Les groupes de symétries - Le Repaire des Sciences

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CHAPITRE 1
Les groupes de symétries
1.1 Introduction
La recherche des solutions d’un problème physique comme par exemple la résolution
des équations de la mécanique (classique ou quantique) est facilité par des considérations
générales dites « de symétrie ». La théorie des groupes de transformations de symétrie a
pour but de systématiser ces techniques simplificatrices.
Chaque fois que l’on peut découvrir, par la simple observation des équations
d’évolution d’un système, une propriété d’invariance sous l’effet d’un certain type de
transformation, la recherche de la solution est simplifiée. Par exemple, pour un système
mécanique isolé, les équations d’évolution sont invariantes par translation dans le temps
(changement de t en t + t0). Cette propriété permet de découvrir une certaine fonction des
variables positions et impulsions ({qi} et {pi}) qui reste constante au cours de l’évolution et
qui est l’énergie E. Le fait que les états successifs, {qi(t), pi(t)} soient soumis à la contrainte
E({qi}, {pi}) = Cte simplifie naturellement la recherche des trajectoires. Il existe d’autres
invariants fondamentaux pour les systèmes mécaniques isolés : ce sont l’impulsion totale,
qui résulte de l’invariance des équations par toute translation dans l’espace, et le moment
cinétique total, qui résulte de l’invariance des équations par toute rotation dans l’espace.
Beaucoup de systèmes modèles étudiés en physique ou en chimie ne sont pas isolés
mais placés dans un environnement qui exerce sur eux des actions ayant des propriétés de
symétrie bien définies. Les équations décrivant ces systèmes sont alors invariantes sous
l’effet des transformations associées à ces propriétés de symétrie. Par exemple, le système
des électrons de liaisons dans la molécule de méthane CH4, que l’on étudie pour expliquer
la cohésion de cette molécule, est soumis à des interactions avec les cinq noyaux qui sont
orientées suivant une ométrie tétraédrique bien établie par l’expérience. Les équations
décrivant ces électrons sont invariantes sous l’effet de toute opération de rotation ou de
réflexion qui laisse inchangé le squelette tétraédrique des cinq noyaux. La recherche des
états propres de ce système quantique est simplifiée lorsqu’on postule a priori ces propriétés
d’invariance.
Nous nous attacherons dans ce cours à présenter la méthode permettant l’exploitation
systématique des propriétés d’invariance sous l’effet des transformations de rotation ou de
réflexion.
1.2 Le groupe des rotations-réflexions de l’espace
Les opérations de transformation d’un système que l’on envisage peuvent être
complètement décrites à partir d’opérations de changements de repère : le transformé par
un tel changement d’un système  dont les coordonnées des différents points par rapport
à un trièdre   sont {xi} est le système  repéré par les mêmes coordonnées {xi} mais
mesurées par rapport à un nouveau trièdre  . À tout changement de repère est ainsi
associé une transformation du système considéré. Nous n’envisageons dans ce cours que les
changements de repère suivants :
les rotations autour d’un axe C notées C(α) (α : angle de rotation)
les réflexions sur un miroir σ (ou symétries par rapport à un plan), notées par la même
lettre σ.
L’axe C et le plan σ sont appelés les éléments de symétrie des deux opérations citées.
Comme nous souhaitons découvrir, parmi ces transformations, celles qui laissent inchangé
un objet de dimensions finies comme un molécule, sans en déplacer le centre de gravité,
nous nous limiterons aux rotations dont les axes passent par un même point et aux
réflexions sur des miroirs passant aussi par ce point.
Il est facile de définir, sur l’ensemble de ces opérations de rotations-réflexions, une loi
de compostion interne appelée multiplication : le produit R2R1 du changement de repère R1
qui change   en   par le changement de repère R2 qui change   en   est le
changement de repère qui change   en  . Cette loi de composition interne donne à
l’ensemble des rotations-réflexions une structure de groupe :
l’associativité, R3(R2R1) = (R3R2)R1 est évidente,
l’élément neutre E ou identité est le changement qui transforme   en lui-même.
L’inverse R-1 du changement de repère R qui transforme   en   est celui qui
transforme   en  .
On aura en particulier :
C(α’)C(α) = C(α + α’) (1.2,1)
C(α + 2kπ) = C(α) k entier (1.2,2)
C(2kπ) = E (1.2,3)
C-1(α) = C(-α) car C(-α)C(α) =E (1.2,4)
σ-1 = σ car σσ =E (1.2,5)
Le groupe de toutes les rotations-réflexions a naturellement un nombre infini
d’éléments obtenus par multiplication de toutes les rotations et les réflexions entre elles.
Certains éléments portent des noms :
le produit d’une rotation d’angle α autour d’un axe C par une réflexion sur un miroir
perpendiculaire à C est appelé rotation impropre d’axe C est est noté S :
σhC(α) = S(α) (1.2,6)
(l’indice h, pour « horizontal », signifie que le miroir σ est perpendiculaire à l’axe
principal C, toujours arbitrairement considéré comme vertical)
la rotation impropre d’angle π est appelée symétrie centre et est notée i :
S(π) = i (1.2,7)
(le centre de symétrie est l’intersection de C et de σh)
Remarque : Pour découvrir le résultat de la multiplication de plusieurs rotations autour du
même axe ou autour d’un deuxième axe perpendiculaire et de plusieurs réflexions sur des
2
miroirs perpendiculaires à ces axes, on peut adopter la représentation schématique
suivante : On figure par un point C l’intersection de l’axe principal de rotation avec
le plan de la feuille. La position initiale du trièdre est choisie de
manière que deux vecteurs de base soient dans le plan de la feuille et le
troisième perpendiculaire à ce plan. Le premier vecteur de base est
supposé dirigé vers le point C et n’est pas figuré . Le deuxième lui est
perpendiculaire dans le plan de la feuille et est figuré par une flèche. Le
troisième est figuré par un petit cercle entourant un point ou entourant une
croix suivant qu’il est dirigé vers l’avant ou vers l’arrière de la feuille.
On peut, à l’aide de ces conventions, représenter le résultat des
applications successives de plusieurs rotations-réflexions sur le trièdre
 . Donnons deux exemples dont les résultats seront utiles :
(C)



(C’)
Figure 1.2

σ
v(
α
)
α
β
σv(β)
(C)


Figure 1.3
Le produit d’une réflexion sur un miroir σh (confondu avec le plan de la feuille) par
une rotation de π autour d’un axe C’ contenu dans le même plan et passant par le point C,
est l’opération qui transforme en  par l’intermédiaire de (dont l’origine a
été décalée de celle de  pour rendre la figure 1.2 plus lisible). Cette opération est égale
à une réflexion σv sur un miroir perpendiculaire au plan de la feuille et contenant C’. On
désigne par C’
2
: l’opération de rotation de π autour de l’axe C’ et, d’une façon nérale, par
Cn l’opération de rotation de 2π/n autour d’un axe C. On a donc :
C’
2
σh = σv (1.2,8)
D’où l’on déduit, en multipliant à droite par σh-1 = σh :
C’
2
= σv σh (1.2,9)
et en multipliant à gauche par (C’
2
)-1 = C’
2
:
σh = C’
2
σv (1.2,10)
D’où le résultat : dans l’ensemble des trois opérations constitpar les réflexions sur deux
miroirs perpendiculaires et la rotation de π autour de leur intersection, le produit de deux
quelconques d’entre elles est égal à la troisième.
Le produit de deux réflexions successives sur des miroirs σv différents, repérés sur la
figure 1.3 par les angles β et α que font leurs traces sur le plan de figure avec le vecteur de
 dirigé vers (C), est l’opération qui transforme  en  par l’intermédiaire de
 . C’est une rotation autour de (C) d’angle α +(α -2β) = 2(α -β) :
σv(α) σv(β) = C(2α-2β) (1.2,11)
1.3 Les sous-groupes du groupe de toutes les rotations-
réflexions
1.3.1 Position du problème
Le but est de rechercher toutes les rotations-réflexions qui laissent inchangé un objet
donné. Ces opérations appartiennent nécessairement au groupe de toutes les rotations-
réflexions de l’espace, que nous appellerons , mais elles n’en constituent qu’un sous-
ensemble. De plus, si R et R’ sont deux opérations de qui laissent l’objet invariant, leur
produit le laisse aussi invariant et les opérations inverses également. Le sous-ensemble des
éléments de ainsi recherché possède donc les deux propriétés suivantes :
il contient le produit de deux quelconques de ses éléments
il contient l’inverse de l’un quelconque de ses éléments.
Comme l’identité E est le produit de deux éléments inverses, il contient aussi E et possède
donc lui-même une structure de groupe . C’est un sous-groupe de que nous noterons G.
Si ce sous-ensemble contient un nombre fini g d’éléments distincts, la première de ces
propriétés suffit pour garantir la structure de groupe. Le nombre g s’appelle l’ordre du
sous-groupe G. Cette propriété se démontre comme suit :
Théorème de arrangement : Soit G = {R1, …Ri, Rj, …Rg} un sous ensemble de g
éléments distincts de contenant le produit de deux quelconques d’entre eux. La liste des
g produits droite ou à gauche) de tous ces éléments par l’un quelconque d’entre eux
forme un ensemble identique à G dont les éléments sont rangés dans un ordre différent.
Démonstration : On construit la table de multiplication de G sous la forme d’un tableau à
double entrée dont les deux entrées, horizontale et verticale, sont identiques à la liste {R1,
…Ri, …Rj, …Rg}.
R1 Ri Rj Rg
R1 R1R1 R1Ri R1Rj R1Rg
Rk RkR1 RkRi RkRj RkRg
Rg RgR1 RgRi RgRj RgRg
La cellule placée à l’intersection de la ligne Rk et de la colonne Ri contient le produit RkRi.
Le théorème affirme que chacune des lignes (ou chacune des colonnes) est formée des
(C)

Figure 1.1
3
mêmes éléments que ceux de la liste d’entrée (dans un ordre différent). Pour le montrer,
notons d’abord que la ligne Rk par exemple ne contient que des éléments de la liste
d’entrée, d’après la propriété de G. Il suffit de vérifier qu’elle ne peut en contenir deux
identiques pour être sûr qu’elle les contient tous. Or l’identité RkRi = RkRj par exemple
impliquerait Ri = Rj puisque tout Rk appartient au groupe et possède donc un inverse.
Ceci est impossible car tous les éléments de G sont distincts.
Conséquence :
la ligne Rk contient nécessairement Rk c’est-à-dire qu’il existe un Ri tel que RkRi = Rk.
L’élément Ri est donc l’élément neutre E de qui est nécessairement inclus dans G.
la ligne Rk contient donc aussi E c’est-à-dire qu’il existe un Rj tel que RkRj = E.
L’élément Rj est donc l’inverse de Rk qui est donc inclus dans G.
Il en résulte que G forme un sous-groupe de .
1.3.2 Opérations génératrices
Tout sous-ensemble de rotations-réflexions qui laissent inchangé un objet donné est
donc un sous-groupe de . Pour découvrir un tel sous-ensemble, on cherche à extraire de
tous les sous-groupes possibles. D’après le raisonnement précédent, une manière simple de
vérifier qu’un sous-ensemble d’un nombre fini d’éléments de est un sous-groupe est de
construire sa table de multiplication et de s’assurer qu’elle ne contient que des éléments de
la liste d’entrée. On dit qu’elle est fermée. Pour détecter tous les sous-groupes de on
commence par en extraire les plus petits. Pour cela on introduit d’abord dans la liste
d’entrée un petit nombre d’éléments (1, 2 ou 3). Ces éléments sont appelés éléments
générateurs (ou opérations génératrices) de G. On construit la table de leurs produits. S’il y
apparaît des éléments différents de ceux déjà inscrits dans la liste d’entrée on les ajoute à
cette liste puis on reconstruit la nouvelle table. On recommence la même opération jusqu’à
l’obtention d’une table fermée. Pour un choix quelconque des éléments générateurs, la liste
d’entrée croît très rapidement sans que l’on parvienne à fermer la table. Ceci n’apparaît
possible que pour certains choix très particuliers des éléments générateurs. L’ensemble des
éléments générateurs d’un même sous-groupe n’est pas unique ; deux ensembles différents
peuvent générer le même sous-groupe.
Recherchons par exemple les sous-groupes G construits à partir d’une seule rotation-
réflexion R. Tout élément de G ne peut être que le produit de R plusieurs fois par lui même.
Il est noté Ri (i entier). Comme la fermeture de la table de multiplication implique que
l’identité E soit l’un de ces éléments, il doit exister un entier n tel que Rn = E. La table de
multiplication a donc l’aspect suivant :
R R2 Ri Rn=E
R R2 R3 Ri+1 R
: : : : : : :
: : : : : : :
Rn=E
R R2 Ri E
Chaque ligne est une permutation circulaire de la précédente. Un tel groupe est appelé
groupe cyclique. L’entier n est aussi l’ordre du groupe : n = g.
La propriété Rn = E suffit donc à assurer que R puisse être l’élément générateur
unique d’un groupe cyclique. Toute rotation-réflexion R de ne possède pas cette
propriété :
Si R = σ, σ2 = E et cette opération génère le groupe d’ordre 2 noté Cs qui ne contient
que les deux opérations σ et E.
Si R = C(α), la condition [C(α)]n = E, qui s’écrit aussi C(nα) = C(2π), implique que
l’angle α soit une fraction de 2π et limite les rotations possibles à C(2π/n), notées Cn. On
note aussi Cn ces différents groupes.
Si R est le produit d’une rotation autour de C par une réflexion sur un miroir
quelconque σ, c’est-à-dire si R = σC(α) ou R = C(α) σ (le produit est en général non
commutatif), la condition Rn = E limite à deux les possibilités d’orientation relative de C et
de σ :
Le miroir σ peut contenir C. Les produits σvC(α) et C(α) σv se calculent alors
aisément à partir de la relation (1.2,11) :
En la multipliant à gauche par [σv(α)]-1 = σv(α) et en posant 2(α-β) = β, on obtient :
σv(α) C(β’) = σv(α - β’/2) (1.3,1)
En la multipliant à droite par [σv(β)]-1 = σv(β) et en posant 2(α -β) = α’, on obtient :
C(α’) σv(β) = σv(β + α’/2) (1.3,2)
Dans les deux cas, l’opération R se réduit à une simple réflexion σ et génère le groupe
cyclique Cs déjà étudié.
Le miroir σ peut être perpendiculaire à C. Les deux opérations C(α) et σh commutent
alors et leur produit est par définition la rotation impropre S(α). La condition [S(α)]n =
E s’écrit alors (σh)n [C(α)]n = E et ne peut être vérifiée que si n est paire et si α = 2π/n.
Seule un rotation impropre S2p (p entier) peut engendrer un groupe cyclique . On note
aussi ce groupe S2p. Il est d’ordre 2p et contient p rotations et p rotations impropres.
Nous venons ainsi d’énumérer tous les sous-groupes cycliques de (sans avoir
montré rigoureusement qu’il n’en existe pas d’autres). Pour poursuivre l’énumération par
les sous-groupes générés par 2 ou 3 opérations, il est utile de rappeler deux notions de
théorie des ensembles qui seront utiles à leur description : celle de classe d’éléments
équivalents et celle de produit direct de groupe.
1.3.3 Éléments conjugués et structure en classes
Deux éléments R et R’d’un groupe G sont dits conjugués ou équivalents (on notera
R’~ R) s’il existe un élément S de G tel que : R’ = S-1RS. Cette relation est réflexive (R ~ R
car R-1RR = R). Elle est symétrique (si R’ = S-1RS, R = SR’S-1 = (S’)-1R’S’ avec S’ = S-1).
Elle est transitive (si R’ = S-1RS et R’’ = T-1R’T, alors R’’ = T-1S-1RST = U-1RU avec U =
ST). C’est donc une relation d’équivalence. La collection de tous les éléments conjugués
entre eux forme une classe d’équivalence. L’ensemble des éléments du groupe peut ainsi
être structuré en classes disjointes (si un élément était commun à deux classes il serait
conjugué de tous les éléments des deux classes qui n’en formeraient donc plus qu’une
seule).
4
Certains éléments ne peuvent être conjugués avec aucun autre et forment chacun une
classe. C’est le cas en particulier de tout élément R qui commute avec tous les éléments de
G puisque dans ce cas tout élément conjugué s’écrit S-1RS = S-1SR = R.
Voici quelques gles permettant de découvrir les éléments conjugués d’une rotation-
réflexion d’un groupe G extrait de :
Une rotation C(α) autour d’un axe C est conjuguée de la rotation C(-α) autour du
même axe s’il existe dans G soit une rotation de π, C2
, autour d’un axe
perpendiculaire, soit une réflexion σv sur un miroir contenant C.
Exercice : En utilisant les relations fondamentales (1.2,8 à 11) et (1.3,1 et 2), démontrer
les relations de conjugaison σvC(α) σv = C(-α) et C2
C(α) C2
= C(-α).
Une rotation C(α) autour d’un axe C est conjuguée de la rotation C’(α) autour d’un
axe C’ s’il existe dans G une opération qui transforme l’axe C en l’axe C’.
Les mêmes règles sont valables pour les rotations impropres.
Exercice : en exploitant la commutativité de σh avec σv et C2
, démontrer les relations de
conjugaison σvS(α)σv =S(-α) et C2
S(α)C2
= S(-α).
Une réflexion sur un miroir σ est conjuguée d’une réflexion sur un miroir σs’il existe
dans le groupe G une opération qui transforme le plan σ en le plan σ’.
1.3.4 Produit direct de deux sous-groupes
Soit GR et GS deux sous-groupes de
n’ayant que E en commun
tels que RS =SR pour tout R appartenant à GR et tout S appartenant à GS.
L’ensemble des produits RS = SR contient le produit de deux quelconques de ses éléments
((RS)(R’S’) = (RR’)(SS’) avec (RR’) GR et (SS’) GS) et l’inverse de l’un quelconque
de ses éléments ((RS)-1 = (SR)-1 = (R-1S-1) avec R-1 GR et S-1 GS). Il forme donc un
sous-groupe de appelé produit direct de GR par GS et noté GRGS.
Dans l’énumération des sous-groupes de , certains apparaîtront comme des produits
directs de deux autres. Les deux exemples les plus courants seront les sous-groupes GRCs
et GRCi Cs et Ci sont deux sous-groupes à deux éléments : E et σ pour Cs (voir
paragraphe 1.3.2), E et i = S(π) pour Ci. Le sous-groupe GR ne doit contenir que des
opérations qui commutent avec σ ou i ; il possède un axe principal autour duquel se font
toutes ses rotations et qui doit être perpendiculaire au miroir σ que l’on note pour cette
raison σh. Si GR est un sous-groupe d’ordre g, les sous-groupes GRCs et GRCi sont tous
les deux d’ordre 2g. Ils sont constitués par les g opérations de GR et leurs produits σhR ou
iR. Il est facile de vérifier que si l’ensemble {R} des éléments de GR peut être divisé en
plusieurs classes, il en est de même de l’ensemble {σhR} ou {iR}. (si R’ est conjugué de R,
σhR’ est conjugué de σhR et iR’ de iR). Le produit direct GRCs ouGRCi possède donc
deux fois plus de classes que GR.
1.3.5 Énumération des sous-groupes
Les sous-groupes de sont construits à partir d’un petit nombre d’opérations
génératrices bien choisies. On sépare ces sous-groupes en deux catégories. Ceux de la
première sont engendrés par une rotation d’une fraction de 2π autour d’un axe, complétée
par une ou deux autres opérations génératrices qui ne peuvent être que des réflexions σv ou
σh ou une rotation de π, C2
, autour d’un axe perpendiculaire au premier. Celui-ci est appelé
axe principal de rotation et ces groupes sont appelés groupes simples. Les sous-groupes de
la seconde catégorie contiennent, dans leurs opérations génératrices, au moins deux
rotations autour de deux axes distincts faisant entre eux un angle différent de π/2. Ils sont
appelés groupes spéciaux.
1.3.5.1 Groupes simples
Ils sont séparés en trois familles suivant le nombre d’opérations génératrices :
Nous avons déjà énuméré les sous-groupes de engendrés par une seule opération
génératrice. Ce sont les groupes cycliques Cs, Cn et S2p. Ils ont respectivement 2, n et 2p
éléments et autant de classes puisque tout élément d’un groupe cyclique commute avec tous
les autres et ne peut donc être conjugué que de lui-même. Pour n =1, le groupe C1 se réduit
à la seule opération identité E. Pour p = 1, le groupe S2 ne contient que E et S(π) = i ; et est
noté Ci.
À partir de deux opérations génératrices, on ne peut construire un sous-groupe simple
de que si les orientations des éléments de symétrie sont très particulières. On peut ainsi
associer à une rotation Cn soit un miroir σv contenant l’axe de rotation, soit un miroir σh
perpendiculaire, soit leur produit c’est-à-dire une rotation C2
de π autour d’un axe
perpendiculaire à C. Chacun de ces trois couples donne naissance à une famille de groupes
de symétries :
Le groupe Dn est engendré par Cn et C2
. Ce groupe contient les n opérations (Cn)i (i =
1 à n) ainsi que leurs produits par C2
. On obtient ces produits en utilisant les relations
fondamentales (1.2,8 à 11) et (1.3,1 et 2). En repérant la position de l’axe de C2
par l’angle
β qu’il fait avec une direction origine passant par C dans le plan perpendiculaire à C, ces
produits peuvent s’écrire C(α)C2
(β) avec α = 2kπ/n. Noter que les arguments de C2
et de C
ont des significations différentes : le premier précise la position de l’axe C2
et le second
l’angle de la rotation autour de C. En utilisant (1.2,9), il est facile de voir que la relation
(1.3,2) se transcrit directement, par multiplication des deux membres par σh, sous la forme :
C(α’) C2
(β) = C2
(β + α’/2) (1.3,3)
En choisissant pour axe d’origine de mesure des angles β celui de l’opération génératrice
C2
, en notant pour simplifier par C2
(i) l’opération C2
(iπ/n) et par Cnk l’opération C(2kπ/n),
cette relation s’écrit :
Cnk C2
(i) = C2
(i + k) (1.3,4)
À partir de (1.3,1) au lieu de (1.3,2) on aurait obtenu la relation équivalente :
C2
(i) Cnk= C2
(i – k) (1.3,5)
Nous venons ainsi d’identifier 2n éléments de Dn : les n rotations autour de C, {Cnk}, et les
n rotations de π autour des axes C2
faisant entre eux des angles de π/n, {C2
(i)}. Notons que
5
C2
(i + n) = C2
(i) et qu’il suffit de faire varier i de 1 à n pour obtenir toutes les opérations
C2
. Il est facile de vérifier que le produit de deux opérations C2
redonne une rotation autour
de C. Il suffit de multiplier les deux membres de (1.2,11) deux fois par σh pour obtenir en
effet :
C2
(i) C2
(j) = Cn(i – j) (1.3,6)
Le groupe Dn ne contient donc que ces 2n opérations qui peuvent être réparties en classes.
La classe des opérations conjuguées de Cnk est constituée des opérations {R-1CnkR} où
R est l’une des 2n opérations du groupe. D’après (1.2,1), les opérations R = Cn ne donnent
naissance à aucune nouvelle opération conjuguée (Cn- Cnk Cn = Cnk). Par contre, les
opérations C2
(j) fournissent, d’après (1.3,4 à 6) : C2
(j) Cnk C2
(j) = Cn-k. Les deux rotations
d’angles opposés se rassemblent donc dans la même classe, en accord avec la règle énoncée
au paragraphe 1.3.3.
La classe des opérations conjuguées de C2’(i) est constituée des opérations
{R-1C2’(i)R}. À l’aide des expressions (1.3,4 à 6), on montre aisément que Cn-kC2
(i)Cnk =
C2
(i 2k) et que C2
(j) C2
(i) C2
(j) = C2
(2j i). Lorsque k et j prennent toutes les valeurs
entières, les deux ensembles d’opérations obtenus sont identiques (il suffit que j = i – k pour
que l’opération j du deuxième coïncide avec l’opération k du premier). Il reste à savoir si
cet ensemble unique, {C2
(i 2k), k[1, n]}, recouvre toutes les opérations C2
du groupe.
On peut pour cela séparer en deux parties cet ensemble de n éléments. Cette séparation sera
différente suivant que n est pair ou impair :
pour n pair, on choisit les deux parties suivantes :
p1 = {C2
(i – 2k), k[1, n/2]} et p2 = {C2
(i – 2(n/2 + k)), k[1, n/2]}
pour n impair, on choisit les deux parties suivantes :
p1’ = {C2
(i – 2k), k[1, (n – 1)/2]} et p2’ = {C2
(i – 2((n – 1)/2 + k)), k[1, (n + 1)/2]}
En vertu de la relation de périodicité, C2
(j) = C2
(j + n), il est facile de voir que p2 est
identique à p1 mais que p2 = {C2
(i + 1 – 2k), k[1, (n + 1)/2]} est différent de p1’. Dans le
cas n est pair, l’ensemble des éléments conjugués de C2
(i) ne contient donc que n/2
éléments distincts. Les n/2 autres opérations C2
sont les conjuguées de C2
(i + 1) et forment
une seconde classe. Dans le cas où n est impair au contraire, les n opérations C2
se
retrouvent soit dans p1’, soit dans p2’ et se rassemblent donc toutes en une seule classe.
Exercice : Dessiner les axes C2
des groupes D3 et D4 en indiquant ceux qui appartiennent à
la même classe.
Le groupe Cnv est engendré par les deux opérations génératrices Cn et σv. Il se décrit
exactement de la même façon que Dn en substituant les miroirs σv(i) aux axes C2
(i).
Le groupe Cnh est engendré par les deux opérations Cn et σh (miroir perpendiculaire à
l’axe C). Il peut toujours être décrit comme le produit direct CnCs. Il contient donc 2n
opérations : {Cni} et {σhCni}. Ces dernières sont toujours notées sous la forme d’une
puissance impaire de Sn = σhCn. En effet, si i est impair, Sni = σhCni et, si i est pair, on peut
toujours exprimer Cni sous la forme d’une puissance impaire d’une rotation en écrivant Cni
= Cn(i + n) si n est impair ou Cni = Cn/2i/2 si n est paire, ou toute combinaison de ces deux
changement d’écriture permettant d’obtenir une puissance impaire.
Exercice : Écrire les 2n opérations des groupes Cnh pour n = 3 et n = 6.
Pour n pair, le groupe contient l’opération σhCnn/2 = S(π) = i et il peut aussi être décrit
comme le produit direct CnCi. On écrit alors ses n dernières opérations dans un ordre
différent : iCn0 = i, iCn1, iCn2, au lieu de σhCn0 = σh, σhCn1, σhCn2, …Il s’agit
naturellement des mêmes opérations.
À partir de trois opérations génératrices, on peut construire deux nouveaux groupes
simples.
Le groupe Dnh est engendré par les trois opérations Cn, C2
, σh. Il peut être décrit
comme le produit direct DnCs et, quand n est pair, comme DnCi. Il contient donc deux
fois plus d’opérations que Dn soit 4n. Noter que les produits de σh par C2
(i) sont des miroirs
σv(i) (voir l’équation (1.2,8)). Comme pour Dn, le regroupement des opérations en classes
dépend de la parité de n. Il y a deux fois plus de classes que dans Dn.
Le groupe Dnd est engendré par les trois opérations Cn, C2
, σd. Cette dernière
opération est un miroir vertical qui ne peut contenir l’un des axes C2
(i) sinon le groupe
contiendrait le produit C2
(i)σv(i) = σh (voir l’équation (1.3,10)) et serait donc le groupe Dnh.
Pour engendrer un nouveau groupe, σd est un miroir vertical dont la trace horizontale est
bissectrice de l’angle entre deux C2
successifs. Le miroir compris entre les axes C2
(i) et
C2
(i + 1) peut être repéré par l’angle (i + i +1)π/2n = (i + ½)π/n et peut être noté σv(i + ½).
Le groupe contient donc les 2n opérations de Dn, les n produits des Cnk par le σdnérateur
c’est-à-dire les n miroirs {σv(i + ½), i [1, n]} et enfin les produits des C2
(j) par les
σv(i + ½). On obtient ces produits à l’aide des relations fondamentales :
D’après (1.2,9) C2
(j) = σv(jπ/n) σh
D’où σv((i + ½)π/n) C2
(j) = σv((i + ½)π/n) σv(jπ/n) σh
Soit, d’après (1.2,11)
σv((i + ½)π/n) C2
(j) = C((2i – 2j + 1)π/n) σh = S2n2i – 2j + 1 (1.3,7)
Ces n nouvelles opérations sont donc les puissances impaires des rotations impropres
d’ordre 2n (d’angle π/n). L’existence des axes C2
(ou des miroirs σd) implique que les
rotations impropres d’angles opposés appartiennent à la même classe. Noter de plus que
tous les axes C2
appartiennent à la même classe, que n soit pair ou impair, car les miroirs σd
les transforment les uns dans les autres. Pour des raisons analogues, tous les miroirs σd sont
conjugués grâce à l’existence des C2
.
1.3.5.2 Les groupes spéciaux
Ces groupes sont engendrés par des opérations génératrices dont les éléments de
symétrie font entre eux des angles différents de 0 ou π/2. On montre que la seule possibilité
pour construire un sous-groupe fini est de choisir les éléments de symétrie de ces opérations
génératrices parmi ceux des cinq polyèdres réguliers : le tétraèdre (4 faces triangulaires), le
cube (6 faces carrées), l’octaèdre (8 faces triangulaires) le dodécaèdre (12 faces
pentagonales) et l’icosaèdre (20 faces triangulaires).
Le groupe T (ou groupe du tétraèdre) est engendré par deux opérations qui peuvent
être par exemple deux rotations de 2π/3 autour de deux des axes de symétrie d’un tétraèdre
régulier. La figure 1.4 fait apparaître ces deux axes comme deux grandes diagonales du
cube dans lequel on peut inscrire le tétraèdre. On choisit par exemple pour opérations
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