octobre-décembre 2014
éclairages ❙19
sur notre futur commun
de climat de l’IPSL aux observations
collectées sur le Site instrumental de
recherche par télédétection atmosphé-
rique (Sirta) de l’IPSL (sur le plateau de
Saclay, Ile-de-France), nous ont permis
de démontrer l’impact des nappes non seu-
lement sur l’humidité des sols, mais aussi
potentiellement sur le climat.
Démarche
Très classiquement, le principe de
notre étude était de comparer les résul-
tats d’un modèle à des observations,
pour analyser les qualités et défauts du
modèle, et proposer des améliorations
aux derniers, afi n de rendre les simula-
tions plus proches des observations, i.e.
plus réalistes. Sur le site du Sirta, une
quarantaine de variables environne-
mentales sont mesurées, dont les prin-
cipales pour caractériser les échanges
surface/atmosphère sont la tempéra-
ture et l’humidité dans l’air et dans le
sol, les précipitations, le rayonnement
incident, et les fl ux de chaleur sensible
et latente (ce dernier fl ux d’énergie
étant proportionnel au fl ux d’eau que
constitue l’évapotranspiration).
Le modèle évalué dans ce cadre est le
modèle de climat de l’IPSL, qui couple
un modèle de l’atmosphère, appelé
LMDZ, et un modèle des surfaces
continentales, appelé Orchidée, dont
le rôle est de décrire les fl ux d’eau et
d’énergie entre les surfaces continen-
tales et l’atmosphère. Cela implique de
décrire les transferts et la rétention d’eau
au sein du système constitué par les
sols et la végétation qui y est enracinée,
en tenant compte de leurs propriétés
physiques et biologiques. Le modèle
Orchidée bénéfi cie d’une description à
bases physiques de l’hydrologie du sol,
qui repose sur un sol de 2 mètres de pro-
fondeur, où les mouvements d’eau ver-
ticaux sont décrits selon l’équation dite
de Richards, résolue numériquement
pertinente avec les données pour
identifi er les versions du modèle de
climat les plus réalistes en termes de
couplage surface/atmosphère (Cheruy
et al., 2013).
Résultats principaux
En utilisant l’approche ci-dessus, nous
nous sommes d’abord focalisés sur
l’évaluation approfondie du modèle
Orchidée-Richards, en profi tant notam-
ment des données d’humidité du sol
collectées au Sirta à cinq profondeurs
depuis 2007. Ces données ont révélé
la présence d’une nappe à faible profondeur,
qui est épisodiquement affl eurante en hiver
et qui s’abaisse en été au-delà des 50 cm
investigués au Sirta. Elle est probable-
ment associée à une lentille d’argile à
meulière, formation imperméable pré-
sente à environ 4 mètres de profondeur
de manière discontinue sur le plateau
de Saclay (source BRGM ; détails dans
Campoy, 2013).
Dans le modèle Orchidée-Richards, la
diff usion de l’eau dans le sol suppose
un drainage libre au fond du sol, ce
sible, également plus conforme aux
observations du Sirta.
Dans une deuxième étape, nous avons
examiné la réponse du climat simulé
aux diff érentes versions du modèle
Orchidée. À l’échelle européenne,
comme à celle du Sirta, l’impact >>>
➋ Comparaison des diff érentes versions d’Orchidée identifi ées en Figure 3
avec les observations du Sirta, en moyenne sur la période 2002-2009
sur 11 couches. Cette paramétrisation,
notée Orchidée-Richards, fut précé-
demment testée dans des contextes cli-
matiques variés, mais toujours en mode
forcé par des données météorologiques
observées, et les travaux synthétisés ici
constituent la première évaluation du
modèle Orchidée-Richards en mode
couplé avec un modèle atmosphérique.
Comme illustré en Figure 1, le modèle
atmosphérique LMDZ est utilisé dans
une version zoomée, avec des mailles
plus petites dans la zone d’intérêt, ici
de 120 km de côté en Ile-de-France,
où se situe le Sirta. Il est aussi guidé
régionalement par des réanalyses d’ob-
servations météorologiques (produites
par le Centre européen pour les prévi-
sions météorologiques à moyen terme),
c’est-à-dire contraint de suivre les tem-
pératures et le vent des réanalyses, et
ce d’autant plus fortement que l’on
s’éloigne du centre du zoom. Cette
approche permet de bien reproduire la
variabilité synoptique du climat au centre
du zoom, mais celui-ci reste sensible
aux conditions de surface, puisque le
guidage y est localement négligeable.
Elle permet donc une comparaison
qui est très classique dans les modèles
de surface continentale, mais n’est pas
cohérent avec la présence d’une nappe
à faible profondeur, constituant un
frein au drainage vertical. En consé-
quence, notre simulation de référence
(REF, en noir sur la Figure 2) montre
des humidités plus faibles que les
observations sur les 50 centimètres
instrumentés.
Comme illustré en Figure 3, nous avons
donc testé deux nouvelles conditions à
la base du sol : (i) un drainage réduit
par un facteur F, allant de F=1 pour
le drainage gravitaire original à F=0
pour un fond imperméable ; (ii) une
saturation forcée sous une certaine
profondeur dans la colonne de sol, ce
qui revient à imposer une nappe fi xe à
une certaine profondeur. Pour préserver
cette nappe face à l’évapotranspiration
qui fait baisser la nappe en été, il faut
un apport « artifi ciel » d’eau vers la
colonne de sol, qu’on peut voir comme
un drainage ascendant, et qui s’avère
d’autant plus fort que la saturation
imposée est proche de la surface.
Les humidités simulées au Sirta sont
plus fortes, et nettement plus réalistes,
en considérant un fond imperméable,
et plus encore en imposant une nappe,
ce qui est déterminant en été (août).
À cette période, le profi l observé est
encadré par les profi ls simulés en impo-
sant une nappe à 1,3 et à 0,5 m de
profondeur, ce qui suggère que le toit
de la nappe se situe entre ces deux pro-
fondeurs en été au Sirta (Figure 2, en
haut). L’augmentation de l’humidité
du sol dans les nouvelles versions du
modèle Orchidée permet de mieux
soutenir la demande évaporative, d’où
une augmentation du fl ux de chaleur
latente (Figure 2, en bas). Comme pour
l’humidité du sol, ce sont les deux simu-
lations imposant une nappe à 1,3 et à
0,5 m de profondeur qui encadrent
les observations (matérialisées par la
droite horizontale en pointillés), ce qui
conforte l’hypothèse d’un lien fort entre
nappe et évapotranspiration au Sirta.
En parallèle, les diff érentes simulations
montrent une baisse de la température
de surface et du fl ux de chaleur sen-
➊ Le modèle climatique de l’IPSL en confi guration zoomée-guidée
autour du site instrumental Sirta (situé en Ile-de-France, sur le plateau de Saclay,
à l’École Polytechnique).
En haut : profi ls d’humidité moyens (en m3/m3) à diff érentes saisons ; les points noirs donnent la
moyenne des mesures Sirta, et montrent une nappes à faible profondeur quand ils sont accolés au
bord droit des graphiques, correspondant à la saturation du sol (0,43 m3/m3) ; les croix colorées les
moyennes des simulations en excluant les lacunes de mesure. En bas : diff érence entre le fl ux de
chaleur latente simulée dans la maille du Sirta et les observations, qui apparaissent donc comme
une ligne horizontale positionnée en 0.
➌ Les diff érentes versions d’Orchidée testées en confi guration zoomée-guidée
par comparaison aux observations du Sirta. Les couleurs correspondent à celles
des courbes de la Figure 3.