éclairages ❙ 19 sur notre futur commun octobre-décembre 2014 des modifications testées s’exprime essentiellement en été, et le biais chaud/sec du modèle de l’IPSL est réduit. En ce qui concerne les précipitations, qui sont sous-estimées en été en Europe de l’Ouest dans la simulation de référence, elles sont augmentées, mais de manière excessive quand on force une nappe dans la colonne de sol, car on rajoute alors « artificiellement » de l’eau dans le système climatique pour maintenir la nappe à la profondeur choisie. Conclusions Les résultats obtenus suggèrent que les biais chaud et sec exhibés par la plupart des modèles climatiques aux moyennes latitudes en été, avec des conséquences importantes sur la simulation des événements extrêmes de type canicule et sécheresse, pourraient être atténués en tenant compte de l’alimentation de l’humidité des sols par les nappes. Les eaux souterraines constituent aussi 30 % des ressources en eau douce exploitables actuellement, et leur effet tampon, quand elles sont présentes, permet de soutenir les bas débits dans les cours d’eau. Leur bonne représentation quantitative et géographique est donc importante pour fournir des réponses utiles quant à l’impact des changements globaux sur l’évolution future du climat et des ressources en eau. Cependant, les tests que nous avons réalisés sont loin d’être l’équivalent d’une vraie nappe, dont le niveau varie dans le temps, contrairement à nos tests, mais aussi dans l’espace, avec des profondeurs plus faibles à proximité des cours d’eau. Nos travaux se poursuivent donc pour développer une description dynamique des nappes dans le modèle Orchidée, dans le cadre de deux projets récemment financés par le programme LEFE de l’INSU et par l’ANR. À la résolution typique d’un modèle climatique (mailles de 100 km de côté ou plus), on vise notamment une description réaliste de la profondeur de la nappe (à l’échelle sous-maille), ainsi que du temps de résidence des eaux souterraines (dont dépend l’effet tampon sur l’humidité des sols et les débits), en profitant des nombreuses données disponibles avec une couverture globale (caractéristiques hydrogéologiques, topographie, zones humides, etc.). ❙ ❙ Pour en savoir plus ❙ ❙ Metis (Milieux environnementaux, transferts et interactions dans les hydrosystèmes et les sols) est une unité mixte de recherche (UMR 7619) du CNRS, de l’UPMC et de l’EPHE. Elle s’intéresse principalement aux « Surfaces continentales », à la circulation de l’eau, des éléments et des polluants dans des milieux qui peuvent être très impactés par l’homme mais qui sont aussi une ressource sensible et indispensable au développement de la société. http://www.metis.upmc.fr/ ❙ ❙ Le LMD (Laboratoire de météorologie dynamique) est une unité mixte de recherche implantée sur trois sites universitaires : à l’École polytechnique à Palaiseau, à l’École normale supérieure et à l’Université Pierre et Marie Curie à Paris. Le LMD étudie le climat, la pollution et les atmosphères planétaires en associant approches théoriques, développements instrumentaux pour l’observation et modélisations numériques. http://www.lmd.jussieu.fr/ ❙ ❙ METIS et le LMD sont membres de l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL), fédération de neuf laboratoires publics de recherche en sciences de l’environnement en Ile-de-France. http://www.ipsl.fr Campoy A., 2013, « Influence de l’hydrologie souterraine sur la modélisation du climat à l’échelle régionale et globale », Thèse de doctorat, Université Pierre et Marie Curie, PDF. Campoy A., Ducharne A., Cheruy F., Hourdin F., Polcher J., Dupont J.-C., 2013, « Response of land surface fluxes and precipitation to different soil bottom hydrological conditions in a general circulation model », JGR-Atmospheres, 118, 10,725-10,739, doi:10.1002/jgrd.50627 Cheruy F., Campoy A., Dupont J.-C., Ducharne A., Hourdin F., Haeffelin M., Chiriaco M., Idelkadi A., 2013, « Combined influence of atmospheric physics and soil hydrology on the simulated meteorology at the SIRTA atmospheric observatory », Climate Dynamics, 40, 2 251-2 269, doi:10.1007/s00382-012-1469-y SIRTA : http://sirta.ipsl.fr éclairages ❙ 19 ❙ ❙ R2DS Ile-de-France est un réseau de recherche sur le développement soutenable. Il a été créé en 2006 comme GIS CNRS à l’initiative du Conseil régional de l’Ile-de-France dans le but de favoriser la recherche sur le développement soutenable. Il réunit aujourd’hui 19 universités, grandes écoles et établissements publics de recherche. http://www.r2ds-ile-de-france.com Coordination : Catherine Boemare Conception graphique : Hélène Gay Imprimé par XL-Print & mailing sur notre futur commun octobre-décembre 2014 Quel effet des nappes phréatiques sur le climat européen ? Agnès Ducharne, Aurélien Campoy, Frédérique Chéruy ❙❙ Metis (UMR 7619 du CNRS, de l’UPMC et de l’EPHE), Laboratoire de météorologie dynamique (LMD) D ans le cadre du projet de recherche Hydrosol, qui a financé la thèse d’Aurélien Campoy, notre objectif initial était d’améliorer le réalisme d’un modèle climatique régional centré sur la région Ile-de-France, en particulier en ce qui concerne le cycle de l’eau et les précipitations. Ces dernières sont en effet notoirement mal quantifiées par les modèles climatiques, ce qui est très pénalisant pour fournir une quantification utile des impacts du changement climatique sur l’hydrologie continentale et de ses manifestations les plus sensibles pour la société, à savoir les ressources en eau douce (débits des cours d’eau et nappes phréatiques), et les risques (inondations, sécheresses, stabilité des terrains). Nous avons choisi de nous intéresser aux interactions entre les surfaces continentales et l’atmosphère, qui sont encore mal comprises, et constituent une source d’incertitude importante dans les modèles de climat. Dans ce cadre, une variable essentielle est l’évapotranspiration, qui influence tant les précipita- Contacts auteurs > Agnès Ducharne, UMR Metis : [email protected] Action financée par la Région Ile-de-France tions que les températures atmosphériques (plus froides si l’évapotranspiration est plus forte). Cette importante variable de couplage surface/atmosphère est dominée par la transpiration des végétaux, qui puisent l’eau nécessaire dans le sol, mais elle comprend aussi l’évaporation directe de l’eau du sol, celle des surfaces d’eau libre (flaques, lacs, cours d’eau, et eau interceptée par le feuillage), et la sublimation du manteau neigeux. L’évapotranspiration est d’autant plus forte que l’humidité des sols, le développement de la végétation, et l’énergie disponible, sont importants, et l’humidité des sols influence positivement ces trois facteurs, via l’albédo pour le dernier. Cependant, les sols sont souvent connectés à des milieux plus profonds qui contiennent de l’eau : on parle alors de formations aquifères, et de nappes phréatiques pour la fraction saturée de ces milieux, là où tous les pores sont remplis d’eau. Les travaux que nous avons menés dans le projet Hydrosol, en comparant la réponse du modèle >>> éclairages ❙ 19 sur notre futur commun octobre-décembre 2014 ➋ Comparaison des différentes versions d’Orchidée identifiées en Figure 3 avec les observations du Sirta, en moyenne sur la période 2002-2009 de climat de l’IPSL aux observations collectées sur le Site instrumental de recherche par télédétection atmosphérique (Sirta) de l’IPSL (sur le plateau de Saclay, Ile-de-France), nous ont permis de démontrer l’impact des nappes non seulement sur l’humidité des sols, mais aussi potentiellement sur le climat. Démarche Très classiquement, le principe de notre étude était de comparer les résultats d’un modèle à des observations, pour analyser les qualités et défauts du modèle, et proposer des améliorations aux derniers, afin de rendre les simulations plus proches des observations, i.e. plus réalistes. Sur le site du Sirta, une quarantaine de variables environnementales sont mesurées, dont les principales pour caractériser les échanges surface/atmosphère sont la température et l’humidité dans l’air et dans le sol, les précipitations, le rayonnement incident, et les flux de chaleur sensible et latente (ce dernier flux d’énergie étant proportionnel au flux d’eau que constitue l’évapotranspiration). Le modèle évalué dans ce cadre est le modèle de climat de l’IPSL, qui couple un modèle de l’atmosphère, appelé LMDZ, et un modèle des surfaces continentales, appelé Orchidée, dont le rôle est de décrire les flux d’eau et d’énergie entre les surfaces continentales et l’atmosphère. Cela implique de décrire les transferts et la rétention d’eau au sein du système constitué par les sols et la végétation qui y est enracinée, en tenant compte de leurs propriétés physiques et biologiques. Le modèle Orchidée bénéficie d’une description à bases physiques de l’hydrologie du sol, qui repose sur un sol de 2 mètres de profondeur, où les mouvements d’eau verticaux sont décrits selon l’équation dite de Richards, résolue numériquement sur 11 couches. Cette paramétrisation, notée Orchidée-Richards, fut précédemment testée dans des contextes climatiques variés, mais toujours en mode forcé par des données météorologiques observées, et les travaux synthétisés ici constituent la première évaluation du modèle Orchidée-Richards en mode couplé avec un modèle atmosphérique. Comme illustré en Figure 1, le modèle atmosphérique LMDZ est utilisé dans une version zoomée, avec des mailles plus petites dans la zone d’intérêt, ici de 120 km de côté en Ile-de-France, où se situe le Sirta. Il est aussi guidé régionalement par des réanalyses d’observations météorologiques (produites par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme), c’est-à-dire contraint de suivre les températures et le vent des réanalyses, et ce d’autant plus fortement que l’on s’éloigne du centre du zoom. Cette approche permet de bien reproduire la variabilité synoptique du climat au centre du zoom, mais celui-ci reste sensible aux conditions de surface, puisque le guidage y est localement négligeable. Elle permet donc une comparaison pertinente avec les données pour identifier les versions du modèle de climat les plus réalistes en termes de couplage surface/atmosphère (Cheruy et al., 2013). Résultats principaux En utilisant l’approche ci-dessus, nous nous sommes d’abord focalisés sur l’évaluation approfondie du modèle Orchidée-Richards, en profitant notamment des données d’humidité du sol collectées au Sirta à cinq profondeurs depuis 2007. Ces données ont révélé la présence d’une nappe à faible profondeur, qui est épisodiquement affleurante en hiver et qui s’abaisse en été au-delà des 50 cm investigués au Sirta. Elle est probablement associée à une lentille d’argile à meulière, formation imperméable présente à environ 4 mètres de profondeur de manière discontinue sur le plateau de Saclay (source BRGM ; détails dans Campoy, 2013). Dans le modèle Orchidée-Richards, la diffusion de l’eau dans le sol suppose un drainage libre au fond du sol, ce ➊ Le modèle climatique de l’IPSL en configuration zoomée-guidée autour du site instrumental Sirta (situé en Ile-de-France, sur le plateau de Saclay, à l’École Polytechnique). qui est très classique dans les modèles de surface continentale, mais n’est pas cohérent avec la présence d’une nappe à faible profondeur, constituant un frein au drainage vertical. En conséquence, notre simulation de référence (REF, en noir sur la Figure 2) montre des humidités plus faibles que les observations sur les 50 centimètres instrumentés. Comme illustré en Figure 3, nous avons donc testé deux nouvelles conditions à la base du sol : (i) un drainage réduit par un facteur F, allant de F=1 pour le drainage gravitaire original à F=0 pour un fond imperméable ; (ii) une saturation forcée sous une certaine profondeur dans la colonne de sol, ce qui revient à imposer une nappe fixe à une certaine profondeur. Pour préserver cette nappe face à l’évapotranspiration qui fait baisser la nappe en été, il faut un apport « artificiel » d’eau vers la colonne de sol, qu’on peut voir comme un drainage ascendant, et qui s’avère d’autant plus fort que la saturation imposée est proche de la surface. Les humidités simulées au Sirta sont plus fortes, et nettement plus réalistes, en considérant un fond imperméable, et plus encore en imposant une nappe, ce qui est déterminant en été (août). À cette période, le profil observé est encadré par les profils simulés en imposant une nappe à 1,3 et à 0,5 m de profondeur, ce qui suggère que le toit de la nappe se situe entre ces deux profondeurs en été au Sirta (Figure 2, en haut). L’augmentation de l’humidité du sol dans les nouvelles versions du modèle Orchidée permet de mieux soutenir la demande évaporative, d’où une augmentation du flux de chaleur latente (Figure 2, en bas). Comme pour l’humidité du sol, ce sont les deux simulations imposant une nappe à 1,3 et à 0,5 m de profondeur qui encadrent En haut : profils d’humidité moyens (en m3/m3) à différentes saisons ; les points noirs donnent la moyenne des mesures Sirta, et montrent une nappes à faible profondeur quand ils sont accolés au bord droit des graphiques, correspondant à la saturation du sol (0,43 m3/m3) ; les croix colorées les moyennes des simulations en excluant les lacunes de mesure. En bas : différence entre le flux de chaleur latente simulée dans la maille du Sirta et les observations, qui apparaissent donc comme une ligne horizontale positionnée en 0. ➌ Les différentes versions d’Orchidée testées en configuration zoomée-guidée par comparaison aux observations du Sirta. Les couleurs correspondent à celles des courbes de la Figure 3. les observations (matérialisées par la droite horizontale en pointillés), ce qui conforte l’hypothèse d’un lien fort entre nappe et évapotranspiration au Sirta. En parallèle, les différentes simulations montrent une baisse de la température de surface et du flux de chaleur sen- sible, également plus conforme aux observations du Sirta. Dans une deuxième étape, nous avons examiné la réponse du climat simulé aux différentes versions du modèle Orchidée. À l’échelle européenne, comme à celle du Sirta, l’impact >>> éclairages ❙ 19 sur notre futur commun octobre-décembre 2014 ➋ Comparaison des différentes versions d’Orchidée identifiées en Figure 3 avec les observations du Sirta, en moyenne sur la période 2002-2009 de climat de l’IPSL aux observations collectées sur le Site instrumental de recherche par télédétection atmosphérique (Sirta) de l’IPSL (sur le plateau de Saclay, Ile-de-France), nous ont permis de démontrer l’impact des nappes non seulement sur l’humidité des sols, mais aussi potentiellement sur le climat. Démarche Très classiquement, le principe de notre étude était de comparer les résultats d’un modèle à des observations, pour analyser les qualités et défauts du modèle, et proposer des améliorations aux derniers, afin de rendre les simulations plus proches des observations, i.e. plus réalistes. Sur le site du Sirta, une quarantaine de variables environnementales sont mesurées, dont les principales pour caractériser les échanges surface/atmosphère sont la température et l’humidité dans l’air et dans le sol, les précipitations, le rayonnement incident, et les flux de chaleur sensible et latente (ce dernier flux d’énergie étant proportionnel au flux d’eau que constitue l’évapotranspiration). Le modèle évalué dans ce cadre est le modèle de climat de l’IPSL, qui couple un modèle de l’atmosphère, appelé LMDZ, et un modèle des surfaces continentales, appelé Orchidée, dont le rôle est de décrire les flux d’eau et d’énergie entre les surfaces continentales et l’atmosphère. Cela implique de décrire les transferts et la rétention d’eau au sein du système constitué par les sols et la végétation qui y est enracinée, en tenant compte de leurs propriétés physiques et biologiques. Le modèle Orchidée bénéficie d’une description à bases physiques de l’hydrologie du sol, qui repose sur un sol de 2 mètres de profondeur, où les mouvements d’eau verticaux sont décrits selon l’équation dite de Richards, résolue numériquement sur 11 couches. Cette paramétrisation, notée Orchidée-Richards, fut précédemment testée dans des contextes climatiques variés, mais toujours en mode forcé par des données météorologiques observées, et les travaux synthétisés ici constituent la première évaluation du modèle Orchidée-Richards en mode couplé avec un modèle atmosphérique. Comme illustré en Figure 1, le modèle atmosphérique LMDZ est utilisé dans une version zoomée, avec des mailles plus petites dans la zone d’intérêt, ici de 120 km de côté en Ile-de-France, où se situe le Sirta. Il est aussi guidé régionalement par des réanalyses d’observations météorologiques (produites par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme), c’est-à-dire contraint de suivre les températures et le vent des réanalyses, et ce d’autant plus fortement que l’on s’éloigne du centre du zoom. Cette approche permet de bien reproduire la variabilité synoptique du climat au centre du zoom, mais celui-ci reste sensible aux conditions de surface, puisque le guidage y est localement négligeable. Elle permet donc une comparaison pertinente avec les données pour identifier les versions du modèle de climat les plus réalistes en termes de couplage surface/atmosphère (Cheruy et al., 2013). Résultats principaux En utilisant l’approche ci-dessus, nous nous sommes d’abord focalisés sur l’évaluation approfondie du modèle Orchidée-Richards, en profitant notamment des données d’humidité du sol collectées au Sirta à cinq profondeurs depuis 2007. Ces données ont révélé la présence d’une nappe à faible profondeur, qui est épisodiquement affleurante en hiver et qui s’abaisse en été au-delà des 50 cm investigués au Sirta. Elle est probablement associée à une lentille d’argile à meulière, formation imperméable présente à environ 4 mètres de profondeur de manière discontinue sur le plateau de Saclay (source BRGM ; détails dans Campoy, 2013). Dans le modèle Orchidée-Richards, la diffusion de l’eau dans le sol suppose un drainage libre au fond du sol, ce ➊ Le modèle climatique de l’IPSL en configuration zoomée-guidée autour du site instrumental Sirta (situé en Ile-de-France, sur le plateau de Saclay, à l’École Polytechnique). qui est très classique dans les modèles de surface continentale, mais n’est pas cohérent avec la présence d’une nappe à faible profondeur, constituant un frein au drainage vertical. En conséquence, notre simulation de référence (REF, en noir sur la Figure 2) montre des humidités plus faibles que les observations sur les 50 centimètres instrumentés. Comme illustré en Figure 3, nous avons donc testé deux nouvelles conditions à la base du sol : (i) un drainage réduit par un facteur F, allant de F=1 pour le drainage gravitaire original à F=0 pour un fond imperméable ; (ii) une saturation forcée sous une certaine profondeur dans la colonne de sol, ce qui revient à imposer une nappe fixe à une certaine profondeur. Pour préserver cette nappe face à l’évapotranspiration qui fait baisser la nappe en été, il faut un apport « artificiel » d’eau vers la colonne de sol, qu’on peut voir comme un drainage ascendant, et qui s’avère d’autant plus fort que la saturation imposée est proche de la surface. Les humidités simulées au Sirta sont plus fortes, et nettement plus réalistes, en considérant un fond imperméable, et plus encore en imposant une nappe, ce qui est déterminant en été (août). À cette période, le profil observé est encadré par les profils simulés en imposant une nappe à 1,3 et à 0,5 m de profondeur, ce qui suggère que le toit de la nappe se situe entre ces deux profondeurs en été au Sirta (Figure 2, en haut). L’augmentation de l’humidité du sol dans les nouvelles versions du modèle Orchidée permet de mieux soutenir la demande évaporative, d’où une augmentation du flux de chaleur latente (Figure 2, en bas). Comme pour l’humidité du sol, ce sont les deux simulations imposant une nappe à 1,3 et à 0,5 m de profondeur qui encadrent En haut : profils d’humidité moyens (en m3/m3) à différentes saisons ; les points noirs donnent la moyenne des mesures Sirta, et montrent une nappes à faible profondeur quand ils sont accolés au bord droit des graphiques, correspondant à la saturation du sol (0,43 m3/m3) ; les croix colorées les moyennes des simulations en excluant les lacunes de mesure. En bas : différence entre le flux de chaleur latente simulée dans la maille du Sirta et les observations, qui apparaissent donc comme une ligne horizontale positionnée en 0. ➌ Les différentes versions d’Orchidée testées en configuration zoomée-guidée par comparaison aux observations du Sirta. Les couleurs correspondent à celles des courbes de la Figure 3. les observations (matérialisées par la droite horizontale en pointillés), ce qui conforte l’hypothèse d’un lien fort entre nappe et évapotranspiration au Sirta. En parallèle, les différentes simulations montrent une baisse de la température de surface et du flux de chaleur sen- sible, également plus conforme aux observations du Sirta. Dans une deuxième étape, nous avons examiné la réponse du climat simulé aux différentes versions du modèle Orchidée. À l’échelle européenne, comme à celle du Sirta, l’impact >>> éclairages ❙ 19 sur notre futur commun octobre-décembre 2014 des modifications testées s’exprime essentiellement en été, et le biais chaud/sec du modèle de l’IPSL est réduit. En ce qui concerne les précipitations, qui sont sous-estimées en été en Europe de l’Ouest dans la simulation de référence, elles sont augmentées, mais de manière excessive quand on force une nappe dans la colonne de sol, car on rajoute alors « artificiellement » de l’eau dans le système climatique pour maintenir la nappe à la profondeur choisie. Conclusions Les résultats obtenus suggèrent que les biais chaud et sec exhibés par la plupart des modèles climatiques aux moyennes latitudes en été, avec des conséquences importantes sur la simulation des événements extrêmes de type canicule et sécheresse, pourraient être atténués en tenant compte de l’alimentation de l’humidité des sols par les nappes. Les eaux souterraines constituent aussi 30 % des ressources en eau douce exploitables actuellement, et leur effet tampon, quand elles sont présentes, permet de soutenir les bas débits dans les cours d’eau. Leur bonne représentation quantitative et géographique est donc importante pour fournir des réponses utiles quant à l’impact des changements globaux sur l’évolution future du climat et des ressources en eau. Cependant, les tests que nous avons réalisés sont loin d’être l’équivalent d’une vraie nappe, dont le niveau varie dans le temps, contrairement à nos tests, mais aussi dans l’espace, avec des profondeurs plus faibles à proximité des cours d’eau. Nos travaux se poursuivent donc pour développer une description dynamique des nappes dans le modèle Orchidée, dans le cadre de deux projets récemment financés par le programme LEFE de l’INSU et par l’ANR. À la résolution typique d’un modèle climatique (mailles de 100 km de côté ou plus), on vise notamment une description réaliste de la profondeur de la nappe (à l’échelle sous-maille), ainsi que du temps de résidence des eaux souterraines (dont dépend l’effet tampon sur l’humidité des sols et les débits), en profitant des nombreuses données disponibles avec une couverture globale (caractéristiques hydrogéologiques, topographie, zones humides, etc.). ❙ ❙ Pour en savoir plus ❙ ❙ Metis (Milieux environnementaux, transferts et interactions dans les hydrosystèmes et les sols) est une unité mixte de recherche (UMR 7619) du CNRS, de l’UPMC et de l’EPHE. Elle s’intéresse principalement aux « Surfaces continentales », à la circulation de l’eau, des éléments et des polluants dans des milieux qui peuvent être très impactés par l’homme mais qui sont aussi une ressource sensible et indispensable au développement de la société. http://www.metis.upmc.fr/ ❙ ❙ Le LMD (Laboratoire de météorologie dynamique) est une unité mixte de recherche implantée sur trois sites universitaires : à l’École polytechnique à Palaiseau, à l’École normale supérieure et à l’Université Pierre et Marie Curie à Paris. Le LMD étudie le climat, la pollution et les atmosphères planétaires en associant approches théoriques, développements instrumentaux pour l’observation et modélisations numériques. http://www.lmd.jussieu.fr/ ❙ ❙ METIS et le LMD sont membres de l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL), fédération de neuf laboratoires publics de recherche en sciences de l’environnement en Ile-de-France. http://www.ipsl.fr Campoy A., 2013, « Influence de l’hydrologie souterraine sur la modélisation du climat à l’échelle régionale et globale », Thèse de doctorat, Université Pierre et Marie Curie, PDF. Campoy A., Ducharne A., Cheruy F., Hourdin F., Polcher J., Dupont J.-C., 2013, « Response of land surface fluxes and precipitation to different soil bottom hydrological conditions in a general circulation model », JGR-Atmospheres, 118, 10,725-10,739, doi:10.1002/jgrd.50627 Cheruy F., Campoy A., Dupont J.-C., Ducharne A., Hourdin F., Haeffelin M., Chiriaco M., Idelkadi A., 2013, « Combined influence of atmospheric physics and soil hydrology on the simulated meteorology at the SIRTA atmospheric observatory », Climate Dynamics, 40, 2 251-2 269, doi:10.1007/s00382-012-1469-y SIRTA : http://sirta.ipsl.fr éclairages ❙ 19 ❙ ❙ R2DS Ile-de-France est un réseau de recherche sur le développement soutenable. Il a été créé en 2006 comme GIS CNRS à l’initiative du Conseil régional de l’Ile-de-France dans le but de favoriser la recherche sur le développement soutenable. Il réunit aujourd’hui 19 universités, grandes écoles et établissements publics de recherche. http://www.r2ds-ile-de-france.com Coordination : Catherine Boemare Conception graphique : Hélène Gay Imprimé par XL-Print & mailing sur notre futur commun octobre-décembre 2014 Quel effet des nappes phréatiques sur le climat européen ? Agnès Ducharne, Aurélien Campoy, Frédérique Chéruy ❙❙ Metis (UMR 7619 du CNRS, de l’UPMC et de l’EPHE), Laboratoire de météorologie dynamique (LMD) D ans le cadre du projet de recherche Hydrosol, qui a financé la thèse d’Aurélien Campoy, notre objectif initial était d’améliorer le réalisme d’un modèle climatique régional centré sur la région Ile-de-France, en particulier en ce qui concerne le cycle de l’eau et les précipitations. Ces dernières sont en effet notoirement mal quantifiées par les modèles climatiques, ce qui est très pénalisant pour fournir une quantification utile des impacts du changement climatique sur l’hydrologie continentale et de ses manifestations les plus sensibles pour la société, à savoir les ressources en eau douce (débits des cours d’eau et nappes phréatiques), et les risques (inondations, sécheresses, stabilité des terrains). Nous avons choisi de nous intéresser aux interactions entre les surfaces continentales et l’atmosphère, qui sont encore mal comprises, et constituent une source d’incertitude importante dans les modèles de climat. Dans ce cadre, une variable essentielle est l’évapotranspiration, qui influence tant les précipita- Contacts auteurs > Agnès Ducharne, UMR Metis : [email protected] Action financée par la Région Ile-de-France tions que les températures atmosphériques (plus froides si l’évapotranspiration est plus forte). Cette importante variable de couplage surface/atmosphère est dominée par la transpiration des végétaux, qui puisent l’eau nécessaire dans le sol, mais elle comprend aussi l’évaporation directe de l’eau du sol, celle des surfaces d’eau libre (flaques, lacs, cours d’eau, et eau interceptée par le feuillage), et la sublimation du manteau neigeux. L’évapotranspiration est d’autant plus forte que l’humidité des sols, le développement de la végétation, et l’énergie disponible, sont importants, et l’humidité des sols influence positivement ces trois facteurs, via l’albédo pour le dernier. Cependant, les sols sont souvent connectés à des milieux plus profonds qui contiennent de l’eau : on parle alors de formations aquifères, et de nappes phréatiques pour la fraction saturée de ces milieux, là où tous les pores sont remplis d’eau. Les travaux que nous avons menés dans le projet Hydrosol, en comparant la réponse du modèle >>>