Unis, en intervenant dans la Grande Guerre aux côtés des puissances libérales,
mettent fin à la politique d’isolationnisme qu’ils avaient adoptée depuis le président George
Washington. Cette intervention qui donne la victoire aux Alliés permet au président américain
de dicter les conditions de la paix. C’est ainsi que le 8 janvier 1918, Woodrow Wilson
prononce un discours resté célèbre dans lequel il annonce les « quatorze points » devant
présider à la conclusion de la paix dans le monde. Des « quatorze points », il y en a deux, les
points cinq et quatorze qui concernent l’évolution ultérieure du Cameroun.
Le point cinq s’intéresse en effet aux territoires anciennement occupés par les puissances
vaincues et énonce que chaque peuple a le droit de disposer de lui-même, d’être libre. Le
point quatorze quant à lui recommande la création d’une société des Nations devant garantir
la paix mondiale.
Ces deux positions du président américain suscitent la méfiance des puissances coloniales que
sont la France et l’Angleterre qui se sont déjà partagé les territoires anciennement colonisés
par l’Allemagne et l’empire ottoman. Ces puissances coloniales opposent pour ce faire une
force d’inertie
5
aux initiatives américaines en exigeant qu’une punition exemplaire soit
infligée à l’Allemagne, en lui enlevant notamment toutes les colonies qu’elles s’étaient déjà
octroyées. Face à cette résistance feutrée
6
des puissances coloniales, le président Wilson
décide de conduire personnellement la délégation américaine à la conférence de paix
convoquée à Paris, à Versailles car il estime que personne mieux que lui ne peut défendre son
programme de paix dans le monde.
Le 4 décembre 1918, Wilson quitte les États-Unis à la tête d’une délégation et arrive en
France le 14 décembre il reçoit un accueil triomphal. Avant le début de la conférence,
Wilson s’octroie un petit tour d’Europe pour s’entretenir avec le peuple et lui faire partager
son idéal pour la paix. Il se rend ainsi en Angleterre et en Italie où il ne peut malheureusement
partager son idéal avec le peuple car les dirigeants de ces États évitent soigneusement de le
5
Physique résistance opposée (par un corps) au mouvement en raison de sa masse Exemple : la force d'inertie
centrifuge de la terre.
6
Discret et poli ; discret et silencieux
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laisser parler à leurs populations. L’exemple le plus poignant de cette obstruction a lieu en
Italie : il est entendu que sur son chemin vers la chambre des Députés où il doit s’adresser aux
parlementaires italiens, il ait à passer par l’avenue Piazza Venezzia pour avoir un bref
entretien avec les populations italiennes qui devaient y être assemblées ; mais, au lieu de
passer par l’avenue Piazza Venezia comme il était convenu, on le fait plutôt passer par
Montecitorio et lorsqu’il demande si c’est qu’il doit s’adresser aux citoyens italiens, on lui
répond qu’il est désormais trop tard pour ce discours. Pendant ce temps, l’ambassadeur
américain et une foule importante attendent en vain à Piazza Venezia.
Malgré ces visites quasi décevantes des États européens, Wilson revient en France fermement
décidé à faire triompher ses idées dont la première est d’imposer la création de la Société des
Nations dans le traité final de la conférence de paix. Pour y parvenir, il doit en découdre dès le
début de la conférence en janvier 1919 avec les trois autres grandes personnalités de ces
assises qui ne veulent nullement voir appliquer les « quatorze points » qui sont contraires à
leurs intérêts. Il s’agit du britannique David Lloyd George, du français Georges Clemenceau
et de l’italien Orlando. Ces derniers ne veulent pas d’une paix des braves qui ne reconnaisse
pas formellement les vaincus et qui n’exige pas de réparations de la part des vaincus.
Par ailleurs, contrairement au point un des « quatorze points » qui récuse la diplomatie
secrète, ces puissances coloniales ont déjà conclu des accords secrets entre elles. Ainsi par
exemple, il est un secret de polichinelle
7
que la Grande Bretagne s’est entendue avec la Russie
pour troquer son désengagement dans le détroit de Dardanelles en faveur d’un désengagement
russe au Moyen Orient à son profit ; de même, la France et la Grande Bretagne se sont
entendues pour laisser les mains libres à la Russie en Pologne ; la France et la Grande
Bretagne ont déjà abouti à un accord pour se partager le Moyen Orient et le Cameroun, entre
autres accords.
Malgré ces divergences de vue, il est unanimement reconnu que la conférence de la paix, le
conseil suprême, le conseil des quatre qui se tiennent simultanément à Versailles sont
grandement influencés par la grande figure de Wilson à qui il arrive « souvent de ramener ses
interlocuteurs à certaines règles, à certaines idées générales dont le respect lui paraissait
indispensable ».94 C’est ainsi que le 19 avril 1919, Wilson fait adopter son projet par les
Alliés et impose que le pacte constitutif de la Société des Nations soit incorporé en tête du
traité de Versailles et des autres traités de paix.
B- L’activisme
8
du nationalisme camerounais à la conférence de paix de Versailles.
Le nationalisme
9
camerounais a eu à intervenir à la conférence de la paix de Versailles pour
indiquer dans quel sens il souhaite que son avenir soit pris en compte. . Par une pétition
adressée à la « Haute Conférence » le 18 août 1919, les chefs et notables douala revendiquent
l’autonomie du Cameroun sous leur administration ou à tout le moins, la possibilité de
procéder au choix du mandataire à qui confier leur pays le Cameroun
10
:
7
Information tenue cachée mais connue de tous.
8
Déploiement d'activité combative
9
Mouvement revendiquant pour une communauté le statut de nation autonome
10
E. Ghomsi, "Résistance africaine à l’impérialisme européen. Le cas des Douala au Cameroun", Africa Zamani,
N°4, juillet 1975, p.168.
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Nous avons ouï dire d’une société mondiale qui serait formée à présent et dont la
première tâche serait de seconder les intérêts des indigènes et de les délivrer de
tout principe arbitraire. Les indigènes du Cameroun et leurs chefs pensent pouvoir
faire usage de ce droit et adresser aux Alliés la prière d’étudier au cours d’un
examen approprié si le Cameroun ne pourrait être considéré comme un territoire
neutre. Au cas où cette prière n’épouserait pas les intentions des Alliés, nous
serions prêts à nous soumettre éventuellement à une décision contraire de la Haute
Conférence suivant laquelle nous serions placés sous la protection des Alliés. Nous
supplions toutefois la Haute Conférence de nous accorder le droit du choix de la
puissance.
Par cette pétition, les Camerounais indiquent clairement qu’ils n’acceptent pas le sort que leur
ont réservé les Anglais et les Français par le partage de leur territoire, même s’il apparaît
évident que la demande des nationalistes camerounais n’a pas été prise en compte au moment
où le Cameroun devient un territoire sous mandat.
C- Le Cameroun est incorporé sous le mandat « B »
Le 10 janvier 1920, date de l’entrée en vigueur du traité de Versailles est également la date de
naissance de la Société des nations. Cette première organisation internationale établit à
l’article 22 de son pacte un système de mandat appliqué aux anciennes colonies allemandes et
aux anciens territoires non turcs de l’empire ottoman, conformément au point cinq des
« quatorze points » de Wilson. Cet article distingue ainsi trois types de mandats
11
:
–les mandats A constitués de régions détachées de l’empire ottoman et jouissant
théoriquement de l’indépendance, sous contrôle d’un mandataire français pour la Syrie
et le Liban et anglais pour la Palestine, l’Irak et la Transjordanie ;
–les mandats B constitués des colonies allemandes d’Afrique requérant une plus
longue tutelle car leurs populations sont considérées comme incapables de se
gouverner toutes seules d’où la nécessité d’un mandataire devant les préparer à jouir
de leur indépendance. Il s’agit de l’Afrique Orientale ex allemande, du Cameroun et
du Togo ;
les mandats C constitués des autres colonies allemandes devant être directement
intégrées aux empires coloniaux mandataires.
Le Cameroun devient ainsi un territoire sous mandat de la Société des Nations. En 1922,
celle-ci confie ce mandat à la France et à l’Angleterre qui, depuis 1916, se l’étaient déjà
octroyés après un partage dans lequel la France eut la part du lion.
D- Missions du mandat au Cameroun.
Un territoire sous mandat international est un territoire administ provisoirement par
un autre sous le contrôle d’une instance internationale qui, ici est la SDN. Cela dit
l’Etat mandataire administre et rend compte annuellement auprès de la commission
11
Compte tenu des différences sociopolitiques et économiques dans les différentes colonies, le conseil
suprême de la SDN composé de la Grande Bretagne, de la France et du Japon s’est réuni le 6 mars
1919 et a déterminé plusieurs types de mandat parmi lesquels le mandat B était réservé au Cameroun.
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permanente des mandats qui est l’organisme au sein de la SDN en charge des
mandats.
Concernant les missions proprement dites, les articles 22 et 23 du statut de la SDN
étaient explicites dans ce sens. D’une manière globale, leur mission était de favoriser le
bien-être des populations pour les amener à s’administrer elles-mêmes : « le bien-être et
le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation.la
meilleure méthode de réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle de ces
peuples aux nations développées qui sont les mieux à même d’assurer leur
responsabilité. Elles exerceraient cette tutelle en qualité de mandataire de la société.»
(Art 22 .alinéa 5). Cela dit la France avait des devoirs au Cameroun et devait rendre
des rapports annuels à la commission permanente des mandats. Ainsi par ces textes, la
mission du mandat était limpide et on pouvait constater des faits :le mandat est sans
intérêt et il est provisoire car les pays mandataires doivent les amener à s’auto
administrer et enfin il a un but moral. La politique française était-elle en conformité
avec ses obligations internationales ?
II- L’ŒUVRE FRANCAISE AU CAMEROUN DE 1916 A 1939
En général, Celle-ci pratiqua une politique d’assimilation c’est-à-dire avoir un mode de
pensée et un comportement Français et oublier la culture traditionnelle. cette politique
échoua on essaya la politique d’association. Celle-ci visait à se servir d’une partie de la
culture, des lois et des coutumes camerounaises pour gouverner le pays. Une autre politique
fut également mise en œuvre : le Paternalisme qui consistait en l’exercice direct du pouvoir
par la France. Les officiers coloniaux français dirigeaient le peuple avec une poigne de fer. Ils
imposaient aux gens toutes sortes de lois et ceux qui y contrevenait étaient arrêtés, battus et
gardés en prison sans jugement. Les camerounais n’avaient pas le droit de s’organiser en
syndicats sans l’autorisation du haut-commissaire Français. On appelait « indigénat » cette
législation sévère que les gens abhorraient.
Sous la direction des officiers coloniaux Français le développement se fit au moyen des
travaux forcés ou prestations. Ils s’emparèrent des plantations de caoutchouc et d’huile de
palme abandonnées par les Allemands. Ils poursuivirent la construction de la ligne de chemin
de fer Douala-Yaoundé déjà commencé par Allemands et tracèrent des routes pour relier les
villes entre elles. Il y eut aussi quelques Français qui essayèrent d’apporter de l’aide à la
population. Dans le domaine médical notamment, le docteur Jamot qui couvrit la cause de
la maladie du sommeil.
A- La politique administrative française au Cameroun: 1916-1939
1- Le Commissaire de la République, chef du territoire du Cameroun français
Au lendemain de la conquête et du partage du Cameroun entre la France et l'Angleterre,
l'autorité de Paris nomma par décret du 7 avril 1916 le général Joseph Ganderique Aymerich
commissaire de la république au Cameroun, faisant ainsi de ce territoire un commissariat de la
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