http://www.kaizen-magazine.com/savoir-faire-ses-propres-semences-cest-le-coeur-du-metier-de-
paysan/
Comment fonctionne aujourd’hui le marché des semences ?
Dans les pays industrialisés, la diffusion et donc la sélection des plantes a complètement changé.
Elles sont mises sur le marché par des semenciers en situation de monopole. Et ce, depuis le siècle
dernier. Surtout, il y a eu un basculement avec la vente, de plus en plus fréquente, de semences
hybrides. J’estime qu’elles représentent 80 % des semences commercialisées. Il existe un droit de
propriété sur ces semences, c’est-à-dire qu’il faut payer pour les utiliser. Et, comme je l’ai dit, elles
ne peuvent pas être multipliées. Ce marché est donc très rentable pour les semenciers industriels,
car les agriculteurs doivent acheter tous les ans de nouvelles semences.
Il y a encore quelques décennies, dans le Catalogue officiel des espèces et variétés végétales, bon
nombre de semences n’étaient pas hybrides. Vous pouviez à l’époque prendre une variété et la
multiplier vous-même dans votre jardin. Aujourd’hui, ce n’est pratiquement plus possible. Le prix
pour inscrire une semence à ce Catalogue, donc dans le cadre légal, est très élevé. Cela exclut un
nombre conséquent de personnes morales ou physiques. Tout cela nuit à l’accès à une grande
diversité de graines.
Bien entendu, il existe des associations, même au niveau européen, qui continuent de vendre des
semences à pollinisation ouverte, sur lesquelles il n’existe pas de droit de propriété. Elles essayent
de faire comprendre aux autorités européennes l’importance, pour la biodiversité, de maintenir de
nombreuses variétés de semences qu’on peut multiplier. C’est par exemple le cas de la coalition No
patents on seeds.
Sur qui pouvez-vous vous appuyer afin de réussir dans cette démarche de promotion de
l’agriculture citoyenne ?
L’association Kokopelli est emblématique. Il existe aussi le réseau Semences paysannes.
Lorsque je suis allée en Grèce, j’ai découvert un festival annuel de libre partage de semences.
C’était une initiative de l’association Peliti, très active dans le maintien des semences naturelles.
Cette action est essentielle dans ce pays touché par la crise économique. Cela permet aux habitants
de se nourrir et de retrouver une autonomie alimentaire.
Pourquoi promouvez-vous l’usage de semences libres, reproductibles et transmissibles ?
Cela encourage l’agriculture paysanne, basée sur un équilibre, une harmonie, une biodiversité et le
respect d’un sol vivant. Par ailleurs, cela contribue à préserver le savoir énorme des agriculteurs
sur l’équilibre des sols, l’influence des insectes et des plantes, etc.
Aussi, quand vous utilisez des semences à pollinisation ouverte, vous récoltez beaucoup de graines.
Pour exemples : une seule salade fait des milliers de graines ; une tomate en produit cinquante ; un
plant de haricots vous en donnera une centaine. Cela vous donne l’occasion d’en donner à vos
voisins, de faire des échanges. C’est vraiment à la portée de tous.
Savoir faire ses propres semences est le cœur du métier de paysan et ce savoir doit de nouveau être
partagé. Cela peut consister tout simplement à aller sur le marché près de chez soi, et à discuter avec
les agriculteurs présents ; à visiter leur exploitation pour comprendre comment ils travaillent… Cela
est déjà un premier pas pour renouer avec ce monde paysan.
Propos recueillis par Thomas Masson