
AnAlyse d’une séAnce de physique en seconde: quelle continuité dAns les prAtiques?
Andrée Tiberghien
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Dans l’ensemble des concepts de cette théorie,
deux sont particulièrement essentiels, le contrat
didactique et le milieu.
Le contrat constitue les attentes réciproques du
professeur et de ses élèves (Brousseau, 1998) ; il
inclut un système d’habitudes, dont certaines sont
génériques et durables, et d’autres sont spécifiques
des éléments de connaissance et ont besoin d’être
redéfinies avec l’introduction de nouveaux éléments.
Par exemple, après l’introduction du concept de
force et de sa représentation vectorielle, les attentes
du professeur vis-vis de l’utilisation de la force ne
sont pas les mêmes qu’avant. Le contrat didactique
peut être vu comme un système de normes sociales et
socio-épistémiques relatives à l’institution didactique
dans laquelle prend place le processus didactique
(Cobb, Stephan, McClain & Gravemeijer, 2001).
Le milieu didactique réfère à l’environnement spéci-
fique dans lequel se situent les actions d’enseignement
et d’apprentissage (Sensevy. 2007). Cet environne-
ment comprend les acteurs concernés ou les éléments
matériels à la disposition de ces acteurs, ainsi que les
relations qu’entretiennent ces éléments entre eux et avec
les acteurs dans la situation (Brill, 2002). Le milieu
offre des « affordances », c’est-à-dire des possibilités
d’actions mais que les acteurs n’utilisent pas nécessai-
rement dans leurs actions du moment (Greeno, 1994).
Il est essentiel ici de considérer que le milieu n’est pas
l’environnement vu par un observateur extérieur, mais
les éléments de cet environnement en relation avec
les acteurs. Ces relations vont dépendre des attentes
respectives des acteurs et donc du contrat didactique.
À l’école, le milieu est donc un porteur d’éléments
permettant aux élèves et au professeur de construire
et mettre en œuvre des connaissances dans leurs
différentes actions. Nous considérons que l’apprentis-
sage nécessite que le milieu permettre au professeur
et aux élèves d’ajuster leurs attentes réciproques. Par
exemple, si l’activité proposée est trop compliquée, les
questions non comprises, le matériel de mesure trop
complexe pour les élèves alors l’attente du professeur
concernant les actions des élèves ne pourra pas être
réalisée et l’attente des élèves de comprendre ce qu’on
leur demande de faire non plus. Il y a un déséquilibre.
Pour rendre compte de ces relations milieu-
contrat, l’étude de la façon dont le savoir est en jeu
dans la classe est nécessaire. Pour cela nous prenons
trois perspectives : (1) quel est le savoir en jeu ? (2)
Qui (enseignant / élève (s)) introduit les éléments de
connaissance en jeu dans la situation de classe ? (3)
Dans quelles situations de classe se produisent les
transactions ?
Ces questions nous amènent à utiliser les concepts
suivants caractérisant l’évolution des pratiques de
classe : la chronogenèse correspond au développement
des connaissances au cours de l’enseignement, elle
implique une relation entre le savoir et de temps. La
topogenèse signifie la place des acteurs (enseignants,
étudiants) qui prennent la responsabilité de l’intro-
duction / l’utilisation d’éléments de savoir et dans
quelle mesure leur responsabilité est reconnue par
la classe. La mesogenèse est liée au « milieu », ce sont
les composantes sociales et matérielles de la situa-
tion que les acteurs utilisent dans leurs actions en
vue de construire du sens à la situation et donc des
connaissances.
Pour modéliser l’action conjointe en lien avec
l’idée de transaction, Sensevy propose d’utiliser, le
concept de « jeu didactique » comme « un modèle
pertinent pour mettre en évidence certains aspects
du monde social et de l’activité humaine » (Sensevy,
2007, p. 19). Le jeu didactique implique le profes-
seur, l’élève et le savoir dont il est l’enjeu ; il permet
une approche systémique. Un jeu n’est gagnant pour
le professeur que si l’élève (ou les élèves) est (sont)
gagnant(s) dans la mesure où la construction du sens
du savoir en jeu ne peut être faite que par l’élève.
La classe, un système complexe
Considérer la classe comme un système complexe
nous conduit à utiliser plusieurs échelles et à viser que
les liens entre les échelles permettent de développer la
compréhension de la situation. Nous suivons Lemke
(2001) sur l’idée qu’une analyse détaillée à un niveau
micro ne permet pas aux chercheurs de structurer
l’analyse à un niveau d’échelle supérieur :
“Activities at higher levels of organization are
emergent, their functions cannot be defined at lower
scales, but only in relation to still higher ones. [...]
Going “up” we know the units, but we know neither the
patterns of organization nor the properties of the emergent
higher-level phenomena” (p. 25).